M. le président. Le sous-amendement n° 485 rectifié, présenté par M. Lafon et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Amendement n° 264, alinéa 5, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, conformément à l’organisation territoriale décidée par les collectivités territoriales

La parole est à M. Laurent Lafon.

M. Laurent Lafon. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps les deux sous-amendements suivants.

M. le président. Je vous en prie, mon cher collègue.

M. Laurent Lafon. Je salue l’effort de Jacques Grosperrin pour essayer de trouver une solution dans le contexte que l’on sait – nous aurons peut-être l’occasion d’y revenir lors des explications de vote. Cet amendement contient des propositions intéressantes. Il faut, me semble-t-il, insister sur deux points qui posent problème.

Concernant l’objectif, je crois qu’il y a une confusion depuis le début entre la notion d’école du socle, dispositif assez général visant à décloisonner l’école élémentaire et le collège qui relève d’une réflexion systémique sur l’organisation des cycles, et une préoccupation d’aménagement du territoire conduisant à proposer aux collectivités territoriales une structuration de leur réseau scolaire à travers ce nouvel établissement public.

Il convient à notre sens d’écrire clairement dans le dispositif que ce qui est proposé répond uniquement à cette préoccupation d’aménagement du territoire, à travers une appropriation, par les élus, de l’organisation scolaire.

Toutefois, cela n’est pas suffisant, parce que, dans cette organisation qui est proposée aux élus, il manque un acteur, l’État.

M. Laurent Lafon. L’associer me semble essentiel, au regard notamment des fermetures de classes et d’écoles qui ont pu intervenir ces dernières années en zones rurales. On ne peut pas demander aux collectivités de s’engager politiquement et financièrement au travers d’une convention sans que l’État s’engage lui aussi. Il faut que les collectivités, au moment où elles présentent leur projet, que ce soit au conseil d’école ou aux parents et à nos concitoyens de manière plus générale, sachent quel engagement prend l’État, en particulier en termes de moyens.

C’est pourquoi nous avons déposé ces trois sous-amendements visant à bien inscrire la création de cet établissement public dans une perspective d’aménagement du territoire et à garantir que, quand les collectivités s’engagent, l’État soit lui aussi au rendez-vous.

M. le président. Le sous-amendement n° 484 rectifié bis, présenté par MM. Lafon, D. Dubois et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Amendement n° 264, alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ce sous-amendement a été défendu.

Le sous-amendement n° 506 rectifié, présenté par M. Lafon et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Amendement n° 264 rectifié ter, après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La convention mentionnée au même article L. 421-19-17 s’accompagne d’une information par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation sur les moyens qu’elle entend allouer à l’établissement pendant la durée de la convention.

Ce sous-amendement a été défendu.

Le sous-amendement n° 487 rectifié ter, présenté par M. Raison, Mme Goy-Chavent, MM. del Picchia, D. Laurent et Pointereau, Mmes Lassarade, Morhet-Richaud et Garriaud-Maylam, MM. Segouin, Saury, Laménie et D. Dubois, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Kern, Pellevat, Mayet, Grand et Revet, Mme Gruny et MM. de Nicolaÿ et Cuypers, est ainsi libellé :

Amendement n° 264

Alinéa 15

Remplacer les mots :

, qui exerce par délégation du chef d’établissement

par les mots :

qui exerce

Ce sous-amendement n’est pas soutenu.

Le sous-amendement n° 488 rectifié, présenté par Mme L. Darcos, est ainsi libellé :

Amendement n° 264, alinéa 16

Remplacer cet alinéa par sept alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 421-19-20. – L’établissement public local d’enseignement du socle commun est administré par un conseil d’administration qui exerce les compétences du conseil d’administration mentionné à l’article L. 421-4.

« Il comprend, outre le chef d’établissement et deux à quatre représentants de l’administration de l’établissement qu’il désigne, de vingt-quatre à trente membres, dont :

« 1° Un tiers de représentants des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale parties à la convention mentionnée à l’article L. 421-19-17 et une ou plusieurs personnalités qualifiées ;

« 2° Un tiers de représentants élus du personnel de l’établissement, comportant notamment des représentants élus du personnel des écoles de l’établissement ;

« 3° Un tiers de représentants élus des parents d’élèves et élèves, comportant notamment des représentants élus des parents d’élèves et élèves des écoles de l’établissement ;

« La convention mentionnée à l’article L. 421-19-17 fixe le nombre de membres du conseil d’administration qui comprend au moins un représentant par collectivité territoriale ou établissement public de coopération intercommunale partie à la convention.

« Lorsqu’une des parties à la convention dispose de plus d’un siège au conseil d’administration, l’un au moins de ses représentants est membre de son assemblée délibérante.

La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. Sans revenir sur l’émoi qu’avait suscité l’article 6 quater à l’Assemblée nationale, je voudrais remercier mon collègue Jacques Grosperrin et notre rapporteur d’avoir travaillé à cette nouvelle rédaction. Nous aurions pu nous en tenir à la suppression de l’article en commission, mais je pense qu’il était important que le Sénat essaie de le récrire. Cette nouvelle rédaction présente à tout le moins le mérite de sécuriser les choses : le veto d’une seule collectivité, d’un seul établissement scolaire suffira à empêcher que l’EPLESC soit créé.

Dans le même temps, je salue la volonté du Gouvernement de renforcer les passerelles entre primaire et secondaire. La classe de sixième aurait pu tout aussi bien être appelée le CM3.

Mon sous-amendement vise à rééquilibrer la composition du conseil d’administration, qui comprendrait un tiers de représentants des collectivités territoriales et des EPCI, un tiers de représentants élus du personnel de l’EPLESC et un tiers d’élus des parents d’élèves, y compris du premier degré, afin que tout le monde soit représenté.

M. le président. Le sous-amendement n° 491 rectifié, présenté par MM. Grand et D. Dubois, est ainsi libellé :

Amendement n° 264, alinéa 16

Après le mot :

degré

insérer les mots :

, des parents d’élèves

Ce sous-amendement n’est pas soutenu.

L’amendement n° 265, présenté par Mme Cartron, MM. Karam, Patriat et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après la section 3 bis du chapitre Ier du titre II du livre IV du code de l’éducation, est insérée une section 3 ter ainsi rédigée :

« Section 3 ter

« Les établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux

« Art. L. 421-19-17. – Les établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux sont constitués de classes du premier degré et du premier cycle du second degré. Ils associent les classes d’un collège et d’une ou de plusieurs écoles situées dans son secteur de recrutement.

« Après avis de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation et après votes du ou des conseils d’écoles et du conseil d’administration du collège impliqués, ces établissements sont créés par arrêté du représentant de l’État dans le département sur proposition conjointe des collectivités territoriales ou établissements publics de coopération intercommunale de rattachement du collège et des écoles concernés, après conclusion d’une convention entre ces collectivités. L’accord du conseil d’administration et des conseils des écoles impliquées sont nécessaires.

« Sous réserve des dispositions prévues à la présente section, ces établissements sont régis par les titres préliminaire à II du présent livre.

« Art. L. 421-19-18. – La convention mentionnée à l’article L. 421-19-17 fixe la durée pour laquelle elle est conclue et les conditions dans lesquelles, lorsqu’elle prend fin, les biens de l’établissement sont répartis entre les collectivités et les établissements publics de coopération intercommunale signataires. Elle détermine également le délai minimal, qui ne peut être inférieur à une année scolaire, au terme duquel peut prendre effet la décision de l’une des parties de se retirer de la convention.

« La convention détermine la répartition entre les parties des charges leur incombant en vertu des chapitres II à IV du titre Ier du livre II au titre de la gestion des écoles et des collèges. Elle définit notamment la répartition entre les parties des charges liées à la construction, la reconstruction, l’extension, les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement de l’ensemble de l’établissement et des dépenses de personnels, autres que ceux mentionnés à l’article L. 211-8, qui exercent leurs missions dans l’établissement.

« La convention détermine la collectivité de rattachement de l’établissement et le siège de celui-ci. La collectivité de rattachement assure les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement de l’ensemble de l’établissement ainsi que le recrutement et la gestion des personnels autres que ceux mentionnés au même article L. 211-8 qui exercent leurs missions dans l’établissement.

« En l’absence d’accord entre les signataires sur le contenu de la convention, soit lors de son renouvellement, soit à l’occasion d’une demande de l’un d’entre eux tendant à sa modification, le représentant de l’État fixe la répartition des charges entre les signataires en prenant en compte les effectifs scolarisés dans les classes du premier et du second degrés au sein de l’établissement public local d’enseignement des savoirs fondamentaux et désigne la collectivité de rattachement qui assure, jusqu’à l’intervention d’une nouvelle convention, les missions énoncées au troisième alinéa du présent article.

« Art. L. 421-19-19. – Les établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux sont dirigés par un chef d’établissement qui exerce simultanément les compétences attribuées au directeur d’école par l’article L. 411-1 et les compétences attribuées au chef d’établissement par l’article L. 421-3. Un ou plusieurs chefs d’établissement adjoints, dont un au moins est chargé des classes du premier degré, exercent aux côtés du chef d’établissement. Ce chef d’établissement adjoint, chargé du premier degré, est issu du premier degré. Les modalités de son recrutement sont fixées par décret.

« Art. L. 421-19-20. – L’établissement est administré par un conseil d’administration qui exerce les compétences définies à l’article L. 421-4. La composition de ce conseil d’administration est fixée par décret et permet notamment la représentation des personnels du premier degré et des communes ou établissements publics de coopération intercommunale parties à la convention.

« Art. L. 421-19-21. – Outre les membres mentionnés à l’article L. 421-5, le conseil pédagogique comprend au moins un enseignant de chaque niveau de classe du premier degré. Le conseil pédagogique peut être réuni en formation restreinte aux enseignants des niveaux, degrés ou cycles concernés par l’objet de la séance.

« Art. L. 421-19-22. – L’établissement comprend un conseil école-collège tel que défini à l’article L. 401-4 ainsi qu’un conseil des maîtres du premier degré.

« Art. L. 421-19-23. – Les élèves des classes maternelles et élémentaires bénéficient du service d’accueil prévu aux articles L. 133-1 à L. 133-10. Pour l’application de l’article L. 133-4, le taux de personnes ayant déclaré leur intention de participer à la grève s’apprécie au regard de l’ensemble des enseignants qui interviennent dans les classes du premier degré.

« Art. L. 421-19-24. – Les dispositions des titres Ier à V du livre V applicables aux élèves inscrits dans les écoles et à leurs familles sont applicables aux élèves inscrits dans les classes du premier degré des établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux et à leurs familles. Les dispositions des titres Ier à V du livre V applicables aux élèves inscrits dans les collèges et à leurs familles sont applicables aux élèves des classes des niveaux correspondant et à leurs familles.

« Art. L. 421-19-25. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application de la présente section.

La parole est à M. Antoine Karam.

M. Antoine Karam. L’article supprimé en commission prévoyait la mise en place d’une logique d’association entre les écoles et le collège, afin de mettre à disposition un outil permettant de mieux accompagner les enfants lors du passage de l’école élémentaire au collège. Cet article a fait beaucoup parler de lui, suscitant de nombreuses craintes qui ont souvent débouché sur la diffusion de fausses informations.

Monsieur le rapporteur, en commission, vous avez admis que les établissements publics des savoirs fondamentaux peuvent présenter un intérêt dans les zones les moins peuplées. Nous comprenons les inquiétudes qu’a suscitées cet article : il s’agit d’une disposition importante, introduite sans avoir fait l’objet d’une étude d’impact. De plus, ce projet n’a pas fait l’objet de concertations suffisantes.

Cependant, loin de signer l’arrêt de mort des écoles ou des directeurs, la mise en œuvre de ce dispositif permettrait de créer un vrai continuum entre le primaire et le collège, au bénéfice des élèves. Il convient donc de rétablir l’article dans une nouvelle rédaction, plus précise, en y intégrant certains gages de sécurité, comme la consultation des conseils de l’école et du conseil d’administration du collège, sachant que ce nouveau dispositif n’a pas vocation à être obligatoire. Il convient de donner toutes les chances à nos enfants et de leur offrir une école véritablement inclusive.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Max Brisson, rapporteur. J’espère que nous aurons un débat de qualité sur ce sujet important et que la passion ne l’emportera pas. Je reconnais d’ailleurs qu’il peut m’arriver d’être passionné !

Nous avons d’abord envoyé un signal au Gouvernement en supprimant l’article 6 quater en commission. En effet, cet article avait suscité beaucoup de crispations, d’inquiétudes, en particulier parmi les élus. Or le Sénat est la voix des élus. Que ces inquiétudes, ces crispations n’aient pas toujours reposé sur une lecture attentive du texte, je peux en convenir, mais nous ne pouvions pas ne pas en prendre acte. (Mme Françoise Gatel et M. Philippe Dallier approuvent.)

M. Pierre Ouzoulias. Tout à fait !

M. Max Brisson, rapporteur. Nous l’avons fait de manière sereine.

Jacques Grosperrin propose un texte sur lequel je me permettrai de donner mon avis personnel, avant d’exprimer celui de la commission.

Cette rédaction, qui a été concertée, diffère de celle de l’Assemblée nationale, d’abord en ce qu’elle fixe un objectif. Elle pose que le dispositif est un outil d’aménagement éducatif à la main des élus locaux, en particulier de ceux qui sont confrontés à la déprise démographique de leur territoire. On parle souvent des écoles menacées, mais il y a aussi des collèges menacés et des territoires où l’offre pédagogique, extrêmement fragile, a besoin d’être confortée par la création de synergies. C’est un objectif qui me semble devoir trouver un écho au sein de la Haute Assemblée.

Par ailleurs, se pose la question, sur laquelle nous avons travaillé avec Françoise Laborde, du manque d’attractivité de certains territoires pour les enseignants, du fait de conditions de travail trop difficiles, de services partagés en collège.

Mme Françoise Gatel. C’est vrai !

M. Max Brisson, rapporteur. De même que l’on parle aujourd’hui de désertification médicale, il y a un vrai risque que, demain, l’on parle de désertification enseignante. Il faut donc essayer de rendre les conditions d’exercice de la profession d’enseignant plus attractives dans les territoires concernés.

L’autre objectif, rappelé par Jacques Grosperrin, est de renforcer l’école du socle. D’ailleurs, la députée qui a introduit l’article par voie d’amendement aurait pu utiliser cette expression : son objet se serait ainsi inscrit dans des choix politiques qui ont été posés par la loi d’orientation de François Fillon de 2005 et n’ont été remis en cause par aucune alternance.

Le présent texte répond à celles des inquiétudes exprimées qui méritaient d’être prises en compte. Le renforcement de la capacité d’initiative des collectivités y est nettement affirmé. L’organisation initiale et toute évolution ultérieure de celle-ci seront à la main des collectivités territoriales. Enfin, il est clairement spécifié qu’un directeur sera maintenu sur chaque site. Je ne doute pas que telle était votre intention, monsieur le ministre, mais il vaut mieux l’écrire : cela permettra de prévenir les problèmes.

Ce texte a été concerté avec les associations d’élus, notamment l’Association des maires ruraux de France. Si nos collègues de l’Assemblée nationale en avaient fait autant, peut-être aurions-nous évité tous ces psychodrames ! Au Sénat, quand on élabore la loi, on pense à d’abord consulter les élus.

À titre personnel, je soutiens avec force l’amendement de notre collègue Jacques Grosperrin. Au nom de la commission, compte tenu des positions diverses des uns et des autres, j’émets, sur cet amendement, un avis de sagesse.

Par ailleurs, la commission demande le retrait du sous-amendement n° 485 rectifié ; à défaut, l’avis sera défavorable. C’est notre seul point de désaccord avec M. Lafon : d’une part, le secteur du collège, auquel il est fait référence, demeure déterminé par le seul conseil départemental ; d’autre part, la participation ou non des écoles relève de la seule décision des collectivités volontaires.

Le sous-amendement n° 484 rectifié bis rappelle utilement la finalité des EPLE et complète parfaitement l’amendement de Jacques Grosperrin, en insistant sur la continuité des parcours scolaires des élèves et en permettant l’adaptation de l’offre scolaire aux besoins des territoires. La commission émet un avis favorable.

La commission émet également un avis favorable sur le sous-amendement n° 506 rectifié, dans la mesure où l’engagement des collectivités territoriales doit s’accompagner d’un engagement de l’État, ainsi que sur le sous-amendement n° 488 rectifié, qui précise la composition du conseil d’administration de l’établissement public local de l’école du socle commun des connaissances et des compétences.

Quant à l’amendement n° 265, qui rétablit quasiment la rédaction initiale de l’article 6 quater, par cohérence avec tout ce que je viens de dire, la commission y est bien sûr défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, la discussion de cet article, qui a fait couler beaucoup d’encre depuis deux mois, constitue un bel exercice démocratique. Je remercie M. Grosperrin de son engagement, de sa motivation et de la qualité du travail accompli.

L’amendement déposé par la députée Cécile Rilhac faisait suite à un rapport sur la direction d’école qu’elle avait établi avec Mme Bazin, députée de l’Aube, qui appartient à la même famille politique que vous, monsieur le rapporteur. Ces deux députées avaient donc accompli tout un travail préparatoire sur la direction d’école, sujet qui n’est évidemment pas sans rapport avec celui qui nous occupe ici. Quel que soit le jugement que l’on porte sur le fond et la forme de cet amendement, son mérite est d’avoir suscité dans la société française un débat sur un sujet que les spécialistes connaissent bien, qu’ils étudient depuis des décennies, sur lequel on affiche beaucoup de volontarisme, mais qu’aucun des gouvernements précédents n’a traité…

Du plan Langevin-Wallon, cité par M. le sénateur Ouzoulias au début de nos débats, jusqu’au rapport de 2011 du député Reiss, en passant par nombre de rapports, et même quelques lois, toute une série de réflexions approfondies ont été menées sur ce sujet depuis 1945. L’idée d’instaurer un continuum entre l’école élémentaire et le collège n’a donc rien de diabolique ni d’inédit, elle n’est pas sortie de nulle part ; depuis des décennies, on travaille sur cette question dans certains milieux syndicaux, à droite comme à gauche. C’est pourquoi j’ai pu être surpris du caractère parfois manichéen des débats de ces dernières semaines. Il est néanmoins intéressant que cette idée, jusqu’à présent confinée au cercle des spécialistes de l’éducation, pénètre la société française, fût-ce au prix de polémiques excessives. Quelle que soit l’issue du débat, cela restera de toute façon un progrès.

Quel est l’objectif ? Cela a déjà été largement dit par plusieurs d’entre vous, à commencer par M. le sénateur Grosperrin, mais je voudrais tout de même souligner qu’il comporte en réalité plusieurs aspects. Le premier d’entre eux, redisons-le fortement, c’est l’aspect pédagogique et éducatif. Il est essentiel.

On peut considérer que le parcours scolaire d’un jeune se divise en deux parties. La première commence avec l’école maternelle, que ce texte installe au cœur du paysage, et s’achève en classe de troisième : c’est la phase d’acquisition du socle commun de connaissances, de compétences, de culture, consacré par plusieurs gouvernements successifs. Nous voulons en effet assurer à tous les enfants de France des acquis scolaires de nature pédagogique et éducative leur permettant de bien démarrer dans la vie. Cette idée simple et forte, éminemment républicaine, est évidemment à l’arrière-plan du projet d’instaurer un continuum.

Ce grand principe pédagogique et éducatif s’accompagne d’un certain nombre d’autres considérations. La première d’entre elles, c’est que l’on observe des formes de décrochage en classe de sixième parce que le continuum entre le CM2 et la sixième, même s’il a connu des progrès depuis un certain nombre d’années, est encore largement insuffisant aujourd’hui : pour une partie des enfants, notamment les plus défavorisés, les différences entre le collège et l’école primaire restent déroutantes. À l’école primaire, le parcours de l’élève est plus personnalisé, il est bien connu de son maître ou de sa maîtresse ; cela change radicalement au collège, où il existe un plus grand cloisonnement entre les disciplines et, parfois, un certain anonymat de l’enfant, ce qui est évidemment regrettable. Nous avons à renforcer ce continuum, non seulement par des coopérations entre l’école primaire et le collège, mais aussi par une vision partagée du parcours de l’enfant, notamment sur un plan pédagogique. Telle est, d’abord et avant tout, la vocation des rapprochements envisagés entre écoles et collèges.

Outre l’aspect pédagogique, il faut aussi envisager les choses sous l’angle éducatif, et même sous l’angle social au sens large. Par exemple, les enjeux de santé seront bien mieux pris en compte s’il existe un continuum, un lien plus organique entre l’école et le collège. Il en va de même pour l’accompagnement de l’élève handicapé, l’éducation physique et sportive, bref toute une série de sujets extrêmement concrets.

C’est cela qui est en arrière-plan et qu’il faut rappeler, d’abord et avant tout. Cette seule raison suffirait largement à justifier la mise en place d’un tel projet, qui d’ailleurs ne part pas de zéro puisque ce continuum existe déjà aujourd’hui, par exemple dans les lycées français à l’étranger ou dans certains établissements privés, qui n’ont pas à s’en plaindre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Il est paradoxal que, du fait de l’inertie sur ce sujet, ce soient surtout, le plus souvent, les enfants des classes sociales les plus favorisées qui bénéficient du continuum.

La raison d’être d’un tel dispositif est donc à la fois pédagogique, éducative et sociale. Il y a aussi des enjeux importants en termes d’organisation territoriale et institutionnelle. Vous avez eu raison de le souligner, monsieur le sénateur Lafon, mais, pour ma part, je ne les mets pas au premier plan. Effectivement, la mise en œuvre de ce dispositif peut venir en soutien des écoles rurales et des collèges ruraux, dont nous savons bien qu’ils peuvent connaître un problème de masse critique, particulièrement les collèges. M. Grosperrin l’a souligné, cela n’implique pas nécessairement un regroupement physique de l’école et du collège. Il s’agit de créer des effets de réseau pour atteindre une masse critique. Cela peut aussi induire des innovations extrêmement intéressantes. En répondant dans cet hémicycle à une question orale, j’ai eu à aborder la question des collèges ruraux de moins de 100 élèves, pour lesquels le salut est dans l’innovation, dans la capacité de s’allier avec les écoles primaires, d’enseigner autrement.

On peut débattre de chacun des éléments que je viens d’exposer, mais on ne peut pas faire comme s’ils n’existaient pas. Je déplore vivement qu’un climat de soupçon particulièrement prégnant se soit instauré sur ce sujet depuis quelques semaines. J’invite chacun, parlementaire, commentateur ou acteur de terrain, à prendre ses responsabilités, c’est-à-dire d’abord à être attentif à ce qui se dit. Lors des débats à l’Assemblée nationale, j’avais déjà explicité les garanties évoquées par le rapporteur, en ce qui concerne par exemple l’importance du rôle des directeurs d’école, le soutien très fort que nous allons apporter à l’école primaire ou la valorisation de l’école maternelle. Le Président de la République s’est également exprimé très nettement en ce sens. On peut tout à fait ne pas être d’accord avec nos projets ou les modalités de mise en œuvre envisagées, mais il est malsain, et même dangereux en démocratie, de toujours soupçonner des intentions cachées. Nos intentions sont telles que je les expose, il n’y en a pas d’autres !

J’ajoute qu’il me semble positif que le pouvoir exécutif accepte des amendements parlementaires, a fortiori sur des thèmes déjà largement travaillés au travers de plusieurs rapports. Il serait paradoxal qu’on lui en fasse reproche dans l’une ou l’autre des assemblées.

Tout cela étant dit,…