M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 21 rectifié, présenté par Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Monier, MM. Éblé, Raynal, Kanner et Antiste, Mme Blondin, MM. Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Ghali, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lalande, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner et Manable, Mmes Taillé-Polian, Conway-Mouret et de la Gontrie, MM. Sueur, Tissot, Fichet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Cet établissement public est créé pour la durée des opérations de restauration et de conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris induites par l’incendie survenu le 15 avril 2019.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Cet amendement tend à limiter la durée d’existence de l’établissement public à celle des travaux directement induits par l’incendie qui a endommagé la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Je précise qu’il s’agit d’un usage en matière de construction ou de restauration de patrimoine historique. Je pense au Grand Louvre ou à de nombreux autres grands ouvrages.
M. le président. L’amendement n° 23, présenté par M. de Montgolfier, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
L’établissement public est dissous à compter de l’achèvement des travaux de conservation et de restauration consécutifs à l’incendie du 15 avril 2019 de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
La parole est à M. Albéric de Montgolfier.
M. Albéric de Montgolfier. Nous nous sommes résolus à la création de cet établissement public, mais il faut que sa mission soit limitée. Prolonger sa durée d’existence au-delà des travaux créerait un précédent dangereux. Après tout, cela pourrait être un mode de gestion de l’ensemble des cathédrales…
L’établissement devra être dissous le jour où les travaux consécutifs à l’incendie seront achevés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Schmitz, rapporteur. Les amendements nos 21 rectifié et 23 visent tous deux à limiter dans le temps le fonctionnement de l’établissement public pour qu’il ne perdure pas au-delà de la durée nécessaire aux travaux liés au sinistre.
Nous avons débattu de cette question avec Albéric de Montgolfier lors de nos travaux en commission. Il nous avait alors promis de nous soumettre en séance une nouvelle rédaction prenant en compte nos remarques sur le fait qu’il était indispensable de permettre à l’établissement public de mener à bien sa mission jusqu’au terme du chantier de restauration lié au sinistre. C’est chose faite avec son amendement n° 23, sur lequel j’émets un avis favorable. En conséquence, je prie Mme Robert de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Robert, l’amendement n° 21 rectifié est-il maintenu ?
Mme Sylvie Robert. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 21 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 23.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 26, présenté par M. Lafon, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
L’ordonnance prévoit notamment la mise en place d’un conseil déontologique. La composition de ce conseil et son objet sont fixés par décret.
La parole est à M. Laurent Lafon.
M. Laurent Lafon. Cet amendement vise à s’assurer que le chantier de la reconstruction sera exemplaire, y compris d’un point de vue déontologique. Il tend à créer un conseil déontologique, qui devra s’assurer des bonnes pratiques en matière de rémunérations et d’avantages en nature et contrôler les éventuelles dérogations aux règles des marchés publics, si jamais l’article 9 venait à être rétabli.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Schmitz, rapporteur. Le comité de contrôle, composé du Premier président de la Cour des comptes et des présidents de la commission de la culture et de la commission des finances du Sénat et de l’Assemblée nationale, est déjà chargé, en application de l’article 7, de contrôler la manière dont seront gérés les fonds de la souscription nationale par l’établissement public. À cet effet, plusieurs informations doivent lui être communiquées chaque année concernant l’affectation et la consommation des fonds.
J’ajoute que, depuis 2018, en application de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, le ministère de la culture a mis en place un collège de déontologie. Ce collège est chargé de rendre un avis sur toute question relative aux règles de déontologie.
S’il était adopté, cet amendement entraînerait un alourdissement du coût de fonctionnement de l’établissement public. Je ne doute donc pas que M. Lafon retirera son amendement. À défaut, j’émettrai malheureusement un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Lafon, l’amendement n° 26 est-il maintenu ?
M. Laurent Lafon. Non, je le retire. Je m’incline devant l’argument du rapporteur et sa force de conviction.
M. le président. L’amendement n° 26 est retiré.
Je mets aux voix l’article 8, modifié.
(L’article 8 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 8
M. le président. L’amendement n° 58 rectifié, présenté par MM. Ouzoulias, Savoldelli et Bocquet, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente, à l’occasion de la loi de finances pour 2020, un projet de loi de programmation, sur cinq ans, du redressement des crédits et des effectifs des services de l’État qui participeront activement au chantier de restauration de la cathédrale de Notre-Dame.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Je remercie vivement la commission et le service de la séance de m’avoir aidé à rédiger cet amendement, qui me touche particulièrement.
Nous avons rencontré, dans le cadre d’une audition de l’Opecst, ma collègue Laure Darcos en a parlé, de nombreux chercheurs et fonctionnaires du ministère de la culture, qui nous ont dit que leur service serait bien entendu à la disposition de la maîtrise d’ouvrage du futur chantier, mais également que les moyens dont ils disposent aujourd’hui ne leur permettront pas d’intervenir de façon forte.
Je pense notamment au laboratoire de recherche des monuments historiques de Champs-sur-Marne, dans un département qui vous est cher, monsieur le ministre. Ce laboratoire dispose d’une compétence exceptionnelle en matière d’analyse des pierres et des carrières, qui pourrait être très utile pour retrouver des carrières où il serait possible d’extraire des pierres similaires à celles qui ont été utilisées lors de la construction de la cathédrale.
Il est très important que, aux côtés du futur établissement public – à caractère administratif, si j’ai bien compris –, les services de l’État qui interviendront sur le chantier, singulièrement ceux du ministère de la culture, soient renforcés. Les fonctionnaires que nous avons auditionnés nous ont dit qu’ils participeraient bien évidemment à ce chantier avec enthousiasme. Ce qui leur manque aujourd’hui, ce sont des forces vives.
Monsieur le ministre, il faut vous engager aujourd’hui à ce que votre ministère soit à la hauteur des enjeux de ce chantier exceptionnel en renforçant les services qui interviendront en parallèle du futur établissement public, de façon complémentaire. Tel est le sens de cet amendement, qui a échappé à l’article 40, grâce au président Bas, que je remercie au passage.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Schmitz, rapporteur. L’avis est favorable sur l’amendement de M. Ouzoulias.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8.
L’amendement n° 44 rectifié, présenté par MM. Leleux et Houpert, Mme Bruguière, MM. P. Dominati et Revet, Mme Micouleau, MM. de Nicolaÿ, Brisson, Sol, Piednoir, Grosperrin et Lefèvre, Mmes Morhet-Richaud et Deromedi, MM. Savin, Chaize, Danesi, Dufaut et Vaspart, Mme Ramond, MM. B. Fournier, Pierre et Charon, Mme Lamure et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La Commission nationale du patrimoine et de l’architecture est régulièrement informée et consultée sur l’avancement des études et des travaux.
La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.
M. Jean-Pierre Leleux. Cet amendement vise à préciser que la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, instituée par la loi de 2016, doit être régulièrement informée et consultée sur l’avancement des études et des travaux.
Je sais que vous vous êtes engagé à ce que tel soit le cas, monsieur le ministre, mais autant le prévoir dans le texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Schmitz, rapporteur. Avis très favorable.
Cet avis n’est évidemment pas lié au fait que M. Leleux préside cette commission. Simplement, celle-ci est appelée à jouer un rôle essentiel pour le devenir de Notre-Dame.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Avis très, très favorable. (Sourires.)
Je suis convaincu de l’importance de cette commission, comme je l’ai dit précédemment et comme je l’avais d’ailleurs également dit à l’Assemblée nationale.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8.
Article 9
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 70, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi, toutes dispositions relevant du domaine de la loi de nature à faciliter la réalisation, dans les meilleurs délais et dans des conditions de sécurité satisfaisantes, des travaux de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et à adapter aux caractéristiques de cette opération les règles applicables à ces travaux et aux opérations connexes, comprenant notamment la réalisation des aménagements, ouvrages et installations utiles aux travaux de restauration ou à l’accueil du public pendant la durée du chantier ainsi que les travaux et transports permettant l’approvisionnement de ce chantier et l’évacuation et le traitement de ses déchets.
Dans la mesure strictement nécessaire à l’atteinte de cet objectif, ces ordonnances peuvent prévoir des adaptations ou dérogations :
1° Aux règles en matière d’urbanisme, d’environnement, de construction et de préservation du patrimoine, en particulier en ce qui concerne la mise en conformité des documents de planification, la délivrance des autorisations de travaux et de construction, les modalités de la participation du public à l’élaboration des décisions et de l’évaluation environnementale ainsi que l’archéologie préventive ;
2° Aux règles en matière de commande publique, de voirie et de transport ;
3° Aux règles de domanialité publique, sans préjudice de l’affectation légale de l’édifice à l’exercice du culte résultant de l’article 13 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État et de l’article 5 de la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes.
Les ordonnances prévoient que les personnes apposant des dispositifs et matériels mentionnés aux articles L. 581-6 et L. 581-20 du code de l’environnement dans le périmètre délimité des abords de la cathédrale Notre-Dame de Paris veillent, en particulier par la surface, les caractéristiques des supports et les procédés utilisés, à optimiser l’insertion architecturale et paysagère et à réduire l’impact sur le cadre de vie environnant.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
La parole est à M. le ministre.
M. Franck Riester, ministre. Cet amendement vise évidemment à rétablir l’article 9, qui a été supprimé en commission.
Comme je l’ai dit d’une façon très longue précédemment, cet article prévoit des dispositions qui permettraient d’améliorer les procédures afin de pouvoir effectuer une restauration la plus exemplaire possible. À titre d’exemple, j’avais évoqué l’Inrap en commission, mais aussi à l’Assemblée nationale. Nous avons besoin de quelques dispositions de ce type.
N’ayant pas pu achever de façon précise la rédaction des différentes ordonnances, nous souhaitons être habilités à légiférer par ordonnances. Comme je l’ai déjà dit, ici, à l’Assemblée nationale et en commission au Sénat, nous souhaitons que ces ordonnances soient ratifiées dans un délai maximum d’un an après la promulgation du texte et que cette ratification soit inscrite à l’ordre du jour du Parlement.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons rétablir l’article 9.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Schmitz, rapporteur. Vous ne serez pas surpris par la position de la commission. Plusieurs arguments ont motivé notre suppression de l’article 9.
Il nous semble tout d’abord que la mise en place de telles dérogations n’est pas utile si elle ne vise qu’à accélérer les délais de délivrance des autorisations administratives. Les délais prévus par les différents codes sont des plafonds. Les demandes d’autorisation concernant Notre-Dame peuvent parfaitement être traitées de manière prioritaire par les services de l’État, moyennant des instructions en ce sens.
Nous estimons ensuite que de telles dérogations ne manqueront pas de faire peser des doutes sur l’exemplarité du chantier de Notre-Dame, qui sera particulièrement observé, tant en France qu’à l’étranger, du fait de l’émotion suscitée par le sinistre et du financement de la souscription nationale par un grand nombre de donateurs, qu’ils soient français, européens ou établis au-delà des océans, comme on disait autrefois.
Notre législation particulièrement complète et protectrice en matière de préservation du patrimoine a jusqu’ici été mise en avant par les autorités auprès de l’Unesco pour garantir que la valeur universelle exceptionnelle du site « Paris, rives de la Seine » est protégée, même en l’absence de plan de gestion. Suspendre l’application d’un certain nombre de ces différentes dispositions législatives pourrait constituer une menace pour le maintien de l’inscription de ce bien sur la liste du patrimoine mondial, sachant que le plan de gestion n’en est qu’au stade de l’élaboration et qu’il ne devrait pas être adopté avant encore quelques années.
Nous considérons enfin que la mise en place de telles dérogations constitue un danger réel pour la crédibilité de notre législation, déjà mise à mal par les dérogations prévues par la loi Élan votée le 23 novembre 2018, comme l’a rappelé Mme la présidente de la commission de la culture. Elles ne seraient également pas comprises par les autres propriétaires de monuments historiques – nous avons eu l’occasion de vous le redire, monsieur le ministre –, collectivités territoriales en tête, qui lancent quotidiennement des chantiers dans le cadre des lois en vigueur.
L’État ne peut pas se permettre de s’affranchir de ces lois, même pour l’un des chantiers les plus emblématiques du point de vue du patrimoine, sans prendre le risque de leur remise en cause. Les règles en vigueur apportent, me semble-t-il, une sécurité pour le bon déroulement des chantiers et leurs délais d’exécution, tout en offrant des garanties en termes de transparence et d’acceptabilité. C’est pourquoi nous ne souhaitons pas que cet article soit rétabli. J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement.
Mme Anne-Catherine Loisier. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. Comme l’a dit le rapporteur, pourquoi une commune ne pourrait-elle pas s’affranchir des règles, quand cela serait possible pour Notre-Dame ? Ainsi, les élus de Rungis aimeraient bien pouvoir s’affranchir d’un certain nombre de règles pour restaurer leur église, première église en ciment armé construite par Freyssinet, mais ils ne le pourront pas.
Là n’est cependant pas le problème. Après tout, ce ne serait ni la première ni la dernière fois qu’une commune subirait une brimade. Je souhaite en fait appeler votre attention sur un problème de droit, notamment sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Dans sa décision n° 2016-745, le Conseil constitutionnel considère que le législateur doit suffisamment préciser les finalités des mesures susceptibles d’être prises par voie d’ordonnances, au titre de l’article 38 de la Constitution. Il considère que les ordonnances sont une atteinte grave au pouvoir législatif et qu’elles doivent par conséquent être très clairement encadrées dans le temps, tout comme leur périmètre d’action. Or il ne me semble pas que cela soit le cas à l’article 9, tel qu’il nous est actuellement proposé dans cet amendement.
M. David Assouline. Parfait !
M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour explication de vote.
Mme Sonia de la Provôté. Le Sénat, comme vous avez pu le constater, a étudié avec beaucoup d’attention et de précaution ce projet de loi d’exception, dont il a supprimé l’article 9, qui cristallisait une grande part des inquiétudes.
Notre-Dame est à tous, cela a été dit à maintes reprises. On ne peut donc pas s’en servir pour créer un précédent en accordant des dérogations à ce jour inconnues de nous, au motif qu’il serait nécessaire d’aller vite. Ces dérogations créeraient une brèche législative, dont nous ne mesurons pas l’ampleur qu’elles auraient sur nos propres pratiques patrimoniales, lesquelles, vous le savez, monsieur le ministre, font l’honneur, la qualité et l’attractivité de la France.
Notre-Dame ne peut pas non plus être l’otage de ce Graal politique qui voudrait que l’on imprime sa marque sur le passé ou dans Paris par un geste architectural à chaque nouvelle mandature. L’audace ne peut être considérée comme l’ultime qualité, se plaçant au-dessus de toute obligation et rigueur, dans les procédures architecturales et patrimoniales. La modernité à tout prix n’est pas un incontournable de la restauration. C’est une mode, pour ne pas dire une manie.
Notre-Dame est à nous tous. Elle appartient à notre passé comme à notre avenir. Elle est un symbole qui rassemble et transcende de loin le seul fait qu’elle soit une cathédrale. C’est pour cela que ce texte ne doit pas être une loi d’exception, de dérogations, sauf à l’assumer, en toute transparence, ce qui n’est pas le cas ici.
Notre-Dame est nôtre. Évitons la précipitation et les polémiques. Laissons ceux qui savent faire décider du temps et du projet, au lieu de sceller le destin de cette cathédrale de manière floue et imprévisible, ce qui ne fait qu’entretenir la suspicion.
Supprimer l’article 9, c’est nous donner les moyens de décider ensemble de ce qui permettra à Notre-Dame de retrouver sa place et sa grandeur.
Monsieur le ministre, nous attendons sereinement vos futures propositions.
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Je souscris évidemment à ce que dit notre rapporteur, tout comme, je pense, l’immense majorité de nos collègues. Dieu merci, ou plutôt Marianne merci, la parole présidentielle ne fait pas loi. Ce n’est qu’une parole, et les lois d’exception dans notre histoire n’ont malheureusement jamais de bons relents.
C’est vrai que Notre-Dame, c’est un peu notre âme. L’incendie a effectivement suscité une vague d’émotion très forte, mais l’émotion ne doit pas l’emporter sur la raison. Or c’est ce qui se passe avec ce texte.
L’article 9, comme pratiquement tout le texte, est une négation du rôle du Parlement. D’une certaine façon, il nie également que d’innombrables autres chantiers patrimoniaux, un peu partout en France, sont eux aussi urgents. Mais ce qui est le plus gênant, dans toute cette affaire, c’est la mise en scène présidentielle de la reconstruction de Notre-Dame.
Une reconstruction ne peut pas être une course de vitesse. Le texte prévoit qu’elle sera réalisée dans « les meilleurs délais », et non, heureusement, « en cinq ans », comme s’il fallait aller le plus vite possible. Jérôme Bascher a parlé de l’incendie du château de Lunéville. Alors qu’il a eu lieu en 2003, la reconstruction ne devrait être achevée que dans quelques années. De même, il aura fallu dix ans pour reconstruire le Parlement de Bretagne.
Fixer des dates butoirs, des deadlines, est un non-sens architectural, un non-sens patrimonial. Je vous le dis tel que je le pense : la culture, ce n’est pas le productivisme ou le stakhanovisme. Sincèrement, je trouve profondément baroque, triste que ce soit vous, monsieur le ministre de la culture, qui portiez ce texte.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Trois membres du groupe des Indépendants – M. Bignon, M. Capus et moi-même – voteront le rétablissement de l’article 9 souhaité par le Gouvernement.
J’entends parler de la durée des chantiers qui sont suivis par les architectes des monuments historiques ou des Bâtiments de France. Que disent les maires à ce sujet ? Ils se plaignent que les chantiers n’en finissent pas, que les architectes se contredisent les uns les autres. Trouvez-vous normal qu’un chantier puisse durer dix-neuf ans ? Pour ma part, je ne trouve pas ça extraordinaire !
Une comparaison a été faite avec ce qu’il se passe dans les communes. Or on ne peut comparer la restauration d’une église dans une commune de 200 habitants et un chantier aussi exceptionnel que celui de Notre-Dame. Je dis simplement : à ouvrage d’exception, mesures d’exception !
Vous ne voterez pas l’amendement du Gouvernement, ce n’est pas grave, mais je sais ce que les Français et les maires pensent du travail qui est parfois fait par les architectes. Or pour un chantier aussi exceptionnel et inhabituel que celui de Notre-Dame, il faut des mesures efficaces, rapides et sérieuses.
M. André Gattolin. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Je ne suis pas propriétaire d’un monument historique, mais, comme Olivier Paccaud, j’ai la chance d’habiter le département de l’Oise, qui n’est pas celui qui compte le moins de monuments inscrits ou classés.
M. Olivier Paccaud. Trois cathédrales !
M. Jérôme Bascher. Trois cathédrales, et gothiques elles aussi ! Votre texte, lui, est un peu baroque.
M. André Gattolin. Joli !
M. Jérôme Bascher. C’est peut-être ça le geste législatif, à défaut d’être architectural.
Pour en revenir au sujet, nous défendons bec et ongles, dans notre département, l’architecte des Bâtiments de France, tant auprès des propriétaires privés que des maires, et ce n’est pas toujours facile : les procédures sont longues, il faut composer avec la DRAC, l’ABF, le CRMH, les crédits font défaut… En présentant une loi d’exception pour l’État, vous n’encouragez pas les propriétaires de monuments historiques, collectivités territoriales ou particuliers, à respecter les règles. Il s’agit vraiment d’une forme d’incitation au meurtre patrimonial. (M. André Gattolin s’exclame.) Je trouve dommage d’envoyer un tel signal. Instaurons plutôt l’égalité ! Cela aurait pu être l’occasion d’alléger quelques procédures ici ou là.
Je ne doute pas que cette restauration sera remarquable, car j’ai confiance dans les gens de l’art.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Ce qui me surprend, monsieur le ministre, c’est que vous n’ayez jamais décliné plus concrètement, pour emporter notre conviction, les dérogations que vous souhaitez. Vous demandez en quelque sorte un chèque en blanc, parce que vous ne savez pas encore ce que vous allez faire. L’injonction de reconstruire en cinq ans semble passer avant toute autre considération, de qualité ou autre.
Je sais, monsieur le ministre, que, sur ces questions, votre passé de parlementaire plaide pour vous. Vous êtes attaché à la culture, au patrimoine, mais les défenseurs de la culture et du patrimoine dénoncent unanimement ces dérogations. Si elles sont adoptées, comment l’État aura-t-il l’autorité nécessaire, à l’avenir, pour faire respecter des règles ? La volonté présidentielle commanderait de laisser ce cadre ouvert ? Nous ne pouvons pas vous suivre. La jurisprudence du Conseil constitutionnel a été rappelée.
Que voulez-vous, plus précisément ? La Ville de Paris, au nom de la préservation de l’environnement, a décidé qu’aucun arbre ne serait abattu.
M. André Gattolin. Il y a déjà des exceptions !
M. David Assouline. Je ne parle pas, bien sûr, des arbres qui représentent un danger.
La Ville de Paris a utilisé les dispositions prévues par la loi NOTRe en cas d’urgence pour procéder à des aménagements aux abords de la tour Eiffel après les attentats. Aujourd’hui, quelles dérogations demandez-vous, puisque la loi permet déjà de prendre des mesures exceptionnelles dans des situations d’urgence ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. Pour ma part, je vous livrerai le témoignage d’un élu : « Comment ma commune, propriétaire de l’ancienne cathédrale, peut-elle accepter de continuer à se soumettre aux différents codes si l’État est autorisé à s’en affranchir ? Il est à craindre que l’exemplarité de l’État, s’octroyant des dérogations en matière de règles d’urbanisme, de protection de l’environnement, de préservation du patrimoine et de commande publique, soit mal perçue par les concitoyens à qui il est demandé de se mettre en conformité avec la législation. »
Si nous ne souhaitons pas habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances dans ce domaine, c’est d’abord parce que nous ne savons pas quelles règles vous entendez contourner, tant les termes du texte nous laissent dans le vague.
Je le redis, par la loi ÉLAN, le Gouvernement a supprimé, malgré nos mises en garde, le garde-fou de l’avis des ABF, qui avait pourtant été revu et simplifié à peine deux ans auparavant au travers de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite loi LCAP, adoptée à l’issue d’une commission mixte paritaire conclusive, attestant que la protection du patrimoine est une préoccupation transpartisane. Nous sommes donc en droit d’avoir des craintes à ce sujet.
En matière d’archéologie préventive, les délais prévus par le droit commun doivent être respectés pour assurer la qualité scientifique requise à tous les stades de l’opération – prescription, fouilles éventuelles et, bien sûr, diagnostic –, mais les dérogations possibles ne la garantissent pas. C’est aussi le cas s’agissant des mécanismes d’autorisation de travaux sur les monuments historiques, qui, selon tous les éléments que j’ai pu recueillir, fonctionnent bien.
C’est là la principale raison qui nous a conduits à supprimer cet article en commission : autoriser des dérogations au droit commun en matière de monuments historiques ou, plus généralement, de patrimoine reviendrait à ouvrir une boîte de Pandore. Comment les élus locaux pourront-ils expliquer que ces dispositions, ces contrôles, ces délais sont essentiels à la préservation du patrimoine, si l’on a pu y déroger pour Notre-Dame de Paris ? Cela reviendrait à montrer le mauvais exemple, alors même que notre législation est un modèle dans le monde entier pour les défenseurs du patrimoine, car elle a permis, depuis cinquante ans, d’en arrêter l’érosion et la destruction dans notre pays. La directrice du centre du patrimoine mondial de l’Unesco nous l’a dit lors de son audition : la France a la chance de disposer de règles qui ont permis de préserver son patrimoine ; ne les cassons pas !