M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il est évidemment très important de pouvoir bénéficier de toutes les heures d’école. D’ailleurs, en France, nous avons un problème de nombre d’heures de classe, puisqu’il est plutôt au-dessous de la moyenne européenne. Cela devrait être un débat, mais il ne semble pas ouvert…
Je trouve quand même étrange de dire, d’un côté, qu’il est dramatique que les élèves partent avant la date légale des vacances, ce que je ne trouve pas positif par ailleurs, et d’omettre, de l’autre côté, le fait que dans les mêmes quartiers les absences cumulées de professeurs sur l’année représentent globalement plus d’heures que sur cette période particulière. Personne ne s’offusque de ce déficit d’heures sur l’année ni ne crie au drame ou à la mise en cause de l’école et de ses valeurs. Cela semble accepté !
Certains quartiers connaissent un absentéisme des élèves dans les quinze derniers jours de juin – il me semble que la question des premiers jours de la rentrée est un peu différente. Mais ce problème n’est pas aussi important que celui de l’absentéisme enseignant, qui résulte d’une série de contraintes et de facteurs. Franchement, soyons sérieux ! Je rappelle d’ailleurs que le droit en vigueur fixe le principe de l’instruction obligatoire.
Lorsque j’étais maire, j’ai pu constater que, dans les quartiers plutôt huppés de la commune, certains gamins n’allaient jamais à l’école le samedi matin, parce que les parents partaient en week-end : personne ne s’en offusquait…
Revenons simplement au bon sens !
Le corps enseignant a une fonction de lien avec les parents et de conviction pour que ceux-ci comprennent bien l’utilité et l’importance de suivre le cadre de la scolarité.
C’est pour cela que le corps enseignant doit être valorisé et soutenu par sa hiérarchie, notamment quand il y a des problèmes à régler. Les enseignants et leur hiérarchie jouent un rôle essentiel, qui est bien plus important que celui que peuvent avoir des pénalités abstraites qui ne sont finalement jamais déclenchées !
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Il est vrai que les sanctions ne sont jamais déclenchées, et c’est bien le problème !
Cet amendement qui ne vise, en aucune manière, à stigmatiser qui que ce soit est simplement de bon sens : il prévoit que les gamins aillent à l’école du début à la fin de l’année scolaire, ni plus ni moins !
Comme l’a très bien dit M. le rapporteur, il existe des sanctions ; il en a donné le montant, qui est de l’ordre de 3 500 euros. Cependant, je ne connais aucune école où les parents ont été sanctionnés quand bien même des rapports ont été faits et l’inspection académique saisie. D’ailleurs, M. le ministre a peut-être des chiffres à nous donner à ce sujet.
En tout cas, M. le ministre pourrait donner des directives pour que les dates de début et de fin d’année scolaire soient effectivement respectées par tous les parents. Cela ne nécessite peut-être pas une modification de la loi, mais tout simplement l’application de ce qui existe déjà !
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. Je suis désolée, monsieur le président, de prolonger les débats…
J’ai cosigné cet amendement, même si les sanctions me gênent quelque peu. En tout cas, le débat est important et il faut sûrement clarifier les choses.
Monsieur le ministre, l’un de vos prédécesseurs a essayé de faire ce qui avait été appelé « la reconquête du mois de juin », mais cela n’a jamais vraiment été mis à l’ordre du jour, ce qui serait peut-être utile, finalement.
Certes, il n’est pas évident d’avancer, parce que cette reconquête met à contribution les élus locaux. De quoi s’agit-il ? Dans les établissements où se tiennent des examens, que ce soit pour la troisième, la première ou la terminale, l’ensemble des classes est bloqué et les élèves ne peuvent pas continuer à travailler. Le dispositif qui était envisagé visait à faire en sorte que tous ces examens aient lieu dans d’autres locaux de la commune. Cette mesure permettrait de prolonger la scolarité jusqu’à la fin du mois de juin.
Il est vrai, madame Cukierman, que le secteur du tourisme donne parfois des avantages à ceux qui veulent partir en juin ou en septembre, périodes effectivement moins chères que le mois d’août. Pour autant, je ne pense pas que l’éducation nationale doive prendre cela en considération.
Sincèrement, personne n’est particulièrement responsable de cette situation, si ce n’est l’embouteillage des examens et la désorganisation qui en découle.
Je fais donc un appel solennel : il serait vraiment intéressant de remettre au goût du jour cette reconquête du mois de juin !
Mme Cécile Cukierman. Je suis d’accord !
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Mes chers collègues, je ne souhaite évidemment pas brider votre liberté d’expression, mais je note qu’actuellement nous examinons huit amendements par heure et qu’il nous en reste 311… Il faut, collectivement et individuellement, que nous nous raisonnions pour essayer d’avancer un peu dans nos travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe La République En Marche.)
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Je me sens un peu coupable d’intervenir après la déclaration de Mme Morin-Desailly… Il me semble cependant utile de rectifier un certain nombre d’affirmations.
S’il est un responsable à punir pour le manque de fréquentation dans les établissements à la fin de l’année scolaire, c’est bien l’éducation nationale ! (Murmures sur plusieurs travées.) C’est elle qui organise, par la tenue des examens, la désertification des établissements. Et il ne suffit pas de tenir ceux-ci ailleurs, il faudrait aussi que les professeurs soient disponibles à cette période, ce qui souvent n’est pas le cas.
Lorsque des parents se renseignent pour savoir si le cours de maths ou de français sera assuré et qu’on leur répond que non, ils ont forcément tendance à garder leurs enfants à la maison ou à leur permettre d’aller se livrer à leurs loisirs.
Si nous suivions vraiment cet amendement et que nous voulions appliquer une sanction, il faudrait le faire à l’encontre de l’éducation nationale. C’est elle qui porte la responsabilité de cette désaffection de fin d’année !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Si je n’avais pas voulu prendre la parole, cette dernière intervention m’y aurait naturellement conduit… Cependant, je serai bref pour répondre à l’invitation de Mme la présidente de la commission.
Il est évident qu’un absentéisme est dû aux élèves et qu’un autre l’est à l’institution. L’un n’exonère pas de l’autre et il faut s’attaquer aux deux problèmes. Sur ce sujet, comme sur tous les autres, nous devons faire preuve de lucidité et ne pas nous raconter d’histoires !
Oui, il y a un problème d’absentéisme des élèves, nous devons réagir et nous ne devons pas rester passifs.
Ce phénomène peut concerner des élèves pauvres, mais pas seulement eux, et ce point ne doit surtout pas nous aveugler. Il n’est pas bon qu’un élève n’aille pas en classe et le fait qu’il soit en difficulté sociale ne doit pas nous empêcher d’agir. C’est même le contraire, parce que, si un élève est en difficulté, le fait d’être absent aggrave les choses. Il y aurait donc une sorte de fausse bienveillance à se désintéresser de ce sujet.
Je pense depuis longtemps qu’il ne faut pas avoir une vision restreinte de cette question. Nous devons éviter d’apporter aveuglément la même solution à tout le monde de façon indifférenciée. C’est pourquoi je suis en faveur de mécanismes qui permettent de regarder chaque cas et nous allons faire des propositions dans les temps qui viennent. Nous allons donc avancer, mais pas au travers de cette loi, dont ce n’est pas le sujet.
En ce qui concerne l’absentéisme dû à l’institution, évoqué notamment par Mme la sénatrice Darcos et par M. le sénateur Tourenne, il est exact de dire que les modalités actuelles d’examen conduisent à une sorte d’effilochage du mois de juin, mais la situation va changer.
On oublie souvent de parler de cet aspect de la question, lorsqu’on parle de la réforme du baccalauréat, et je profite de l’occasion qui m’est donnée pour le faire. À partir de 2021, il y aura une véritable révolution : la diminution du nombre des examens permettra de les reporter à la fin du mois de juin. Je rappelle que seules deux épreuves seront communes à l’ensemble des élèves du baccalauréat général, la philosophie et l’épreuve orale. Cela va considérablement décongestionner le système éducatif, avec un impact non seulement pour les élèves de terminale, mais aussi pour ceux de première et de seconde, et des effets de bord sur l’ensemble du système.
Il est donc bien prévu de responsabiliser l’institution sur cet aspect des choses et l’effet de cette révolution sera complet dans deux ans.
M. le président. L’amendement n° 100 rectifié quater, présenté par M. Bascher, Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Babary, Bas et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, MM. Bizet, Bonhomme et Bonne, Mme Bories, M. Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux et J.M. Boyer, Mme Bruguière, MM. Calvet et Cambon, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon et Chatillon, Mme Chauvin, MM. Courtial, Cuypers, Dallier, Danesi, Darnaud et Daubresse, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi, Deseyne et Di Folco, M. Dufaut, Mme Dumas, M. Duplomb, Mmes Duranton et Estrosi Sassone, M. Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest, Gilles et Ginesta, Mme Giudicelli, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guené, Houpert, Huré et Husson, Mme Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Le Gleut, Lefèvre et Leleux, Mmes Lopez et Malet, M. Mayet, Mme M. Mercier, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Milon et de Montgolfier, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller et de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Pellevat, Pemezec, Perrin, Piednoir, Pierre, Pointereau et Priou, Mmes Procaccia, Puissat et Raimond-Pavero, M. Raison, Mme Ramond, MM. Rapin et Revet, Mme Richer, MM. Saury, Savary, Savin, Schmitz, Sido et Sol, Mmes Thomas et Troendlé et MM. Vaspart, Vial et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis G
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Après le mot : « publics », sont insérés les mots : « et lors des sorties scolaires organisées par ces établissements » ;
2° Après le mot : « élèves », sont insérés les mots : « ou les personnes concourant au service public de l’éducation ».
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. La laïcité est un principe républicain auquel nous sommes très nombreux à être attachés. Il appartient aux élus de tous bords politiques de rappeler sans cesse qu’elle permet de lutter contre tout ce qui nous sépare et nous divise.
M. Pierre Ouzoulias. Ce n’est pas cela, la laïcité !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Le présent amendement vise à combler un vide juridique concernant l’application du principe de laïcité lors des sorties scolaires.
L’école publique doit demeurer un espace où les élèves ne sont exposés à aucun signe religieux ostentatoire. Le principe de laïcité doit être respecté et affirmé pendant ce temps scolaire. La sortie scolaire est un moment pédagogique qui s’inscrit pleinement dans le service public de l’éducation.
Les personnes qui accompagnent les élèves lors des sorties scolaires, comme toutes celles qui concourent au service de l’éducation, deviennent des collaborateurs occasionnels du service public. Les personnes qui participent à des activités scolaires doivent faire preuve de neutralité dans l’expression de leurs convictions, notamment religieuses.
Monsieur le ministre, vous avez vous-même rappelé ce principe à la fin de 2017 et indiqué que vous considériez que le principe de laïcité avait vocation à s’appliquer au corps enseignant comme aux parents lorsqu’ils accompagnent les sorties scolaires. Un certain nombre de circulaires, au cours des dernières années, ont pu être interprétées de manière différente, et certaines juridictions administratives, comme le tribunal administratif de Montreuil ou celui de Nice, ont rendu des décisions divergentes sur ce sujet.
Dans ces conditions, il est du rôle du législateur de clarifier les choses. Cet amendement a pour objet de faire appliquer le principe de laïcité partout où il doit l’être, partout de la même façon. Il tend à rappeler l’obligation de neutralité religieuse à l’école, en incluant expressément dans son champ les sorties scolaires, qui font partie intégrante du temps scolaire.
Hier, dans cet hémicycle, j’ai entendu bon nombre de sénateurs défendre la charte de la laïcité comme fondement de l’école républicaine. Je partage bien sûr cette position et je ne doute pas que ces mêmes sénateurs voteront cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’étendre le champ de l’interdiction du port de tenues ou de signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse aux sorties scolaires et aux personnes concourant au service public de l’éducation. Il vient clarifier utilement un flou juridique : les jugements des tribunaux administratifs, l’avis de 2013 du Conseil d’État, les circulaires successives ont laissé les chefs d’établissement et les directeurs d’école dans l’incertitude et font reposer sur eux la responsabilité de permettre ou non ces comportements.
Comme le relevait le rapport de la commission d’enquête du Sénat de 2015, dont Jacques Grosperrin était le rapporteur, « la doctrine du “pas de vague” justifie des accommodements avec le principe de laïcité, faute d’une doctrine claire et opposable à tous les acteurs de la communauté éducative ».
Cet amendement apporte une réponse claire à ces enjeux. La commission y est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Nous voici de nouveau face à un sujet extrêmement important, celui de la laïcité, sur lequel, comme vous le savez, je me suis beaucoup mobilisé depuis ma prise de fonctions.
Parmi les différentes mesures que nous avons prises, je citerai notamment la création d’un conseil des sages de la laïcité, qui joue un rôle très important depuis près de deux ans. Il a édicté un certain nombre de règles et fixé des points de repère pour les différents acteurs. Il a notamment été à l’initiative de l’élaboration d’un vade-mecum, devenu une référence.
Nous avons aussi créé des équipes académiques « laïcité, lutte contre le racisme et l’antisémitisme » qui interviennent chaque fois qu’un acteur de l’éducation nationale, enseignant ou chef d’établissement notamment, les saisit parce qu’il est confronté à un problème de cet ordre.
C’est pourquoi je crois pouvoir dire qu’aujourd’hui l’éducation nationale n’est plus sur la défensive, mais à l’offensive sur la question de la laïcité : nous ne mettons pas les problèmes qui peuvent se poser au quotidien sous le tapis, nous ne sommes pas dans la philosophie du « pas de vagues » ; au contraire, nous explicitons et nous intervenons. Nous sommes désormais en mesure de dénombrer les atteintes à la laïcité – j’ai rendu les chiffres publics il y a quelques semaines – et nous avons agi plusieurs centaines de fois sur le terrain pour répondre à des difficultés.
Bien entendu, nous agissons dans le cadre du droit, tel qu’il a été fixé par la loi de 2004, qui a, de manière très pertinente, enrichi les dispositions de la loi de 1905, et nous permet aujourd’hui de faire pleinement respecter le principe de l’interdiction du port de signes religieux ostentatoires dans les établissements et les écoles.
La mise en œuvre de cette loi est clairement un succès, mais elle ne concerne évidemment pas les parents d’élèves. Des obligations pèsent néanmoins sur ceux-ci. Elles découlent à la fois de la loi de 2004, du code de l’éducation et de règles que nous avons pu fixer, comme l’interdiction du prosélytisme et le devoir d’exemplarité, mot clé de nos débats d’hier.
En outre, j’ai demandé aux acteurs de l’éducation nationale qu’aucune sortie scolaire ne soit l’occasion d’un quelconque prosélytisme de la part des accompagnants. En réponse à une question orale posée dans cet hémicycle, j’ai indiqué avoir recommandé aux directeurs d’école d’éviter, lorsqu’ils en ont la possibilité, le port par les parents de signes religieux ostentatoires.
À mon sens, il ne convient toutefois pas d’aller jusqu’à une interdiction légale, car cela contreviendrait à l’avis récent du Conseil d’État sur cette question et poserait toute une série de problèmes pratiques pouvant faire obstacle au développement des sorties scolaires, qui contribuent à l’épanouissement des élèves.
C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement, même si je suis bien conscient des problèmes qui peuvent se poser dans certains territoires de la République. Je suis le premier à les regarder en face, mais j’essaie de faire en sorte que nous prenions des mesures qui permettent de les régler efficacement et qui ne soient pas contre-productives.
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.
Mme Viviane Artigalas. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette clarification. Comme vous l’avez dit, il faut que nous soyons très vigilants : la laïcité ne doit pas servir de prétexte à tout et n’importe quoi. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Jacqueline Eustache-Brinio rit.)
Tout à l’heure, on a reproché à certaines familles de ne pas venir à l’école. Continuons comme cela, et la loi de 1905 ne sera plus une loi d’émancipation, comme le souhaitaient ses concepteurs, mais une loi d’exclusion. Nous devons veiller à ne pas exclure certains parents de l’école. Nous disposons de tout l’arsenal juridique nécessaire pour lutter contre le prosélytisme à l’école : la loi de 2004 est une bonne loi et le Conseil d’État, dans son avis, a estimé qu’il ne fallait pas aller au-delà. L’éducation nationale ne peut interdire la participation aux sorties scolaires à certains parents ; en revanche, il lui appartient de s’assurer qu’il n’y ait aucun prosélytisme à ces occasions, quelle que soit la religion.
Je voterai évidemment contre cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, pour explication de vote.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Comme tout un chacun, je rêve d’un monde parfait. J’aimerais que, lors d’une sortie scolaire d’une école publique de banlieue, on trouve parmi les adultes accompagnant les enfants à la fois une femme couverte d’un hijab, un homme portant une kippa et, pourquoi pas, une religieuse en tenue.
Mais, nous le savons tous, porter un signe religieux ostentatoire dans la sphère publique pose problème aujourd’hui, car cela rompt l’harmonie entre les Français, quelle que soit leur origine, cela choque. Notre rôle est de faire en sorte que la loi n’autorise pas ce qui favorise cette rupture de l’harmonie nationale, ce qui alimente les haines, ce qui monte les Français les uns contre les autres et, par voie de conséquence, risque de créer des conflits.
Monsieur le ministre, au même titre qu’une soutane ou qu’un kesa bouddhiste, le voile, quel qu’il soit, est non pas un simple accessoire de mode, un simple élément vestimentaire, mais un signe ostentatoire d’appartenance religieuse. Parce que l’école publique, l’école de la République à laquelle je crois, doit absolument rester laïque, je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.
M. Laurent Lafon. Je remercie les auteurs de l’amendement d’avoir soulevé cette question.
Il existe un vide juridique, nous dit-on, qu’il appartient au législateur de combler. Or, pour avoir un peu travaillé sur le sujet depuis l’examen du texte en commission, j’en suis arrivé à la conclusion qu’il n’y a, en fait, pas de vide juridique. En effet, le Conseil d’État, saisi par le Défenseur des droits, a remis en 2013 une étude qui dit le droit en la matière : il y est indiqué clairement que les parents d’élèves ne sont pas soumis au principe de neutralité, puisqu’ils sont considérés comme des usagers du service public, mais que l’autorité compétente locale peut recommander que l’on s’abstienne de manifester une appartenance religieuse dans le cadre des sorties scolaires. C’est donc une possibilité.
Par ailleurs, le vade-mecum de l’éducation nationale donne des directives somme toute assez claires en la matière (M. le ministre opine.), qui découlent de cette étude du Conseil d’État.
Du reste, les arrêts des tribunaux administratifs sont conformes aux recommandations du Conseil d’État. Dans l’objet de votre amendement, ma chère collègue, vous faites référence à deux arrêts contradictoires : or l’un est antérieur à l’étude du Conseil d’État, quand l’autre, qui lui est postérieur, est conforme à la position de ce dernier. Je n’ai donc pas le sentiment, sauf à ce que vous me prouviez le contraire, qu’il existe un vide juridique sur ce sujet.
M. Laurent Lafon. Pour autant, doit-on écarter la question ? Non, mais il ne faut pas l’aborder sur la base de l’existence d’un vide juridique.
Monsieur le ministre, nous savons que vous avez fait preuve depuis votre nomination d’un certain volontarisme sur ce sujet et envoyé des messages très clairs. Finalement, le Conseil d’État considère que c’est l’autorité locale compétente qui doit apprécier au cas par cas s’il faut interdire à des accompagnants le port de signes religieux lors des sorties scolaires. Que vous ayez été amené à vous exprimer publiquement et fermement sur le sujet découle-t-il d’un constat établissant que cette faculté laissée à l’autorité locale n’est pas ou pas suffisamment utilisée ? Si c’est le cas, est-il nécessaire de renforcer l’outil juridique pour clarifier encore davantage le cadre dans lequel peuvent intervenir les directeurs d’établissement ?
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Vous connaissez tous mon attachement à la laïcité. En dehors de cette question des sorties scolaires, je reconnais tout le travail que vous avez accompli depuis votre nomination, monsieur le ministre. Je trouve d’ailleurs très intéressant le dispositif des équipes « laïcité, lutte contre le racisme et l’antisémitisme » instaurées dans chaque académie ; je travaille beaucoup avec elles.
Les directeurs d’école primaire n’ont guère de pouvoir dans la plupart des domaines, mais on leur recommande de prendre les meilleures décisions possible s’agissant des accompagnateurs de sorties scolaires. Ils ont les épaules larges quand cela nous arrange…
Bien sûr, il faut lutter contre le prosélytisme à l’école. J’estime que le port de certains vêtements, quels qu’ils soient, par les parents accompagnant les sorties scolaires peut être considéré comme relevant d’une forme de prosélytisme passif. L’adoption de cet amendement peut-elle permettre d’améliorer les choses ? Certains enfants de certains quartiers risquent de ne plus participer aux sorties scolaires, c’est vrai, mais le Conseil d’État n’a pas été très aidant : après avoir lu les « attendus » de son étude, je ne suis pas parvenue à la même conclusion que lui…
Lorsque j’étais directrice d’école maternelle, j’envoyais à mon inspecteur la liste des personnes que j’avais pris la responsabilité de choisir pour assurer l’accompagnement des enfants. Ces personnes étaient couvertes par l’assurance de l’école : c’est le petit « delta » qui fait d’elles des acteurs de l’école, et non plus de simples parents.
Je ne suis pas du tout favorable à l’uniforme à l’école, mais je prône le port d’une tenue spécifique, par exemple d’une casquette, lors des sorties scolaires. En tout cas, je refuse que l’on fasse peser sur les directeurs d’école la responsabilité de trancher dans ce type de situations.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu vos explications. Soit dit avec tout le respect que je vous dois, il règne sur ce sujet, depuis des années, une grande hypocrisie. En effet, on fait des recommandations, mais on laisse aux enseignants la responsabilité de gérer un problème qui n’est pas simple, alors qu’il ne leur appartient pas de le faire.
Mme Françoise Laborde. Tout à fait !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Il faut un cadre, un texte qui impose la même chose à tout le monde : il n’y a que cela qui puisse fonctionner !
Le prosélytisme, qu’est-ce que c’est ? Chacun d’entre nous peut en avoir sa définition. À titre personnel, j’estime qu’une femme voilée jusqu’aux pieds fait du prosélytisme. J’assume ce point de vue, tout en respectant la position de ceux qui ne le partagent pas. Cette notion n’est pas claire, notamment pour tout ce qui concerne les sorties scolaires. L’absence de règles communes, s’imposant à tout le monde, explique que nous soyons dans le flou et l’hypocrisie depuis des années. Les enseignants demandent que l’on définisse enfin une règle claire, car ce n’est pas à eux de gérer ces problèmes : les recommandations ne constituent pas un cadre !
Enfin, le Conseil d’État s’est prononcé en 2013 : la société a évolué depuis, monsieur le ministre. Je ne suis pas sûre que le Conseil d’État n’adopterait pas une position différente si nous l’interrogions aujourd’hui.
J’espère que cet amendement sera adopté : il y va de la justice et de l’équité dans toutes les écoles !
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Je voterai cet amendement.
En gros, le Conseil d’État dit qu’il revient à l’autorité administrative locale de décider. Nous qui avons été enseignants et avons accompagné des classes lors de sorties scolaires, nous savons bien que c’est faire peser beaucoup de responsabilités sur les enseignants, comme l’a dit notre collègue Françoise Laborde. Nos collègues enseignants, qui ont déjà suffisamment de soucis comme cela, ont eux aussi besoin de sécurité. Cet amendement va dans le bon sens.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. J’aimerais avoir autant de certitudes que certains de nos collègues : ce doit être reposant ! Pour ma part, je me pose des questions, devant un problème qui est extrêmement complexe.
Il est effectivement nécessaire de garantir l’application du principe de laïcité dans tous les cas. En même temps, les situations diffèrent selon les territoires : dans certains quartiers, il n’y aura plus de sorties scolaires si l’on interdit le port du voile aux parents accompagnateurs.