Sommaire
Présidence de Mme Hélène Conway-Mouret
Secrétaires :
M. Éric Bocquet, Mme Agnès Canayer.
Conclusions de la conférence des présidents
3. Mise au point au sujet de votes
4. Création de l’Office français de la biodiversité. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi et d’un projet de loi organique dans les textes de la commission
Discussion générale commune :
Mme Anne Chain-Larché, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État
Clôture de la discussion générale commune.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
5. Grand débat national. – Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat
M. Édouard Philippe, Premier ministre
M. Édouard Philippe, Premier ministre
Suspension et reprise de la séance
M. Philippe Mouiller ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.
M. Julien Bargeton ; M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique.
M. Pascal Savoldelli ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances.
Mme Angèle Préville ; M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement.
M. Roger Karoutchi ; M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur.
Mme Nathalie Delattre ; Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Hervé Maurey ; M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Colette Mélot ; M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Alain Milon ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.
M. Didier Rambaud ; M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur.
M. Fabien Gay ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances.
M. Vincent Éblé ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics.
Mme Sophie Primas ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances.
Mme Josiane Costes ; Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Sylvie Vermeillet ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics.
M. Daniel Chasseing ; Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. Mathieu Darnaud ; Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. Richard Yung ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.
Mme Céline Brulin ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.
M. Éric Kerrouche ; Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jacques Genest ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.
M. Jean-Marc Gabouty ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics.
M. Philippe Bonnecarrère ; Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jean-Louis Lagourgue ; M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Guillaume Chevrollier ; Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont ; M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Jean-Marie Bockel ; Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. Rachid Temal ; Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Dominique Estrosi Sassone ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Élisabeth Doineau ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
6. Adoption des conclusions de la conférence des présidents
7. Candidatures à une commission d’enquête
8. Création de l’Office français de la biodiversité. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 141 de Mme Angèle Préville. – Rejet.
Amendement n° 63 rectifié ter de M. André Vallini. – Retrait.
9. Mise au point au sujet d’un vote
10. Création de l’Office français de la biodiversité. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 193 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Retrait.
Amendement n° 157 de M. Guillaume Gontard. – Rejet.
Amendement n° 64 rectifié ter de M. André Vallini. – Retrait.
Amendement n° 39 rectifié bis de Mme Patricia Morhet-Richaud. – Adoption.
Amendement n° 179 rectifié de M. Ronan Dantec. – Adoption.
Amendement n° 107 rectifié de Mme Victoire Jasmin. – Retrait.
11. Mise au point au sujet d’un vote
12. Création de l’Office français de la biodiversité. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 153 rectifié de Mme Victoire Jasmin. – Rejet.
Amendement n° 67 de M. Dominique Théophile. – Retrait.
Amendement n° 109 rectifié bis de M. André Vallini. – Adoption.
Amendement n° 199 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Adoption.
Amendement n° 57 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Retrait.
Amendement n° 3 rectifié bis de Mme Dominique Estrosi Sassone. – Adoption.
Amendement n° 70 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 160 de M. Guillaume Gontard. – Rejet.
Amendement n° 197 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Rejet.
Amendement n° 124 rectifié de Mme Anne-Catherine Loisier. – Retrait.
Amendement n° 211 rectifié de M. Patrick Chaize. – Adoption.
Amendement n° 205 rectifié de M. Jean-Paul Prince. – Rejet.
Amendement n° 65 rectifié de M. André Vallini. – Rejet.
Amendement n° 105 rectifié de M. Claude Bérit-Débat. – Retrait.
Amendement n° 212 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 45 rectifié bis de M. Jérôme Bignon. – Adoption.
Amendement n° 161 de M. Guillaume Gontard. – Rejet.
Amendement n° 206 rectifié bis de M. Jean-Paul Prince. – Rejet.
Amendement n° 11 rectifié de M. Ronan Dantec. – Retrait.
Amendement n° 196 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Adoption.
Amendement n° 214 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 4 rectifié bis de Mme Dominique Estrosi Sassone. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 1er
Amendement n° 27 rectifié de Mme Brigitte Micouleau. – Rejet.
Amendement n° 181 rectifié de M. Ronan Dantec. – Rejet.
Articles 1er bis A et 1er bis B (nouveaux) – Adoption.
Amendement n° 42 rectifié de M. Jérôme Bignon. – Adoption.
Amendement n° 43 rectifié de M. Jérôme Bignon. – Adoption.
Amendement n° 44 rectifié de M. Jérôme Bignon. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 194 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Retrait.
Amendement n° 53 rectifié de M. Jérôme Bignon. – Adoption.
Amendement n° 195 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Retrait.
Amendement n° 125 rectifié de Mme Anne-Catherine Loisier. – Rejet.
Amendement n° 126 rectifié de Mme Anne-Catherine Loisier. – Rejet.
Amendement n° 215 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 101 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
Amendement n° 91 de Mme Sylviane Noël. – Rejet.
Amendement n° 98 de Mme Sylviane Noël. – Rejet.
Amendement n° 73 du Gouvernement. – Adoption.
Renvoi de la suite de la discussion.
13. Ordre du jour
Nomination de membres d’une commission d’enquête
compte rendu intégral
Présidence de Mme Hélène Conway-Mouret
vice-présidente
Secrétaires :
M. Éric Bocquet,
Mme Agnès Canayer.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Conférence des présidents
Mme la présidente. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents réunie mardi 9 avril sont consultables sur le site du Sénat. Elles seront considérées comme adoptées en l’absence d’observations d’ici à la fin de la séance.
Conclusions de la conférence des présidents
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mercredi 10 avril 2019
À 14 h 30
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement (procédure accélérée ; texte de la commission n° 425, 2018-2019) et projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (procédure accélérée ; texte de la commission n° 426, 2018-2019)
Ces textes ont été envoyés à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable avec une saisine pour avis de la commission des affaires économiques sur le projet de loi.
Il a été décidé qu’ils feraient l’objet d’une discussion générale commune.
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 10 avril matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 1 heure
À 16 h 30
- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, relative au Grand débat national, en application de l’article 50-1 de la Constitution
• Temps attribué aux orateurs des groupes, à raison d’un orateur par groupe : 16 minutes pour le groupe Les Républicains, 12 minutes pour le groupe socialiste et républicain, 10 minutes pour le groupe Union Centriste, 8 minutes pour les groupes La République En Marche, Rassemblement Démocratique et Social Européen, communiste républicain citoyen et écologiste, Les Indépendants - République et Territoires et 5 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 31 questions-réponses :
1 minute 30 maximum par question
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
Le soir
- Désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur la souveraineté numérique
• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette mission d’information : mercredi 10 avril à 16 heures
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement (procédure accélérée ; texte de la commission n° 425, 2018-2019) et du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (procédure accélérée ; texte de la commission n° 426, 2018-2019)
Jeudi 11 avril 2019
À 10 h 30
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement (procédure accélérée ; texte de la commission n° 425, 2018-2019) et du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (procédure accélérée ; texte de la commission n° 426, 2018-2019)
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 11 avril à 11 heures
À 16 h 15 et, éventuellement, le soir
- Suite de l’ordre du jour du matin
Suspension des travaux en séance plénière :
du lundi 15 au vendredi 26 avril 2019
SEMAINE DE CONTRÔLE
Lundi 29 avril 2019
À 17 heures
- Débat sur le projet de programme de stabilité (demande de la commission des finances)
• Temps attribué à la commission des finances : 15 minutes
• Temps attribué à la commission des affaires sociales : 5 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : vendredi 26 avril à 15 heures
Mardi 30 avril 2019
À 14 h 30
- Débat sur la zone euro (demande du groupe Les Républicains)
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :
2 minutes maximum par question
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question
• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 29 avril à 15 heures
À 16 h 45
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 30 avril à 12 h 30
À 17 h 45
- Désignation des vingt-sept membres de la mission d’information sur le thème : « Transports aériens et aménagement des territoires »
• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette mission d’information : mardi 30 avril à 13 heures
- Débat sur le thème : « Quelle politique de lutte contre la pollution et le recyclage du plastique et, plus généralement, quelle utilisation du plastique en France ? » (demande du groupe SOCR)
• Temps attribué au groupe socialiste et républicain : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :
2 minutes maximum par question
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question
• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 29 avril à 15 heures
Jeudi 2 mai 2019
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe LaREM)
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au droit de résiliation sans frais de contrats de complémentaire santé (procédure accélérée ; texte n° 417, 2018-2019)
Ce texte sera envoyé à la commission des affaires sociales.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 10 avril matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 29 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 30 avril en début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 30 avril à 15 heures
- Proposition de loi visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral (texte n° 385, 2018-2019) et proposition de loi organique visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral, présentées par M. Alain Richard et les membres du groupe La République en Marche (texte n° 386, 2018-2019)
La proposition de loi et la proposition de loi organique ont été envoyées à la commission des lois.
Elles feront l’objet d’une discussion générale commune.
• Réunion de la commission des lois pour le rapport et les textes : mercredi 10 avril matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 29 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 30 avril en début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : mardi 30 avril à 15 heures
De 18 h 30 à 20 heures et de 21 h 30 à minuit
(Ordre du jour réservé au groupe SOCR)
- Proposition de loi relative à l’affectation des avoirs issus de la corruption transnationale, présentée par M. Jean-Pierre Sueur et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n° 406, 2018-2019)
Ce texte a été envoyé à la commission des finances.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 30 avril à 15 heures
- Proposition de loi portant reconnaissance du crime d’écocide, présentée par M. Jérôme Durain, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Marc Daunis, Patrick Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain (texte n° 384, 2018-2019)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 10 avril matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 29 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 30 avril en début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 30 avril à 15 heures
SEMAINE SÉNATORIALE
Mardi 7 mai 2019
À 14 h 30
- Explications de vote puis vote sur la proposition de loi tendant à renforcer les pouvoirs de police du maire dans la lutte contre l’introduction et la propagation des espèces toxiques envahissantes, présentée par Mme Agnès Canayer et plusieurs de ses collègues (texte n° 215, 2018-2019) (demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois. Il est examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 29 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : jeudi 2 mai à 10 h 30
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance, en application de l’article 47 quater, alinéa 1, du Règlement : lundi 6 mai à 12 heures
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 7 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 5 minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 6 mai à 15 heures
- Proposition de résolution au nom de la commission des affaires européennes, en application de l’article 73 quater du Règlement, sur la réforme de la politique agricole commune (PAC) (texte n° 316, 2018-2019) (demande de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires européennes)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 6 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 7 mai matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 6 mai à 15 heures
À 16 h 45
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 7 mai à 12 h 30
À 17 h 45
- Suite de la proposition de résolution au nom de la commission des affaires européennes, en application de l’article 73 quater du Règlement, sur la réforme de la politique agricole commune (PAC) (texte n° 316, 2018-2019) (demande de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires européennes)
- Proposition de résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat pour renforcer les capacités de contrôle de l’application et de l’évaluation des lois, présentée par de MM. Franck Montaugé, Jean-Pierre Sueur, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Marc Daunis, Patrick Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain (texte n° 387, 2018-2019)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 10 avril matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 3 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 7 mai matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 6 mai à 15 heures
Jeudi 9 mai 2019
À 10 h 30
- Débat sur le thème : « La caducité du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union européenne rendra-t-elle une autonomie budgétaire aux États membres ? » (demande du groupe CRCE)
• Temps attribué au groupe CRCE : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 7 mai à 15 heures
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe Les Indépendants)
- Proposition de loi tendant à renforcer les synergies entre les conseils municipaux et les conseils communautaires, présentée par M. Alain Marc et plusieurs de ses collègues (texte n° 285, 2018-2019)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 29 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 30 avril matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 6 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : jeudi 9 mai en début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 7 mai à 15 heures
- Débat sur le mécénat territorial au service des projets de proximité
• Temps attribué au groupe Les Indépendants : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :
2 minutes maximum par question
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question
• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 7 mai à 15 heures
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 14 mai 2019
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 h 30 et le soir
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour une école de la confiance (procédure accélérée ; texte n° 323, 2018-2019)
Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 19 avril à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 30 avril matin et après-midi
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 9 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 14 mai matin, début d’après-midi et à la suspension du soir et mercredi 15 mai matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 13 mai à 15 heures
Mercredi 15 mai 2019
À 14 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour une école de la confiance (procédure accélérée ; texte n° 323, 2018-2019)
Jeudi 16 mai 2019
À 10 h 30
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour une école de la confiance (procédure accélérée ; texte n° 323, 2018-2019)
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 16 mai à 11 heures
À 16 h 15 et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour une école de la confiance (procédure accélérée ; texte n° 323, 2018-2019)
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 21 mai 2019
À 15 heures
- Explications de vote des groupes sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour une école de la confiance (procédure accélérée ; texte n° 323, 2018-2019)
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 20 mai à 15 heures
De 16 heures à 16 h 30
- Scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour une école de la confiance (procédure accélérée ; texte n° 323, 2018-2019)
• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 21 mai à 12 h 30
À 16 h 30
- Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour une école de la confiance (procédure accélérée ; texte n° 323, 2018-2019)
À 16 h 45
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 21 mai à 12 h 30
À 17 h 45 et le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi portant création d’une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés (procédure accélérée ; texte A.N. n° 1737)
Ce texte sera envoyé à la commission des finances.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 13 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 15 mai matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 20 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 21 mai en début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 20 mai à 15 heures
Mercredi 22 mai 2019
À 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi organique portant modification du statut d’autonomie de la Polynésie française (texte A.N. n° 1695) et sur le projet de loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française (texte A.N. n° 1696)
Ces textes feront l’objet d’une discussion générale commune.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : mardi 21 mai à 15 heures
- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi portant création d’une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés (procédure accélérée ; texte A.N. n° 1737)
- Sous réserve de son dépôt, projet de loi relatif à la modernisation de la distribution de la presse
Ce texte sera envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 10 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 15 mai matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 20 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 22 mai matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 21 mai à 15 heures
Jeudi 23 mai 2019
À 10 h 30, à 14 h 30 et le soir
- 2 conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord-cadre relatif à la coopération en matière de sécurité sanitaire entre le Gouvernement de la République française et la Principauté de Monaco et de l’accord relatif à la coopération en matière de transfusion sanguine entre le Gouvernement de la République française et la Principauté de Monaco (texte n° 340, 2018-2019)
=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Arménie relatif à l’emploi des membres de la famille des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre (texte n° 422, 2018-2019)
• Délai limite pour qu’un président de groupe demande le retour à la procédure normale : mardi 21 mai à 15 heures
- Sous réserve de son dépôt, suite du projet de loi relatif à la modernisation de la distribution de la presse
SEMAINE DE CONTRÔLE
Mardi 28 mai 2019
À 14 h 30
- Débat sur l’avenir du cinéma français (demande du groupe Les Républicains)
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :
2 minutes maximum par question
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question
• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 27 mai à 15 heures
À 16 h 45
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 28 mai à 12 h 30
À 17 h 45
- Débat sur l’avenir de l’enseignement professionnel (demande du groupe Les Républicains)
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :
2 minutes maximum par question
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question
• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 27 mai à 15 heures
Mercredi 29 mai 2019
À 14 h 30
- Débat sur le thème : « La lutte contre la fraude à la TVA transfrontalière » (demande du groupe RDSE)
• Temps attribué au groupe RDSE : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :
2 minutes maximum par question
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question
• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 28 mai à 15 heures
Prochaine réunion de la Conférence des Présidents :
mercredi 15 mai 2019 à 19 h 30
3
Mise au point au sujet de votes
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour une mise au point au sujet de votes.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, lors du scrutin n° 48, du 5 février 2019, j’ai été considérée comme ayant voté contre, alors que je souhaitais m’abstenir.
En outre, lors du scrutin n° 54, du 12 février 2019, j’ai été comptabilisée comme ayant voté pour, alors que je souhaitais également m’abstenir.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique des scrutins.
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Création de l’Office français de la biodiversité
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi et d’un projet de loi organique dans les textes de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement (projet n° 274, texte de la commission n° 425, rapport n° 424, avis n° 411) et du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (projet n° 275, texte de la commission n° 426, rapport n° 424).
Il a été décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai le grand plaisir de vous présenter cet après-midi le projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité, l’OFB, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement.
La création de ce grand établissement par rapprochement des expertises complémentaires de l’Agence française pour la biodiversité, l’AFB, et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS, est attendue depuis longtemps – près de dix ans – par beaucoup, et elle faisait partie des priorités fixées par le Gouvernement dans le cadre de la stratégie pour la biodiversité qui a été lancée en juillet 2018.
En effet, la France est riche de sa biodiversité, puisqu’elle recèle 10 % des espèces connues au niveau mondial, essentiellement grâce à nos outre-mer et à notre espace maritime. Mais cette biodiversité est en danger. Près de 30 % des espèces sont menacées ou quasi menacées sur notre territoire du fait d’activités humaines – pollutions, artificialisation des sols, fragmentation des habitats, surexploitation des espèces – et du développement d’espèces exotiques envahissantes.
Pourtant, nous le savons, la biodiversité nous rend des services inestimables : les milieux humides nous fournissent l’eau potable, les insectes pollinisent nos cultures, les dunes et les mangroves nous protègent des tempêtes, les océans régulent le climat… Le Gouvernement a donc lancé une action déterminée dans le domaine de la biodiversité.
Cette reconquête passe par la création d’un opérateur de premier plan permettant d’appréhender tous les aspects de la biodiversité sur tous les types de milieux – terrestres, aquatiques, marins, y compris ultramarins – et sur tous les territoires. Tel est l’objet du présent texte, en tout cas dans sa première partie.
Ce texte a déjà été largement enrichi lors de son examen à l’Assemblée nationale. Je voudrais saluer les travaux qui ont d’ores et déjà été menés par la commission au Sénat.
Je voudrais néanmoins revenir sur quelques points.
Je commencerai par le nom de l’établissement. Le Gouvernement avait proposé – son amendement en ce sens avait été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale – de l’appeler « Office français de la biodiversité ». La commission a souhaité y ajouter le mot « chasse ». Néanmoins, il ne me semble pas judicieux d’opposer la biodiversité et la chasse.
La biodiversité inclut la chasse, comme le prévoient les missions de l’opérateur. Par ailleurs, lorsque nous avons choisi ce nom, nous avons sollicité l’avis des agents des deux établissements fusionnés, lesquels avaient choisi le nom « Office français de la biodiversité ».
Pour ce qui concerne la taille du conseil d’administration, nous souhaitons tous, le Gouvernement et les assemblées, que le format retenu permette un fonctionnement efficace de cet établissement. Lors des discussions à l’Assemblée nationale, j’ai été amenée à donner un ordre de grandeur sur la taille de ce conseil, qui comprendra entre 30 et 40 membres.
Les travaux préalables ont permis de préciser la représentation des parties prenantes, avec un conseil d’administration équilibré. Un comité d’orientation adossé à ce conseil d’administration aura vocation à être plus largement ouvert.
Enfin, au vu de l’expérience de l’actuelle AFB, il semble important que ce conseil d’administration puisse, dans certains cas, donner des délégations à ces commissions. Nous défendrons donc le rétablissement de cette disposition.
S’agissant d’un établissement public de l’État auquel sont confiées des missions régaliennes de police, le Gouvernement est attaché à conserver la majorité au conseil d’administration dans le premier collège, celui qui regroupe les représentants de l’État et les personnalités qualifiées.
Afin de concilier une taille raisonnable du conseil d’administration, la diversité des parties prenantes et la nécessaire majorité accordée à l’État, le Gouvernement portera un amendement, que nous espérons de compromis, en vue de confier plusieurs voix aux administrateurs représentant l’État, donc de maîtriser la taille de cet organe.
La présence des outre-mer dans les instances de gouvernance de cet établissement représente un enjeu fort. La commission a d’ailleurs précisé, et je l’en remercie, que les parlementaires ultramarins seraient représentés à l’intérieur du collège des parlementaires, ce qui est un signal très important.
De nombreuses questions ont d’ores et déjà été posées pour ce qui concerne les moyens de l’office.
Cet établissement porte une ambition forte au service de la biodiversité dans toutes ses composantes, qui se traduit par l’établissement d’une police de l’environnement et de la ruralité, et par l’accompagnement et la transformation de la chasse et de la chasse durable, sera financé.
La question du financement de l’établissement, posée dans la réforme, sera traitée lors de l’examen du projet de loi de finances, dans l’équilibre global des comptes publics, à la fois, pour la partie fonctionnement stricto sensu de l’établissement – nous devons trouver 30 millions d’euros pour sécuriser le budget de fonctionnement de l’établissement fusionné – et pour la contribution annoncée qui abondera la contribution des chasseurs aux actions concourant directement à la biodiversité. En effet, chaque chasseur financera à hauteur de 5 euros par permis de chasse une contribution qui sera abondée par la puissance publique à hauteur de 10 euros, laquelle, je le répète, sera également financée.
Le calendrier de mise en œuvre de ce nouvel établissement est ambitieux, mais réaliste. L’établissement lui-même sera juridiquement créé au 1er janvier 2020.
En marge des travaux menés pour préparer le projet de loi, la préfiguration du nouvel établissement et bien engagée. Je dirige personnellement son comité de pilotage, qui associe le « préfigurateur », les deux directeurs généraux de l’AFB et de l’ONCFS, les deux ministères qui concourent à la tutelle, les services déconcentrés du ministère de l’écologie et les agences de l’eau.
Le dialogue social est également engagé avec les organisations syndicales, qui portent une demande légitime de requalification des inspecteurs de l’environnement de la catégorie C en catégorie B, et de reconnaissance plus grande des chefs de services départementaux. Après analyse approfondie, il apparaît que ces mesures ne relèvent pas du niveau législatif, mais qu’elles sont pertinentes. Nous y travaillons.
Le deuxième volet de ce texte traduit l’ambition d’une chasse plus durable.
Le Gouvernement considère, comme la Fédération nationale des chasseurs, la FNC, la sécurité à la chasse comme une priorité. On ne peut que se réjouir du bilan provisoire pour 2018 et 2019, qui montre un niveau historiquement bas d’accidents mortels, mais une hausse des accidents avec blessés – 130, contre 113 lors de la saison précédente – et des incidents avec des dégâts matériels.
Le projet de loi prévoit que l’accompagnateur d’un jeune chasseur devra suivre une formation spécifique. Nous souhaitons, en liaison avec le monde de la chasse, aller un peu plus loin. Le Gouvernement proposera donc deux amendements, qui tendent à prévoir, l’un des obligations minimales de sécurité pour homogénéiser les règles de sécurité à la chasse, l’autre, un dispositif de rétention-suspension du permis en cas d’accident ou d’incident matériel, sur le modèle du permis de conduire.
Une autre question importante, dont nous aurons largement l’occasion de débattre, concerne les dégâts de gibier.
L’enjeu est de mieux réguler le grand gibier, dont les populations s’accroissent fortement, afin d’enrayer l’augmentation des dégâts sur les cultures et les boisements. La perspective est avant tout de prévenir et de développer une approche globale, ce à quoi invite le rapport de la mission parlementaire du député Alain Perea et de votre collègue Jean-Noël Cardoux, deux grands spécialistes du sujet. Je les remercie de ce travail, qui s’est d’ores et déjà traduit par l’adoption de plusieurs amendements par la commission. Je pense, par exemple, à la limitation de l’agrainage ou aux lâchers de sangliers.
En outre, afin de renforcer la lutte contre ces dégâts, sont prévues la responsabilisation financière des fédérations départementales dans l’indemnisation des dégâts, qui est souhaitée par la FNC et qui fait partie de l’équilibre de la réforme, la suppression de la péréquation financière directe au niveau national et la généralisation d’un mécanisme d’incitation financière de chaque chasseur. La Fédération nationale s’est d’ores et déjà engagée à continuer à soutenir, via une contribution particulière, les fédérations départementales qui en auraient besoin.
Enfin, le projet de loi prévoit le transfert aux fédérations départementales de la gestion des associations communales de chasse agréées, les ACCA, et des plans de chasse, en leur donnant davantage de leviers pour agir. L’État interviendra en cas de défaillance grave des fédérations, et restera compétent pour fixer les objectifs de prélèvements d’espèces au niveau départemental.
Ces transferts de mission seront compensés financièrement dans le cadre du financement global de la réforme.
Cette réforme prévoit également la mise en place de la gestion adaptative des espèces.
Une chasse plus durable permet de mieux adapter le niveau de prélèvement d’une espèce à son état de conservation. Un comité d’experts scientifiques a été créé au début du mois de mars pour faire des propositions en la matière.
Le projet de loi précise la définition de cette gestion adaptative et renvoie à un décret le soin de préciser la liste des espèces concernées. Il met en place une obligation de déclaration des prélèvements et la fixation de quotas de prélèvement pour les espèces concernées.
Enfin, le projet de loi prévoit une contribution de 5 euros par permis de chasse et par an pour financer des actions concrètes en faveur de la biodiversité. Le Gouvernement s’est engagé à soutenir ces actions à hauteur de 10 euros par an et par chasseur.
La déclinaison des modalités de mobilisation de cette contrepartie fait l’objet d’un travail conjoint de l’AFB, l’ONCFS et la FNC, qui avance bien et qui devrait être formalisé sous la forme d’une convention-cadre nationale, à laquelle seront associées, en tant que de besoin, les agences de l’eau, afin que ces actions concourent directement à la biodiversité et financent des projets dans les territoires.
Le Gouvernement présentera enfin un amendement visant à préciser l’organisation du Fichier national du permis de chasser, qui sera composé d’une base des permis délivrés alimentée par l’ONCFS, et bientôt par l’OFB, et d’une base des validations de permis gérée par la FNC et alimentée par les fédérations départementales. Ces deux bases sont, depuis très récemment, opérationnelles et interconnectées grâce à un travail conjoint, que je salue, mené par les fédérations de chasseurs, l’ONCFS et l’AFB.
Le troisième volet de ce texte renforce la police de l’environnement, sous ses deux aspects de police judiciaire et de police administrative.
Pour la police judiciaire, le projet de loi procède à une extension significative des prérogatives des inspecteurs de l’environnement pour leur permettre de mener des enquêtes ordinaires en totalité, de la constatation de l’infraction jusqu’à l’orientation de poursuites une fois l’enquête achevée, sans qu’il y ait lieu de se dessaisir au profit d’un officier de police judiciaire, un OPJ.
Par ailleurs, de nouvelles procédures entrent en vigueur dans le cadre de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, notamment la cosaisine par le procureur des inspecteurs de l’environnement et de la gendarmerie lorsqu’une enquête nécessite les compétences et les moyens de ces deux corps.
Une mission sur la justice environnementale a par ailleurs été engagée conjointement par la chancellerie et par le ministère de la transition écologique et solidaire. Elle a identifié quelques évolutions utiles, qui conduisent le Gouvernement à proposer des amendements.
Cette mission ne recommande pas à ce stade d’affecter aux inspecteurs de l’environnement des pouvoirs de coercition, du type garde à vue, seule prérogative qui distinguera encore les inspecteurs de l’environnement des OPJ au regard des nouveaux pouvoirs qui leur seront conférés.
Au titre de la police administrative, le Gouvernement a souhaité également renforcer l’efficacité des mesures existantes. Il proposera des amendements de nature à compléter le dispositif actuel, tendant notamment à garantir l’exécution des décisions de suspension prises à titre conservatoire par l’autorité administrative compétente, dès lors qu’il y a un caractère d’urgence avéré.
Vous le voyez, ce texte est riche et équilibré. Je souhaite que les travaux se poursuivent au Sénat avec le même esprit constructif que celui qui avait présidé aux travaux de l’Assemblée nationale, ainsi qu’à ceux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des affaires économiques de votre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Luche, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, près de trois ans après l’adoption de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, nous examinons aujourd’hui le projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité, ainsi qu’un projet de loi organique complémentaire, portant sur l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.
Permettez-moi de rappeler que la loi biodiversité de 2016 a permis la création de l’Agence française pour la biodiversité, l’AFB, à partir du regroupement de quatre organismes publics : l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’Onema, Parcs nationaux de France, l’Agence des aires marines protégées et l’Atelier technique des espaces naturels, l’ATEN.
L’objectif était alors de rassembler les opérateurs de l’État actifs en matière de biodiversité dans une seule et même entité, afin de simplifier et de renforcer les actions menées par l’État dans ce domaine. Lors de l’examen du projet de loi « biodiversité » en 2016, il était peut-être prématuré d’y intégrer l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, ONCFS.
Ce délai supplémentaire a permis de poursuivre les échanges avec les parties prenantes, pour envisager aujourd’hui un rapprochement apaisé entre l’AFB et l’ONCFS.
De ce projet de réforme, nous partageons les principales orientations et dispositions, à savoir la mise en place d’un nouvel établissement public, le renforcement de la police de l’environnement et une responsabilisation accrue des acteurs du monde de la chasse en faveur de la biodiversité.
Il faut le rappeler, les chasseurs sont les premiers observateurs au quotidien de la biodiversité. Ils arpentent de long en large nos différents territoires. Ils sont les premiers à constater les changements de la nature ou les dépôts sauvages, par exemple. Dans certains territoires, la nature est rude, voire hostile. Elle a besoin d’être entretenue pour offrir les paysages époustouflants qu’admirent les nombreux touristes l’été. Les chasseurs contribuent bénévolement à la mise en valeur de cette biodiversité, à laquelle ils sont très attachés.
Néanmoins, le texte transmis par l’Assemblée nationale présentait certaines lacunes, qui appelaient des clarifications et un rééquilibrage général, en vue de répondre à des inquiétudes persistantes sur ce projet de fusion. Grâce à un débat de qualité, notre commission a adopté près de 80 amendements, ce qui a permis d’aboutir à un texte dont l’ambition et la cohérence sont sorties renforcées.
Je salue à cet égard Anne Chain-Larché, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, avec laquelle nous avons travaillé en bonne intelligence, ainsi que Jean-Noël Cardoux, président du groupe d’études Chasse et pêche, avec lequel nous nous sommes constamment concertés pour élaborer un texte riche et ambitieux concernant la chasse. Notre commission a donc apporté des modifications substantielles au projet de loi, en visant quatre objectifs principaux.
Nous avons tout d’abord souhaité améliorer la gouvernance du futur établissement public, afin de garantir une représentation plus équilibrée des différentes parties prenantes.
Sensible à la place particulière qu’occupe le monde cynégétique dans les politiques en faveur de la biodiversité, la commission a renommé l’Office français de la biodiversité : « Office français de la biodiversité et de la chasse ».
Elle a également modifié en profondeur son mode de gouvernance, dans le souci de lui assurer une représentativité et une efficacité renforcées. Ainsi, elle a supprimé la règle de la majorité acquise aux représentants de l’État, lui préférant un conseil d’administration moins pléthorique, mais rassembleur de toutes les parties concernées, dont certaines avaient été jusqu’alors oubliées.
Dans un second temps, notre commission s’est montrée soucieuse d’étoffer les pouvoirs de police judiciaire dont sont attributaires les inspecteurs de l’environnement, et plus généralement les fonctionnaires et agents publics chargés d’une mission de police de l’environnement. Elle a, pour ce faire, retenu une approche équilibrée : favorable à un renforcement de leurs pouvoirs de coercition, sur lesquels le texte initial était presque muet, elle s’est toutefois refusée à leur conférer des pouvoirs calqués sur ceux des officiers de police judiciaire.
Sans nier les difficultés auxquelles sont exposés les agents de police spéciale de l’environnement, il ne nous a pas semblé approprié de les doter de toutes les prérogatives d’officiers de police judiciaire, sans qu’ils aient préalablement reçu la formation nécessaire ou sans qu’ils disposent des locaux adéquats. La commission s’est donc attachée à étendre le périmètre de leurs pouvoirs de contrainte, tout en considérant que l’activité répressive devrait rester le dernier recours de cette police spécifique.
Le troisième objectif visé par notre commission a été d’enrichir les dispositions du texte relatives à la chasse.
Toutes les chasses doivent être prises en compte dans leur diversité. Dans nombre de territoires, la chasse reste une activité populaire, accessible à un large public, aussi bien à des jeunes ouvriers ou artisans qu’à des retraités aux revenus modestes.
Ainsi, compte tenu de leur rôle incontournable dans nos territoires, nous avons notamment conforté les missions des fédérations départementales en matière de gestion du patrimoine naturel et d’organisation des activités de chasse. Ces fédérations sont les piliers d’une bonne gestion patrimoniale des espaces naturels.
Notre commission a par ailleurs inscrit dans le projet de loi, Mme la secrétaire d’État l’a rappelé, l’obligation pour l’État d’apporter 10 euros par permis validé aux fédérations des chasseurs, en complément de l’obligation incombant à chacune d’entre elles de dépenser au moins 5 euros par permis en faveur de la protection de la biodiversité.
Chaque fédération départementale recevra directement cette contribution à due concurrence du nombre de ses adhérents, tandis que la Fédération nationale des chasseurs sera chargée de gérer un fonds permettant d’assurer une péréquation complémentaire entre fédérations locales. Il s’agit d’un dispositif particulièrement équilibré, que nous avons élaboré conjointement avec la commission des affaires économiques.
Notre commission a également renforcé la lutte contre les dégâts de grand gibier, qui constituent un véritable fléau dans certains territoires, en particulier pour les agriculteurs et les forestiers.
À cette fin, nous avons accru les pouvoirs du préfet en matière de plans de chasse en cas d’augmentation des dégâts dans un département. Notre commission a par ailleurs décidé de mesurer avec certains critères le nourrissage des sangliers, ainsi que la vente et le transport de ces animaux, pour mieux maîtriser les populations et les risques sanitaires, lesquels sont d’actualité.
En matière de gestion adaptative, la commission a tenu à ce que le nouveau dispositif ne se traduise pas par des contraintes excessives pour les chasseurs, notamment en atténuant les sanctions encourues en cas de manquement à l’obligation de transmettre les données de prélèvement.
Par ailleurs, nous avons complété le projet de loi par plusieurs dispositions visant à améliorer la protection du patrimoine naturel. Outre l’introduction dans le code de l’environnement d’une définition de la géodiversité, nous avons élargi le périmètre des aires marines protégées et clarifié les critères de reconnaissance des zones humides.
Enfin, la sécurité liée à la pratique de la chasse doit être améliorée, notamment dans la visibilité des chasseurs. Renforcer les mesures de sécurité sera bénéfique à tous, et en premier lieu aux chasseurs eux -mêmes.
Au total, le texte adopté par notre commission présente un projet de réforme plus équilibré, qui permet de donner toute sa place aux différentes parties prenantes.
À ce titre, nous nous réjouissons que ce projet de fusion se présente dans une atmosphère constructive et apaisée. Chacun a compris qu’il était indispensable de sortir d’une opposition stérile et caricaturale entre de supposés défenseurs et de supposés opposants de la biodiversité. Il est nécessaire d’agir en privilégiant des solutions partagées, concrètes et pragmatiques, élaborées au plus près du terrain. C’est ainsi que nous assurerons une meilleure protection de la biodiversité.
Je conclurai mon propos par la question du financement du futur établissement public, qui suscite les plus vives inquiétudes de notre commission. En effet, à l’issue de la loi de finances pour 2019 et de plusieurs arbitrages complémentaires, le budget de l’établissement sera confronté à près de 40 millions d’euros de dépenses non couvertes.
Vous avez pris l’engagement devant notre commission, madame la secrétaire d’État, de financer une part importante de ce déficit par des crédits strictement budgétaires. Néanmoins, nous craignons que le reliquat ne soit in fine couvert par une nouvelle augmentation des contributions des agences de l’eau, laquelle se ferait au détriment des moyens de la politique de l’eau, pourtant essentielle aux collectivités territoriales.
M. Charles Revet. C’est à craindre, en effet !
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Les débats que nous aurons, ensemble, permettront, je l’espère, de clarifier ces incertitudes financières. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne Chain-Larché, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, souvent décriés, les chasseurs sont pourtant des acteurs incontournables de la biodiversité. Fins observateurs de la nature, ce sont les premiers à constater les évolutions de notre environnement.
Je ne puis que regretter que leur rôle ne soit pas reconnu à sa juste valeur. Les chasseurs n’ont en effet pas attendu ce projet de loi pour conduire des actions en matière de biodiversité, et les montants engagés dépassent bien souvent les 5 euros par permis de chasser.
Le Gouvernement propose de leur transférer deux compétences : la gestion des plans de chasse et celle des ACCA, ce dont je me félicite.
Le rôle des ACCA n’est plus à démontrer, chacun en conviendra. Il faut cependant veiller au maintien de ces associations qui contribuent à la régulation du gibier et de la biodiversité en favorisant le regroupement de terrains morcelés de petite taille. Elles sont la garantie d’une chasse populaire.
L’OFB est issu de la fusion de l’AFB et de l’ONCFS. Il est vrai que cet établissement a mis du temps à voir le jour. Néanmoins, cette fusion fait aujourd’hui l’unanimité, y compris chez les chasseurs.
Comme vous, madame la secrétaire d’État, nous pensons que la dénomination d’un établissement est importante, qu’elle renvoie à son identité et à ses ambitions. Au regard de leur rôle en matière de biodiversité, nous avons estimé que les chasseurs devaient avoir toute leur place au sein de ce nouvel établissement. C’est pourquoi nous l’avons rebaptisé « Office français de la biodiversité et de la chasse ».
Nous avons également cherché à rééquilibrer son conseil d’administration en faveur des chasseurs, mais aussi de deux autres acteurs importants, dont le cœur de l’activité est lié à la nature. Je veux bien entendu parler des agriculteurs et des forestiers.
Sur un sujet aussi important que la biodiversité, l’État doit savoir convaincre ses partenaires et rechercher le consensus.
L’État n’a la majorité ni dans Parcs nationaux de France ni à l’ONCFS. Ces établissements n’en sont pas moins bien gérés. Il n’y a donc aucune raison que ce soit différent pour l’OFB. C’est pourquoi nous avons proposé que l’État n’ait pas la majorité, mais uniquement un droit de veto.
Tel est le sens des amendements que j’ai portés, et qui ont été adoptés par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
La question des moyens, tant humains que financiers, du nouvel établissement nous a interpellés. En effet, alors même que nous allons renforcer les pouvoirs des inspecteurs de l’environnement, ceux-ci ne seront pas en nombre suffisant pour exercer une pression de contrôle minimale dans les territoires. Pis, les moyens financiers ne sont pas au rendez-vous : il manque 41 millions d’euros dans le budget du nouvel établissement.
Les agences de l’eau participeront au financement hauteur de 258 millions d’euros. Elles devront en outre financer la promesse de l’État de mettre 10 euros pour 5 euros versés par les chasseurs, soit 11 des 41 millions manquants.
Une présence de l’État dans le financement de l’OFB à hauteur de 30 millions, on aimerait y croire, mais nous connaissons tous Bercy… Je crains que les agences de l’eau ne soient de nouveau mises à contribution, et ce aux dépens des communes et des EPCI.
Ces prélèvements sur les agences de l’eau sont intolérables. Ils sont contraires aux directives européennes relatives à l’eau et au principe selon lequel l’eau doit payer l’eau.
M. Charles Revet. Exactement !
Mme Anne Chain-Larché, rapporteure pour avis. Comment les agences pourront-elles, demain, réaliser leurs investissements en matière d’eau potable et d’assainissement, si nous continuons à les ponctionner de la sorte ?
M. François Bonhomme. Elles sont à sec ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne Chain-Larché, rapporteure pour avis. Présenter des réformes non ficelées sur le plan budgétaire, cela devient une manie, une très mauvaise habitude.
En nous renvoyant au prochain projet de loi de finances, vous desservez, madame la secrétaire d’État, la réforme que vous proposez, et vous desservez la biodiversité que vous entendez défendre. Comme Jean-Claude Luche et Jean-Noël Cardoux, avec lesquels j’ai travaillé en bonne intelligence, et nos collègues sénateurs, nous serons au rendez-vous des débats budgétaires pour réexaminer le circuit de financement du nouvel établissement et revoir la contribution des agences de l’eau.
En conclusion, la commission des affaires économiques a donné un avis favorable à l’adoption du projet de loi sous réserve des amendements qu’elle a adoptés et des réponses apportées aux interrogations que soulève une réforme dont la soutenabilité financière n’est pas assurée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Jérôme Bignon. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, « si l’on m’apprenait que la fin du monde est pour demain, je planterai quand même un pommier ». Je reprends cette phrase de Martin Luther King à mon compte, tant il est primordial dans la lutte pour la préservation de la biodiversité de ne jamais baisser les bras.
Mon engagement est ancien dans ce combat. Il m’a mené sur de nombreux chemins, un peu partout dans le monde, à la rencontre de multiples institutions, organismes et personnes concernés. Je puis vous confirmer qu’il existe de très belles initiatives, dans tous nos territoires métropolitains et ultramarins : chaque action, même la plus anodine, compte, et contribue à ce combat.
Dans le contexte actuel du réchauffement climatique, enrayer l’effondrement de la biodiversité est plus que jamais capital. Le maintien de la biodiversité est une condition sine qua non de notre propre survie ; nous en sommes un des éléments essentiels.
La biodiversité est tout à la fois le tissu vivant de notre planète et notre pharmacie ; elle fournit en biens et services près de deux fois la valeur de ce que produisent les humains chaque année ; plus de 70 % des cultures que nous consommons dépendent d’une pollinisation animale.
Or la dégradation de la biodiversité n’est pas un mythe : les experts français – ceux du Muséum, du Centre national de la recherche scientifique et des ONG – et mondiaux – de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, l’IPBES – indiquent que la moitié des espèces vivantes pourrait disparaître d’ici à un siècle, compte tenu du rythme actuel de leur disparition, cent à mille fois supérieur au taux naturel d’extinction.
La crise d’extinction actuelle est bien plus rapide, et elle est quasi exclusivement liée aux activités humaines. Avec ses outre-mer, la France se situe parmi les dix pays abritant le plus grand nombre d’espèces mondialement menacées.
Les milieux naturels sont fragilisés ou détruits par les activités humaines : sur l’ensemble de la planète, 60 % d’entre eux ont été dégradés au cours des cinquante dernières années et près de 70 % sont exploités au-delà de leur capacité. Une superficie équivalente au département de notre rapporteure pour avis disparaît tous les dix ans et perd ses espaces cultivables.
J’ai récemment remis un rapport au Premier ministre sur les « zones humides ». Le constat est sans appel : ces terres d’eau, milieux dont les bienfaits sont inestimables pour l’homme, continuent de disparaître à un rythme accéléré.
Heureusement, le thème de la biodiversité et de sa préservation s’impose de plus en plus dans les débats publics ; les jeunes générations, à l’image de la Suédoise Greta Thunberg, sont de plus en plus réceptives à l’idée d’interroger notre place, notre rôle au sein de la biodiversité et l’impact de nos activités, en lien avec la problématique du changement climatique. Cela doit encore progresser. Il y a maintenant urgence à agir pour qu’un véritable changement de paradigme en faveur de la protection de la biodiversité ait lieu.
La France a pris part à de grands engagements internationaux, comme le Millenium Assessment pour 2030 et ses dix-sept objectifs de développement durable, ou ODD, sont essentiels. Les pays membres de l’ONU, les pays européens et l’Union européenne ès qualités se sont lancés dans cette formidable aventure dont le succès conditionne la réussite de l’accord de Paris.
Le plan Biodiversité lancé en 2018 répond en partie à cet objectif. Il faut aussi des opérateurs publics puissants et efficaces. La gouvernance est en effet un enjeu majeur de la préservation et de la gestion de la biodiversité.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires et moi-même nous félicitons donc de la création de l’Office français de la biodiversité, qui sera, nous en sommes certains, un opérateur clé pour restaurer et protéger la biodiversité de façon efficace.
À l’Assemblée nationale, j’avais été le promoteur législatif de l’Agence des aires marines protégées en 2005. J’avais soutenu le regroupement de cette agence avec l’Onema, l’ATEN et l’établissement public Parcs nationaux de France au travers de la création de l’Agence française pour la biodiversité ; j’avais eu l’honneur d’être le rapporteur du texte dans notre assemblée. J’approuve donc, et mon groupe avec moi, cette étape qui devrait faire de ce nouvel établissement public un outil pertinent, concret et complet, pour agir sur le terrain partout en France.
Il faudra, madame la secrétaire d’État, lui en donner les moyens – je souscris à l’avis des rapporteurs – humains et financiers : je partage à cet égard les inquiétudes exprimées sur les 40 millions d’euros manquants. L’office doit être doté des moyens d’agir.
Le projet de loi semble à première vue assez technique, mais il traduit en réalité un portage politique affirmé pour répondre aux enjeux de la biodiversité en France. Ce nouvel office devrait permettre d’accroître l’efficacité des politiques de l’eau et de la biodiversité par une meilleure connaissance, surveillance, préservation et gestion des espèces et milieux. Le renforcement de la police de l’environnement sur le terrain, au plus près des besoins, et l’adossement à une expertise scientifique et technique reconnue étaient bien sûr indispensables.
Je tiens à saluer le travail du rapporteur Jean-Claude Luche et de la rapporteure pour avis Anne Chain-Larché pour les améliorations déjà apportées à ce projet de loi par notre assemblée en commission.
Le travail en bonne intelligence avec toutes les parties intéressées – chasseurs, agriculteurs, acteurs économiques, organismes privés et publics, ONG, scientifiques – sera également primordial pour le bon fonctionnement de ce nouvel office. Leur présence dans les instances délibérantes avec un effectif qui devra, je le répète, car je l’ai déjà dit en commission, rester raisonnable – le conseil d’administration est une instance de décision, non de discussion – est une très bonne chose, tout comme l’association étroite des chasseurs à la préservation de la biodiversité.
Je conclurai mes propos en citant Platon et en évoquant le fameux kairos grec : « Si on laisse passer le temps de faire une chose, on la manque. » Ce moment est aujourd’hui arrivé. Chaque pierre sera utile pour fortifier l’édifice de la préservation et de la reconquête de la biodiversité. Espérons que ce nouvel office sera l’une de ces pierres ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, c’est un honneur pour moi d’intervenir après Jérôme Bignon dans cette discussion. Cela montre bien non pas la forme de consensus, mais la complémentarité qui a régné durant l’élaboration de cette loi et qui va perdurer pendant nos débats.
Ce texte est celui des engagements tenus, par le chef de l’État et le Gouvernement, par le monde de la chasse, mais aussi par les environnementalistes. C’est le texte de tous les acteurs de la protection des écosystèmes. À ce titre, il mérite d’être salué.
Voté à la quasi-unanimité à l’Assemblée nationale, le présent projet de loi va permettre d’envisager des pratiques plus rationnelles et une meilleure protection de l’environnement.
C’est un projet de loi à la fois ambitieux, courageux et visionnaire ; il est équilibré à l’égard de l’ensemble des partenaires du monde rural. Il s’inscrit dans un pari audacieux, auquel j’adhère totalement, car il s’agit d’assurer et d’assumer le développement de la chasse française dans tous nos territoires ruraux.
Il s’agit également de porter l’idée que la chasse doit s’adapter, se moderniser, s’ouvrir pour gérer plus efficacement la faune sauvage, responsabiliser les gestionnaires des territoires, partir à la reconquête de l’opinion publique et promouvoir une chasse durable.
Devant tous les dirigeants de la chasse française réunis à l’occasion de leur congrès en 2017, le chef de l’État Emmanuel Macron, qui était alors candidat et que j’accompagnais, avait affirmé avec bon sens et conviction : « La chasse n’est ni un sport ni un loisir, mais un mode de vie. » Mais, soyons clairs, mes chers collègues, et je tiens à le préciser ici, ce n’est pas une loi « chasse » !
Il y a près de vingt ans, à la suite d’une très grande consultation, j’ai écrit un rapport contenant 110 propositions pour une chasse apaisée et responsable. Il a abouti à la loi du 24 juillet 2000, qui a fait du droit de chasse un droit positif confortant toutes les pratiques de chasses, accordant à la Fédération nationale des pouvoirs dont elle ne disposait pas jusque-là et reconnaissant la responsabilité de chacun.
Cette loi a permis de nombreuses avancées, aujourd’hui reconnues par le monde cynégétique.
Madame la secrétaire d’État, j’en profite pour saluer votre engagement et celui de tous les partenaires – je remercie également la commission – sur ces sujets qui me tiennent à cœur, ainsi que votre prédécesseur Sébastien Lecornu, avec lequel nous avons travaillé.
La création de l’OFB répond à ces attentes, puisque cet office permettra de faire travailler ensemble le monde de la chasse et celui de l’environnement. Les expertises sont rapprochées, et les pouvoirs de la police de l’environnement renforcés.
Mme la secrétaire d’État les ayant évoqués, je ne m’attarde pas sur les cinq piliers sur lesquels repose l’office – je pense notamment aux pouvoirs de police, à la connaissance des espèces et à la politique de l’eau. Je veux en retenir que deux.
Le premier est la mission de police, qui correspond à un engagement du chef de l’État et à une demande très forte du Gouvernement, des maires, des territoires ruraux et des agents de l’environnement qui veulent une police rurale aux missions bien définies et disposant des moyens juridiques et financiers nécessaires à l’exercice de ses missions.
Je le redis, c’est une attente réelle des territoires et de leurs acteurs. Le monde de la chasse est très attaché à cette police. Il fait d’ailleurs preuve de responsabilité en termes de mission sur les espèces, de police et de sécurité. Tout le monde peut en convenir, la sécurité n’est pas absente de nos pensées. Nous pourrons d’ailleurs soutenir les amendements du Gouvernement qui vont en ce sens.
Mon deuxième point, moins facile à évoquer, concerne la gestion adaptative des espèces. J’entends déjà le bruit gronder en dehors de cet hémicycle. Il s’agit pourtant d’une notion de bon sens, nous le savons tous ici. Chacun veut la survie des différentes espèces, et personne ne souhaite mettre à mal les espèces menacées.
La gestion adaptative doit s’appliquer seulement aux espèces qui posent des problèmes, soit parce que les populations diminuent soit parce qu’à l’inverse elles augmentent en causant souvent des dégâts sur leur environnement, et plus globalement sur la biodiversité.
Il faut brise le tabou selon lequel les espèces, qu’elles soient protégées ou chassables, demeureraient pour toujours intouchables. Il faut mettre fin à l’effet cliquet, qui veut qu’une espèce non chassable aujourd’hui le soit indéfiniment.
La gestion adaptative doit s’appliquer autant à l’oie cendrée qu’au cormoran ou à la tourterelle des bois, une espèce actuellement menacée. J’ajoute que cette gestion doit concerner toutes les espèces en danger, et pas seulement les espèces chassables. Les États-Unis et le Canada gèrent parfaitement cette situation, avec une méthode adaptée et éprouvée depuis plus de vingt ans.
Madame la secrétaire d’État, je sais tous les efforts que vous avez déployés auprès de la Commission européenne. Il est regrettable que le Conseil d’État n’ait encore rien compris, alors que même le commissaire européen à l’environnement a écrit, pour la première fois en vingt ans, que l’on pouvait chasser les oies en février sans aucun problème.
Durant la discussion de ce texte, je sais que nous allons revenir sur de nombreux sujets : les dégâts de gibier, en forêts ou ailleurs, déjà très bien assumés aujourd’hui par de nombreuses fédérations, l’engrillagement, l’agrainage. Dans ces domaines, je tiens à le dire ici, les fédérations de chasse font des propositions que nous allons examiner dans un souci de sagesse, tout en gardant à l’esprit notre objectif de clarification, d’efficacité et de responsabilité.
Enfin, je souhaiterais aborder la question du financement, qui a déjà été évoquée. L’État doit se recentrer sur ses compétences régaliennes, et il est normal de faire confiance aux fédérations qui sont déjà chargées de missions de service public. Elles les gèrent pour un coût moins élevé et avec davantage d’efficacité que la puissance publique.
J’ai l’intime conviction que la réforme sera totalement financée et que l’État assumera ses choix. Mais comme beaucoup d’entre vous, mes chers collègues, je pense que les flux croisés qui sont indispensables pour cette première saison doivent faire l’objet d’une renégociation rapide pour la prochaine loi de finances.
Pour être très clair, j’ai toujours pensé que l’argent de la chasse devait payer la chasse, que l’argent de l’eau devait d’abord payer l’eau et que les missions régaliennes de police rurale et d’expertise sur la biodiversité terrestre devaient être prises en charge de l’État.
En conclusion, mes chers collègues, alors que des esprits chagrins pensent encore que le Président de la République et le Gouvernement ne savent pas négocier les réformes avec les corps intermédiaires, notamment ruraux, nous avons la démonstration du contraire avec ce projet de loi qui a été bien négocié.
M. François Bonhomme. Mais cela ne rattrapera pas le reste !
M. François Patriat. Je sais que cela vous énerve que l’on touche à vos tabous, mais avouez que, en l’espèce, le Gouvernement a négocié avec les corps intermédiaires ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je salue le président de la Fédération nationale des chasseurs, qui a présenté des propositions et a su être à l’écoute. J’en profite pour souligner le remarquable travail de concertation que vous avez mené, madame la secrétaire d’État. Vous avez su gérer le « en même temps » – le grand débat national et cette loi sur la biodiversité –, et avez réussi l’exploit d’amener les chasseurs à des compromis sans que personne perde son âme.
Pour cette raison, j’appelle mes collègues à ne pas dénaturer ce texte et à être à l’écoute de Mme la secrétaire d’État, notamment en soutenant les amendements du Gouvernement, qui ont fait l’objet d’intenses négociations, jusqu’à la dernière minute, avec le monde de la chasse et les parlementaires. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi qu’au banc des commissions. – MM. Jérôme Bignon et Franck Menonville applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Guillaume Gontard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’idée de rassembler au sein d’un opérateur unique l’ensemble des opérateurs de la biodiversité n’est pas nouvelle. Jérôme Bignon l’a rappelé, elle avait émergé, il y a déjà quelques années, avec le Grenelle de l’environnement. Ce n’est pas un hasard si le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui a été adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale.
En effet, de par leurs missions respectives, l’AFB et l’ONCFS sont complémentaires, et leur fusion permettra l’émergence d’un opérateur public cohérent et puissant, présent sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin. Cette fusion marque, en outre, un changement d’approche et la volonté affirmée de ne plus séparer gestion de la biodiversité et activités cynégétiques.
En effet, l’AFB a vocation à appuyer les services de l’État dans la gestion des espaces naturels et la police de l’eau. Elle organise la connaissance en matière de biodiversité, et elle fournit aux acteurs locaux les données et l’expertise dont ils ont besoin.
L’ONCFS, quant à lui, fait partie intégrante de la politique de préservation de la biodiversité, ne serait-ce que par ses activités « non cynégétiques » de connaissance et d’expertise, de police de l’environnement, de lutte contre le trafic d’espèces menacées, ou encore de suivi des espèces protégées comme le loup.
Dès lors, comment ne pas souscrire à l’objectif de rassembler et de renforcer les prérogatives des inspecteurs de l’environnement des deux opérateurs en un service unique, afin de permettre une action mieux coordonnée et mieux répartie sur le territoire ?
Notons cependant que, après l’Agence nationale de la cohésion des territoires, après la loi d’orientation des mobilités, ce gouvernement est devenu spécialiste en « plomberie administrative ». Regrouper des services, des administrations pour tenter d’améliorer les politiques publiques peut être utile et louable, mais tout bon plombier sait que la réparation de fuite, le colmatage, ne remplacera jamais un réseau régulièrement entretenu. En d’autres mots, on ne fait pas d’action publique de long terme sans moyens financiers.
Ainsi, alors que nous n’avons pas vu dans le dernier projet de loi de finances la couleur des 600 millions d’euros supplémentaires promis pour le plan Biodiversité, ce nouvel office est créé avec près de 40 millions d’euros annuels non financés.
L’État s’est purement est simplement désengagé progressivement du financement de l’AFB et de l’ONCFS, remplaçant ses contributions et subventions par des ponctions sur les agences de l’eau, comme cela a été rappelé. En plomberie, nous appelons cela du siphonnage ! Cette contribution des agences de l’eau est comprise entre 240 millions d’euros et 260 millions d’euros pour l’Agence française pour la biodiversité et entre 30 et 37 millions d’euros pour l’ONCFS.
Madame la secrétaire d’État, vous ne nous avez rassurés – c’est peu de le dire ! – ni lors de votre audition devant la commission ni lors de votre intervention. Nous sommes plus que jamais inquiets par la tentation de siphonner une nouvelle fois les agences de l’eau.
La seule fiscalité de l’eau, assise sur les redevances aux agences de l’eau, ne peut financer l’ensemble de la biodiversité. En revenant sur le principe selon lequel « l’eau paye l’eau », admis par l’ensemble de nos concitoyens, vous prenez le risque, une nouvelle fois, de créer de l’incompréhension.
Nous sommes passés de « l’eau paye l’eau », à « l’eau paye l’eau et la biodiversité » et maintenant à « l’eau paye l’eau, la biodiversité et la chasse ». Ponctionner les agences, c’est limiter les investissements en matière d’eau potable et d’assainissement, donc agir moins pour la biodiversité. C’est un comble, alors même que les Assises de l’eau ont mis en lumière d’importants besoins liés aux conséquences des changements climatiques sur l’état et la répartition des masses d’eau !
Encore une fois, si la question du financement est la principale faiblesse de ce texte, celui-ci fait naître une autre inquiétude, qui lui est directement liée : le déploiement de l’office dans les territoires.
Comme l’a souligné la rapporteure à l’Assemblée nationale, dans de nombreux départements, les effectifs planchers de l’office ne sont pas atteints… La présence des agents sur le terrain est pourtant la raison d’être d’une telle administration, qui ne pourra pas préserver la biodiversité depuis des bureaux parisiens.
Néanmoins, vous nous avez confirmé en commission une baisse continue de 2 % des effectifs. Je ne prendrai qu’un exemple qui me tient à cœur : celui de la « brigade loup ». Ses 11 agents, qui ont fait montre de toute leur efficacité, ont vu leurs CDD non renouvelés avant d’être prolongés, au bout d’un long suspense, via des contrats d’avenir…
Cette situation précaire n’est pas acceptable, tout d’abord pour ces agents et leurs familles, mais aussi au regard de la transmission de l’expérience qu’ils ont acquise, indispensable pour favoriser la cohabitation entre le prédateur et les activités d’élevage, alors que la population de loups est en croissance exponentielle.
Au-delà de ces deux écueils importants, l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale a permis de bâtir un bon compromis, dont je me félicite. Ce texte équilibré a permis de trouver un consensus entre les chasseurs et les associations de protection de l’environnement.
Ce compromis, cet équilibre fragile, a malheureusement été mis à mal lors de l’examen du texte ici en commission. Je le regrette, dans l’intérêt des activités cynégétiques et pour la préservation de la biodiversité. Il est utile de le rappeler, ce texte sur la biodiversité incluait la chasse comme partie intégrante de cette biodiversité. Briser cet équilibre n’est pas souhaitable, et c’est dommageable en premier lieu pour les chasseurs eux-mêmes. La transformation du nom de l’Office français de la biodiversité en Office de la biodiversité et de la chasse est assez symptomatique : cela revient à nier une reconnaissance pourtant si souvent souhaitée.
Dans le même sens, les amendements adoptés en commission et tendant à autoriser la chasse à la glu, la gestion des réserves naturelles par les fédérations de chasseurs ou encore l’extension de la chasse aux oiseaux migrateurs sont purement inacceptables. Nous tenterons, avec nos amendements, lors du débat, de retrouver le compromis de l’Assemblée nationale et de revenir à un texte plus équilibré.
Il faut sortir des postures caricaturales, comme le soulignait M. le rapporteur. Alors que notre planète connaît sa sixième extinction de masse, laquelle est directement liée aux activités humaines, j’espère que le Sénat, chambre des territoires, gardera raison et saura défendre notre patrimoine commun, la diversité de la vie. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Ronan Dantec et Éric Gold applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte.
M. Jean-Michel Houllegatte. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, tout le monde a conscience désormais du fait que la biodiversité fait partie du patrimoine commun de l’humanité, que sa préservation est essentielle, qu’elle est pour nous un devoir. En effet, nous avons pris acte que la biodiversité était menacée. On peut le souligner, il n’y a pas de « biodiversito-sceptiques ».
Cela a déjà été mentionné, la France héberge quelque 10 % de la biodiversité de notre planète, dont 90 % dans les territoires ultramarins. C’est dire la richesse de la nature outre-mer ! Pourtant, le constat de la disparition des espèces s’impose à tous. La communauté scientifique est unanime sur la gravité et l’urgence de la situation. La moitié des espèces vivantes pourrait disparaître d’ici à un siècle, compte tenu du rythme d’extinction des espèces animales.
Cette dégradation de la biodiversité et son rythme effréné trouvent très essentiellement leur origine dans les activités humaines : réduction et fragmentation des espaces naturels, déforestation, pollution de l’eau, des sols et de l’air, changement climatique, surexploitation des ressources, trafic d’espèces, etc. Il convient donc de nous doter des structures les plus adaptées, cohérentes et efficaces pour agir en la matière.
L’Agence française pour la biodiversité, née de la loi du 8 août 2016, avait déjà regroupé plusieurs établissements publics, comme cela a déjà été indiqué.
L’intégration de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage à l’Agence française pour la biodiversité avait été envisagée lors les réflexions relatives à la création de cette dernière, puis abandonnée. Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a donc pour objet de fusionner ces deux établissements sous l’égide d’un Office français de la biodiversité et de la chasse, ainsi que la commission vient de le renommer, et qui verra le jour le 1er janvier prochain.
La fusion de ces deux établissements, qui est d’ailleurs souhaitée par la majorité des acteurs de la biodiversité, nous apparaît cohérente. Elle s’inscrit dans la continuité de la Stratégie nationale pour la biodiversité. Elle conforte l’idée d’une culture commune, rapproche les expertises complémentaires de ces établissements, et renforce l’action territoriale, ainsi que la police de l’environnement.
Je tiens à souligner le travail de précision des missions du futur office auquel a procédé l’Assemblée nationale et l’esprit de concertation dans lequel l’examen du texte en commission s’est déroulé, permettant l’adoption d’avancées telles que le renforcement des pouvoirs des inspecteurs de l’environnement, ou encore l’inscription dans la loi de la contribution de 10 euros de l’État par permis de chasser.
Concernant la chasse, soulignons certaines dispositions de ce projet de loi, notamment le renforcement de la sécurité qu’il opère, l’amélioration de l’indemnisation des dégâts de gibier ou encore la gestion adaptative des espèces.
Cependant, nous resterons particulièrement vigilants sur certains points.
Comme vous le savez, madame la secrétaire d’État, la question du financement de ce nouvel office fusionné reste bien trop incertaine à nos yeux. Avec la baisse du prix du permis de chasser national, les charges supplémentaires correspondant aux nouvelles missions transférées, et l’abondement de l’État de 10 euros par adhérent ayant un permis de chasser validé dans l’année, ce sont 40 millions d’euros de financement pour 2020 qui restent en suspens.
Concernant l’organisation de l’office, nous souhaiterions aussi être assurés que cette fusion ne se résumera pas in fine à un moyen de faire des économies sous prétexte de mutualisation. N’oublions pas, par parallélisme, qu’au sein de l’ANCT, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le Cérema, l’un des organismes constitutifs, va subir une baisse importante de ses effectifs, puisqu’il perdra 105 postes par an jusqu’en 2022.
Par ailleurs, ce texte bouleverse un établissement particulièrement jeune, puisqu’il aura tout juste trois ans au moment de la fusion. Nous devons donc penser à l’ensemble des agents. Cette seconde fusion, à un intervalle si proche, pourrait susciter chez eux un sentiment d’instabilité dont nous devons être conscients.
Enfin, nous sommes convaincus qu’il existe entre le monde de la chasse et la protection de la nature une convergence des objectifs et une complémentarité justifiant la fusion de ces deux établissements. Nous devons donc garder à l’esprit que cela ne tombe pas sous le signe de l’évidence pour tous.
Nous espérons que cet office pourra être un outil pertinent et efficace de lutte contre le déclin de la vie sauvage. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Richard applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Ronan Dantec. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, monsieur le président de la commission, je me permets de commencer cette intervention par une exclamation de surprise : déjà !
Cette fusion, au sein d’un même office, des acteurs de la biodiversité et de la chasse semblait en effet encore totalement inaccessible il y a moins de trois ans, au moment de la discussion de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
Nous étions pourtant déjà un certain nombre à considérer que ce regroupement des acteurs de la nature, et notamment des agents exerçant une fonction de police de l’environnement, était nécessaire à une véritable politique de protection de la nature, qu’elle allait dans le sens de l’histoire. On nous répondait que les choses n’étaient pas mûres, que les différences, les méfiances ataviques, le fossé culturel entre les acteurs étaient bien trop importants pour permettre ce rassemblement, et qu’il fallait donc laisser du temps au temps.
Nous ne pouvons donc que féliciter le Gouvernement et le Président de la République d’avoir réussi cette prouesse : avoir trouvé les arguments pour amener les uns et les autres à cette fusion.
La création de l’office, avec dorénavant 2 700 agents publics équivalents temps plein travaillés, dote les politiques de biodiversité d’un outil important. Je salue le travail du rapporteur Jean-Claude Luche sur le renforcement des missions de police de ces agents, avec un équilibre subtil, qu’il fallait préciser, entre attributions des services dédiés, comme l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, l’Oclaesp, dont nous avions renforcé les moyens d’investigation dans de précédentes lois, et les nouvelles prérogatives données aux inspecteurs de l’environnement.
Toutefois, cette rapidité de la fusion entre l’AFB et l’ONCFS suscite, vous le savez, beaucoup de questions et d’inquiétudes des deux côtés. « Quelle est la véritable nature du deal entre l’État et les chasseurs ? », s’alarment les associations de protection de la nature. « La chasse ne sera-t-elle pas la perdante à terme de cette intégration, synonyme de perte d’influence ? », s’inquiètent les fédérations.
Nous n’avons pas à ce stade, disons-le, la totalité de la réponse à ces questions. Mais il y a un pari, que j’assume avec beaucoup d’autres ici : celui que les intérêts communs des chasseurs et des non-chasseurs, unis dans la défense de notre patrimoine naturel et du fonctionnement des écosystèmes, sans lesquels il n’y a ni gibier ni espèces protégées, deviennent plus importants que les seuls débats sur les dates d’ouverture et le niveau des prélèvements autorisés.
Il y aura encore des confrontations, évidemment, mais espérons que cette culture commune s’imposera progressivement. Le Sénat en a d’ailleurs souvent donné l’exemple, et, sans vouloir mettre Jean-Noël Cardoux en difficulté, tant ces interventions seront scrutées par ses camarades, je voulais rappeler que, lors du débat sur la loi relative à la biodiversité, il nous est arrivé, à lui et à moi, de défendre les mêmes amendements – le rapporteur de l’époque, Jérôme Bignon, que je salue tout particulièrement pour son investissement sur ces enjeux, pourra en témoigner.
Je soutiens donc le rapporteur dans sa volonté d’élargir la gouvernance de l’office, car il faut que tout le monde échange et discute, et je ne doute pas de la capacité de l’État à équilibrer soigneusement les représentations.
Cette méfiance se cristallise notamment autour de la question de la gestion adaptative des espèces, concept qui peut recouvrir tout et son contraire ; certains chasseurs n’aident pas à la résolution du problème, il faut le reconnaître, quand ils envisagent, y compris à haute voix, d’inscrire le goéland dans les espèces chassables…
Il ne serait pas raisonnable de sortir la liste des espèces chassables issue de la directive Oiseaux de 2009 ; surtout, il va falloir arrêter de chasser les espèces en forte régression, comme le courlis cendré ou la tourterelle des bois – j’ai d’ailleurs bien noté la préoccupation de M. Patriat à propos de cette seconde espèce.
Néanmoins, quel plaisir partagé, vous l’imaginez déjà, quand ces chasses seront de nouveau autorisées, grâce à une politique ambitieuse, portée ensemble par les chasseurs et par les écologistes, pour la préservation des biotopes et la lutte contre les pollutions, notamment chimiques ! Tel est le sens, semble-t-il, d’une gestion adaptative des espèces et d’une chasse durable. Cela rejoint aussi les propos du ministre d’État François de Rugy : « Si une espèce voit son effectif augmenter, elle peut être chassée, et inversement. » Tout est dans le « et inversement »…
À propos de gestion adaptative des espèces, notre souci commun est quand même la démographie des chasseurs eux-mêmes. Plus de 2,2 millions de chasseurs en 1975, moins de 1,2 million en 2018, dont un tiers a plus de soixante-cinq ans et seulement 2,2 % sont des femmes. Il s’agit d’un effondrement de l’espèce (Sourires.), qui ne joue plus totalement son rôle de régulation des écosystèmes, par exemple pour le sanglier.
Considérez ainsi le cri d’alarme de la Fédération des chasseurs de l’Aveyron, qui organise le covoiturage, pratique écolo s’il en est, pour amener les chasseurs restants d’un point à l’autre du département, afin de faire nombre lors des battues au sanglier. Si je puis me permettre ce modeste conseil, le monde de la chasse, plutôt que de nourrir et d’élever quelques lobbyistes à l’action discutable,…
M. François Bonhomme. Cela ne vous arrive pas, à vous ?
M. Ronan Dantec. … doit investir dans une communication nouvelle, sans s’engluer dans la défense de pratiques anciennes, condamnées à disparaître.
Je voudrais vraiment vous convaincre que ces images d’oiseaux aux plumes collées (M. Michel Raison s’exclame.) et autres scènes contribuent à détourner les jeunes de cette activité, considérée comme d’un autre temps – pour ne pas employer de termes plus polémiques. Pour assurer son avenir, la chasse doit montrer son action bénéfique et souligner, avec l’appui de scientifiques et de données fiables, son impact positif sur l’évolution des espèces. Elle susciterait ainsi de nouvelles adhésions, tant il est illusoire de penser que les loups suffiront demain à réguler suidés et cervidés. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.
Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité s’inscrit dans un contexte de menaces et de pressions sans précédent pour la biodiversité. Ces pressions se traduisent dans tous les espaces naturels, agricoles et forestiers. Elles sont le fait de multiples phénomènes qui se conjuguent : changements climatiques, facteurs humains liés à la fréquentation grandissante, mais aussi fiscalité française sur le foncier défavorable aux espaces naturels et prolifération de gibiers.
La Fédération nationale des chasseurs a pris une part importante dans les débats préalables à ce projet de loi. De ce fait, les chasseurs constituent la pierre d’angle du dispositif prévu dans le cadre de ce nouvel office. Si ceux-ci sont bel et bien essentiels à la régulation des populations de gibiers, et donc au maintien d’un équilibre agro-sylvo-cynégétique, il convient que, dans un souci de légitimité et d’efficacité de l’institution, le projet de loi dont nous allons débattre appréhende le sujet de la biodiversité dans sa globalité, en posant les fondements d’une responsabilisation de l’ensemble des acteurs et d’une gestion partagée et équilibrée des espaces naturels, où chasseurs, agriculteurs, forestiers et usagers prendront en compte les réalités des uns et des autres.
C’est aujourd’hui indéniable, l’agriculture comme la sylviculture sont les victimes des dégâts de gibier, devenus insoutenables. Pour la saison de 2017, les chasseurs français ont versé plus de 37 millions d’euros aux agriculteurs, et le coût global atteindrait près de 60 millions d’euros en 2018. C’est dire le poids financier supporté par les chasseurs, mais aussi l’évolution et l’impact négatif des déséquilibres cynégétiques sur des exploitations agricoles parfois en survie.
Pour ce qui concerne la forêt, il n’existe pas de chiffres, car, puisqu’il n’y a pas d’indemnisation, il n’y a pas d’inventaire. Néanmoins, sur le terrain, les dégâts de gibier intégralement assumés par les forestiers sont considérables et augmentent. Ils fragilisent une forêt déjà assaillie par les attaques de parasites, déstabilisée par les changements climatiques et par les déficits hydriques récurrents, et vulnérable aux incendies. Ils attaquent une forêt dont les services écosystémiques en matière de biodiversité et de captation de carbone sont insuffisamment reconnus et soutenus, alors même que l’État et l’Europe envisagent zéro émission nette de carbone d’ici à trente ans.
Comme l’agriculture, cette forêt, gérée jusqu’à présent dans une logique multifonctionnelle, préservant la biodiversité et créatrice d’emplois, doit pouvoir s’appuyer sur des politiques publiques cohérentes.
Pour cela, il est essentiel que ce projet de loi accorde une place légitime à l’ensemble des acteurs de ces espaces naturels, et prenne en considération, à trois échelons, les réalités de la filière forêt et bois : dans la gouvernance – en accordant une meilleure représentativité aux forestiers et en assurant la cohérence entre plan de chasse et plan d’aménagement forestier, qu’il soit public ou privé –, dans le cadrage juridique – en réaffirmant la pertinence du code forestier, de la procédure pénale forestière, et en confiant des prérogatives ajustées aux inspecteurs de l’environnement, notamment pour lutter contre les dépôts sauvages en forêt –, et, enfin, dans les orientations politiques – en se fondant sur le cadrage national décliné notamment dans les plans régionaux de la forêt et du bois et dans les commissions sylvo-cynégétiques, et en préservant le droit d’arbitrage du préfet. Autant d’éléments d’équilibres essentiels, qui figurent, pour la plupart, dans l’excellent rapport de notre collègue Jean-Noël Cardoux, et que je vous proposerai d’intégrer au texte présenté aujourd’hui.
Nous souhaitons tous, mes chers collègues, parvenir à un compromis qui fera sens sur le terrain et qui permettra ainsi aux acteurs de la ruralité – chasseurs, agriculteurs, forestiers, mais aussi associations et élus – d’agir ensemble de manière vertueuse en faveur de la préservation de la biodiversité de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.)
M. Jean-Noël Cardoux. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce nouvel organisme, l’Office français de la biodiversité, sera-t-il une chance ou une menace pour la chasse ? C’est la grande interrogation à laquelle je vais essayer de répondre au travers d’une succession de questions. Je résumerai les principales interrogations.
La première interrogation a trait à la dénomination ; le mot « chasse » ne semble pas bienvenu dans la dénomination de l’office. J’y vois, plutôt qu’une tentative de marginalisation, la reconnaissance explicite que la chasse est un élément incontournable de la biodiversité, ce que nous avions déjà affirmé lors de la discussion de la loi de 2016.
Deuxième interrogation, le nouveau conseil d’administration, après la fusion de l’Agence française pour la biodiversité et de l’ONCFS, sera pléthorique et organisé en collèges ; l’État, principal financeur, y sera majoritaire, mais la place des chasseurs et des pêcheurs de loisir sera réduite à la portion congrue, alors que le monde de la chasse apportera à lui seul 45 millions d’euros au budget général de l’organisme.
Troisième interrogation, la technicité et l’excellence de l’ONCFS, en matière d’études et de contribution à la biodiversité, seront-elles sauvegardées ?
Quatrième interrogation, la création d’une police de l’environnement à direction unique avec ses inspecteurs spécialisés – nous avions beaucoup combattu pour cette direction unique lors de la discussion de la loi sur la biodiversité – permettra-t-elle de réprimer le grand braconnage et l’exploitation mercantile des espèces animales et végétales ?
La cinquième interrogation porte sur la gestion adaptative des espèces. Cette méthode révolutionnaire, mais encore inaboutie en France, provoquera-t-elle enfin un débat apaisé entre chasseurs et protecteurs ? M. Dantec le souhaite, moi aussi, mais ce n’est pas gagné, et cela me semble même mal parti, après la procédure engagée devant le Conseil d’État par trois associations de protection de l’environnement pour s’opposer au prélèvement, pourtant validé par la Commission européenne, de 4 000 oies en février dernier.
Le comité des experts, qui est en place depuis quelque temps et qui va devoir statuer sur le contenu des espèces soumises à la gestion adaptative, sera-t-il suffisamment impartial et, surtout, utilisera-t-il le relais des associations spécialisées de chasse – les chasseurs de gibier d’eau, de bécasses, de bécassines, ceux qui se consacrent journellement aux études, aux comptages, aux prélèvements d’ailes – afin de déterminer des sexe-ratios et des âge-ratios crédibles ? C’est la technique de pointe de gestion adaptative appliquée aux États-Unis et au Canada, et nous y souscrivons totalement, mais nous en sommes encore bien loin et il faudra beaucoup d’efforts et de discussions pour y parvenir dans un climat apaisé.
Sixième interrogation, le permis national à 200 euros permettra-t-il d’attirer de nouveaux chasseurs – c’est son objectif –, qui pourront ainsi découvrir de nouveaux modes de chasse sur l’ensemble du territoire ? Cela constituerait une réponse à la réduction du nombre de chasseurs observée depuis quelques années, et cela favoriserait une sorte de nomadisme cynégétique. Ce permis suscite beaucoup de problèmes, nous en avons encore eu la preuve précédemment, et il faudra trouver un équilibre financier pour répondre aux inquiétudes de certaines fédérations – j’y reviendrai dans quelques minutes.
Au sujet des dégâts de grand gibier – c’est ma septième interrogation –, un dialogue apaisé pourra-t-il s’établir entre les acteurs du monde rural que sont les agriculteurs, les chasseurs et les forestiers, avec comme toile de fond la menace de la peste porcine africaine ?
Vous l’avez souligné, madame la secrétaire d’État, mon collègue député Alain Perea et moi-même avons établi, en quatre mois, un rapport préconisant des méthodes ou faisant des propositions – certaines sont un peu décapantes – pour répondre à ce problème. Notre constat est que, depuis quelques années, chacun des blocs en présence a ses certitudes, ses récriminations ; ils ne se parlent pas, ne se rencontrent pas, ne dialoguent pas, ce qui serait nécessaire pour sortir de cette spirale infernale. Un dialogue implique des concessions mutuelles, ce que nous préconisons. Si l’on n’y arrive pas, je crains que le coup de sifflet final ne soit donné par la peste porcine africaine, qui pourrait envahir l’ensemble du territoire français, avec les catastrophes économiques que cela pourrait engendrer.
Huitième interrogation, la taxe à l’hectare, qui est au cœur du problème, y compris sur les territoires non chassés, sera-t-elle suffisante pour faire face à cette charge ? Sera-t-elle supportable pour les petites fédérations ? J’ai introduit dans mon amendement à ce sujet un élément amortisseur pour établir un rapport entre la surface des territoires chassables et le nombre de chasseurs. Nous sommes là au cœur du débat, je suis encore en contact avec la Fédération nationale des chasseurs pour tenter d’apporter des solutions susceptibles d’apaiser les petites fédérations, qui craignent le déséquilibre financier.
Enfin, neuvième interrogation, cette réforme permettra-t-elle d’enrayer l’idéologie végane et antispéciste, ultra-minoritaire et irréaliste, ayant l’oreille complaisante des médias ? Le groupe Les Républicains a publié un opuscule, qui se veut humoristique, sous le titre Adieu, veau, vache, cochon, couvée –, mais le problème est là. Voilà pourquoi nous avons déposé un amendement, que la commission a, me semble-t-il, accepté, visant à réprimer le délit d’entrave à une action de chasse.
Évidemment, tout le monde pense à la vénerie, problème principal dans les forêts franciliennes, mais il n’y a pas que cela, j’y reviendrai lors de la discussion de l’amendement. Il faut le savoir, dans certaines régions, en particulier dans les régions de tradition de chasse de grand gibier, comme l’est de la France, les installations fixes – miradors ou échelles de chasse – qu’utilisent les chasseurs sont régulièrement sabotées ou détériorées, au risque de provoquer des accidents quand on grimpe sans savoir que le matériel est saboté, par pure opposition à une activité pourtant légale. Autre exemple : les installations des chasseurs de gibier d’eau, qui pratiquent la chasse à la hutte sur le domaine maritime, sont régulièrement brûlées ou vandalisées. Ces actes ne sont pas acceptables. Nous sommes dans un État de droit, on ne doit pas pouvoir empêcher ce qui est autorisé.
Voilà les quelques interrogations, parmi beaucoup d’autres, que ce texte peut poser. Avec Jean-Claude Luche, rapporteur de la commission du développement durable et Anne Chain-Larché, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, nous avons travaillé pour essayer d’apporter des solutions. Le groupe Les Républicains votera, dans sa grande majorité – il peut y avoir des oppositions –, pour le texte modifié par la commission.
Je veux conclure en insistant de nouveau sur l’enjeu de ce texte. Pour le Sénat, défenseur de la ruralité, de la vie à la campagne, l’enjeu est, ici encore, la survie du monde rural face à la métropolisation. Je ne reviendrai pas sur les sujets dont le Sénat a déjà beaucoup débattu – fermeture des commerces, mobilité, désertification médicale, absence de supports de communication –, vous les connaissez tous aussi bien que moi. Néanmoins, nombre de nos compatriotes acceptent de subir ces inconvénients pour vivre leur passion à la campagne, à savoir, la plupart du temps, la chasse et la pêche – et, pour beaucoup, la chasse traditionnelle, monsieur Dantec. Laissons donc ces gens, qui ont choisi de faire des sacrifices dans leur mode de vie pour assouvir leur passion, vivre librement, sans leur imposer des contraintes inacceptables. La survie de la ruralité que nous aimons en dépend. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Prince.
M. Jean-Paul Prince. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si l’Office français de la biodiversité n’a pas vu le jour dès 2016, au moment de la création de l’Agence française pour la biodiversité, c’est que l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et la Fédération nationale de la chasse n’avaient alors pas assez de visibilité sur l’avenir de ce nouvel établissement.
Aujourd’hui, il semble que tout soit réuni pour réussir cette union. La lutte pour la sauvegarde de la biodiversité sur notre territoire métropolitain et ultramarin est au cœur des missions des deux organismes. La mise en commun de leurs compétences et leurs sensibilités complémentaires seront des atouts essentiels.
Avec la création de cet office, la répartition des équipes sur le terrain sera plus homogène, l’ONCFS ayant des effectifs plus importants déployés dans les départements. Les pouvoirs de police judiciaire des inspecteurs de l’environnement seront renforcés. Cette compétence, qui répond aux nécessités constatées sur le terrain, permettra de rendre la police de l’environnement plus efficace et plus rapide.
Concernant les fédérations de chasseurs, le financement de 5 euros par permis de chasse pour la protection de la biodiversité me paraît justifié, mais inscrivons dans la loi que l’État apporte une contribution équivalant au double de cette somme ; le dire, c’est bien, mais l’écrire, c’est mieux !
C’est une bonne décision de confier au responsable de la chasse le soin de fixer les plans de chasse de chaque territoire, avec, évidemment, la tutelle générale du préfet.
Je veux maintenant soulever le problème de l’engrillagement, très présent dans des régions forestières telles que la Sologne. Depuis quelques années, nous assistons à une prolifération des clôtures de deux mètres de haut autour de vastes propriétés de plus de mille hectares. Ces grillages sont non seulement une catastrophe visuelle, mais encore une aberration pour la mobilité des grands animaux et pour la préservation de la biodiversité.
En complément de l’article L. 424-3 du code de l’environnement, les communes et les intercommunalités ont la possibilité d’interdire, dans le règlement de, respectivement, leur plan local d’urbanisme ou leur plan local d’urbanisme intercommunal, la construction de clôtures supérieures à un mètre vingt, mais il sera toujours possible de clore une parcelle pour sa régénération ou pour une nouvelle plantation.
La gestion adaptative, fondée sur la communication des prélèvements de certaines espèces, en lien étroit entre les scientifiques et la Fédération nationale des chasseurs, permettra une meilleure gestion de la biodiversité. Le décret listant les espèces ouvertes à la chasse pourrait également être revu, à terme, pour y intégrer certains spécimens qui, par leur nombre, causent des nuisances et sont susceptibles de perturber les écosystèmes. Je pense en particulier aux cormorans ; on en compte des milliers sur la Loire, qui vont piller les étangs de Sologne, au grand désarroi des pisciculteurs.
Ce nouvel office de la biodiversité n’a pour l’instant pas de financement bien lisible. En l’état actuel, il semblerait qu’il manque encore environ 40 millions d’euros dans le budget, et ce ne sont pas les agences de l’eau, grandes contributrices au financement de l’ONCFS, qui devront supporter cette différence. Une réponse claire et précise de votre part serait la bienvenue, madame la secrétaire d’État.
Pour terminer, nous serons attentifs au devenir des agents des deux organismes, au changement de catégorie de certains d’entre eux – passage de la catégorie C à la catégorie B, et possibilité de bénéficier d’un accès à la catégorie A pour les encadrants. Ce rapprochement devrait également permettre une mutualisation des compétences.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Paul Prince. Pour conclure mon propos, je réaffirme, en tant qu’élu de Sologne, l’importance que nous attachons, nous, les élus des territoires, à la préservation de la biodiversité. J’ajoute qu’il est positif que la chasse et la pêche soient intégrées à cette politique et qu’elles participent à la régulation et à la préservation des écosystèmes dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Magras.
M. Michel Magras. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la logique de rationalisation qui préside au projet de création de l’Office français de la biodiversité ne doit pas conduire à sacrifier l’attention particulière que méritent les outre-mer en cette matière, et que l’organisation de l’Agence française pour la biodiversité, l’AFB, a reflétée jusqu’ici de manière remarquable.
Le législateur de 2016, sans doute soucieux de sanctuariser cette place, avait inscrit dans la loi la création d’un « comité d’orientation réunissant des représentants des différentes parties concernées par la biodiversité ultramarine et de tous les départements et collectivités d’outre-mer ».
Je le concède volontiers, un tel comité aurait pu relever, toujours dans cette logique de rationalisation, de mesures d’organisation interne ; c’est pourquoi, dans le silence du projet de loi que nous examinons, il me semble impérieux de formuler une recommandation en ce sens, avec la plus grande insistance.
Madame la rapporteure, chère collègue, permettez que je m’associe à l’expression de vos regrets pour déplorer à mon tour que le Gouvernement n’ait pas concédé aux outre-mer leur juste place dans l’architecture du nouvel établissement, eu égard à la richesse, à l’ampleur et à la complexité de la biodiversité ultramarine.
Le rappel de quelques chiffres me semble opportun, même si nous finissons tous par les connaître : 11 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, qui placent la France au deuxième rang des puissances maritimes – c’est à l’outre-mer que la France le doit, est-il besoin de le rappeler ? –, 55 000 kilomètres carrés de récifs et de lagons – la barrière récifale néocalédonienne est la deuxième au monde et celle de Mayotte est un exemple unique de double barrière –, et 8 millions d’hectares de forêt guyanaise, une des dernières forêts primaires au monde.
Ces chiffres ne constituent pourtant qu’une énumération brève, bien qu’emblématique, de l’extrême richesse patrimoniale française située outre-mer, où il est traditionnel de considérer que se trouve plus de 80 % de la biodiversité nationale.
Cette immense richesse est aussi source de complexité et d’opportunités, tout en étant d’une grande vulnérabilité, ne l’oublions jamais.
Elle est source de complexité en raison du foisonnement tant de la faune que de la flore, avec un endémisme exceptionnel. La délégation aux outre-mer, que j’ai l’honneur de présider, est très attentive à ces deux aspects, qui font l’objet d’une association avec l’Agence française pour la biodiversité, sous la forme d’un cycle triennal de colloques, avec une déclinaison par grand bassin océanique, contribuant ainsi à accroître la vigilance et à assurer la visibilité du patrimoine écologique ultramarin.
À ce titre, nous sommes les témoins, et les associés privilégiés, de l’immense travail accompli, du dynamisme et de l’implication de l’AFB pour la préservation et la valorisation de la biodiversité ultramarine. Comme le soulignait Christophe Aubel, directeur de cette agence, « “préservation” rime avec “valorisation” et “biodiversité” avec “développement soutenable” », ce qui fait des outre-mer des terres d’innovation et d’expériences, donnant l’impulsion à une dynamique particulière en matière écologique, et un objet d’étude très dense, comme en témoignent les actes du premier colloque organisé.
En outre, si la délégation aux outre-mer saisit chaque occasion de rappeler la place de sentinelle des outre-mer, elle n’oublie pas que ces territoires sont aussi les premières victimes du dérèglement climatique, conférant ainsi à la France une responsabilité particulière. Je sais que ces éléments constituent pour vous, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, un rappel, mais ils me semblent toutefois étayer utilement, s’il en était besoin, mon propos. Celui-ci vise, vous l’aurez compris, à démontrer l’absolue nécessité d’une structure gardienne de la politique de préservation et de valorisation de la biodiversité ultramarine au sein du futur Office français de la biodiversité.
J’espère pouvoir obtenir vos assurances et votre extrême vigilance sur ce point, madame la secrétaire d’État, au moment de la déclinaison concrète du texte que nous examinons. Un des objets de ce dernier est d’ailleurs de conforter la place des chasseurs dans la biodiversité.
L’exemple de la chasse en Guyane, qui sera probablement évoqué dans nos débats, est une nouvelle illustration de la complexité ultramarine que j’évoquais. Cette pratique doit être appréhendée de manière à trouver l’équilibre entre l’encadrement et la préservation d’une activité de subsistance aux règles ancestrales. Dans cette optique, la réforme de la chasse guyanaise devra être conduite en concertation étroite avec les chasseurs, en gardant en mémoire qu’elle revêt une dimension de protection patrimoniale et de préservation de pratiques de subsistance pour les populations amérindiennes.
J’en terminerai par quelques mots sur le renforcement des pouvoirs des inspecteurs de l’environnement ; la collectivité de Saint-Barthélemy, compétente en matière d’environnement, sera certainement amenée à solliciter une extension, adaptée à ses particularités, de certaines dispositions du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Henri Cabanel. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’a souligné notre collègue Jean-Michel Houllegatte à la fin de son intervention, l’un des sujets à mettre en exergue de ce texte est bien la recherche de convergence entre deux mondes que l’on oppose souvent. Si l’on veut caricaturer, il y a, d’un côté, les défenseurs de l’écologie, qui ont forcément raison, car leur cause est noble, contre, de l’autre, les chasseurs, qui ont forcément tort, car leur objectif est de tuer des animaux. Il est donc pour le moins audacieux de les réunir, et même de les amener à fusionner au sein d’une même structure ; c’est comme marier la carpe et le lapin !
Le souhait d’une grande partie de mes collègues est d’ajouter au nom de l’Office français de la biodiversité la mention « et de la chasse ». Cela ne me semble pas être indécent ; c’est même plutôt légitime, puisque cet office va naître de la fusion de l’Agence française pour la biodiversité et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage.
Votre majorité et vous, madame la secrétaire d’État, n’êtes pas favorables au rajout de cette mention relative à la chasse, comme s’il s’agissait d’un gros mot. Ce débat sur le nom pourrait n’être qu’un détail ; il est pourtant primordial. Il s’agit, en effet, d’un miroir de l’évolution de notre société, dans laquelle il est de bon ton de rester dans le « politiquement correct » et d’abonder dans le sens des réseaux d’influence. Or, contre cette réforme, ces réseaux sont nombreux. En effet, au travers du seul prisme de certains lobbies, la chasse est évidemment à bannir ; son image est réduite à des monstres qui abattent les animaux.
Pourtant, si l’on peut effectivement condamner ceux qui ont pour seule motivation le chiffre d’animaux abattus, on peut aussi, en étant honnêtes, considérer qu’il ne s’agit que d’une minorité de chasseurs. La grande majorité doit être vue comme un acteur important du maintien de la biodiversité. Carole Delga, présidente de la région Occitanie, dont je suis élu, déclare : « Chasse et pêche participent à notre culture du partage, du vivre ensemble, du bien manger et du bien vivre qui est l’âme de cette région. Sentinelles de la nature, les chasseurs ont toute leur place dans les campagnes et nos montagnes, comme les pêcheurs dans les lacs et rivières. »
On retrouve ce bain de nature avec Marcel Pagnol, qui relate, dans La gloire de mon père, les exploits de son paternel durant une partie de chasse dans les collines du massif du Garlaban.
Dans nos territoires ruraux, la chasse est effectivement une culture, une tradition qui rend service à l’environnement. Chaque année, en France, les chasseurs entretiennent et plantent plus de 20 000 kilomètres de haies et bosquets, pérennisant ainsi les atouts de ces architectures naturelles.
Des milliers de mares, naturelles ou créées par l’homme, parfois alimentées par des fossés ou des canaux, sont entretenues par les chasseurs, qui assurent ainsi leur préservation. Ces micro-milieux offrent un intérêt écologique incontournable.
Les chasseurs ont également une action forte de régulation du gros gibier. La prolifération des cervidés et des sangliers cause d’énormes dégâts pour l’agriculture et les forêts.
Dans l’Hérault, les indemnisations des dommages causés par les sangliers sont passées, en quelques années, de 120 000 euros à 360 000 euros ; dans le Gard, elles oscillent entre 500 000 euros et 800 000 euros selon les années. Ces chiffres sont toutefois très loin de la réalité, les difficultés à se faire indemniser et les faibles montants obtenus décourageant les agriculteurs à faire la moindre déclaration.
Là encore, la filière doit trouver les moyens de travailler avec les représentants des chasseurs pour atteindre des objectifs communs, notamment en matière de prévention.
Le bénévolat des chasseurs équivaut à 11 000 emplois, auxquels s’ajoutent 1 500 professionnels.
J’assistais, samedi dernier, à l’assemblée générale des chasseurs de l’Hérault. À la tribune, le président Jean-Pierre Gaillard avait invité des agriculteurs, des forestiers touchés par des dégâts importants dus au grand gibier, des élus de la métropole montpelliéraine, le vice-président des randonneurs de l’Hérault… soit beaucoup de personnes qui sont souvent opposées. La volonté du président, partagée par tous, est de bâtir une stratégie pour cohabiter sur les mêmes territoires. C’est la solution : n’opposons pas les genres, mais construisons ensemble.
Dans une société où il est plus facile de porter des jugements que de se comprendre, les chasseurs veulent qu’on leur reconnaisse le droit d’exister.
Les chasseurs vont, certes, voir le tarif de leur permis national baisser, mais ils vont contribuer au fonds de protection de la biodiversité à hauteur de 5 euros par permis.
Madame la secrétaire d’État, vous vous êtes engagée à une contribution de l’État à hauteur de 10 euros qui doit être votée dans le projet de loi de finances. Or nous savons que ce qui est voté aujourd’hui peut ne pas l’être demain. C’est pourquoi, au même titre que pour les 5 euros, nous aimerions que cette contribution soit inscrite dans la loi.
Que dire des 41 millions d’euros de financement manquants ? Comment allez-vous trouver les budgets ? Une nouvelle ponction sur les agences de l’eau sera-t-elle programmée ?
Enfin, des zones d’interrogation demeurent en ce qui concerne la gouvernance et la représentativité des collèges. J’espère que le débat vous donnera l’occasion, madame la secrétaire d’État, de nous éclairer sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Je voudrais saluer et remercier le rapporteur, la rapporteure pour avis, ainsi que toutes celles et tous ceux qui se sont exprimés, non seulement pour la richesse de leur propos, mais aussi pour avoir témoigné de leur intérêt pour ce texte.
Nous aurons l’occasion de revenir longuement, au cours de l’examen des articles, sur plusieurs questions centrales. Je pense notamment à la gouvernance et au financement, deux sujets dont je ne doute pas que nous discuterons de manière approfondie.
Je voudrais simplement vous dire mon optimisme. Je pense que l’équilibre dont il a été beaucoup question est à notre portée. Ce texte est en effet le résultat d’une grande concertation, comme l’ont souligné les sénateurs François Patriat, Jérôme Bignon, Ronan Dantec et Henri Cabanel.
Monsieur le sénateur Cardoux, vous me posiez la question rhétorique de savoir si ce texte était une chance ou une menace pour la chasse. Il s’agit bien d’une chance et nous aurons l’occasion de le démontrer.
Nous avons déjà très largement rapproché les points de vue. Nous sommes tous d’accord sur l’urgence à agir, l’urgence à préserver la biodiversité, comme l’ont rappelé la sénatrice Catherine Loisier ou le sénateur Michel Magras.
Je voudrais rassurer ce dernier : comme je l’ai souligné dans mon propos introductif, l’outre-mer est très largement représenté dans la gouvernance. L’Assemblée nationale a même voté la présence d’un représentant de chacun des cinq écosystèmes ultramarins au sein du conseil d’administration, dispositif complété en commission par l’équilibre de la représentation parlementaire.
Le sénateur Gontard s’est interrogé sur les effectifs. L’objectif de cette réforme n’est pas de faire des économies supplémentaires. Au contraire, il s’agit de réunir deux établissements, dans le respect – bien évidemment – de l’évolution des effectifs des fonctions publiques.
Je voudrais saluer le travail réalisé par le sénateur Bignon sur les zones humides, avec son rapport Terres d’eau, terres d’avenir. Une partie de ses préconisations a déjà été intégrée au texte au travers d’un amendement adopté en commission.
Nous reviendrons également sur le sujet important des dégâts de gibiers, souligné par le sénateur Cardoux, notamment avec l’idée de lutter contre les maladies, en particulier la peste porcine africaine. Il en sera de même pour la question de l’engrillagement, évoquée par le sénateur Prince. Il s’agit d’un sujet délicat qui a déjà été traité en commission.
Je crois que le consensus qui s’est assez largement exprimé en dehors de cet hémicycle entre des parties prenantes que nous n’avons pas besoin d’opposer, sans échange de gros mots, ni d’un côté ni de l’autre, peut également être atteint au sein de cet hémicycle.
Mme la présidente. La discussion générale commune est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission sur le projet de loi.
projet de loi portant création de l’office français de la biodiversité et de la chasse, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement
Article 1er
I. – Le livre Ier du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Le I de l’article L. 110-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« On entend par géodiversité la diversité géologique, géomorphologique, hydrologique et pédologique ainsi que l’ensemble des processus dynamiques qui les régissent, y compris dans leurs interactions avec la faune, la flore et le climat. » ;
1° L’intitulé de la section 2 du chapitre Ier du titre III est ainsi rédigé : « Office français de la biodiversité et de la chasse » ;
2° Les articles L. 131-8 à L. 131-13 sont remplacés par des articles L. 131-8 à L. 131-11, L. 131-11-1, L. 131-11-2, L. 131-12 et L. 131-13 ainsi rédigés :
« Art. L. 131-8. – Il est créé un établissement public de l’État dénommé : “Office français de la biodiversité et de la chasse”.
« Art. L. 131-9. – I. – L’Office français de la biodiversité et de la chasse contribue, s’agissant des milieux terrestres, aquatiques et marins, à la surveillance, la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité ainsi qu’à la gestion équilibrée et durable de l’eau. Il assure les missions suivantes :
« 1° Contribution à l’exercice de la police administrative et judiciaire relative à l’eau, aux espaces naturels, aux espèces, à la chasse et à la pêche, ainsi que la police sanitaire en lien avec la faune sauvage ;
« 1° bis (nouveau) Développement de la chasse durable ;
« 2° Développement de la connaissance, recherche et expertise sur les espèces, sur les milieux, leurs fonctionnalités et leurs usages, sur les services écosystémiques, sur les liens entre les changements climatiques et la biodiversité ainsi que sur les risques sanitaires en lien avec la faune sauvage. L’office pilote ou coordonne les systèmes d’information sur la biodiversité, l’eau, les milieux aquatiques et les milieux marins ;
« 3° Expertise et assistance en matière d’évaluation de l’état de la faune sauvage et de gestion adaptative des espèces mentionnée à l’article L. 425-15-1 ;
« 4° Appui à la conception, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques de l’eau et de la biodiversité, notamment à l’échelon territorial :
« a) Soutien à l’État pour l’élaboration de la stratégie nationale pour la biodiversité définie à l’article L. 110-1 et suivi de sa mise en œuvre ;
« b) Contribution à la lutte contre la biopiraterie et suivi du dispositif d’accès aux ressources génétiques et de partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation ;
« c) Appui à la mise en œuvre du principe mentionné au 2° du II du même article L. 110-1 et suivi des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité ;
« d) Appui au suivi de la mise en œuvre des règlements et directives européens et des conventions internationales ainsi qu’aux actions de coopération ;
« e) Appui à l’État et à ses établissements publics chargés de la gestion de l’eau, de la biodiversité et des espaces naturels, notamment en matière de lutte contre les pressions qui s’exercent sur la biodiversité, de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, de gestion de la faune sauvage, d’amélioration de ses habitats et de pratiques de gestion des territoires ;
« f) Appui, en lien avec les comités de bassin, aux collectivités territoriales, à leurs groupements et aux établissements publics chargés de la gestion de l’eau, de la biodiversité et des espaces naturels, notamment en matière de lutte contre les pressions qui s’exercent sur la biodiversité, de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, de gestion de la faune sauvage, d’amélioration de ses habitats et de pratiques de gestion des territoires ;
« g) Appui aux acteurs socio-économiques dans leurs actions en faveur de la biodiversité ;
« h) Soutien financier, à travers l’attribution d’aides financières à des projets en faveur de la biodiversité et de la gestion durable et équilibrée de la ressource en eau et la garantie de la solidarité financière entre les bassins hydrographiques ;
« 5° Gestion, restauration et appui à la gestion d’espaces naturels, notamment de zones littorales comprenant des récifs coralliens et des écosystèmes associés ;
« 6° Communication, sensibilisation du public, accompagnement de la mobilisation et formation :
« a) Accompagnement de la mobilisation citoyenne, de la société civile et des acteurs des secteurs économiques sur les enjeux de biodiversité, notamment le lien entre l’homme et la nature ;
« b) Formation, notamment en matière de police, et appui aux actions de formation initiale et continue, en particulier dans le cadre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’enseignement agricole ;
« c) Contribution à la structuration des métiers de la biodiversité et des services écologiques ;
« 7° et 8° (Supprimés)
« Il est chargé pour le compte de l’État de l’organisation matérielle de l’examen du permis de chasser ainsi que de la délivrance du permis de chasser.
« II. – L’intervention de l’Office français de la biodiversité et de la chasse porte sur l’ensemble des milieux terrestres, aquatiques et marins du territoire métropolitain, des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, des collectivités de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon ainsi que des Terres australes et antarctiques françaises.
« Il peut aussi mener, dans le cadre de conventions, des actions à Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie et dans ses provinces, à la demande de ces collectivités.
« III. – L’office et les collectivités territoriales coordonnent leurs actions dans les domaines d’intérêt commun. Les régions ou les collectivités exerçant les compétences des régions et l’office peuvent mettre en place conjointement, dans le cadre d’une convention signée entre les parties, des offices régionaux de la biodiversité auxquels peuvent notamment s’associer les départements et les collectivités exerçant les compétences des départements. Ces offices exercent leurs missions dans le champ des missions de l’office, à l’exception des missions de police et de délivrance du permis de chasser.
« Art. L. 131-10. – L’Office français de la biodiversité et de la chasse est administré par un conseil d’administration qui comprend :
« 1° Un premier collège constitué par des représentants de l’État, des représentants d’établissements publics nationaux œuvrant dans le champ des compétences de l’office et des personnalités qualifiées ;
« 2° Un deuxième collège comprenant des représentants des secteurs économiques concernés, des représentants d’organisations professionnelles agricoles et forestières, d’associations agréées de protection de l’environnement ou d’éducation à l’environnement, de gestionnaires d’espaces naturels, des instances cynégétiques et des instances de la pêche de loisir ;
« 3° Un troisième collège comprenant des représentants des comités de bassin ainsi que des collectivités territoriales et de leurs groupements ;
« 4° Un quatrième collège composé des représentants élus du personnel de l’office ;
« 5° Un cinquième collège composé de deux députés dont un représentant des territoires ultramarins, et deux sénateurs dont un représentant des territoires ultramarins, désignés, respectivement, par le Président de l’Assemblée nationale et par le Président du Sénat.
« Les ministres chargés de l’environnement et de l’agriculture désignent un commissaire du Gouvernement, qui appartient au collège mentionné au 1°. Un décret précise les conditions dans lesquelles ce commissaire du Gouvernement peut demander l’inscription d’un point à l’ordre du jour du conseil d’administration, provoquer la convocation d’un conseil d’administration extraordinaire ou s’opposer à une décision du conseil d’administration et solliciter une nouvelle délibération.
« Les représentants de la Fédération nationale des chasseurs, des fédérations départementales des chasseurs et de la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique représentent au moins 10 % des membres du conseil d’administration.
« Le conseil d’administration est composé de manière à comprendre au moins un représentant de chacun des cinq bassins écosystémiques ultramarins.
« Il est composé de manière à ce que l’écart entre le nombre d’hommes, d’une part, et le nombre de femmes, d’autre part, ne soit pas supérieur à un. Lorsqu’un organisme est appelé à désigner plus d’un membre du conseil, il procède à ces désignations de telle sorte que l’écart entre le nombre des hommes désignés, d’une part, et le nombre des femmes désignées, d’autre part, ne soit pas supérieur à un. La même règle s’applique à la désignation des personnalités qualifiées.
« Le président du conseil d’administration est élu au sein du conseil d’administration par ses membres.
« Le conseil d’administration peut constituer en son sein des commissions spécialisées.
« Art. L. 131-11. – (Supprimé)
« Art. L. 131-11-1. – L’Office français de la biodiversité et de la chasse est doté d’un conseil scientifique, placé auprès du conseil d’administration.
« Ce conseil scientifique comprend une part significative de spécialistes de la biodiversité ultramarine.
« Art. L. 131-11-2. – Un comité d’orientation réunissant des représentants des différentes parties concernées par les missions de l’Office français de la biodiversité et de la chasse mentionnées à l’article L. 131-9 est placé auprès du conseil d’administration de l’établissement, qui en détermine la composition et le fonctionnement. Le conseil d’administration peut lui déléguer certaines de ses compétences.
« Art. L. 131-12. – L’Office français de la biodiversité et de la chasse est dirigé par un directeur général, nommé par décret.
« Art. L. 131-13. – Les ressources de l’Office français de la biodiversité et de la chasse sont constituées par :
« 1° Des subventions et contributions de l’État et de ses établissements publics ainsi que, le cas échéant, des gestionnaires d’aires marines protégées et des collectivités territoriales et de leurs groupements ;
« 2° Les recettes des taxes affectées ;
« 3° Toute subvention publique ou privée ;
« 4° Les dons et legs ;
« 5° Le produit des ventes et des prestations qu’il effectue dans le cadre de ses missions ;
« 6° Des redevances pour service rendu ;
« 7° Les produits des contrats et conventions ;
« 8° Les revenus des biens meubles et immeubles ;
« 9° Le produit des aliénations ;
« 10° D’une manière générale, toutes les recettes autorisées par les lois et règlements. » ;
3° L’article L. 131-14 est abrogé ;
3° bis (nouveau) À l’article L. 131-15, le mot : « agence » est remplacé par le mot : « office » ;
4° À l’article L. 131-16, les mots : « Agence française pour la biodiversité » sont remplacés par les mots : « Office français de la biodiversité et de la chasse ».
II. – Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le financement de la politique de l’eau et de la biodiversité pour la période 2019-2022. Ce rapport aborde notamment les modalités de création du futur fonds consacré à la protection de la biodiversité pour lequel chaque titulaire d’un permis de chasse versera cinq euros et pour lequel l’État s’est engagé à verser une contribution annuelle au moins égale à 10 euros par permis de chasser national ou départemental validé dans l’année.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat, sur l’article.
Mme Françoise Férat. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, interpellés par de nombreux élus locaux, les sénateurs ont pointé, en commission, les similitudes entre les missions conférées aux six agences de l’eau et les compétences du nouvel office français de la biodiversité, l’OFB, détaillées dans cet article 1er.
On y retrouve de nombreuses références relatives aux milieux aquatiques et à la gestion de l’eau. Il s’agit de savoir, en pratique, comment vont s’articuler les missions de l’OFB et celles des agences territoriales de bassin. Les missions des fonctionnaires en charge de ces politiques vont-elles se télescoper ?
Je suis bien consciente que l’Agence française de la biodiversité, jeune ancêtre de l’OFB, revêtait déjà une large partie des compétences allouées dans ce texte.
Toutefois, l’étendue des missions conférée à l’AFB ne lui aura peut-être pas permis de les déployer entièrement, eu égard à sa jeunesse. A-t-on pu dresser un bilan des éventuels enchevêtrements de compétences entre AFB et agences de l’eau ?
Par ailleurs, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale a substantiellement étoffé les missions du nouvel établissement.
Elle a également précisé les contours de la mission relative aux politiques de l’eau et de la biodiversité en réaffirmant leur ancrage à l’échelon territorial et en déclinant leurs diverses composantes, au 4° de l’alinéa 12. Cette réaffirmation de l’ancrage territorial des missions interpelle véritablement les acteurs de terrain. Pouvez-vous préciser vos intentions ?
En ce qui concerne les dépenses de fonctionnement de l’OFB, vous avez déclaré en commission souhaiter que son financement soit budgétaire et ne sollicite pas les agences de l’eau. Toutefois, les arbitrages n’étant pas rendus, vous n’êtes pas allée plus loin à ce stade.
Quand on voit qu’il manque déjà 40 millions d’euros pour financer ce nouvel office et que les budgets des agences de l’eau sont continuellement ponctionnés, c’est inquiétant. Et cela soulève surtout une question simple : quelle est la volonté du Gouvernement sur la pérennité des agences de l’eau ?
S’il s’agit d’une stratégie préparée et argumentée, madame la secrétaire d’État, le Sénat est prêt à l’entendre. Nous annoncez-vous, à terme, la fin programmée des agences de l’eau ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Laufoaulu, sur l’article.
M. Robert Laufoaulu. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’importance de la biodiversité française se trouve dans nos outre-mer, comme vous l’avez rappelé en discussion générale.
Madame la secrétaire d’État, je souhaite profiter de la discussion de cet article 1er pour vous poser trois questions.
Tout d’abord, cet article prévoit que le futur office français de la biodiversité et de la chasse puisse, dans le cadre de conventions, mener des actions dans les collectivités d’outre-mer comme la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna. De quelle manière ces conventions pourront-elles être concrètement mises en œuvre entre l’office et lesdites collectivités ? Et surtout, impliqueront-elles un financement ou cofinancement de la part de ces dernières ?
Par ailleurs, la France a pris, dans le cadre du One Planet Summit, une initiative remarquée pour l’adaptation, la biodiversité et la résilience dans le Pacifique. De nouveaux projets ou de nouveaux financements sont-ils à l’ordre du jour au titre de cette initiative ? Les collectivités françaises, éminemment concernées, seront-elles éligibles à ces projets comme le seront les États insulaires du Pacifique ?
Enfin, où en sommes-nous de l’« équivalent fonds vert » pour les outre-mer du Pacifique ? Notre biodiversité, dans le Pacifique, est formidablement riche. Elle est aussi incroyablement fragile et nécessite d’être protégée. Pour cela, nous avons besoin de l’aide et de l’engagement déterminé de la France à nos côtés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, sur l’article.
Mme Angèle Préville. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’effondrement massif de la biodiversité sur terre est une réalité malheureusement de plus en plus visible pour chacun d’entre nous : moins d’oiseaux moins d’insectes, moins de vers de terre…
Or la biodiversité, c’est la vie, tout simplement. La biodiversité, c’est un vaste tissu d’interactions constantes entre les espèces, nous compris. Sans le maintien de la biodiversité, nous pourrions être confrontés à une crise alimentaire mondiale.
Dans notre malheur, nous avons une chance inouïe : la nature possède une capacité de résilience extraordinaire, proprement incroyable, pour peu qu’on évite d’intervenir.
Par ailleurs, je tiens à attirer votre attention, mes chers collègues, sur le fait que la France métropolitaine possède la plus grande biodiversité d’Europe. Nulle part ailleurs, ni en Europe ni dans le monde, on ne peut observer, en parcourant un même département, autant de paysages variés.
Nous devons faire en sorte que cette richesse ne meure pas. La France compte 5 000 espèces différentes de plantes, alors qu’il en existe moins de 3 000 en Grande-Bretagne et autour de 2 000 en Pologne. Sur les 114 espèces de libellules dénombrées en Europe, 100 sont présentes en France.
Ce sont nos terroirs, qui sont nés de notre histoire géologique, de la fragmentation lors des précédentes glaciations, qui ont créé des foyers d’endémisme à l’origine de cette fabuleuse biodiversité.
Aussi profitons-nous d’un foisonnement d’espèces. Je citerai, par exemple, le goujon occitan, le goujon d’Auvergne, le goujon d’Adour… Or, malgré cette fabuleuse biodiversité, seulement 1 % de notre territoire national est protégé par des parcs ou des réserves – et encore, il y a de nombreuses dérogations. En Italie, 10 % du territoire national est protégé.
Nos voisins européens, même avec des territoires plus petits, plus denses en population, connaissent un plein essor de la faune sauvage, marquant une reconquête bénéfique sans précédent : on dénombre ainsi 2,5 millions de chevreuils en Allemagne contre seulement 1,5 million en France ; de même, l’Espagne compte 24 000 vautours fauves contre seulement 2 000 en France ; les phoques gris sont 120 000 en Grande-Bretagne et 500 en France… Les exemples sont légion. Nous sommes en retard.
L’équation est la suivante : nous avons une très grande biodiversité, la plus grande en Europe, spécifiquement française, mais une faune sauvage très en deçà de ce qu’elle pourrait et devrait être, et qui compte également des espèces menacées. La solution est évidente : protéger plus, prélever moins.
Il est donc temps, après l’immense avancée de la loi de 1976, d’aller de l’avant, en conscience, en responsabilité. Ne sommes-nous pas homo sapiens sapiens, c’est-à-dire l’homme sage ? Il faut donner à la nature la possibilité d’une renaissance…
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Angèle Préville. … du sauvage, si nécessaire à notre survie sur terre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient, sur l’article.
M. Georges Patient. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en matière de biodiversité, rien n’égale la Guyane.
Ce territoire amazonien compte une immense forêt de 5,3 millions d’hectares et présente une biodiversité exceptionnellement riche, faisant partie des écosystèmes les plus importants au monde avec 5 500 espèces végétales, 684 espèces d’oiseaux, 177 espèces de mammifères et plus de 500 espèces de poissons.
Le paradoxe est établi en voyant l’indigence des moyens que l’État, acteur décisionnel, affecte à l’étude de cette biodiversité. Néanmoins, je salue la création de l’agence régionale de la biodiversité de la Guyane, première entité régionale installée en juillet 2018 – soit, deux ans après l’Agence française de la biodiversité – et dont on espère la poursuite des missions sans entrave de la part du nouvel office français de la biodiversité.
En effet, cette agence contribue d’ores et déjà à la structuration de filières locales en matière de faune et de flore. À cet égard, permettez-moi de mettre en garde contre une transposition à la Guyane de dispositions qui ne lui sont pas adaptées.
Lorsqu’on parle de faune, notamment sauvage, on parle aussi de chasse. Et sur cette thématique, je rejoins mon collègue Antoine Karam, qui souhaite des dispositions particulières pour la chasse en Guyane, eu égard à l’existence de longues traditions locales ininterrompues et bien établies sur le territoire.
En effet, la conception de la chasse en Guyane diverge de celle de l’Hexagone, dans la mesure où il ne s’agit pas seulement d’une chasse de loisir, mais, pour bon nombre, d’une chasse vivrière, ancrée dans des pratiques ancestrales raisonnées et nécessaires à la survie de populations occupant le territoire.
Les chasseurs de Guyane jouent d’ailleurs un rôle social incontournable dans le cadre du maintien de la biodiversité et de la connaissance de la faune en contribuant à l’aménagement des espaces naturels et des lieux de vie des espèces.
En cela, ils sont de véritables gestionnaires de la protection de la nature. C’est à ce titre qu’ils mériteraient d’être entendus dans leurs revendications.
Ce faisant, la législation cynégétique hexagonale, même étendue à la Guyane à des fins sécuritaires, est inadaptée à ce contexte amazonien. La Guyane est un territoire sur lequel il n’existait aucune législation en matière de chasse jusqu’à la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, dite loi ÉROM, qui a tout de même fixé, eu égard à ce contexte particulier, des dispositions transitoires qui se révèlent insuffisantes.
Il faudrait que ce projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité maintienne l’équilibre existant et évite un choc des cultures.
C’est la raison pour laquelle je soutiendrai les amendements présentés par mon collègue Antoine Karam qui s’inscrivent dans la droite ligne des travaux produits lors des assises de la chasse en Guyane.
Pour terminer, de façon plus globale,…
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Georges Patient. … il faudrait éviter que, pour des raisons liées à la préservation de la biodiversité, on ne mette la forêt guyanaise sous cloche, créant un « écolonialisme » qui entraverait un développement économique devenu urgent en raison d’une expansion démographique inégalée qui ne pourra plus être ignorée dans un avenir proche. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.
M. Guillaume Gontard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons eu le déplaisir de voir deux de nos amendements jugés irrecevables par la commission des finances.
Ces amendements ne visaient pourtant qu’à préciser la troisième mission de l’office : l’expertise en matière d’évaluation de la faune sauvage et de gestion adaptative.
Nous précisions ainsi que cette mission incluait le contrôle de la collecte, la centralisation, le traitement de la valorisation des données relatives à tous les prélèvements des espèces chassables. Du coup, on ne comprend pas bien quelle serait la charge financière supplémentaire. Cela devient – hélas ! – une question récurrente.
Je prends donc la parole pour insister, à l’occasion de l’examen de cet article 1er, sur la nécessité de préciser en toutes lettres dans la loi la mission de contrôle de la collecte et de centralisation, par l’office, des données relatives à l’état de la faune sauvage, et notamment en matière de prélèvements.
Il s’agit d’un point essentiel. À défaut, les missions de l’office deviennent caduques. Comment protéger la biodiversité, comment réguler les activités de chasse, si l’on ne connaît pas l’état de la faune dans notre pays ?
Dans les faits, contrairement à nos voisins, la France est pour l’instant incapable de produire ces données. Les chasseurs sont censés tenir le compte de leurs prélèvements et transmettre les données à la Fédération nationale des chasseurs, qui agit trop souvent comme une boîte noire dont rien ne sort, ou presque.
En conséquence, l’ONCFS produit des estimations hautement imparfaites et sporadiques de l’état de la biodiversité. Ainsi, la dernière enquête date de 2016 et concerne la saison de chasse 2013-2014.
La gestion adaptative consiste à chasser de manière durable, en s’autorisant à prélever sans porter atteinte à l’état maximal de conservation de chaque espèce. C’est ainsi qu’elle est pratiquée en Amérique du Nord.
Pour connaître les quotas acceptables, il faut suivre les prélèvements sur le long terme afin d’évaluer finement non seulement l’état de conservation, mais surtout l’évolution des populations.
Les pêcheurs fournissent des chiffres de prélèvements. C’est ainsi que l’on peut décider de limiter ou de stopper la pêche au thon. Pourquoi ne pourrait-on appliquer ces mêmes pratiques à la chasse ? Des outils existent comme, par exemple, l’application Chassadapt, qui facilite les renseignements des espèces prélevées.
Cela semble facile à mettre en place, un tel dispositif étant déjà prévu pour quelques espèces. Par rapport aux études lourdes et ponctuelles, ce suivi constituerait une réelle économie et fournirait des données beaucoup plus fiables d’un point de vue scientifique et technique.
Tout le travail du futur office, toute la notion de gestion adaptative, repose sur ces données. Madame la secrétaire d’État, merci de bien vouloir nous rassurer sur ce sujet.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël, sur l’article.
Mme Sylviane Noël. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, résultat de la fusion des deux agences étatiques chargées de la protection de la faune et de la flore, le nouvel office est censé être un opérateur plus fonctionnel, plus puissant dans la mise en œuvre des politiques publiques de la biodiversité.
Hélas, il ne devrait pas être plus économe. Les premiers à devoir payer une nouvelle fois le prix de cette fusion seront les territoires.
En effet, si les moyens alloués au nouvel établissement ne doivent pas être discutés avant l’examen du prochain projet de loi de finances, le Gouvernement annoncerait déjà un besoin de financement de 340 millions d’euros.
Or il manquait déjà plusieurs millions d’euros – environ 200 – à l’AFB pour lui permettre de mener à bien les missions qui lui avaient été confiées par la loi de 2016.
La plupart des ressources de ces deux établissements provenaient des agences de l’eau. Il semble utile de rappeler que l’État a demandé à ces agences, en 2018, de prendre une part active dans le combat pour la biodiversité en finançant le budget de l’AFB à hauteur de 260 millions d’euros et en donnant 37 millions d’euros à l’ONCFS.
Il y a donc fort à parier que l’État continue son hold-up sur la politique de l’eau. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019, plusieurs amendements plaidaient en faveur de la suppression de cette ponction de l’État sur les agences. Ces résolutions allaient dans le sens des territoires dont les recettes provenant des redevances de l’eau ont toute leur importance et doivent financer en priorité l’eau.
Avec la création de l’OFB, ces établissements vont continuer de subir des coupes budgétaires, ce qui est inacceptable. À l’heure où les réseaux d’eau et d’assainissement de nombreuses communes rurales sont obsolètes, le budget des agences de l’eau doit être impérativement consacré en priorité, sinon de façon exclusive, à la politique de l’eau.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
5
Grand débat national
Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat
M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, relative au grand débat national, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
Cette séance s’organisera en deux temps.
Après la déclaration du Gouvernement, la parole sera donnée à un orateur de chaque groupe, puis au Premier ministre pour leur répondre.
Puis, après une courte suspension, nous procéderons à un débat interactif de trente questions-réponses.
Je donne la parole à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le grand débat national s’est achevé lundi. Pendant trois mois, les Français ont renoué avec le goût de la discussion politique. Les débats se sont tenus, la plupart du temps, dans des salles polyvalentes, des salles municipales ou dans le bureau d’accueil des mairies, où des « cahiers citoyens » se trouvaient à disposition.
Même si cela peut surprendre, je voudrais commencer par rappeler que ce grand débat national a été l’occasion, pour bon nombre de nos concitoyens, de se réapproprier un espace de discussion.
Nos concitoyens aiment la politique ou, plus exactement, ils aiment leur pays. Dans notre vieille nation française, dont on dit souvent, à juste titre, qu’elle est une nation politique, on aime parler politique. Toutefois, observons-le tous ensemble, les espaces où l’on peut échanger, entre concitoyens, sur l’orientation qu’il convient de donner aux affaires du pays ne sont pas si nombreux. Sans doute le rôle et l’importance des partis politiques ont-ils évolué, sans doute la politique locale a-t-elle parfois considérablement « désensibilisé » le débat national, ou déconnecté le débat local de la politique nationale.
Le grand débat a ainsi permis à nos concitoyens d’échanger de nouveau sur ce qu’ils souhaitent et pensent de l’avenir de notre pays. Mes premiers mots seront donc pour remercier les maires de France, qui, avec cet esprit républicain qui les caractérise, ont facilité la tenue du débat. Parfois, ils étaient favorables à l’idée du grand débat ; parfois, ils ne l’étaient pas. Cependant, ils ont considéré qu’il existait un besoin d’expression dans leur commune et ont choisi de l’accompagner. Ils ont voulu faire en sorte que ce grand débat constitue un élément de réponse à la crise que nous connaissions.
De nombreux maires ont pris eux-mêmes la parole, en particulier lors des rencontres qu’ils ont eues avec le Président de la République. Ils ont relayé leurs propres attentes et propositions, ainsi que celles de leurs administrés. Ils ont évoqué les difficultés qu’ils rencontraient dans l’exercice de leur mission, difficultés que nous devons entendre si nous voulons répondre à celles de nos concitoyens.
Je voudrais également adresser aux élus municipaux qui ont dû faire face, samedi après samedi, à une violence intolérable, un message de totale solidarité avec les commerçants et les petites entreprises, auxquels le Gouvernement apporte et apportera son soutien, parce qu’ils ont souffert et souffrent encore des conséquences de comportements inqualifiables. Les scènes de violence que nous avons connues contrastent singulièrement avec le calme et l’écoute qui ont régné durant les trois mois du grand débat et ont fait son succès.
En effet, lorsque l’idée de ce grand débat a émergé, dans le cadre d’un dialogue mené avec nos concitoyens, les associations d’élus, les organisations syndicales et patronales et les associations en général, beaucoup pensaient que le débat ne pourrait pas se tenir compte tenu de l’effervescence du pays. Ils craignaient de transférer la tension des ronds-points dans les salles municipales, ce qui aurait été la pire des choses à faire.
J’observe, mesdames, messieurs les sénateurs, en m’en réjouissant, que nos concitoyens ont su, pendant trois mois, discuter et débattre avec une qualité d’écoute et de respect des positions des uns et des autres tout à fait remarquable. Je rappelle à quel point une telle attitude tranche avec les comportements que nous observons et déplorons, samedi après samedi.
Avec près de 1,5 million de participants, ce grand débat s’est apparenté à un exercice inédit. Quels que soient nos accords ou nos désaccords, nous pouvons saluer ensemble l’image d’une démocratie vivante, innovante et respectueuse.
Toutefois, l’expression de ce respect a été précédée par celle de la colère. Cette dernière est née à la suite de la hausse d’une taxe, qui s’est ajoutée à une hausse du prix des carburants.
M. Jean-François Husson. On vous l’avait dit !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Au-delà, la crise a surtout été l’expression d’un profond malaise que nul sur ces travées n’ignore, car il vient de loin, s’amplifiant au fil des années, des élections et des quinquennats.
Les causes en sont nombreuses. La première, c’est la baisse du pouvoir d’achat de nombre de nos concitoyens depuis la crise financière de 2008, crise dont nous subissons encore, dix ans après, les effets : la dette s’est accrue, le chômage a progressé, la croissance a stagné et les impôts n’ont cessé d’augmenter. (Eh oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
La deuxième cause, c’est la conviction terrible, pour des millions de Français, que leurs enfants vivront moins bien qu’eux, que les inégalités s’accroissent, se figent et se transmettent, que la réussite de leurs enfants dépend plus du milieu de naissance ou du lieu de résidence que des mérites propres de chacun et que, à l’égalité des chances, notre société aurait peu à peu substitué l’inégalité des destins.
Enfin, la dernière cause de cette colère, c’est un éloignement, même si ce terme n’exprime pas toute la réalité du phénomène. Il s’agit d’un éloignement géographique, bien sûr, parce que, ici ou là, des lignes de train ont fermé ; ici ou là, des routes estimées nécessaires n’ont pas été construites ; ici ou là, des médecins n’ont pas été remplacés ; ici ou là, des services publics ont été fermés ou ont déménagé. Enfin, nos modes de vie, nos règles d’urbanisme, nos choix publics, mesdames, messieurs les sénateurs, y compris les choix locaux, ont contribué à l’étalement urbain, à la dé-densification des centres-villes et à leur désertification commerciale. Bien évidemment, il est plus facile d’apprécier l’opportunité de certains choix publics trente ans ou quarante ans plus tard. Néanmoins, nous pouvons le reconnaître, l’urbanisme commercial qui a prévalu en France a contribué à créer les problèmes auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés.
Outre l’éloignement physique, nos concitoyens ont souvent le sentiment que ceux qui décident pour eux sont loin d’eux, à la fois différents et indifférents.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces causes ne sont pas, selon moi, propres à la France. En revanche, la forme prise par la colère lui est propre, notre pays étant, comme le disait M. Claude Malhuret en décembre à cette tribune, « le plus révolutionnaire des pays conservateurs ». (M. Emmanuel Capus applaudit.) On retrouve en effet ces mêmes causes à l’œuvre au Royaume-Uni, en Italie et peut-être même aux États-Unis. Parce que ces causes n’ont pas disparu et parce que nous avons engagé un certain nombre de réformes, parfois en suscitant des malentendus ou des oppositions, les Français ont exprimé leur colère.
Cette colère, c’est celle de citoyens qui, par pudeur, parce qu’ils estimaient que certains vivaient des situations encore plus difficiles, avaient pris l’habitude de taire leur ressentiment, d’encaisser.
Ces citoyens demandent non pas la charité, mais la justice, celle qui permet de vivre et d’élever ses enfants grâce à son travail. Nous avons entendu leur indignation. Nous avons commencé à y répondre en annulant la hausse de la taxe carbone et en corrigeant la hausse de la CSG pour les retraités modestes.
M. Jean-François Husson. Merci le Sénat !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Nous avons également pris des mesures d’urgence en faveur du pouvoir d’achat, pour que le travail paie davantage. Mais nous avons été au-delà : le Président de la République nous a demandé de prendre le risque d’organiser ce débat, pour expliquer ce que nous faisions, pour rendre des comptes sur le terrain et offrir aux Français la possibilité inédite de s’exprimer dans ces conditions.
M. Jean-François Husson. Un an et demi après son élection !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Le grand débat a permis de mettre en lumière un certain nombre de vérités. Avant de les évoquer, permettez-moi de m’arrêter quelques secondes sur l’exercice de restitution qui s’est tenu lundi matin. Dans le rapport qu’ils ont publié hier, les garants ont indiqué que cette restitution avait été « fidèle et loyale ». Cette fidélité et cette loyauté nous permettent d’identifier dans ces matériaux d’une très grande richesse les préoccupations et les attentes de nos concitoyens et de les apprécier dans leurs nuances, ce qui nous aidera à placer le curseur au bon endroit pour répondre à des questions complexes. Par exemple, devons-nous construire une transition écologique fondée sur la norme et l’obligation ou bien sur l’incitation ? Jusqu’à quel point devons-nous numériser les services publics ? Comment pouvons-nous revivifier nos outils démocratiques ?
Les Français ont joué le jeu du grand débat et, par sa qualité, la restitution donne tout son sens, toute son utilité, à leur engagement. Je le disais, ce grand débat a permis de faire ressortir un certain nombre de vérités. Je pense notamment à l’exaspération fiscale qui a gagné notre pays. Je serai très clair, mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque je parle d’exaspération fiscale ou de ras-le-bol fiscal, je ne fais pas référence au consentement à l’impôt. Les Français savent qu’ils paient des impôts pour financer des biens communs qui sont indispensables. Leur exaspération fiscale, qu’ils expriment très clairement, est liée non pas à l’idée même de l’impôt, mais à l’augmentation de leurs impôts, à l’augmentation des prélèvements obligatoires qui les frappe directement. Certes, il arrive qu’ils soient moins exaspérés par l’augmentation des impôts concernant d’autres redevables. Néanmoins, ils formulent de façon très claire l’idée que le niveau des prélèvements obligatoires est, à bien des égards, trop élevé.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut bien le reconnaître, au cours des dix dernières années, si l’on additionne tous les prélèvements, les pouvoirs publics ont choisi de faire supporter aux foyers et entreprises de France une charge supplémentaire de plus de 217 milliards d’euros de 2007 à 2017.
Nous avions conscience de cet état de fait. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu baisser les cotisations salariales. C’est également la raison pour laquelle nous avons engagé la suppression de la taxe d’habitation. Sans doute l’avons-nous fait trop lentement et pas assez clairement. Nous avons corrigé ce qui devait l’être.
Je crois que le grand débat nous invite maintenant à aller plus loin dans la baisse des impôts, mais pas à n’importe quel prix. Les Français ont été très clairs s’agissant de la nécessité de ne pas augmenter les impôts et très clairvoyants sur les conditions s’attachant à cette priorité : la baisse des impôts ne doit pas s’effectuer au prix du creusement d’une dette qui est en réalité un impôt pour les générations futures. Nous devons donc baisser la dépense publique, comme nous le faisons depuis deux ans, même si c’est difficile.
Nous avons réduit le déficit public, qui est passé de 3,5 % en 2016 à 2,5 % en 2018, puis à 2,3 % en 2019, si on exclut le coût du basculement du CICE, qui ne sera applicable qu’une seule année. Nous avons réduit, en 2018, les dépenses publiques en volume de 0,3 %, ce qui signifie que, pour la première fois depuis 1970, les dépenses ont progressé moins vite que l’inflation. Nous avons mis en œuvre cette politique de baisse de la dépense en faisant des choix de politique publique et en les assumant.
M. Michel Savin. Tout va bien !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. La deuxième vérité, c’est l’engagement des Français en faveur de l’environnement. Ils veulent changer, mais sans être pris au piège, sans « opposer la fin du mois et la fin du monde », pour reprendre l’expression du président de la République qui fait florès. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) On peut sans doute relever, dans la façon de mettre en œuvre la transition écologique, des erreurs de méthode. Mais on ne peut certainement pas reprocher au Gouvernement un manque d’ambition. Nous conserverons donc l’ambition et changerons la méthode, en nous appuyant sur les très nombreuses initiatives observées dans les territoires. Nous le savons, la transition écologique est très souvent une transition locale.
La troisième vérité concerne la manière dont les Français perçoivent leurs institutions et leurs représentants. J’ai parlé hier, à l’Assemblée nationale, d’un mur de défiance et, à certains égards, d’un mur de haine. Si l’on excepte les maires, cette défiance concerne tout le monde, qu’il s’agisse des élus, des syndicats, des hauts fonctionnaires ou des journalistes. Elle s’enracine dans des échecs collectifs. Si j’en prends bien évidemment ma part, reconnaissons ensemble qu’ils sont parfois anciens. (Murmures de protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.) Elle s’enracine aussi dans des pratiques auxquelles les lois sur le financement de la vie politique, puis la loi pour la confiance dans la vie politique de septembre 2017 ont mis fin. Nous devons regarder les choses en face et ne pas oublier.
Même si ces lois font honneur à celles et ceux qui les ont proposées et soutenues, quelle que soit d’ailleurs leur sensibilité, la défiance demeure. Nous allons devoir entamer le long et difficile chemin de la réconciliation des Français avec leurs institutions – je ne parle pas uniquement des institutions politiques – et leurs représentants. De ce point de vue, le grand débat nous invite d’abord à construire une démocratie plus délibérative, parce qu’on ne peut plus discuter de l’avenir du pays uniquement tous les cinq ans, parce que le temps médiatique, politique et social s’accélère, parce que nos compatriotes veulent du respect et de la considération. À l’évidence, l’une des manières de témoigner de ce respect et de cette considération consiste à les associer aux décisions au moment où elles sont prises.
Tous les maires le savent, indépendamment des campagnes municipales, certains projets et événements nécessitent la consultation et le débat avec la population. Cette forme de démocratie existe et se développe au niveau local et produit souvent d’excellents résultats. En vérité, elle reste largement à construire au niveau national, le grand débat nous offre à cet égard de précieux enseignements.
M. Bernard Jomier. Le référendum !
M. Olivier Jacquin. Eh oui !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Nous devons également renforcer notre démocratie représentative, en la rendant plus représentative, plus transparente et plus efficace. Nous avions fait des propositions en ce sens dans le cadre du projet de révision constitutionnelle. Je regrette que nous n’ayons pu envoyer un signal fort aux Français dès l’été dernier. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) En la matière, il me semble difficile de ne pas entendre le message pour le moins assourdissant que nous adressent nos concitoyens. Le Président de la République y répondra.
La quatrième et dernière vérité concerne nos territoires, et je m’attarderai un peu sur cette question. Le grand débat national a aussi été un grand débat local sur la justice territoriale, l’équilibre à l’intérieur de nos territoires, les relations entre les collectivités et le rôle de l’État. Permettez-moi à cet égard d’évoquer avec vous deux paradoxes qui m’ont particulièrement frappé durant ces trois mois.
Premier paradoxe, la défiance envers l’État, son action et son organisation, est immense. Toutefois, les Français ne cessent de se tourner vers lui, pour lui demander de garantir toujours plus de droits et pour les protéger. La défiance et l’attente sont donc considérables. L’État devrait ainsi proscrire et inciter fortement, alors même que l’appétence des Français pour les normes supplémentaires se révèle assez faible. Ce paradoxe opposant la défiance et l’espérance est sans doute très français. Il appelle de notre part une réflexion dense et profonde.
Deuxième paradoxe, notre République n’a jamais été, dans notre histoire, aussi décentralisée. Jamais les collectivités territoriales n’ont bénéficié d’autant de moyens financiers et humains. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Dans l’histoire de notre République – je ne parle pas seulement de la Ve République –, l’organisation de notre pays n’a jamais été aussi décentralisée, si l’on considère le nombre d’agents publics territoriaux, ainsi que les compétences et les budgets des collectivités territoriales par rapport à l’ensemble des budgets publics. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) C’était vrai voilà deux ans et même voilà cinq ans ! J’espère avoir été clair. Aussi pouvons-nous nous accorder sur l’idée selon laquelle la République est plus décentralisée aujourd’hui qu’elle ne l’était voilà vingt, quarante ou cent ans. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées. – Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Pourtant, nous connaissons aujourd’hui une vraie crise de proximité, à laquelle il faut répondre. Durant ces trois mois, les Français ont exprimé des besoins très précis. Ils veulent pouvoir accéder aux services que l’on pourrait qualifier d’« essentiels » : la santé, l’éducation, le numérique, les transports. Ils ont également exprimé un besoin de simplicité et de proximité dans leurs relations avec les pouvoirs publics.
Quant aux maires, ils souhaitent bénéficier d’une plus grande liberté d’action, fondée sur la confiance de l’État. Ce dernier doit être présent, mais pas omniprésent.
Si ces besoins sont simples à formuler, le défi à relever est immense et les chantiers sont nombreux. Il s’agit tout d’abord de réconcilier les métropoles avec les territoires qui leur sont proches ou un peu plus lointains. Notre pays a réussi l’exploit – c’est une bonne nouvelle – de rééquilibrer la relation entre Paris et ce que l’on appelait la province lorsque j’étais enfant et qu’on désigne désormais sous le terme générique de « région ». Nous avons tous constaté le développement de ces métropoles, qui a été progressif. Ce mouvement puissant a permis de réorganiser le territoire national, grâce à la création d’ensembles urbains comparables aux grandes métropoles européennes et, parfois, mondiales. Ne nous en plaignons pas, il s’agit d’une bonne nouvelle pour notre pays.
Toutefois, n’oublions pas qu’au moment où ce phénomène se réalisait, les territoires éloignés des métropoles subissaient le choc de cette accélération. La relation entre les métropoles et les autres parties du territoire doit à l’évidence être rééquilibrée ou repensée. Dans certaines régions et certains lieux, ce rééquilibrage est plus naturel. Ce n’est pas moi qui le dis, mais les études de flux, les études économiques et les études de solidarité. Ces dernières montrent que, dans un certain nombre d’endroits, la relation entre les métropoles et les territoires qui les entourent est plus harmonieuse que dans d’autres. Il est indispensable, me semble-t-il, si nous voulons répondre à la question de la justice territoriale, que nous sachions imaginer des mécanismes, qui, sans remettre en cause la dynamique des métropoles, soient capables de créer et de développer une telle solidarité. Il s’agit de faire en sorte que les communes, les villes moyennes, les petites villes et les territoires ruraux puissent bénéficier de ce dynamisme.
Nous devrons aussi apporter une réponse s’agissant de la complexité du millefeuille politique et administratif, qui fait l’objet de critiques unanimes et répétées.
Nos concitoyens accordent une prime à la proximité. Plus leurs élus et les fonctionnaires qui font vivre le service public sont proches, plus ils les respectent et leur font confiance.
M. François Grosdidier. C’est pour ça qu’on les retire !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Avec les associations d’élus, nous prendrons des initiatives concernant le fonctionnement des communes et des intercommunalités, l’articulation entre les régions et les départements et le juste équilibre entre l’État central et l’État local. À cet égard, nous devrons également redéployer des fonctionnaires sur le terrain, en leur donnant le pouvoir et les moyens d’agir localement. On gère bien ce que l’on connaît bien, j’ai donc tendance à penser que l’on gère bien ce que l’on connaît de près.
Nous avons commencé à engager ce chantier avec la loi Essoc, la loi pour un État au service d’une société de confiance, que les parlementaires ont beaucoup enrichie. Nous devons à l’évidence aller beaucoup plus loin. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous accélérerons tous les chantiers ayant pour but de garantir à nos territoires les services essentiels que j’évoquais. Je pense au développement du très haut débit pour tous d’ici à 2022. Je me trouvais à Mirande, dans le Gers, le 22 mars dernier, pour faire le point sur la couverture numérique de nos territoires. J’avais eu l’occasion d’évoquer devant vous, au mois de décembre dernier, les tronçons de routes nationales que nous avions décidé de mettre en chantier après parfois plusieurs décennies de pause. Je pourrais également citer le plan Action cœur de ville.
Je m’arrêterai quelques minutes sur trois sujets qui se sont invités dans le grand débat.
Le premier sujet concerne l’avenir de notre système de santé. Si la question n’était pas posée en tant que telle, elle s’est imposée, car les Français considèrent à juste titre qu’elle est essentielle. L’angoisse de nos concitoyens peut se résumer en quelques questions : qui remplacera le médecin de famille qui part à la retraite ? Dans certains territoires, l’âge moyen des médecins tourne autour de soixante-trois ans ou de soixante-cinq ans. (Murmures d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.) Dans quel hôpital accoucher ?
Le deuxième sujet est la prise en charge de la dépendance – il s’est lui aussi imposé pendant le débat. C’est la question des Ehpad et celle de la formation des personnels soignants. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.) Comment protégeons-nous nos aînés ? Quel soutien efficace leur accordons-nous contre les risques de la dépendance ?
M. Michel Raison. On le savait tout ça !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Comment trouvons-nous les justes sources de financement pour diminuer le reste à charge dont doivent s’acquitter ceux qui ne gagnent que le SMIC pour la prise en charge de leurs parents ou de leurs grands-parents ? Ce sont des questions que les Français nous ont adressées.
Le troisième sujet qui s’est imposé dans le débat est celui de l’éducation et de la formation. Les Français nous ont invités à adopter des approches adaptées à la diversité des territoires, qu’il s’agisse des zones rurales ou des quartiers en difficulté. Ils formulent un plaidoyer qui me réjouit, puisqu’il concerne l’apprentissage, que nos concitoyens perçoivent à juste titre comme la meilleure voie d’entrée dans la vie active.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes attachés à la contractualisation, aux solutions sur mesure. Depuis mai 2017, nous avons engagé un grand nombre de contrats territorialisés à l’échelle départementale, avec la Nièvre, avec la Creuse, où je me trouvais le 5 avril, avec les Ardennes, avec le territoire Sambre-Avesnois-Thiérache. Nous avons signé deux contrats d’accessibilité avec les régions Pays de la Loire et Bretagne – le pacte breton engage la région dans la voie de la différenciation. Cette différenciation figurait dans le projet de loi de révision constitutionnelle.
J’ai la conviction que, si l’on veut répondre aux attentes formulées par nos concitoyens, nous allons devoir faire en sorte que les réponses de l’État, et de l’action publique en général, soient mieux adaptées aux spécificités des territoires.
Cela passe – je le disais – par le principe de différenciation, qui était contenu dans le projet de révision constitutionnelle, mais cela passe aussi par la capacité pour l’État, demain, d’accompagner les projets locaux, exactement dans l’esprit de ce que nous avons fait dans la Creuse – la tonalité et les équilibres politiques qui y gouvernent l’action engagée montrent toute la diversité des champs à prendre en compte, mais témoignent aussi de la capacité de l’État, lorsqu’il sort d’une logique normative, de s’adapter aux projets formulés par les territoires eux-mêmes et de les accompagner.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Il y a là un exemple qui doit nous inspirer pour la suite.
Un mot, maintenant, mesdames, messieurs les sénateurs, sur quelques sujets qui ont été peu évoqués.
Le chômage a été très peu évoqué pendant le grand débat. Son ombre surplombait, certes, l’ensemble des prises de parole ; mais il a été peu évoqué, de même, d’ailleurs, que les questions d’emploi. Cela traduit sans doute une forme de résignation quant au haut niveau de chômage qui règne depuis longtemps dans notre pays ; or je ne crois pas que nous puissions nous y résigner.
Un deuxième thème a été très peu présent, et ne s’est pas imposé : celui de la défense, du monde et de ses dangers. Il ne s’est pas imposé ; en revanche, lorsque la question a été posée à nos compatriotes de savoir comment ils envisageaient la réduction des dépenses – « où faudrait-il couper ? », leur était-il en substance demandé –, leur première réponse a consisté à dire que nous devions réduire notre effort de défense – leur deuxième réponse a été de proposer une réduction de notre effort en matière de politique du logement.
Je veux le dire : nous n’avons pas fait le choix de réduire nos dépenses en matière de défense, bien au contraire. Le monde dans lequel nous vivons est un monde dangereux. Et je crains – nous pouvons en faire le pari – que ce danger n’ait plutôt tendance à s’accroître au fil du temps. Nous devons savoir nous défendre et défendre nos intérêts, et tout ce qui permet de mobiliser plus de policiers et de magistrats, et de mettre plus de moyens à la disposition de nos armées, est nécessaire pour notre pays – c’est l’engagement que nous avons pris, et nous n’y renoncerons pas.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ces exigences et ces ambitions formulées par les Français nous invitent à corriger la méthode, à prendre en compte de nouvelles priorités, à changer d’échelle, peut-être à accélérer parfois – nous devons le reconnaître.
Sur d’autres points, elles rejoignent des transformations que nous avons engagées. Mais nous devons rendre ces transformations plus claires, ou, en tout cas, nous concentrer sur les mesures les plus efficaces, pour qu’elles puissent bénéficier directement aux Français.
Le Président de la République présentera, le moment venu, ces orientations. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.) Il l’a annoncé : les décisions qu’il rendra publiques seront puissantes et concrètes. (Sourires et exclamations sur les mêmes travées.) Dans certains domaines, il fera état des choix qu’il aura faits ; dans d’autres, il fixera le cap et les éléments de méthode qui nous permettront d’avancer.
Je voudrais conclure sur un point relatif à la méthode. Il est assez facile de reconnaître les consensus qui prévalent chez nos concitoyens. Mais passer du consensus sur le diagnostic, ou même du consensus sur l’objectif, aux compromis démocratiques et aux choix qui font les grandes et les bonnes solutions est un exercice délicat.
Avec les élus locaux, quand il s’agit de l’avenir de nos territoires, avec les organisations syndicales et patronales, quand il s’agit de faire vivre la démocratie sociale, avec les associations, dont le grand débat a rappelé le rôle essentiel dans notre vie citoyenne, avec le Parlement, bien entendu, car rien ne peut se faire de grand ni de durable sans le respect des institutions (Ah ! sur les mêmes travées.), nous ferons en sorte de bâtir ce compromis démocratique qui est indispensable aux réelles et profondes transformations.
Nous serons tous jugés sur notre capacité de construire ensemble ces solutions, dont beaucoup devront être sur mesure, dans la continuité de la République contractuelle voulue par le Président de la République. C’est un très grand défi que nous adressent les Français, avec de très grandes attentes et de très grandes exigences. Il nous appartiendra d’être à la hauteur de ces attentes. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste. – M. Jean Bizet et Mme Fabienne Keller applaudissent également.)
M. le président. Acte est donné de la déclaration du Gouvernement. Nous allons maintenant procéder au débat sur la déclaration du Gouvernement.
Dans le débat, la parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’ai l’impression d’avoir plus appris au cours de ces six derniers mois qu’en trente ans de vie publique. Pour tout dire, j’ai aussi entendu plus d’âneries en six mois qu’en trente ans. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.) Et pourtant, depuis trente ans, nous en avons tous pas mal entendu !
Si, comme disait Talleyrand, la politique est l’art d’agiter les peuples avant de s’en servir, alors nous avons pris une grande leçon de politique de la part de quelques gouverneurs de rond-point, qui ont réussi à transformer en fureur la colère de quelques dizaines de milliers de personnes et à leur faire croire qu’ils sont, à eux seuls, le peuple français. (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
Il ne reste plus aujourd’hui dans les rues, le samedi, que quelques acharnés d’un mouvement sans but et sans programme, zigzaguant le long des boulevards comme des canards décapités (Mêmes mouvements.), s’enivrant de selfies sur fond de poubelles en feu en répétant « on ne lâche rien », sans que l’on sache d’ailleurs ce qu’ils tenaient. (Nouveaux sourires.)
Le spectacle est navrant ; et pourtant, beaucoup d’inquiétudes sont réelles. L’objectif du grand débat, si j’ai bien compris, est d’y répondre.
Sa principale vertu, c’est qu’il a remplacé les révoltés des braseros, plus centrés sur eux-mêmes qu’un trou noir et refusant tout dialogue, par des élus locaux et leurs concitoyens dans les mairies.
Ceux-ci ont un immense avantage : ils n’ont pas honte d’employer deux mots qu’on n’avait pas entendus jusque-là, même s’ils l’ont fait timidement : l’intérêt général. Pour parler en termes freudiens, les « gilets jaunes », c’était le ça ; le grand débat, c’est l’ébauche du surmoi – mais l’ébauche seulement, car il reste la profusion et la dispersion des milliers de contributions écrites ou orales. Il reste le fait que beaucoup de propositions entraîneraient, si elles étaient adoptées, un résultat terriblement français : l’explosion des dépenses publiques.
M. Laurent Duplomb. Exact !
M. Claude Malhuret. La conclusion du grand débat, c’est un peu une lettre au père Noël, et si le président ne veut pas passer pour le père Fouettard, il va devoir réussir à expliquer que la différence entre le grand débat et le Gouvernement, c’est que le Gouvernement ne peut s’affranchir du réel.
Et le réel, c’est que nous sommes les champions du monde de la dépense publique et des prélèvements obligatoires. (Marques d’approbation sur des travées du groupe Les Républicains.) Emmanuel Macron l’avait expliqué lors de la campagne de 2017, tout comme d’ailleurs son adversaire de la droite républicaine. Ni le constat ni les remèdes n’ont changé depuis. Ils s’appellent réforme des retraites – la vraie –, réforme de la fonction publique, de l’assurance chômage, du code du travail, de l’éducation et de la formation, urgence climatique, etc.
Si l’issue du grand débat devait être de l’oublier, de céder à tous ceux qui demandent « des annonces fortes », c’est-à-dire, en clair, encore plus de dépenses, alors tout est perdu. En un mot, le président a promis d’entendre le grand débat – c’est heureux –, mais il va falloir aussi, pour une part, qu’il lui résiste, et qu’il résiste, avant tout, à la désespérante tendance de ce pays à tout attendre de l’État, ce qui ne conduit ni à l’optimisme ni à l’initiative.
J’en veux pour preuve les enquêtes qui nous apprennent qu’une majorité des jeunes Français ont peur de l’avenir, ce qui n’est jamais arrivé nulle part dans l’histoire, pourtant infiniment plus ingrate envers toutes les générations qui nous ont précédés qu’envers la nôtre. Ce ne sont pas les temps qui sont devenus plus durs ; c’est nous qui nous sommes amollis. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.)
Il y a un autre sujet sur lequel il va nous falloir résister tous ensemble : celui des nuages qui s’amoncellent sur notre démocratie.
Les populistes ont tous un point commun : ils prétendent toujours démocratiser la démocratie, rendre le pouvoir au peuple et chasser les élites responsables du mal.
Le problème n’est pas français ; il est global. La crise des « gilets jaunes » est la version hexagonale d’un péril qui s’appelle ailleurs Brexit, Salvini, Erdogan ou Bolsonaro. (Bravo ! sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.) Cette crise est triple : crise de la représentation, crise de la montée de l’impuissance publique et crise du déficit de sens. Elle frappe toutes les démocraties et réjouit les dictatures, qui savourent déjà leur revanche.
Elle est aggravée par une technologie numérique dont nous pensions qu’elle serait un formidable outil de dialogue, de transparence, d’information et de raison et qui s’est révélée un redoutable instrument d’intolérance, un cauchemar orwellien dans les pays totalitaires et un déni de la vie privée chez nous, le plus grand vecteur de désinformation jamais inventé et le porteur du pire de l’émotion et de l’indignation.
« Nul ne ment autant qu’un homme indigné », disait Nietzsche. Et nous sommes aujourd’hui atteints d’indignationnisme.
Et c’est le moment où certains, monsieur le Premier ministre, vous demandent de remplacer la démocratie représentative par la démocratie directe.
Parce qu’on peut aujourd’hui se procurer d’un clic un costume, une voiture d’occasion ou même un partenaire d’un soir, certains pensent que l’on peut faire la loi ou révoquer le président en un clic. Ils ne voient pas que cette démocratie directe, c’est ce que nous avons sous les yeux depuis six mois : la démocratie des réseaux antisociaux, avec, au nombre de followers, Fly Rider comme président. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.)
« La foule est traître au peuple », disait Victor Hugo, et la démocratie directe proposée par les populistes est le triomphe de la foule. Nous voyons bien, déjà, que derrière le masque avenant du référendum d’initiative citoyenne se cache le visage plein de ressentiment du référendum révocatoire.
Je comprends que l’on souhaite une démocratie plus participative, dans cette Ve République si… – comment dire ? – jupitérienne. Et il va nous falloir trouver un équilibre. Mais ce n’est pas au moment où tout semble glisser, déraper, devenir incontrôlable, qu’il faut affaiblir la démocratie représentative. Entre Montesquieu et Tocqueville, d’un côté, Drouet et le boxeur du pont des Arts, de l’autre, je choisis les premiers, même s’ils n’ont pas d’amis sur Facebook. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
Cela m’amène à la réforme constitutionnelle. Le dégagisme a contribué à l’élection du Président de la République. Il en a joué, comme les autres candidats d’ailleurs, en promettant de dégraisser le Parlement – promesse étonnante, quand on sait que la France compte deux fois moins de parlementaires par habitant que la moyenne européenne.
M. Jean Bizet. Très juste !
M. Claude Malhuret. Personne n’a dit cette vérité aux Français pendant le grand débat ; dans le cas contraire, l’approbation serait peut-être moins massive.
Mais c’est une promesse de campagne, et il est logique de s’attendre à ce que le Gouvernement veuille la tenir. Le président du Sénat l’a bien compris, qui avait accepté le verdict des urnes avec discipline républicaine et avec fermeté, en disant au chef de l’État que le Parlement était prêt à envisager un plan social, mais pas une hécatombe. Les deux n’étaient pas loin de toper.
Récemment, j’ai cru comprendre que les relations du Sénat et de l’exécutif s’étaient… rafraîchies. (Sourires.) Je crois que nous sommes tous assez expérimentés pour faire notre examen de conscience réciproque, afin d’éviter une guerre qui, en ces temps de bashing des élus, ne ferait que des victimes.
Mme Françoise Laborde. C’est vrai !
M. Claude Malhuret. En ce qui me concerne, j’avoue n’avoir pas été transporté par le signalement de hauts fonctionnaires à un procureur. Mais, d’un autre côté, mesdames, messieurs les ministres, ce n’est tout de même pas la faute du Sénat si M. Benalla est le seul éléphant au monde qui se promène avec son propre magasin de porcelaine. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Laurent Duplomb. Très bien !
M. Claude Malhuret. Il faut sortir de cette crise qui fait tant de mal à la France et à son image. Ce sera difficile, parce que nous avons tous compris que le dégagisme ne s’adresse pas qu’aux parlementaires, mais à toute la classe politique, Président de la République compris, à toute l’administration, haute ou pas, et même, pour la première fois, jusqu’à certains élus locaux. Il faut en sortir ensemble, sans démagogie et sans faiblesse ; sinon, c’est ensemble que nous serons balayés par les démagogues et les faibles, par tous ceux qui combattront les réformes courageuses dont la France a besoin et qui soutiendront celles qui continueraient à nous faire plonger.
C’est le défi qui nous attend. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 10 décembre dernier, au pic de la crise et de la colère – vous avez vous-même employé ce mot, monsieur le Premier ministre –, face aux Français, Emmanuel Macron a avancé deux propositions. La première était un paquet de mesures d’urgence, la seconde, ce grand débat national.
Le paquet de mesures d’urgence, nous l’avons voté en un temps record, et nous l’avons voté conforme. Nous l’avons voté sans enthousiasme, avec un sens aigu de la responsabilité – sans enthousiasme, parce que nous savions bien qu’une sortie de crise ne pouvait pas s’opérer uniquement par la voie traditionnelle, rituelle, des concessions financières massives payées par toujours plus d’endettement. Nous savions bien que ce mouvement, fortement soutenu par les Français à ses origines, traduisait beaucoup plus qu’une demande de simple amélioration de l’ordinaire. Ce qui était en cause, c’était les perspectives d’existence de chacun et le destin de tous, mes chers collègues.
Mais nous l’avons voté, avec le sens de la responsabilité qui est le nôtre, parce qu’alors la République était fragilisée, parce qu’alors la Nation était profondément divisée. Et elle l’est toujours – tel sera le prochain et principal défi des mois à venir.
La seconde proposition consistait dans l’organisation du grand débat. Je voudrais simplement observer, monsieur le Premier ministre, que l’exercice d’aujourd’hui est un peu vain : nous ne votons sur rien et vous ne nous avez pas proposé de solutions, puisque vous attendez celles de Jupiter. Je vous plains, d’ailleurs, puisque vous en êtes, depuis lundi, à la troisième séquence de restitution. (Sourires.)
En revanche, parce que nous avons fait preuve de notre sens de la responsabilité, nous nous croyons autorisés à porter une appréciation juste et équilibrée sur le grand débat.
Pour porter cette appréciation, il faut se demander si deux promesses ont été remplies. Deux questions, donc : premièrement, ce débat a-t-il vraiment été « grand » ? Deuxièmement, a-t-il vraiment été un débat ?
A-t-il été grand ? On dénombre 500 000 contributions, mais certaines copiées-collées. Ce n’est pas rien, mais ce n’est pas tout. Ce sont des contributions de Français, et non pas la contribution des Français : les contributeurs représentent bien moins de 1 % du corps électoral.
Était-ce un vrai débat ? Sans doute les échanges, les dialogues, ont-ils été nombreux ; mais, trop souvent, le dialogue, en tout cas sa restitution médiatique, a tourné au monologue. Le Président de la République a très vite confisqué ou monopolisé la parole, au point qu’il semblait dire que le débat c’était lui, lui seul, tombant ainsi dans une ornière qui l’avait déjà précipité dans les difficultés face à ce mouvement spontané des Français.
De ce constat, je pense que l’on peut déjà tirer une conclusion en matière démocratique. La démocratie participative est évidemment intéressante, mes chers collègues. Mais là n’est pas l’essentiel, pour deux raisons. D’abord, la démocratie participative fait certes entendre des paroles, mais pas toutes les paroles. Ensuite, elle ne crée pas les conditions d’une parfaite égalité, car il y a des paroles qui portent plus que d’autres : certains, certaines minorités, manient mieux la parole que d’autres. Seul le suffrage réalise l’égalité : un homme, une femme, une voix.
M. Roger Karoutchi. Exactement !
M. Bruno Retailleau. Le général de Gaulle avait pour habitude de dire que la parole du peuple est la parole du peuple souverain, celle qui a été, en France, trop souvent contournée, du référendum constitutionnel de 2005 jusqu’à celui – il ne s’agissait certes que d’une consultation publique – de Notre-Dame-des-Landes.
Monsieur le Premier ministre, ma conviction est que vous ne soignerez pas la blessure faite à la souveraineté populaire avec de simples groupes de parole. Il faudra beaucoup plus ! Ce qui est en cause, en effet, c’est bien sûr le pouvoir d’achat, mais, au-delà, c’est le pouvoir tout court, mes chers collègues : le pouvoir de chaque Français et du peuple français de peser sur sa destinée et de la maîtriser. C’est la grande question démocratique ! Et je pense, avec beaucoup d’autres, que vous ne pourrez sortir de ce grand malaise sans une consultation nationale.
Je voudrais maintenant faire quelques remarques.
Premièrement, prendre les institutions de la Ve République comme victimes émissaires serait trop commode.
Au premier tour de la dernière élection présidentielle, que nous sommes plusieurs, ici, à avoir vécu, plus ou moins bien, d’ailleurs (Sourires.), aux premières loges, les extrêmes ont fait 45 % des voix. En Italie, ils ont fait à peine le même score. Voyez le résultat : la France est gouvernable ; l’Italie, difficilement. Une démocratie stable et gouvernée, c’est un bien public important. Alors, de grâce, si vous voulez momentanément vous sauver, touchez avec parcimonie aux institutions françaises ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Franck Menonville applaudit également.)
Bien sûr, il faudra recourir au référendum. Nous sommes opposés au RIC, le référendum d’initiative citoyenne, qui serait la démocratie de l’extrême, la démocratie radicale. Et ce n’est évidemment pas moi qui donnerai raison à Robespierre disant, le 16 janvier 1793, que le mot de « représentant » ne peut s’appliquer à aucun mandataire du peuple, parce que la volonté générale ne se représente pas ! Je préfère moi aussi Tocqueville à M. Drouet, même lorsqu’il campe devant les portes du Sénat, mes chers collègues.
M. Julien Bargeton. Il ne fallait pas l’inviter !
M. Bruno Retailleau. Pour ce qui concerne le référendum, nous devrons bien sûr y avoir plus fréquemment recours – c’est une évidence. Lorsque l’on est gaulliste, on se souvient de l’article 3 de la Constitution de la France, qui dispose que la souveraineté nationale s’exerce par la voie des représentants du peuple, mais aussi par la voie du référendum. Il faut, de temps en temps, recourir à la démocratie directe ! Il n’y a pas de contradiction, de ce point de vue, entre démocratie représentative et démocratie directe.
Il faudra, en quelque sorte, à un moment ou à un autre, que vous sachiez rendre la parole aux Français. C’est nécessaire, mais ce ne sera pas suffisant. Ce qu’attendent les Français, en effet, ce qu’ils veulent entendre, c’est une parole de vérité – et, en la matière, mon propos fait écho à celui de Claude Malhuret.
Je pense moi aussi que ce malaise est une accumulation de malaises, parfois anciens. Mais le Président de la République, et vous avec, ne saurait s’affranchir de la responsabilité qui est la sienne. Vous entendez les Français dire que les élus, les fonctionnaires, la démocratie, tout cela fonctionne mal. Quant à moi, j’ai beaucoup entendu aussi remettre en question le Président de la République. Qui parle de cette remise en cause, dans la restitution ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ce malaise a agglutiné tant de faux-fuyants, tant de faux-semblants, tant de mensonges ! On a bel et bien menti aux Français, en effet, lorsque l’on a voulu leur faire croire qu’ils pourraient, en travaillant moins, améliorer leur sort, augmenter leur niveau de vie et préserver un modèle social extrêmement exigeant. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Bruno Sido. Eh oui !
M. Bruno Retailleau. Oui, mes chers collègues, on a menti aux Français lorsqu’on leur a dit que le niveau de la dépense publique était la même chose que le niveau de qualité des services publics. Il n’y a, bien sûr, rien de plus faux ! Si tel était le cas, mes chers collègues, nous serions un vrai paradis en matière de services publics, nous qui sommes champions du monde de la dépense publique ! Mais, alors, l’hôpital serait-il saturé, la médecine de proximité fragilisée, l’école profondément ébranlée, elle qui reproduit désormais tant d’inégalités affectant la condition sociale des familles et de leurs enfants ?
Il faut refermer très vite ce grand débat : le grand débat a assez duré, et le temps des décisions est enfin arrivé. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Mais il n’y aura pas de sortie de crise sans un langage de vérité sur les voies d’amélioration des conditions de vie des Français.
Au moment où se nouait, au sein des classes moyennes, trop souvent oubliées, l’angoisse du déclassement, vous survalorisiez trop souvent un tout petit nombre, celui des heureux de la mondialisation ; quant au trop grand nombre des pauvres et des exclus, il bénéficiait d’attentions, mais cette attention était inefficace, car réduite aux acquêts, caritative. La classe moyenne s’est sentie broyée, déclassée, pour elle-même et pour ses enfants. L’ascenseur social s’est complètement bloqué : pendant les trente glorieuses, il fallait trois générations à une famille modeste pour atteindre le niveau de vie moyen ; il en faut désormais six ! Peut-on s’en contenter ? C’est là le vrai problème !
Ce langage de vérité que nous appelons de nos vœux consistera à dire aux Français – il faut avoir le courage de le faire – que notre économie et nos entreprises ne créent pas suffisamment de richesses, parce qu’elles ne sont pas suffisamment compétitives, pour améliorer durablement leur niveau de vie. Nous devrons leur dire qu’il faudra mettre plus de travail sur la table si nous voulons préserver un modèle social auquel nous tenons.
Mesdames, messieurs les ministres, vous devriez dire aux Français la vérité suivante : soit on applique – c’est ce que vous êtes en train de faire – un modèle anglo-saxon, avec un filet de sécurité pour les plus pauvres – quant aux classes moyennes, qu’elles se débrouillent, mais les retraités ont très bien vu quel appauvrissement résultait d’un tel modèle. Soit, si l’on veut garder notre modèle social, on ne peut évidemment pas dire aux retraités que l’on garantira leurs pensions sans toucher – surtout pas ! – à l’âge légal de départ en retraite. Sur ce point, vous aviez raison, madame la ministre : le Sénat vous donne raison. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Voilà un langage de vérité !
Nous appelons de nos vœux, également, un langage de vérité sur les impôts. Taxer moins ! Vous avez reconnu que c’était nécessaire. Il a fallu vingt et une semaines de manifestations, des centaines d’heures de débats, pour que vous vous disiez : « Mince, la France paie trop d’impôts ! » (Mêmes mouvements. – M. Alain Cazabonne applaudit également.)
Mais il ne suffira pas de dire que les Français paient trop d’impôts. Il va falloir dire maintenant quelles sont les dépenses publiques qu’il faut baisser, parce qu’il n’y aura pas de baisse de la fiscalité s’il n’y a pas demain de baisse de la dépense publique – et vous avez déjà renoncé, monsieur le Premier ministre, dans la trajectoire définie, à rééquilibrer les comptes publics à l’horizon de 2022. Vous avez cédé, sur la dépense publique, quelle que puisse être la communication parfois habile des uns ou des autres, sur les plateaux de télévision ou devant les micros.
Langage de vérité, également, sur l’écologie et le climat – les Français le demandent. Je me suis souvent trouvé devant des étudiants, devant des jeunes. On sait bien qu’ils ressentent cette urgence climatique encore plus vivement que nous, et c’est normal : leur avenir sera vraisemblablement plus long que le nôtre.
Mais, de grâce, abandonnons cette idée selon laquelle une politique énergétique et climatique écologique serait un mélange de leçons de morale et de fiscalité !
M. Laurent Duplomb. Exactement !
M. Bruno Retailleau. Les Français n’en peuvent plus, de cela ! Ce qu’il faut, c’est un effort de recherche massif au niveau européen, une taxe écologique aux frontières de l’Europe – c’est ce que nous allons proposer –, la confiance dans les territoires. C’est fondamental !
Un mot sur un sujet que vous avez évoqué, monsieur le Premier ministre, car les territoires ont eux aussi droit à la vérité. Vous avez été maire ; c’est donc paradoxal, mais les propos que vous avez tenus sur les territoires sont trop statistiques. Je ne m’y reconnais pas. Et, vraiment, dussé-je le compromettre, mais très momentanément, vous devriez passer quelques jours aux côtés du président Gérard Larcher. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Vous dites que jamais les moyens mobilisés pour les collectivités n’ont été aussi importants, que jamais celles-ci n’ont bénéficié d’autant d’agents. Mais, monsieur le Premier ministre, jamais les maires n’ont été si découragés ! Comment l’expliquez-vous ? (Mêmes mouvements.) Jamais les collectivités n’ont, pour les compétences qui leur ont été attribuées, disposé de si peu de moyens !
Jamais en France il n’y a eu de révision si autoritaire des structures territoriales : le grand remembrement !
Je reprends à mon compte le terme d’« éloignement », que vous avez utilisé. Nous avons créé la société territoriale de l’éloignement. Je voudrais vous montrer comment le malaise social, territorial et démocratique s’est finalement noué.
Le lieu, c’est le lien ! Je sais que, pour un « progressiste », l’enracinement est un obstacle au changement. Mais le lieu, c’est l’enracinement où l’on va créer du lien dans une communauté humaine ! Chacun le sait confusément, et on le sait vraiment quand on a été élu local. Mais nous avons créé une société de l’éloignement, avec des régions toujours plus grandes, des cantons toujours plus grands, des communes toujours plus grandes, des intercommunalités toujours plus grandes. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
D’ailleurs, mes chers collègues – que nous soyons de droite ou de gauche, nous pouvons nous rejoindre sur ce point, puisque nous sommes le Sénat de la République –, nous avons tellement étiré le lien géographique que nous avons brisé le lien civique ! Nous avons voulu la loi du nombre au lieu de la loi humaine. Je me souviens d’un extrait de La France contre les robots, très bon ouvrage dont je vous recommande la lecture, dans lequel Georges Bernanos écrivait : « Un monde dominé par la Force est un monde abominable, mais le monde dominé par le Nombre est ignoble. » Nous y sommes. La loi du nombre n’est pas la loi des hommes. Entre la distance et la confiance, la relation est inversement proportionnelle. À distance, vous perdez la confiance ; à proximité, vous la gagnez ! C’est ce qui explique que les maires, plus que les sénateurs, plus que le Premier ministre, plus que le Président de la République, aient encore la confiance des Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Il va falloir en tirer les conséquences, des conséquences radicales sur la décentralisation, sur les compétences, sur les niveaux de subsidiarité, mais aussi sur l’action de l’État. Cassez-nous ces grandes administrations régionales reconcentrées sur les administrations centrales ; je connais parfaitement ce sujet, dont je pourrais vous parler pendant des heures ! Amenez l’action de l’État dans la proximité, dans les départements ! Ne pensez pas décentralisation sans penser action territoriale de l’État !
Monsieur le Premier ministre, je vais conclure pour abréger vos souffrances. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Dans quelques jours, le Président de la République prendra vraisemblablement la parole. Parlera-t-il bien ? Sans doute. Nous lui reconnaissons un talent oratoire. Parlera-t-il longtemps ? Peut-être… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous lui reconnaissons une forme de résistance. Mais parlera-t-il clair ? Parlera-t-il vrai ? (Marques de scepticisme sur de nombreuses travées.) Sans courage de dire, il n’y a pas de courage de faire. Je pense que les Français en ont marre des subtilités, des habiletés, des ruses, du « en même temps », d’une « pensée complexe ». Ce qu’ils veulent, c’est non pas de la complexité, mais de la clarté à l’égard d’une vision de l’avenir, et de la simplicité dans les convictions !
Vous avez parlé d’« espérance ». Je vous propose de fermer vite le grand débat pour ouvrir un vrai chemin, celui de l’espérance pour la France, celui de la vérité pour tous les Français ! Je vous l’assure, si vous avez cette audace, vous trouverez ici, auprès de nos collègues siégeant sur toutes les travées…
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Bruno Retailleau. … et auprès du président du Sénat (Sourires.), l’appui nécessaire pour relever notre pays ! Redonnons cette confiance et cette espérance à nos concitoyens, au nom de la République et au nom de la France ! (Mmes et MM. les sénateurs du groupe Les Républicains se lèvent et applaudissent vivement. – Plusieurs sénateurs du groupe Union Centriste applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. François Patriat. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, j’imagine la difficulté qui est la mienne à intervenir après deux orateurs de talent pour faire entendre une musique différente de celle de la majorité sénatoriale. Je m’en tiendrai à mon rôle avec courage et humilité.
La France qui critique, la France qui dénigre, ce n’est pas celle qui prend son destin en main. La France qui débat, c’est la République qui avance.
Jamais les Français ne se sont autant pris à discuter, à argumenter, à échanger, à débattre, à se rassembler autour du bien commun. Oui, mes chers collègues, les citoyens français font honneur à notre pays lorsqu’ils se saisissent de leur avenir ! En apportant leur pierre à l’édifice de notre idéal républicain, ils ont prouvé à tous leur volonté de ne pas baisser les bras.
Ce n’est pas une surprise : les Français sont coutumiers du fait. Ils ne se dérobent pas devant l’Histoire. Ils n’évitent pas le débat. Partout, ils se rencontrent. Partout, ils s’en emparent.
Le grand débat, n’en déplaise à certains, a été utile et fécond.
M. Rachid Temal. Douze milliards d’euros…
M. François Patriat. Il a donné les moyens aux Français de s’exprimer sur la situation du pays, sur les grands enjeux de notre avenir, comme sur les difficultés du quotidien. Le grand débat est un succès de participation ; vous l’avez rappelé. C’est aussi un succès de propositions.
Les Français se sont exprimés en toute liberté. Ils se sont largement mobilisés. Nombreux sont ceux qui doutaient de l’utilité de cet exercice et de l’appétence qu’il suscitait chez les Français. Comme le succès est maintenant reconnu, les mêmes doutent de sa portée. Ce sont les mêmes qui parlent aujourd’hui de « faux débats » et de « déballages » et qui n’ont pas été capables par le passé d’entendre et de répondre à ces attentes.
M. Jean-Pierre Sueur. Où te situais-tu « par le passé » ?
M. François Patriat. Moi, j’ai fait mon mea culpa, monsieur Sueur. (Rires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Chacun a son analyse de la crise que nous vivons. Certains pensent que le malaise exprimé, la défiance à l’égard de toute forme de pouvoir et le procès en illégitimité des dirigeants sont dus à la politique de l’actuel gouvernement. Ceux-là font preuve d’une amnésie, d’une hypocrisie et d’une cécité qui laissent bien peu de place à la modestie et au devoir de responsabilité, alors que cette crise – chacun le reconnaît – vient de loin.
D’autres, comme nous, pensent que la France a besoin d’être réparée, de retrouver son dynamisme, sa capacité d’innovation renouvelée, un esprit de concorde et un espoir nouveau. Nous aussi, nous voyons que des Français souffrent. Nous entendons leurs attentes, parfois leur désespoir, leur incompréhension. Nous percevons aussi les injustices.
Le Gouvernement y a d’ores et déjà répondu, par avance et pour partie. (Exclamations ironiques sur de nombreuses travées.)
Mme Éliane Assassi. Ah bon ?
M. François Grosdidier. Tout a été bien fait !
M. François Patriat. Dois-je rappeler les mesures économiques, sociales et environnementales qui ont été prises depuis deux ans ?
M. Rachid Temal. L’ISF, les APL… (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Patricia Schillinger. Oh, ça va !
M. François Patriat. Elles viennent pour partie répondre aux doléances exprimées. Certains feignent de les ignorer aujourd’hui, alors même qu’ils en connaissent l’importance.
J’en veux pour preuve le rapport de l’OCDE,…
Mme Pascale Gruny. Un rapport ? C’est tout ce que vous avez comme preuve ?
M. François Patriat. … qui indique que les mesures et les lois votées sur l’initiative du Gouvernement sont « porteuses d’avenir », apporteront des bénéfices et produiront demain plus de PIB et plus de pouvoir d’achat. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) C’est l’OCDE qui le dit, pas un simple sénateur !
Quelles sont les principales attentes évoquées à l’occasion de ce grand débat ?
Monsieur le Premier ministre, vous l’avez dit hier, les Français attendent de la justice, une plus grande défense de l’intérêt général et de l’efficacité ; j’y souscris totalement. Ils souhaitent une juste affectation de l’argent public, une juste contrepartie de leurs efforts envers la collectivité. Ils comprennent que chacun doit œuvrer dans le sens de l’intérêt général, à commencer par ceux qui ont un devoir d’exemplarité, c’est-à-dire nous-mêmes. L’intérêt général n’est pas la somme d’intérêts particuliers ; il doit guider l’action de chacun.
C’est l’efficacité de l’action publique qui est en jeu. Je pense notamment à la lutte contre les inégalités scolaires, au taux de chômage, encore trop élevé, ou à la désertification médicale, pour prendre quelques exemples.
Ce sont les promesses non tenues qui alimentent une rancœur exprimée en grogne permanente, explosant parfois en bouffées de colère. C’est une revendication quotidienne. Nous devons y répondre. C’est pourquoi le Gouvernement tient ses engagements.
Si nous devons faire davantage, beaucoup a déjà été fait ; je l’ai souligné. S’il y a une impatience quant aux résultats, chacun ici sait bien que les meilleures réformes et les meilleures lois n’agissent pas dans l’instant, comme le feraient croire les incantations de magiciens sans scrupules.
Pour retrouver la confiance, il faut apporter des réponses aux trois exigences qui émergent des consultations : la justice fiscale, la justice sociale et la justice territoriale.
La demande de justice fiscale est un sentiment normal face à un système complexe et parfois illisible. C’est pourquoi le Gouvernement et sa majorité se sont engagés sur des mesures fortes : la suppression de la taxe d’habitation, qui représente plus de 20 milliards d’euros. La justice fiscale, c’est aussi la taxe GAFA, sur les géants du numérique. (M. Gérard Longuet ironise.) C’est également la suppression des cotisations sociales salariales d’un montant de 4 milliards d’euros.
Pourtant, la classe moyenne nous dit : « C’est nous qui payons pour tout le monde. » Elle s’interroge : « Où va donc l’impôt ? » C’est en l’orientant vers elle que l’action de l’État prendra tout son sens.
La France est le pays qui redistribue le plus, et les Français ne le ressentent pas. D’où vient cette incompréhension ? Il faudra aussi y apporter des réponses.
Le Gouvernement entend baisser les impôts. Il le fait déjà. Pour qui ? Pour les entreprises, pour créer de l’emploi ; pour les ménages, pour le pouvoir d’achat. Cessons de penser que l’on peut toujours dépenser plus sans jamais économiser ; oui, monsieur Retailleau, vous avez raison de le dire !
Les Français ont aussi exprimé une demande forte de justice sociale.
M. Rachid Temal. D’où la suppression de l’ISF ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. François Patriat. Le Gouvernement a lancé le plan pauvreté, pour un milliard d’euros.
Cette exigence se retrouve aussi à travers l’investissement dans l’apprentissage, la formation et l’insertion.
Et ne l’oublions pas, lutter contre la pauvreté, c’est d’abord lutter contre le chômage. C’est l’action première que mène le Gouvernement depuis deux ans.
Enfin, les Français réclament avec force l’urgence d’une justice territoriale. Nous sommes, au Sénat, les premiers observateurs de la montée de nouvelles inégalités et d’une fracture entre la France rurale et la France urbaine, source de marginalisation et d’isolement. Là, nous devons aller plus loin, monsieur le Premier ministre.
Une première étape a été franchie avec des dotations de fonctionnement stabilisées, des dotations d’investissement augmentées et des clés données aux administrations pour adapter leur action aux territoires.
M. Rachid Temal. Mais pas aux élus !
M. François Patriat. Il faut redéfinir le lien entre les communes et l’intercommunalité et rouvrir intelligemment le chantier de la loi du 7 août 2015 portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe.
Monsieur le Premier ministre, nous avons entendu l’engagement et la fermeté du Gouvernement pour répondre à ces urgences. Nous devons poursuivre les réformes pour que l’action aboutisse.
Oui à la baisse des impôts ! Oui à la proximité des services publics !
M. Rachid Temal. « En même temps » !
M. François Patriat. Oui à l’urgence de santé ! Mais oui aussi à la baisse de la dépense publique !
Mme Sophie Primas. Extraordinaire !
M. François Patriat. Oui aussi à une société du travail, un travail qui paie mieux !
M. Rachid Temal. C’est la lettre au père Noël !
M. François Patriat. C’est l’objectif fondamental.
Mais comment interpréter – vous l’avez dit, monsieur le Premier ministre – des injonctions contradictoires ? Plus de proximité, et moins d’élus ; des économies sur la défense et le logement, alors que l’urgence sécuritaire et le besoin de logements n’ont jamais été aussi flagrants et primordiaux.
Si les Français ressentent que les injustices se creusent, il faut mieux indiquer le sens des mesures qui sont prises pour y remédier.
Monsieur le Premier ministre, nous avons perçu votre capacité d’écoute et votre détermination à répondre aux attentes des Français. Dès que le chef de l’État se sera exprimé, nous serons à vos côtés pour mettre ces nouvelles orientations en action. Progresser, ce n’est pas s’entêter ; ce n’est pas critiquer. Progresser, c’est écouter, comprendre et agir. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, la première année du quinquennat d’Emmanuel Macron, marquée, au-delà du « tout pour la finance », par le choix d’un libéralisme sans frein, de la casse du droit du travail à la sélection renforcée pour entrer à l’université en passant par la déstructuration de la SNCF, semblait, coup après coup, consolider un grand fatalisme, une sensation que, dans un paysage politique explosé, la résistance ne pouvait pas s’organiser. La voie semblait libre pour les apprentis sorciers du CAC40, ces partisans d’un nouveau monde sans droits, sauf pour les plus forts.
Mais l’attitude jupitérienne du Président de la République, son arrogance et son jusqu’au-boutisme libéral, symbolisé par la suppression de l’ISF, ont provoqué l’explosion de la colère populaire qui s’exprime depuis maintenant cinq mois.
Les discours sans fin, les « en même temps » permanents et les petites phrases méprisantes à l’égard du peuple ont accompagné cette politique de démolition méthodique des derniers vestiges du modèle social français issu du programme du Conseil national de la Résistance.
Depuis des décennies, la solidarité recule en France. Les droits les plus fondamentaux, pourtant reconnus par la Constitution, comme le droit au travail, le droit au logement, le droit à la santé, à l’éducation ou à une retraite digne, sont aujourd’hui bafoués.
Des décennies de renoncement ont amené à la profonde crise économique et sociale, mais aussi démocratique, que connaît notre pays, comme l’ensemble du monde occidental.
La clé du renoncement, l’alpha et l’oméga du libéralisme, c’est la primauté de l’argent sur l’être humain.
Élu Président de la République, Emmanuel Macron a prôné un « nouveau monde », qui, bien vite, est apparu pour ce qu’il est : un régime libéral à l’autoritarisme croissant, usant et abusant de « coups de com’ » pour masquer les grands bonds en arrière sur le plan social et économique.
La colère est venue. Elle a éclaté. Depuis vingt et une semaines, la France vit au rythme du mouvement social et citoyen le plus long de son histoire. La longueur de cette secousse souligne la profondeur de la souffrance.
Vous avez peiné, monsieur le Premier ministre, à juguler la violence qui, inévitablement, accompagne ces colères. Aux actes illégaux de quelques-uns, que nous avons condamnés avec force, vous avez répondu par une répression systématique et démesurée du mouvement.
Jamais vous n’évoquez ces centaines de blessés, ces dizaines de mutilés et d’éborgnés. « Est-ce ainsi que les hommes vivent ? » écrivait le poète. Est-ce ainsi que ceux qui relèvent la tête, ceux qui osent dire « non » doivent être considérés ? Cette violence, vous ne l’avez pas évoquée, même d’un souffle, ni au Grand Palais ni ici, à mille lieues des ronds-points.
Ce grand débat, monsieur le Premier ministre, n’est pas celui de nos concitoyens.
Tous les chiffres le montrent. Sur 45 millions d’électeurs inscrits, auxquels s’ajoutent des millions de jeunes en mesure de comprendre et d’agir, comme ils le font sur le climat, seuls 500 000 personnes, soit 1 % à peine du corps électoral, ont élaboré des contributions, ce chiffre étant lui-même fortement contesté. Et 1,5 million de personnes auraient participé à des débats, ce chiffre n’étant pas contrôlable. Quant aux conférences régionales, huit à neuf Français sur dix tirés au sort ont refusé d’y participer.
Pourtant, ce grand débat aurait pu rassembler et être autre chose qu’une tentative de contournement de la colère populaire. Mais Emmanuel Macron a dès le départ écarté les thèmes de justice sociale et de justice fiscale qui fondaient la mobilisation : pas question de rétablir l’ISF ; pas question d’augmenter le SMIC ; pas question d’imaginer une nouvelle démocratie symbolisée par le référendum d’initiative citoyenne, le RIC. D’ailleurs, monsieur le Premier ministre, votre réaction au RIC ou au référendum d’initiative partagée apparaît surtout comme symptomatique d’une crainte de l’expression populaire.
Je ne suis pas née de la dernière pluie, mais quand même… (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.) L’opération à laquelle nous assistons – faire passer ce grand débat pour l’expression du peuple – est sidérante. « Plus c’est gros, plus ça passe » pourrait être votre adage et celui de M. Macron.
M. Roland Courteau. Bravo !
Mme Éliane Assassi. La France qui souffre, la grande majorité de la population, n’a pas été représentée, ou si peu. Ce sont les diplômés, les classes les plus favorisées et les plus âgés qui ont participé, alors que les jeunes étaient carrément absents.
La belle photographie que vous voulez nous vendre comme une reproduction parfaite pour légitimer votre fuite en avant libérale est totalement faussée. La preuve : alors que 77 % des Français demandent le rétablissement de l’ISF, 10,3 % des contributeurs au grand débat y seraient favorables ; 90 % des sondés souhaitent un abaissement de la TVA sur les produits de première nécessité contre 13 % seulement des contributeurs ; plus de 80 % des Français sont favorables au RIC contre 5,8 % des contributeurs. Quel décalage ! Ces chiffres montrent bien que ce grand débat tourne à la grande entourloupe.
Mme Laurence Cohen. Très bien !
Mme Éliane Assassi. Emmanuel Macron et vous-même prenez un grand risque. Non seulement vous tentez une grossière manipulation pour justifier le non-reniement et un entêtement dangereux, mais vous masquez la poursuite des coups bas contre les intérêts populaires, semaine après semaine, mois après mois.
Quelle hypocrisie à parler d’écoute alors que vous vous obstinez à brader au privé Aéroport de Paris, ADP, et la Française des jeux ! Écoutez le peuple, et une bonne fois pour toutes !
Si vous avez un doute sur ADP, acceptez le référendum ! Pourquoi quelques conseillers financiers ou grands argentiers auraient-ils raison face à la volonté de millions de femmes et d’hommes ? Avec les 240 premiers parlementaires signataires de la proposition de loi référendaire, je mets au défi Emmanuel Macron de lancer une telle consultation populaire.
De même, vous affirmez avec des trémolos dans la voix la nécessité de rapprocher les services publics de la population. Mais, monsieur le Premier ministre, vous venez de déposer un projet de démolition du statut de la fonction publique en confirmant la suppression de 120 000 fonctionnaires. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.) Et vous asphyxiez toujours et encore les collectivités locales. C’est la même logique avec votre annonce d’une augmentation de 5,6 % de l’électricité dès cet été.
Monsieur le Premier ministre, le piège s’est refermé sur vous. (M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire fait un signe de dénégation.) Si, si ! Pour appliquer le programme d’Emmanuel Macron, vous ne pouvez pas répondre aux attentes populaires, tout simplement parce que votre logiciel politique est incompatible avec les espoirs de nos concitoyens.
J’en veux pour preuve que la petite musique de la nécessaire réduction des dépenses publiques est déjà là. Mais jamais vous n’évoquez la scandaleuse évasion fiscale et l’enrichissement sans fin des détenteurs de capitaux. C’est logique : vous êtes là pour les servir ; ce sont vos soutiens indéfectibles.
Vous maquillez le désir de justice fiscale en volonté de baisse des impôts et avant tout pour les plus riches et les entreprises. Quant à la justice sociale, salaires ou retraites, seule votre règle d’or, celle de l’austérité, prévaut.
Monsieur le Premier ministre, avec Emmanuel Macron, vous prenez le risque de multiplier la colère. Ces derniers mois montrent que l’histoire n’est pas écrite. Vous prenez le risque non seulement de décevoir, mais aussi de susciter le désarroi ; pire, de susciter la haine !
L’Histoire aurait pu retenir le souvenir d’un pouvoir qui aurait choisi l’écoute et la raison. Malheureusement, tout montre que vous vous apprêtez à faire le choix de l’entêtement, celui des privilèges au détriment de l’humain, de cette humanité qui a forgé dans les épreuves l’histoire de notre pays.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Éliane Assassi. Mais n’oubliez pas qu’une idée devient une force lorsqu’elle s’empare des masses. Et, aujourd’hui, les masses ont beaucoup d’idées ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Patrick Kanner. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, notre pays a connu ces derniers mois deux phénomènes inédits : d’abord, les « gilets jaunes » ; puis, le grand débat. Ces deux moments sont liés entre eux et indissociables : sans les « gilets jaunes », qu’il ne faut pas mépriser, il n’y aurait pas eu de dialogue avec les Français.
Je veux d’abord saluer ce moment qu’a été le grand débat. Un risque a été pris de qualifier de « grand » un débat qui n’avait pas encore eu lieu. Mais il faut reconnaître aux Français leur goût de la démocratie, leur plaisir à débattre, leur volonté de se faire entendre. Nous regrettons suffisamment l’abstention aux élections pour ne pas saluer cette envie de proposer dans le cadre du grand débat.
Nous-mêmes, socialistes, partageons ce sens démocratique du débat. C’est pour cette raison que nous avons participé dans nos territoires aux réunions qui s’organisaient. C’est dans cette même philosophie que nous avons répondu aux invitations officielles du Président de la République lors de sa tournée médiatique en seize dates. C’est aussi dans cet état d’esprit que nos sénatrices et sénateurs représentant les Français établis hors de France ont organisé partout dans le monde une consultation auprès de nos concitoyens, recueillant plus de 16 500 réponses remises au Gouvernement, et dont les premiers éléments font ressortir des préoccupations similaires à celles exprimées dans les débats de l’Hexagone.
Seulement, monsieur le Premier ministre, ce débat aurait pu ne jamais avoir lieu. Si vous l’avez organisé, c’est sous la contrainte ; il faut bien le rappeler.
Sans les « gilets jaunes », il n’y aurait pas eu davantage les mesures annoncées le 10 décembre. Sans cette poussée de fièvre des Français, la taxe carbone serait toujours en place.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Patrick Kanner. Les retraités qui touchent moins de 2 000 euros paieraient encore la CSG au prix fort.
M. Rachid Temal. Exactement !
M. Patrick Kanner. Des centaines de milliers de Français n’auraient pas bénéficié du coup de pouce à la prime d’activité.
M. Martial Bourquin. Très bien !
M. Patrick Kanner. Tous ces changements dans votre politique étaient pourtant réclamés depuis des mois sur les travées de gauche et par de nombreux syndicats. Ces mesures, bien qu’insuffisantes, notamment parce que vous n’êtes pas revenu sur la désindexation des pensions de retraite, auraient pu intervenir plus tôt, évitant alors la paralysie du pays un an et demi seulement après votre arrivée au pouvoir. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Il aura fallu que les Français vous les arrachent.
Nous sommes donc à un moment charnière aujourd’hui. Les 10 milliards d’euros du mois de décembre, d’ailleurs essentiellement financés par la solidarité nationale et très peu par les employeurs, ont permis de traiter quelques symptômes sans guérir le pays de toutes les injustices de votre politique. Le grand débat a fait office de palliatif au manque d’écoute de ce début de quinquennat – vous le reconnaissez d’ailleurs vous-même – sans mettre un terme à la fièvre et à la colère d’une France abandonnée. Cette France attend désormais des réponses. Allez-vous la décevoir ?
Car le constat du grand débat est posé. Notre pays subit une fracture sociale à cause de la crise du pouvoir d’achat et de la diminution des services publics. Ce que vous refusez d’entendre, c’est la demande des Français d’avoir accès à des services publics performants, partout sur le territoire. Ce besoin est renforcé par les fractures dans l’emploi, liées au chômage notamment. Le tout aggravé par des fractures territoriales du fait des différences géographiques, qui se creusent, et du sentiment d’éloignement, qui s’accroît. Ces évolutions de la société en viennent à isoler encore plus les familles monoparentales, les personnes seules ou âgées et les Français qui sont éloignés des grands centres urbains.
Face à ce constat, la question peut être résumée ainsi : comment redonner confiance aux Français alors que votre politique a perdu toute crédibilité ? Nous vous avions fait une proposition pour y répondre : organiser une grande conférence sociale, environnementale et territoriale pour traiter et trier ce qui est remonté du terrain avant de décider.
Monsieur le Premier ministre, cette conférence s’impose, d’autant que l’absence de règles du jeu au départ du grand débat obère les résultats et montre un grand décalage avec l’objectif initial. D’ailleurs, les seules règles du jeu que nous connaissons sont celles d’Emmanuel Macron, qui est en même temps le sélectionneur, l’arbitre, le gardien de but, l’avant-centre et le commentateur. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
C’est une raison supplémentaire qui devrait vous pousser dans les bras des corps intermédiaires pour mieux agir, ce que nous ne voyons toujours pas.
Écoutez-nous, monsieur le Premier ministre ; personne dans cet hémicycle n’a intérêt à ce que vos conclusions provoquent une nouvelle crise sociale, en confondant ce que vous souhaitez décider et ce qui est réellement remonté des Français. Écoutez-nous, car, comme sur la privatisation d’ADP, vous ne pouvez pas toujours avoir raison tout seul, tout le temps et contre tout le monde !
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Patrick Kanner. Malheureusement, nous avons peur, à vous entendre, que vos choix ne soient déjà faits depuis des semaines. Si le Président de la République a peut-être gagné un peu de temps, j’espère qu’il ne nous a pas fait perdre le nôtre.
Parmi les sujets qui sont remontés figure tout d’abord la question des services publics.
Dès le départ, nous avons estimé que votre questionnaire était extrêmement mal posé, voire orienté, le service public n’étant interrogé que sous le prisme du coût budgétaire et des économies à réaliser, jamais sous celui de l’intérêt social, économique et environnemental.
Le débat a permis de révéler aux yeux de tous combien le désert des services publics dans notre pays était central dans les préoccupations de nos compatriotes, provoquant même souvent ce sentiment d’abandon que chacun a pu commenter. Cela fait des années que cette problématique est évoquée, mais nous devons bien remarquer cette tendance de fond à la disparition des services publics dans les zones éloignées des grands centres. Il est urgent de rompre avec une telle logique, d’abord guidée par des préoccupations budgétaires court-termistes. Pour nous, le service public est au contraire ce qui permettra de retisser les liens d’une société fracturée et malmenée.
La question des services de santé, particulièrement des maternités, a animé les réunions dans de nombreux départements. Je veux notamment évoquer ici les outre-mer, territoires trop souvent oubliés, qui ont tiré la sonnette d’alarme sur l’accès aux soins. Il est urgent d’inverser le processus de disparition des établissements de santé et de réimplanter dans tous les territoires un accès aux urgences, aux maternités et aux soins quotidiens. Lorsque nous constatons sur un plan statistique que l’éloignement et le faible accès médical augmentent les risques de santé, il est déjà trop tard.
J’ai pris l’exemple de la santé, mais j’aurais pu évoquer aussi les mobilités, l’accès à une justice pour tous les Français ou l’éducation, qui sont synonymes de puissance publique, pas de désengagement budgétaire. C’est sans doute là que nos points de vue divergent. Oui, les services publics ont un coût ! Mais nous disons également qu’ils ont une valeur ! De la même manière, vous ne pouvez pas expliquer aux Français que vous voulez réaliser des économies en raison de l’accès aux services publics au travers de plateformes électroniques. Savez-vous combien de Français n’ont toujours pas accès à internet ou ne bénéficient pas d’une couverture digne de ce nom ? En raisonnant comme cela, vous aggravez la fracture entre nos concitoyens !
Le besoin de plus de proximité est, selon nous, un des enseignements premiers du débat, sur tous les plans, y compris le plan démocratique. Nous voulons nous faire ici les porte-voix de ceux qui, parmi nos concitoyens et les élus locaux, ont exprimé le besoin d’une meilleure répartition des pouvoirs dans notre pays.
Cette vision de redistribution des pouvoirs a deux faces.
La première est celle de la décentralisation, avec un nouvel acte attendu qui redonnerait des compétences et des moyens d’action, notamment budgétaires, aux élus locaux. Donnons aux collectivités un pouvoir accru de fiscalité. Décentralisons notre économie via les régions. Donnons des capacités d’investissements dans le logement et les infrastructures de mobilité, y compris aux communes, sans oublier les très grands projets structurants : permettez-moi d’évoquer le canal Seine-Nord Europe, pour lequel nous n’avons toujours pas de certitude quant au financement de l’État. Défendons aussi la capacité de formation et de soutien à l’apprentissage dans les collectivités et par les collectivités ; vous avez vous-même prôné cette idée hier devant l’Assemblée nationale, en contradiction avec la loi que vous avez fait voter l’été dernier.
Notre objectif de décentralisation s’oppose à votre souhait de contractualisation, qui est le projet d’un État toujours plus centralisé qui ne fait pas confiance à l’intelligence des élus locaux.
La deuxième face de la décentralisation, c’est la redistribution des pouvoirs entre les citoyens. Même si nous pensons que la démocratie représentative est le système le plus équilibré pour faire face aux crises, notre démocratie est aussi mûre pour mieux impliquer nos concitoyens dans les décisions, qu’elles soient nationales ou locales. Les mécanismes de consultation et d’interpellation existent et ne passent pas forcément par le référendum à caractère binaire. Nous avons déjà fait des propositions en ce sens dans le cadre du débat constitutionnel.
Cette démocratie décentralisée est pour nous exclusive des fausses solutions que sont la réduction du nombre de parlementaires, la recréation du conseiller territorial sans réflexion sur l’organisation préalable des collectivités, l’affaiblissement du bicamérisme. Ces propositions aventureuses n’apporteraient rien de mieux à notre démocratie, bien au contraire, puisqu’elles réduiraient encore un peu plus la place des élus et des citoyens face aux administrations centrales !
Enfin, j’en viens à mon troisième thème, qui préoccupe notre siècle, celui de l’écologie. Notre époque doit prendre des décisions fondamentales pour les prochaines générations. Ce poids de la décision ne doit plus nous tétaniser. C’est le sens du message envoyé par les grands absents du débat, que sont les jeunes de notre pays. Plutôt que de venir s’exprimer dans un débat trop peu centré sur ces questions, ils ont préféré battre le pavé à leur tour !
Nous devons entendre, nous devons agir pour transformer notre économie, pour plus de coopération et moins d’émissions carboniques. Là encore, l’Europe est à mobiliser, en soustrayant les investissements écologiques des critères de déficit pour que notre pays puisse, enfin, adapter sa production et sa consommation d’énergie. En matière de protection de l’environnement, les technologies existent, les moyens existent, le soutien populaire existe. Ce qui manque aujourd’hui, c’est la volonté politique, votre volonté politique, monsieur le Premier ministre ! C’est, bien sûr, sur ce sujet que vous serez le plus attendu, particulièrement par la jeunesse de notre pays.
J’aurais pu aborder bien d’autres sujets qui ont structuré ce grand débat, celui du logement qui pèse de plus en plus dans le portefeuille des ménages par manque de soutien public, celui de la justice fiscale que vous confondez avec la baisse générale de la fiscalité. Vous continuerez à nous trouver pour demander le rétablissement de l’ISF et à nous trouver aussi pour que cette contribution soit mise à jour au profit de nos concitoyens.
M. Vincent Éblé. Très bien !
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, un jour, nous ferons le bilan des mauvaises mesures fiscales qui ont été les vôtres au début du quinquennat.
Enfin, j’aurais pu aborder le sujet des salaires dont la stagnation durable mériterait une conférence salariale urgente entre syndicats et patronat.
Ces trois axes, logement, justice fiscale et niveau des salaires, sont pour nous les trois composantes de la question centrale de ce débat. C’est sur ces trois leviers qu’il faut appuyer, sans se limiter à la baisse indifférenciée des impôts, qui exprime une vision simpliste, de court terme. Elle profitera toujours à ceux qui ont les moyens et n’enrayera pas la pauvreté !
Pour conclure, monsieur le président, mes chers collègues, si les sujets portés dans ce débat sont infinis, nous le savons tous, les réponses ne pourront pas être infinies. C’est pour cette raison que vous devez aujourd’hui apaiser, monsieur le Premier ministre, en vous appuyant sur tous les partenaires sociaux, collectivités, élus, pour que le débat ne reste pas sans lendemain et pour que la confiance soit retrouvée.
Je voudrais vous le dire très simplement, monsieur le Premier ministre, votre politique, vos dits et vos non-dits restent anxiogènes, anxiogènes pour l’âge de la retraite et sa fixation, anxiogènes pour le statut des cinq millions et demi de fonctionnaires, anxiogènes pour les ressources des collectivités locales, (Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales s’exclame.) anxiogènes pour nos libertés publiques, anxiogènes pour la préservation de la loi de 1905, anxiogènes pour le financement des aides au logement. En un mot, je voudrais ainsi utiliser vos propres termes pour résumer un message de ce débat : continuez d’écouter, pour bien entendre, et sachez entendre ! Pour qu’il y ait de la paix sociale dans ce pays, il faut aussi de la justice sociale ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, le temps de la démocratie n’est certainement pas celui des médias. Pas plus qu’il ne saurait être réduit aux expressions de la rue dont la légitimité ne se substitue pas à celle des urnes. Comme le disait le président Malhuret à cette tribune : « On ne légifère pas sur les ronds-points ! »
Bien au contraire, notre République se nourrit du principe fondamental selon lequel la volonté générale s’exprime à la fois par la voix du peuple souverain et par celle de ses représentants. Cette construction politique, héritage de notre histoire, garde toute sa force à l’heure où les populismes veulent nous imposer leur idéologie mortifère.
Or nous avons vécu ces derniers mois au rythme des samedis de manifestations, puis de violences intolérables. Nous avons subi l’irresponsabilité de certains médias, pour qui le sensationnel fait figure de ligne éditoriale, au risque d’attiser des feux qui ne demandaient qu’à s’embraser.
Nous avons subi la lie de la désinformation, des rumeurs, pointant du doigt une catégorie de population, défiant la raison que nous tenons des Lumières, provoquant même parfois des réactions collectives que nous pensions réservées aux périodes obscurantistes.
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Jean-Claude Requier. Il est certain que ce que traverse notre pays doit inciter à la retenue et à la modestie. De façon plus générale, il souffle en Occident des vents mauvais qui veulent détruire l’héritage des Lumières. Ce qui se passe aux États-Unis, en Italie, en Pologne, en Hongrie nous concerne directement. Le devenir de l’Union européenne en est à un moment clé, qui exige que nous soyons collectivement responsables.
Oui, des colères se sont exprimées, parfois avec véhémence. C’est le propre d’une démocratie ! Parfois aussi, hélas, avec des visées clairement factieuses, rappelant des époques de sédition que nous pensions révolues. Nous ne cesserons de les condamner de toutes nos forces.
Monsieur le Premier ministre, à l’évidence, votre Gouvernement a le devoir de résoudre une situation dont les gouvernements successifs, depuis plusieurs décennies, portent chacun une responsabilité.
Mme Françoise Laborde. C’est sûr !
M. Jean-Claude Requier. Nous mesurons la difficulté de votre tâche. Nul, parmi les membres du RDSE, ne souhaite votre échec, car les conséquences pour notre pays, son avenir, celui de nos enfants, seraient dramatiques.
Nous nous réjouissons donc que cette colère ait pu être transformée en mots partout dans le pays, sous la forme de conférences citoyennes ou d’agoras plus spontanées et moins formalisées. Nous saluons la réussite d’un exercice complexe. La confrontation apaisée des idées est inhérente à la démocratie, puisque c’est aussi de ce concept que procède in fine le Parlement.
Pour notre part, nous sommes convaincus qu’aucune méthode n’était parfaite pour organiser ce grand débat.
Les biais méthodologiques ne peuvent être éliminés d’un exercice aussi inédit dans son ampleur. La critique est un mal nécessaire et inévitable. Les quelque deux millions de contributions enregistrées sont pour nous un échantillonnage de l’état d’une certaine partie de l’opinion, celle qui s’est mobilisée. Pour autant, nous n’avons finalement rien appris que nous ne sachions déjà.
M. Martial Bourquin. Exactement !
M. Jean-Claude Requier. En particulier pour des élus, comme nous qui avons été élus locaux, qui ont l’expérience de l’empathie et de l’écoute. De ces trois mois de débats, il ressort, dans les grandes lignes, de fortes demandes tendant à une fiscalité plus juste et plus lisible ; à une transition écologique moins punitive, mais adaptée à chaque territoire ; à une démocratie plus transparente, plus inclusive ; à des services publics mieux répartis, pour renforcer la cohésion des territoires. Monsieur le Premier ministre, le plus dur est à venir, vous le savez ! Tous ces échanges suscitent de l’impatience. Il est maintenant l’heure de les concrétiser par des décisions politiques, pour le court terme et pour le long terme, afin que notre pays retrouve le chemin de la fierté et de l’harmonie.
Mais comment répondre à des demandes multiples, parfois incohérentes entre elles ? On ne peut pas réclamer simultanément la baisse des impôts et davantage de services publics !
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Jean-Claude Requier. On ne peut pas demander davantage à l’impôt et moins au contribuable. On ne peut pas promettre de réduire le poids de la fiscalité sans parler de notre politique de redistribution, un ferment de notre modèle social !
Comment ne pas surajouter de la déception aux espoirs nés ? Vous l’avez dit vous-même : « Hésiter serait pire qu’une erreur, ce serait une faute. Tout conservatisme, toute frilosité seraient à mes yeux impardonnables. »
Nous voulons donc vous prendre au mot, dans l’attente évidemment des prochaines annonces du Président de la République.
Ne rien faire serait bien sûr une faute. Mais continuer comme avant serait encore pire ! Nos concitoyens l’ont clairement dit, ils ne veulent plus d’un pouvoir vertical et déconnecté, qui fait fi des corps intermédiaires. Ils souhaitent, au contraire, que leur voix porte, au-delà des échéances électorales, ce qui n’est pas incompatible avec notre démocratie représentative.
Monsieur le Premier ministre, vous nous trouverez donc à vos côtés lorsqu’il s’agira de réintroduire partout les « services publics de contact » – pour reprendre votre expression –, c’est-à-dire qui privilégient le contact humain plutôt que la chimère de la dématérialisation, de réduire les fractures territoriales, notamment en rapprochant les métropoles et les territoires périphériques, de construire une transition écologique responsable, durable et non punitive, de créer les conditions d’une meilleure répartition des richesses, par la dignité du travail.
Ces combats, le groupe du RDSE les porte depuis très longtemps. Nous n’avons en tout cas jamais dévié de nos principes, dès lors que l’urgence est d’empêcher certains territoires de mourir, littéralement. Vous connaissez nos initiatives en matière de désenclavement, d’égal accès aux services publics, aux soins et au numérique, ou de développement économique des territoires. Notre engagement est constant, car nous estimons que redonner de la dignité à ceux qui se sentent oubliés exige des mesures simples, pragmatiques, adaptées au quotidien. Aussi brillante et utile soit-elle, notre technocratie n’aura jamais le ressenti du terrain des élus de proximité que nous sommes !
Monsieur le Premier ministre, l’heure est à l’action. Toutes les bonnes volontés doivent se mobiliser avec un seul objectif : mettre à jour notre logiciel démocratique, dans le respect de nos principes républicains. Pour cela, les institutions de notre démocratie représentative vont maintenant exercer leurs missions, à savoir débattre, confronter les idées, faire des propositions et voter, ce qui est le propre d’une démocratie mature.
Le Sénat continuera, j’en suis sûr, de faire entendre son pluralisme et sa singularité. Mon groupe, dans toutes ses expressions et sa diversité, y prendra naturellement, avec beaucoup de détermination, toute sa part ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, chers collègues, je dois avouer que, au début, à l’annonce du grand débat, j’étais extrêmement perplexe, j’avais un certain nombre de doutes.
Nous avons eu l’occasion de voir non un seul grand débat, mais plusieurs débats. Cela a commencé avec les « gilets jaunes » et leurs revendications totalement contradictoires. Ensuite se sont déroulées les rencontres du Président de la République, ce qui a donné lieu à quelques questions, à des réponses, mais ce n’était pas ce que j’appelle un débat. Des interventions directes se sont exprimées via internet, qui a recueilli des contributions, sans qu’on puisse parler d’échanges ni de débat. Des cahiers de doléances ont été déposés dans les communes, ce qui n’était pas non plus un débat.
Et il y a eu les réunions, qui ont vraiment donné lieu à un débat, lequel ne représentait pas la totalité des citoyens de notre pays. Comme il y avait ceux qui les organisaient, suivis de ceux qui en faisaient la modération, il est difficile de considérer que ce débat était vraiment représentatif des attentes des Français.
Monsieur le Premier ministre, je ne peux pas laisser dire qu’avant le grand débat l’attente de nos concitoyens n’aurait pas été prise en compte. Chacun d’entre nous ici est un élu, toutes les semaines, nous rencontrons nos concitoyens, toutes les semaines, nous échangeons et débattons avec eux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Gérard Longuet. Exactement !
M. Philippe Adnot. La vérité, c’est que si on nous avait un peu plus écoutés, par exemple, si le Gouvernement avait prêté plus d’attention au sens de notre vote sur le projet de loi de finances qui s’opposait à l’augmentation des carburants, eh bien, vous n’auriez pas donné le prétexte à ce qui s’est passé ensuite ! Donc, si vous voulez un vrai débat, reconnaissez que nous, les élus, nous le conduisons toute l’année, toutes les semaines ! Cela, je pense qu’il nous faut le revendiquer ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ce qui fait la qualité d’un débat, c’est, à mon sens, son caractère contradictoire, sa recherche de la cohérence face à des attentes exprimées qui sont, pour la plupart, totalement incompatibles. Les propositions formulées doivent, pour permettre l’ouverture d’un débat, rester dans le domaine du possible, qu’il s’agisse de l’esprit dans lequel la demande s’exprime ou de la capacité à la financer. Il est vain d’ouvrir un débat sur des demandes si leurs auteurs sont dans l’incapacité de formuler des pistes de financement.
Il est très facile de demander plus de services publics, d’exiger de payer moins d’impôts et de taxes, tout en acceptant des hausses d’impôts, si elles sont supportées par les autres !
M. Bruno Sido. Oui, c’est toujours facile !
M. Philippe Adnot. Je trouve nécessaire de prendre en compte les problématiques budgétaires, européennes et internationales. Autant d’aspects dont je ne suis pas sûr qu’ils aient été très présents dans le débat.
Mon scepticisme – et vous m’en excuserez, peut-être vais-je vous choquer, monsieur le Premier ministre – venait du sentiment que j’éprouvais, me donnant à penser que l’on n’arriverait jamais à faire la synthèse d’une expression très large et très contradictoire. Il me paraissait vraisemblable qu’avant même de lancer l’idée du grand débat, on en avait déjà écrit les réponses et que l’on se préparait à nous servir une solution qui attendait dans les tiroirs.
Si nous devions nous rendre compte que mon intuition était juste, eh bien, ce sera un mauvais coup pour la démocratie réelle !
Ce matin, je lisais le journal Libération. (M. Bruno Sido s’exclame.) Il rapporte un certain nombre de propositions de députés : c’est la boîte de Pandore, la boîte de Pandore des fausses bonnes idées ! De quoi s’agit-il, en effet ? Eh bien, par exemple, de constituer des comités dont les membres seraient tirés au sort. On procéderait ainsi pour remplacer le Conseil économique et social, ou pour décider de l’attribution de l’ancienne réserve parlementaire.
Tout cela n’est pas, selon moi, digne de l’esprit de responsabilité qui incombe aux personnes engagées comme nous au quotidien auprès de nos concitoyens. Il faut cesser de faire croire que la parole de ceux qui sont tirés au hasard est plus valable que celle de ceux qui bossent tous les jours ! Pourquoi la parole de nos maires, de nos conseillers municipaux, régionaux et départementaux, des élus en responsabilité au quotidien, des représentants syndicaux, des membres des organisations professionnelles, pourquoi la parole de tous ceux qui travaillent tous les jours pour les autres aurait-elle moins de valeur que celle de ceux qui, d’un jour à l’autre, seraient tirés au sort ? Je pense qu’il faut être raisonnable ! Je crois que la démocratie du hasard ne peut pas remplacer la véritable démocratie !
J’attends, monsieur le Premier ministre, les propositions que va nous faire le Président de la République. Je les attends avec intérêt. Nous aurons l’occasion de voir si ces propositions correspondent bien…
M. le président. Il faut penser à conclure !
M. Philippe Adnot. … aux attentes de nos concitoyens. J’attends, surtout, de voir s’il ne va pas chercher à habiller différemment les propositions qu’il avait déjà faites, trouvant ainsi un nouveau moyen de les exprimer.
J’espère que cela ne désespérera pas ceux qui bossent, ceux qui assument, ceux qui créent, ceux qui font la France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Hervé Marseille. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la République est fragile, on vient de s’en apercevoir.
Comment quelques milliers de casseurs ont-ils pu saccager, samedi après samedi, des quartiers entiers de Paris, Toulouse, Bordeaux, allant jusqu’à saccager la tombe du Soldat inconnu ?
Comment quelques milliers d’individus ont-ils pu bafouer une démocratie ancienne de 67 millions d’habitants ?
Comment en sommes-nous arrivés à une inversion des valeurs qui voit la violence des manifestants régulièrement « comprise » et les forces de l’ordre systématiquement soupçonnées ? Ces questions ne figuraient pas à l’agenda du grand débat. Elles auraient pourtant constitué un point d’entrée stimulant pour saisir les maux de notre société.
Ce grand débat ausculte un malaise, une colère venus de loin et du plus profond de nos territoires, dont le mouvement initial des « gilets jaunes » a été un impitoyable et juste révélateur.
Aura-t-il eu une utilité s’il n’aborde pas aussi quelques questions mises sous le tapis depuis cinquante ans ? Par exemple, sur le respect dû à autrui, sur le sens de l’autorité, sur la prééminence de l’intérêt général ?
Servira-t-il à quelque chose si la montée de la violence, sous toutes ses formes, n’est pas traitée ? Servira-t-il à quelque chose si le délitement du civisme et de la responsabilité individuelle n’est pas abordé ? Servira-t-il à quelque chose si la norme, le traité et le juge asphyxient la volonté politique ?
Le Gouvernement nous dit que le grand débat est un succès, c’est vrai. Permettez-moi d’apporter toutefois quelques nuances. Les manifestants sincères de novembre ont rarement rejoint les salles de réunion.
Quant aux manifestants « professionnels », ils n’ont évidemment pas joué le jeu d’un dialogue qu’ils méprisent. Ils nous le disent chaque samedi, pavé à la main ! Il faut naturellement remercier les nombreux Français qui ont fait la démarche d’échanger et de s’écouter.
Je veux aussi remercier à mon tour les milliers d’élus locaux, les maires qui ont organisé et animé ces réunions, ce sont les grands gagnants du débat, ils ont enfin été réhabilités. Ils ont rendu possible une photographie de l’opinion à un moment important. Cette photographie est cependant partielle.
Partielle, car ces contributeurs ne constituent pas un échantillon représentatif. Toutes les classes d’âge, toutes les classes sociales, tous les types de territoires n’étaient pas également présents dans les salles de réunion ou dans les contributions, tant s’en faut.
M. Gérard Longuet. C’est vrai !
M. Hervé Marseille. Il en résulte ainsi des idées parfois innovantes, stimulantes. Néanmoins, elles n’ont pas la légitimité à s’imposer en tant qu’opinions dominantes. Des Français se sont exprimés. Ils ne sont pas tous les Français, ils ne sont pas la France, comme vient de le dire Claude Malhuret avec talent.
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. Hervé Marseille. La légitimité démocratique est à l’Élysée, à l’Assemblée nationale, ici au Sénat, et dans les mairies. Elle peut être dans des référendums ou des consultations populaires plus nombreux et plus ouverts que nous appelons de nos vœux, elle n’est nulle part ailleurs.
Le droit de pétition, oui, le mandat impératif, non !
La photographie du grand débat est également partiale. Les sujets qui avaient été sélectionnés sont fondamentaux. Le Gouvernement a eu raison de provoquer une réflexion collective autour d’eux. Mais comment justifier que d’autres n’aient pas été traités ?
Quasiment aucune question sur notre rapport à l’Europe, sur l’innovation, sur l’impact des nouvelles technologies, sur l’immigration et l’intégration, sur le fonctionnement de la justice, sur la sécurité, sur le terrorisme. Ces sujets ne sont pas moins importants.
Je note d’ailleurs qu’il ressort de la consultation les préoccupations que les sénateurs, ancrés dans la terre fertile de leurs départements, signalaient de longue date, l’accès aux soins, à la formation, à internet, à la mobilité.
Pour autant, les élites vilipendées, auxquelles certains Français nous associent, auraient mauvaise grâce de pointer les seules lacunes ou contradictions.
En effet, si un seul élément ressort du débat, c’est notre perte de crédibilité, notre indispensable introspection et le besoin d’agir différemment.
À ce titre, deux aspects de la crise sociale de l’automne restent cruciaux : d’abord, les sentiments de mépris et d’abandon, particulièrement ressentis dans les villes moyennes et nos campagnes ; ensuite, le sentiment d’injustice à l’égard des efforts à fournir pour faire avancer le lourd char de l’État, conduisant nos concitoyens à s’interroger sur le niveau des impôts et sur leur affectation. Le manque de considération, voilà l’un des maux de notre époque, vous l’avez dit, monsieur le Premier ministre. Il est façonné par la conviction que les élites parisiennes prennent des décisions déconnectées.
Notre groupe est historiquement convaincu des bienfaits de la logique de subsidiarité. Cela s’appelle décentraliser et différencier.
Décentraliser, parce que plus la chaîne d’analyse, de décision et d’évaluation est courte, plus la probabilité que l’action publique soit appropriée est élevée.
Mme Françoise Gatel. C’est vrai !
M. Hervé Marseille. Nous appelons ainsi à un acte III de la décentralisation et à un terme, enfin, aux doublons insupportables.
Nous appelons à une « clarification » et à de « vrais choix », comme le dirait le Président de la République.
Mais décentraliser ou déconcentrer ne sont plus suffisants, il faut ouvrir des espaces, des espaces de différenciation.
Il ne suffit plus de dire que telle collectivité gérerait mieux que l’État telle politique publique, il faut lui donner la capacité d’adapter cette politique à son territoire.
On ne structure pas nécessairement de la même façon les dispositifs d’insertion dans la Creuse et dans le Val-de-Marne. Nous sommes nombreux à être ouverts à ce bon sens.
Si ce n’est que nous allons vite ouvrir un débat très français : sera-t-il juste que l’allocation de parent isolé soit de 20 euros moins élevée en Lozère qu’en Essonne ? Sera-t-il juste qu’un ascenseur soit obligatoire dans les immeubles de trois étages en région parisienne quand il ne le sera pas en province ?
Nous devons pouvoir assumer ces disparités, dès lors qu’elles sont encadrées par le législateur, avec le souci de l’unité républicaine.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Hervé Marseille. Pour notre part, nous faisons confiance aux élus locaux et nous appuierons cette orientation.
Mais renforcer les marges d’action des élus locaux suppose que les citoyens puissent mesurer l’efficacité de leurs actions. L’article 72 de notre Constitution doit ainsi être précisé. Les élus doivent s’appuyer sur une réelle autonomie financière. Les citoyens doivent être confrontés à une fiscalité redevenue simple et lisible.
L’injustice est le maître mot depuis décembre. Il ne l’était pas en novembre, lorsqu’il s’agissait de dénoncer de nouvelles taxes.
Le logiciel des quarante dernières années s’est remis en marche et a souvent transformé le débat sur le trop-plein d’imposition en débat sur l’injustice fiscale, permettant ainsi de ne pas s’interroger sur l’efficacité de la dépense publique à la française, pourtant triste championne du monde.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. C’est vrai !
M. Hervé Marseille. Dans notre pays passionné d’égalité, le sentiment d’injustice est omniprésent et facile à alimenter.
Cela ne doit pas empêcher de dénoncer les incohérences qui minent notre contrat social. Il est évident que certaines entreprises ne paient pas leur dû. Il est évident que certaines optimisations fiscales n’ont guère de légitimité. Il est évident que la fraude sociale est trop importante. Il est évident que la confusion règne entre assistance et assurance. Il est évident que la lenteur de la justice alimente le sentiment d’impunité.
Se focaliser sur les seules inégalités est une voie sans issue. Notre énergie gagnerait à se concentrer simultanément sur deux dimensions, créer de la richesse et faire mieux fonctionner les services publics.
En créant de la richesse, nous nous dotons de la capacité à réformer dans le sens d’une plus grande justice. Dans notre pays attaché aux positions acquises, seules des évolutions au temps long avec des sorties par le haut sont réalistes. Elles ont un coût. Seules des ressources nouvelles peuvent les financer. Pour cela, il faut de la croissance.
Le moment venu, chacun devra faire des propositions précises. Notre groupe a ainsi d’ores et déjà apporté sa contribution en matière fiscale – notamment par la voix de Vincent Delahaye –, contribution qui répond d’ailleurs à l’exaspération des Français.
Des services publics ambitieux sont, par ailleurs, le meilleur outil de lutte contre les inégalités.
Savoir lire et compter dès l’âge de six ans, être protégé des délinquants où que l’on habite, être vite et bien soigné à l’hôpital sont les meilleurs services à rendre aux plus démunis. Encore faut-il que ces services soient performants.
Nous demandons ainsi au Gouvernement de se concentrer sur la poursuite de réformes maintes fois anéanties par le conservatisme. Cela sera beaucoup plus efficace !
Monsieur le Premier ministre, les conditions de l’élection présidentielle nous ont privés d’un réel débat. Ce débat, nous venons de l’avoir parce qu’un débat vaut mieux qu’une émeute, c’est évident ! Mais un débat n’est qu’un outil d’aide à la décision. Après la restitution vient le moment des choix. Les institutions républicaines doivent reprendre leur place. La rivière doit rentrer dans son lit.
Il appartient aujourd’hui au Président de la République et à votre gouvernement d’exprimer ses conclusions.
C’est ici que le débat devra se prolonger, monsieur le Premier ministre. C’est ici, à l’Assemblée nationale et au Sénat, que nous devrons discuter des propositions. Monsieur le Premier ministre, c’est avec impatience que nous vous attendons pour un prochain rendez-vous, un rendez-vous utile, le rendez-vous des solutions. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de remercier l’ensemble des orateurs qui se sont succédé à cette tribune pour la qualité et la mesure de leurs propos.
Les critiques peuvent être vives, mais il me paraît que nous avons eu un échange de qualité. Je le dis, parce que j’ai connu non pas des assemblées, mais des moments où les débats étaient moins respectueux que celui-ci et je voulais en remercier le Sénat.
J’ai peu de choses à ajouter, mesdames, messieurs les sénateurs, à ce qu’a dit avec un immense talent et une très grande lucidité le président Malhuret. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Je voudrais remercier le président Patriat pour son extraordinaire soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Vincent Éblé. C’est vrai que c’est extraordinaire !
M. Martial Bourquin. Il a du courage !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. J’ai appris à mesurer que, lorsque les temps sont difficiles, avoir des soutiens fidèles est quelque chose d’utile ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Et Dieu sait que les temps sont difficiles !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je veux le dire, je me retrouve dans beaucoup des éléments qui viennent d’être développés par le président Marseille.
Permettez-moi d’insister sur quelques mots évoqués par plusieurs des orateurs, notamment sur ce grand débat : était-il vraiment grand ? Était-ce vraiment un débat ? Au fond, faut-il en être fier ou faut-il être méfiant ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais le rappeler, lorsque nous avons commencé à réfléchir à ce que pourrait être ce grand débat, beaucoup de gens doutaient de l’intérêt que lui porteraient les Français. Beaucoup de gens doutaient de la capacité à organiser ce débat dans des conditions d’ordre public satisfaisantes.
Nous avons fait le choix d’une organisation « foisonnante » – le terme a été défini et assumé très tôt. En effet, nous savons parfaitement – certains d’entre vous l’ont dit avec raison – que chaque fois que l’on utilise un moyen, chaque fois que l’on propose à nos concitoyens une façon de s’exprimer, il y a un biais. Oui, bien entendu, dans une réunion où l’on peut prendre publiquement la parole, il y a des gens, c’est vrai, qui viennent plus spontanément que d’autres. Oui, bien sûr, quand on propose à nos concitoyens de s’exprimer par la voie d’une saisie numérique, certains y vont assez spontanément et d’autres n’ont ni l’accès à cet instrument ni l’envie de s’en saisir.
De même, nous savons aussi, parfaitement, dans toutes nos communes, que, lorsque nous mettons à la disposition de nos concitoyens un cahier dans le hall de la mairie pour qu’ils viennent y écrire, se saisir de cet instrument, certains d’entre eux ne viendront jamais y rédiger quoi que ce soit.
C’est bien parce que nous savons tout cela que nous avons souhaité que les voies d’accès au grand débat soient les plus diversifiées possible, de façon à réduire, globalement, les biais.
Je crois que c’est ce que nous ont dit les garants du grand débat, même si je ne veux pas parler pour eux – je salue à cette occasion l’un de ces garants, qui est présent dans vos tribunes. Ils nous ont dit, si je ne me trompe, que la volonté d’organiser ce débat de façon foisonnante avait permis, en quelque sorte, de lui donner réalité et intérêt.
Je veux évoquer à présent un deuxième élément.
Nous avons tous, dans cette enceinte, organisé des réunions publiques, du moins localement. Parfois, nous avons été chargés d’opérations ou de campagnes nationales. Nous savons, bien sûr, ce qu’implique l’organisation d’une, de cinq, de dix réunions. Or, en deux mois, plus de dix mille réunions se sont tenues ! Plus de dix mille ! Elles se sont tenues dans de grandes villes comme dans de toutes petites communes. Elles ont pu réunir trente personnes comme cinq cents personnes. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ces dix mille réunions traduisent une mobilisation qu’on peut saluer : un très grand nombre de Français s’y sont rendus. J’insiste, parce que deux millions de Français qui s’expriment…
M. Laurent Duplomb. Sur quarante millions d’électeurs !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. … sont au moins aussi légitimes, et probablement plus encore, que trente mille personnes qui, le samedi après-midi, viennent manifester avec pour seule revendication la violence.
Il me semble que nous devons à tout le moins assumer le fait que nos concitoyens ont voulu se saisir d’un espace démocratique pour dire ce qu’ils souhaitaient. Cela a été, de ce point de vue – je le dis et je l’assume –, un grand succès.
Je suis pleinement en accord avec le président Retailleau quand il déclare son attachement aux institutions de la Ve République. J’y suis tout autant attaché que lui. Ces institutions prévoient que le Président de la République a un rôle éminent, qu’il est la clé de voûte des institutions ; il lui reviendra donc d’annoncer les décisions prises à l’issue de ce grand débat. Cela suscite de très grandes attentes ; j’ai entendu le sénateur Adnot affirmer qu’il n’avait pour sa part que des espoirs limités, et c’est la seule différence que j’ai avec lui : pour ma part, ces espoirs sont immenses !
Je voudrais par ailleurs indiquer mon désaccord avec une formule qu’a employée le président Retailleau, ou plus exactement avec la façon dont il interprète la politique que nous avons conduite. Nous devrions, selon lui, placer le travail au cœur de notre politique ; mais, monsieur le président Retailleau, c’est très exactement ce que nous faisons ! Cette ambition est au cœur même de l’engagement du Gouvernement et de la majorité de l’Assemblée nationale : nous entendons faire en sorte que le travail paie plus, et en tout cas plus que l’inactivité ; nous voulons faire en sorte, au travers de toutes les réformes que nous menons, qu’il s’agisse des ordonnances relatives au droit du travail ou de l’assurance chômage, que l’activité et le retour à l’activité soient systématiquement plus rémunérateurs et plus avantageux que la non-activité. Nous sommes en effet convaincus qu’une société s’élève par le travail et que l’épanouissement individuel passe lui aussi par le travail.
Vous avez rappelé, monsieur le président Retailleau, que j’ai eu l’honneur d’être maire d’une grande et belle commune, celle du Havre. Je vous en remercie : je ne l’ai pas oublié du tout, et je ne crois pas que je pourrais un jour l’oublier. J’ai d’ailleurs un souvenir si clair de la période où j’ai été maire que je me souviens bien d’un certain nombre d’événements qui l’ont ponctuée. J’ai le souvenir d’une réforme, adoptée, si je ne m’abuse, en décembre 2010, dont l’objet était d’inciter et, parfois, d’obliger – vous le savez parfaitement – les communes à se regrouper dans des intercommunalités.
M. Michel Amiel. Eh oui !
M. Bruno Retailleau. Cinq mille habitants !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Convenez avec moi que certaines communes regrettent aujourd’hui ces regroupements forcés. Peut-être ne regrettent-elles que ceux qui sont intervenus plus tard, mais quelque chose me laisse à penser que le mouvement avait été engagé alors. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
De même, je me souviens de la réforme d’août 2015. La façon dont le pouvoir central a, cette fois-là, envisagé la réorganisation territoriale me semble assez éloignée de ce que nous avons nous-mêmes déclaré : la nécessité de ne pas procéder à des big bang…
M. Bruno Retailleau. C’est vrai !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. … et de respecter les communes et les intercommunalités, afin de leur laisser le temps, si vous me pardonnez l’expression, de « digérer » les transformations massives et, parfois, brutales qui leur avaient été imposées dans les années précédentes. Je le rappelle très respectueusement au président Kanner aussi, parce que je me souviens bien de cette réforme.
De la même façon, monsieur le président Kanner, lorsque vous affirmez que l’attitude du Gouvernement à l’égard du financement des collectivités territoriales est anxiogène, là encore, ma mémoire ne m’a pas encore fait défaut. Je me souviens de l’annonce, une semaine après les élections municipales de 2014, d’une diminution massive et régulière des subventions aux collectivités territoriales. Je m’en souviens parfaitement : ce n’était pas anxiogène, monsieur le président Kanner ; c’était mortifère ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.) Je m’en souviens bien ; vous aussi, j’en suis sûr.
Après des années de diminution massive de la DGF, nous avons fait le choix, que nous assumons, d’arrêter cette pente mortifère. Quant aux dotations qui ont été notifiées à l’ensemble des communes cette année…
M. Martial Bourquin. Elles baissent encore !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Pas du tout ! Elles sont marquées par une très grande stabilité, et elles augmentent même ; vous le savez parfaitement. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
Je voudrais à présent remercier le président Requier de ses encouragements et de la profondeur de jugement dont il a fait preuve lorsqu’il a relevé l’ancienneté de la colère et de ses causes et qu’il a souligné ce que nous savons tous, à savoir le caractère contradictoire d’un certain nombre d’expressions des Français.
Le consensus peut intervenir sur des objectifs généraux, il peut intervenir sur des sujets précis, mais notre pays n’est pas un pays de consensus : c’est un pays de débats, c’est un pays d’oppositions. Au fond, c’est ainsi qu’on l’aime ! Ce ne serait pas une démocratie, ce ne serait certainement pas notre République s’il venait à changer.
Il serait intéressant – vous l’avez dit, monsieur le président Requier – de faire en sorte que, sur les éléments de consensus, nous soyons capables de construire les compromis démocratiques qui s’imposent. Je veux insister sur cette expression, qui a beaucoup à voir avec la méthode à employer.
M. le président Kanner nous a indiqué qu’il souhaitait de grandes conférences. Certes, elles sont souvent utiles, mais je ne crois pas que le renvoi à une grande conférence soit de nature à répondre, à lui seul, aux exigences et aux demandes que les Français ont exprimées pendant le grand débat. J’ai le souvenir, là encore, de grandes conférences qui, au fond, n’ont pas débouché sur des solutions majeures.
Je suis toutefois convaincu, avec vous, sans doute, monsieur le président Kanner, et avec beaucoup d’entre nous, que, pour aboutir à ces compromis, nous devons travailler non seulement, bien entendu, avec les parlementaires, mais aussi avec les corps intermédiaires…
M. Patrick Kanner. Enfin !
M. Martial Bourquin. Ils existent !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. … pour élaborer ce qui pourra ensuite être mis en œuvre, dans le temps, avec constance et soutien.
Cet exercice prend du temps ; c’est un fait. Il est assez largement contraire aux exigences médiatiques de notre époque. Lorsque nous travaillerons à l’élaboration de compromis démocratiques, nous le ferons sous la pression et face à l’insatisfaction de ceux qui nous observent. Nous le savons tous ici. Pourtant, je suis convaincu que nous devrons construire ces compromis et travailler avec les corps intermédiaires pour atteindre les objectifs qui ont été exprimés par les Français et que définira le Président de la République le moment venu.
M. Rachid Temal. Ah ! Tout passe toujours par le Président !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie encore une fois. Je répondrai volontiers à l’invitation que vous m’avez adressée afin que nous ayons une discussion sur les compromis à faire et les solutions retenues, après que le Président de la République se sera exprimé. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
Mme Laurence Cohen. Vous n’avez pas répondu à Éliane Assassi !
M. le président. Monsieur le Premier ministre, si vous voulez reprendre la parole pour compléter votre réponse, je vous en prie !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président, je vous remercie mille fois : vous me permettez de corriger…
Mme Laurence Cohen. Une erreur !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. … plus qu’une erreur, une faute. J’ai en effet oublié d’évoquer l’intervention de Mme la présidente Assassi, sinon pour la remercier en termes généraux, et je m’en veux.
Je voudrais la remercier de son discours vigoureux, qui ne m’a pas surpris du tout.
M. Gérard Longuet. Nous non plus !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Cela n’a surpris personne ici. (Sourires.)
Je voudrais vous dire, madame la présidente Assassi, que je pensais aussi à votre intervention quand j’ai déclaré que nous avions eu un réel grand débat et que cela a été un grand succès. Je ne suis toutefois pas sûr que vous partagiez cette opinion.
Je voudrais aussi revenir sur la question de la conjugaison entre la démocratie représentative et d’autres formes de démocratie qui sont nécessaires, telles que la participation et, peut-être, l’expression directe. Vous avez évoqué le pouvoir et les masses. Le pouvoir est dans les masses, comme disait un responsable chinois à une certaine époque.
Mme Éliane Assassi. Non, Karl Marx !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Cela a été repris.
Sur ce sujet, nous allons aborder des éléments qui sont compliqués. En effet, si nous voulons défendre la démocratie représentative – et nous devons la défendre en permanence ! –, nous devons lui donner le dernier mot, mais nous devons aussi lui permettre d’entendre d’autres paroles et de se nourrir d’autre chose que de sa seule expression. C’est une question de conjugaison : l’équilibre est difficile, il est délicat.
Nous aurons l’occasion d’en redire un mot, madame la présidente Assassi, notamment à propos de l’initiative qui a été prise récemment en matière de référendum d’initiative partagée. Le texte qui fait l’objet de cette initiative a lui aussi fait l’objet d’un très long débat à l’Assemblée nationale et au Sénat. Défendre la démocratie représentative, dans ce contexte, prendra donc, à mes yeux, une dimension très particulière, mais je suis certain, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous aurons l’occasion d’en reparler. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Emmanuel Capus et Jean-Marc Gabouty applaudissent également.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures cinquante.)
M. le président. La conférence des présidents a fixé les modalités de ce débat interactif. Chaque orateur disposera d’une minute et trente secondes – je serai intraitable – pour poser sa question. Le Gouvernement disposera de la même durée pour apporter sa réponse – je serai non moins intraitable.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Mouiller. S’il y a un sujet que la crise des « gilets jaunes » a remis en lumière, c’est bien celui de notre modèle social.
Les Français ont manifesté leur mécontentement et leurs inquiétudes. Aujourd’hui, notre modèle social, qui était la base de notre pacte national, est attaqué de toutes parts. Son financement est déséquilibré : certains paient toujours plus, car la base contributive diminue sans cesse du fait du vieillissement de la population et du chômage. Pourtant, les besoins n’ont jamais été aussi forts. Les attentes exprimées lors du grand débat national sont importantes.
La paupérisation de ceux qui ont travaillé toute leur vie n’est ni digne ni tolérable. La régulation des soins par la pénurie ne l’est pas non plus. Lorsqu’on évoque les grands sujets que sont la dépendance ou le handicap, le financement est renvoyé à plus tard.
Madame la ministre des solidarités et de la santé, pensez-vous toujours pouvoir faire en sorte que les Français puissent bénéficier d’un haut niveau de solidarité ? Les premières mesures portées par le Gouvernement concernant les retraités et la santé ne vont pas forcément dans ce sens. Or le Gouvernement ne sortira de la crise que si elle est l’occasion, pour lui, de faire œuvre de vérité. Cela passe par la valeur travail, et non par l’augmentation de la dette et des déficits. La valeur travail est essentielle, nous devons la porter ; c’est là l’enjeu.
Dès lors, ma question est la suivante : le Gouvernement est-il prêt à porter ce discours sur le travail et à se poser des questions autour des 35 heures et de l’âge de départ à la retraite, de manière à éviter que ses annonces ne relèvent que de la communication, au détriment de notre modèle social ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je vous remercie de cette question, monsieur le sénateur. Il est effectivement très important de rassurer les Français sur notre modèle social. Il est exceptionnel, c’est notre bien commun, et nous ne souhaitons en aucun cas le dégrader ; nous avons même l’ambition de l’améliorer encore, par la couverture d’un nouveau risque dont nous avons largement parlé et qui a émergé du grand débat : celui du grand âge, de la perte d’autonomie et de la dépendance. Cela recouvre les problèmes de nos Ehpad et des professionnels qui y travaillent.
Nous avons le devoir d’affronter en face la réalité d’une population qui vieillit et qui va avoir des besoins supplémentaires. Il s’agit de besoins liés à la dépendance, mais aussi de besoins de santé ; en effet, eux aussi augmentent.
Je ne peux pas, à cet égard, vous laisser dire qu’il y a en ce domaine une dégradation des soins ou une gestion par la pénurie. Un tel choix a certes été fait dans les années 1990 : on a alors réduit le nombre de médecins pour résorber la dette de la sécurité sociale. On en voit le résultat aujourd’hui ! Ce n’est pas le modèle que nous choisissons : nous allons, par notre réforme de la santé, ouvrir le numerus clausus et augmenter les dépenses de santé pour répondre aux besoins. C’est ce que traduit déjà le taux de 2,5 % auquel nous avons fixé cette année l’Ondam.
Je peux donc rassurer les Français : nous sommes en chemin pour améliorer la protection sociale. Les retraites et la branche famille sont à l’équilibre, la branche maladie l’est presque. La dépendance sera un enjeu que nous couvrirons ! (M. Julien Bargeton applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Le prix du livre des députés – pardonnez-moi, mes chers collègues (Sourires.) – a été décerné à Pierre-Henri Tavoillot pour son ouvrage Comment gouverner un peuple-roi ? Il aurait peut-être aussi pu s’intituler Comment gouverner un individu-roi ? Pour ma part, je souhaite poser la question suivante : comment gouverner le numérique-roi ? Certains orateurs, notamment Claude Malhuret, ont déjà fait allusion à cet enjeu.
Le mouvement des « gilets jaunes » traduit une fracture territoriale liée aux conséquences de la numérisation de l’économie. Celle-ci favorise les métropoles, lesquelles ont du mal à loger les travailleurs qu’elles attirent, au détriment d’autres territoires qui souffrent.
Le numérique, c’est ce que nous avons tous dans nos poches, avec le smartphone. C’est ce qui permet le traitement massif des données, la géolocalisation, la création de services en permanence, mais aussi l’interaction directe sur les réseaux sociaux. On l’a bien vu : vidéos, pétitions, appels à manifester de façon masquée, tout cela représente une révolution qui a, elle aussi, rendu possible le mouvement des « gilets jaunes » tel qu’il s’est déroulé.
Alors, comment mener des politiques publiques dans un monde numérique ? Comment faire que cet outil, dont certains craignent qu’il puisse parfois s’avérer cauchemardesque, réponde aussi à un certain rêve et représente, au niveau local comme au niveau national, un levier permettant d’inventer une nouvelle façon de faire de la politique ? Bref, comment l’utiliser pour rêver tous ensemble ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du numérique, dont c’est la première prise de parole dans notre hémicycle. Je lui souhaite la bienvenue. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique. Je vous remercie de votre accueil, monsieur le président.
Il est certain que le numérique peut être un outil utile au service de la démocratie. C’est d’ailleurs ce qu’on constate dans les collectivités territoriales, qui ont en la matière une longueur d’avance sur l’État. Il peut s’avérer utile, parce qu’il permet d’associer un certain nombre de citoyens, en libérant la parole de certains, qui auraient eu du mal à s’exprimer dans d’autres cénacles.
Deux prérequis sont néanmoins nécessaires pour que cela fonctionne. D’abord, certaines règles doivent encadrer cette expression : des règles de décence et d’expression normale, des règles qui peuvent être liées à la manipulation de l’information. Il faut faire en sorte que les règles qui s’appliquent dans la vie de tous les jours s’appliquent aussi sur internet. Ensuite, pour qu’internet soit un outil au service de la démocratie, encore faut-il que les gens y aient accès ! Il faut donc réduire la fracture numérique, qui s’est creusée depuis quelques années dans notre pays. C’est notamment la mission que se sont assignée Jacqueline Gourault et Julien Denormandie, de manière à ce que tous nos territoires puissent bénéficier d’un bon débit.
Il convient également d’organiser la présence de l’État dans les territoires afin de donner accès à ces outils numériques, de former les gens qui ne savent aujourd’hui se servir ni d’un clavier ni d’une souris ; ils sont beaucoup plus nombreux qu’on ne peut le penser.
Ainsi, in fine, internet sera un outil au service de la démocratie, mais il est nécessaire pour cela que l’État pose le cadre. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Julien Bargeton. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Depuis plus de cinq mois, les citoyennes et les citoyens de ce pays se mobilisent contre une mesure fiscale injuste. Nos compatriotes nous disent que l’impôt doit être juste et progressif. Ils nous interpellent notamment sur l’ISF et sur la TVA, sujets qui ont été totalement absents de votre intervention devant nous, monsieur le Premier ministre. Les Françaises et les Français veulent le retour de l’ISF ; ils ont raison !
Mme Élisabeth Lamure. Non !
M. Pascal Savoldelli. Vous faites un cadeau aux plus riches et vous privez le budget de l’État de 3,2 milliards d’euros. Surtout, ne nous dites pas que l’IFI que vous proposez fera œuvre de justice sociale ! En effet, 80 % du patrimoine des ménages les plus aisés est composé de capital mobilier. Les richesses d’aujourd’hui, ce ne sont plus l’usine à papa et les grands domaines ; ce sont des sommes immenses, des actions, des obligations volatiles qui s’accumulent dans les poches de quelques-uns, particulièrement à l’heure du numérique. Monsieur le Premier ministre, allez-vous écouter les Français et enfin rétablir l’ISF ?
Alors qu’il n’était que candidat, votre ami Emmanuel Macron déclarait : « La TVA, c’est injuste. » Pour ma part, je pense à Corinne, ma concitoyenne d’Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne. Elle me demande de vous interpeller, parce que des produits aussi importants que le savon, le dentifrice ou les pâtes sont trop chers. C’est aussi le cas des protections hygiéniques, taxées à 5,5 %. Les femmes sont contraintes à un nombre de dépenses considérablement plus élevé et vivent avec 20 % de salaire en moins !
Monsieur le Premier ministre, fixer à 0 % le taux de la TVA sur les produits de première nécessité n’est pas seulement, pour reprendre votre propos, intellectuellement possible ; c’est urgent ! Que répondez-vous à Corinne et, à travers elle, à l’ensemble des citoyens de ce pays ?
M. le président. Il faut conclure !
M. Pascal Savoldelli. Comptez-vous donner un calendrier pour la réalisation de cette mesure, demande incessante de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. La première mesure de justice fiscale, quand on voit le niveau d’imposition dans notre pays, consiste à baisser les impôts. C’est ce que Gérald Darmanin et moi-même avons commencé à faire, avec le Premier ministre et le Président de la République.
Mme Éliane Assassi. Pour les riches !
M. Bruno Le Maire, ministre. Depuis dix ans, en France, les impôts ont augmenté en moyenne de 10 milliards d’euros par an. Ils n’ont cessé d’augmenter, pour les ménages, de manière continue, de 2009 à 2017. Pour les entreprises, c’est un peu différent : à partir de 2014, le CICE les a fait diminuer.
Notre politique, c’est de récompenser le travail. Nous avons donc voulu baisser les impôts, en particulier pour les personnes qui travaillent : suppression des cotisations d’assurance maladie et d’assurance chômage, défiscalisation des heures supplémentaires, tout ce qui permet de dire aux Français qui travaillent qu’ils vivront mieux de leur travail.
Mme Éliane Assassi. L’ISF n’a rien à voir avec le travail !
M. Bruno Le Maire, ministre. C’est ce que j’ai engagé avec Gérald Darmanin.
Le Premier ministre l’a indiqué : nous souhaitons baisser davantage les impôts et, pour cela, baisser davantage la dépense publique.
M. Pascal Savoldelli. Il faut répondre à la question !
M. Bruno Le Maire, ministre. S’agissant de la TVA, je vous répondrai avec beaucoup de simplicité : aujourd’hui, l’intégralité des produits de première nécessité est taxée au taux le plus bas, soit 5,5 %. Faut-il aller plus loin ? (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
J’ai parfaitement entendu les demandes qui ont pu s’exprimer au cours du débat. Reste que baisser la TVA coûte très cher aux finances publiques et ne représente que quelques centimes d’euro de plus dans le porte-monnaie des Français.
M. Pascal Savoldelli. Oui ou non ?
Mme Sophie Primas. Ça ne sert à rien !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne suis pas certain que ce soit le meilleur moyen de redonner du pouvoir d’achat aux Français…
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre : vous faites de la TVA sur le temps ! (Sourires.)
M. Bruno Le Maire, ministre. … et de mieux rémunérer le travail en espèces sonnantes et trébuchantes.
Mme Laurence Cohen. Et rien sur l’ISF ?
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Ce que nos concitoyens demandent, c’est d’être en mesure de vivre décemment de leur travail, c’est de ne pas avoir à compter chaque euro lorsqu’ils remplissent leur caddie, c’est de ne pas être tous les mois systématiquement à découvert, c’est de ne pas s’endetter pour payer des factures liées au logement et à l’électricité, c’est de ne pas avoir à renoncer aux loisirs.
Les inégalités sociales se creusent et sont le reflet d’un partage des richesses profondément injuste. Les mobilisations citoyennes que nous connaissons depuis plusieurs mois parlent d’elles-mêmes. La réponse que le Gouvernement doit apporter à ces mouvements sociaux inédits consiste à résoudre l’équation de l’impératif de justice sociale et du défi de la transition énergétique.
Aujourd’hui, 8,8 millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec 1 026 euros par mois. Dès lors, comment vivre dignement et comment exiger de ces Français une participation aux défis qui s’imposent aux décideurs, alors qu’ils sont écrasés par les dépenses liées au logement ?
Les locataires modestes sont les premières victimes des coupes budgétaires sur les allocations logement et de la hausse du prix de l’électricité qui s’annonce. Ils subissent une double peine : l’impossibilité de s’acquitter des dépenses courantes et une assignation à des logements moins-disants et plus énergivores. Ainsi, 7,4 millions de foyers vivent dans des logements mal isolés, ils subissent les conséquences d’un marché insuffisamment réglementé et supportent des dépenses qui devraient être à la charge du bailleur.
La justice consiste à anticiper les problèmes et non pas à panser les plaies d’une société encore trop inégalitaire. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages et venir en aide aux familles les plus en difficulté ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la ville et du logement.
M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Le logement en France est un problème essentiel : il peut représenter jusqu’à 40 % à 50 % des dépenses mensuelles d’un ménage.
Mme Angèle Préville. Oui !
M. Julien Denormandie, ministre. Il faut donc agir sur deux plans.
D’une part, il faut absolument ancrer notre politique vers plus de logements abordables en en construisant plus et en faisant en sorte que l’accent soit mis sur les logements accessibles. Je pense aux logements intermédiaires, aux logements sociaux et, au sein de cette dernière catégorie, aux logements très sociaux plutôt qu’à ceux de la tranche la plus haute, problématique que vous connaissez très bien, madame la sénatrice.
D’autre part, il faut faire baisser le niveau des charges liées aux logements. L’efficacité énergétique est l’un de ces éléments. Aujourd’hui, des aides existent pour accompagner les ménages et leur permettre d’adapter leur logement, mais elles sont si nombreuses que l’on s’y perd. J’ai demandé à mes services d’en dresser la liste sur une page : ils sont revenus, quarante-huit heures après, avec un document de quatre pages ; or ces aides étaient toutes plus nécessaires les unes que les autres.
En fait, on demande à nos concitoyens de s’adapter à la complexité des aides que l’on a inventées année après année. Cela n’est plus possible : c’est aussi ce message que nous envoient aujourd’hui les Français. C’est pourquoi le ministre d’État, François de Rugy, et moi-même avons pris en compte cette contrainte et décidé que ce serait à l’État, aux entreprises et aux agences de simplifier ces aides.
M. le président. Il faut conclure !
M. Julien Denormandie, ministre. Nous avons donc lancé la plateforme www.faire.fr, accessible aussi au 0 808 800 700, qui aide nos concitoyens à se retrouver dans la complexité des aides. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Depuis la royauté, la France s’enorgueillit d’accorder l’asile à tous les persécutés. Depuis la République, elle conduit une politique d’assimilation, puis d’intégration, pour que les nouveaux arrivants participent à l’unité de la Nation et s’approprient les principes de la République. Or ces deux modèles sont à bout de souffle. Le droit d’asile est détourné par des filières d’immigration économique ou sanitaire et l’intégration des nouveaux arrivants se heurte au problème du nombre et du communautarisme, qui s’oppose aux principes républicains.
Le Sénat a adressé plusieurs propositions au Gouvernement, pour réformer le droit d’asile, mieux maîtriser l’immigration, mieux intégrer par une politique de quotas, une politique européenne plus affirmée, une politique de contrôle des frontières et un ensemble de mesures garantissant que les étrangers qui arrivent en France respectent les droits et devoirs de la République. En contrepartie, nous mettrions les moyens de les intégrer, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Monsieur le Premier ministre, défendre la République, c’est aussi défendre l’unité de la Nation et cette vision de la société française. Allez-vous oui ou non mettre en place une politique ferme, mais juste, qui intègre sans faire courir de risques à la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Karoutchi, l’asile, que vous avez replacé dans sa dimension historique, fait la singularité de la France, au-delà des clivages politiques, et protège ceux qui ont besoin de l’être.
Vous avez établi une distinction entre les migrants économiques et les réfugiés. C’est essentiel, car cela nous permet d’avoir une politique ferme envers celles et ceux qui n’ont pas vocation à venir ou à rester en France et généreuse aux fins d’intégrer les autres.
Je partage votre opinion sur celles et ceux qui ont besoin d’être protégés. Pendant trop longtemps, nous nous sommes opposés, selon les clans politiques, sur la question du nombre sans jamais nous préoccuper de savoir si cette intégration était réussie. Avons-nous réussi l’intégration ces trente dernières années ? La réponse est clairement non.
L’année dernière, près de 36 000 personnes se sont vu accorder le statut de réfugié par la France. Il nous faut nous donner les moyens de garantir cette intégration. Cela passe d’abord par l’apprentissage et la maîtrise de la langue française, essentiels pour éviter le repli sur soi et le communautarisme, que vous avez dénoncé et que je dénonce bien volontiers avec vous.
Depuis le 1er mars dernier, nous avons doublé le nombre d’heures de français financées pour que, dans certains cas, jusqu’à 600 heures puissent être dispensées.
M. le président. Il faut conclure !
M. Christophe Castaner, ministre. Cela représente une augmentation du budget, qui a été votée, de 37 % pour l’intégration, soit une hausse de 137 millions d’euros pour atteindre les objectifs fixés.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Depuis le mois de novembre dernier, le mouvement des « gilets jaunes » a rendu visible la défiance que nos concitoyens nourrissent à l’égard de nos mécanismes démocratiques. Animés par le sentiment d’être déconnectés de l’élaboration des politiques publiques, ils s’insurgent aux fins d’être plus régulièrement consultés et intégrés dans le process des décisions.
Dans le grand débat national, le Gouvernement a confié à près de 700 médiateurs, facilitateurs de parole, la lourde tâche de transformer une contestation violente en une concertation constructive, la responsabilité d’animer et de réguler au plus près du terrain ces participations de citoyens aspirant à devenir bien plus que de simples administrés.
Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Nous disposons d’outils originaux qui ne demandent qu’à être développés, notamment les médiateurs territoriaux, qui constituent souvent le maillon manquant entre les administrations locales et leurs résidents. C’est pour cette raison que, avec des collègues du RDSE et au nom de 57 sénateurs de différentes sensibilités politiques de la Haute Assemblée, j’ai déposé une proposition de loi visant à instituer un médiateur territorial dans certaines collectivités territoriales. Ce texte sera prochainement examiné dans le cadre d’une niche parlementaire.
Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à engager votre gouvernement et votre majorité en soutenant cette démarche et en émettant un avis favorable sur cette proposition de loi, qui a pour seule ambition de renforcer nos outils locaux de proximité ?
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Delattre, vous posez la question de l’importance de la citoyenneté dans notre démocratie et de la façon d’en accentuer la vitalité de l’exercice. La question de la citoyenneté est essentielle depuis 1789, et notre Déclaration des droits de l’homme et du citoyen l’instaure pour la première fois pleinement. Depuis, elle s’est exercée diversement, mais de manière toujours manifeste dans notre démocratie.
Ce qui vient de se passer ces derniers mois dans notre pays témoigne de la volonté de revivifier l’expression de la citoyenneté. Cela peut se faire de mille et une manières, par exemple en associant des citoyens au principe de l’élaboration de la loi ou de l’évaluation des textes ; cela peut se faire à l’échelon national ou local, ainsi que vous nous le suggérez avec votre proposition de loi.
Il nous faut engager un travail pour instiller des éléments de démocratie participative dans notre vie politique et dans notre vie démocratique. Cela peut prendre différentes formes. Celle que vous proposez en est une, même si je ne sais pas si cela doit être imposé par la loi – en tout cas, cette pratique mérite d’être développée.
L’important, me semble-t-il, est que, comme le précise la dernière phrase du préambule de la déclaration de 1789, « les réclamations des citoyens, […], tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous ».
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Hervé Maurey. La crise dite des « gilets jaunes » a été déclenchée par une hausse de la fiscalité écologique : la taxe carbone. Cette hausse forte, trop forte, n’a été ni expliquée à nos concitoyens ni accompagnée socialement ou territorialement. Elle était destinée non pas à assurer la transition écologique ou à aider les collectivités en la matière, mais uniquement à remplir les caisses de l’État.
Très tôt, nous avons appelé l’attention du Gouvernement sur le fait que cette approche n’était pas bonne. Très vite, nous avons rappelé que la fiscalité écologique devait être incitative et non punitive et demandé que cette mesure soit suspendue. Malheureusement, on ne nous a pas écoutés, et il a finalement fallu renoncer purement et simplement à cette hausse. Ce n’était plus suffisant pour calmer la colère populaire : on le sait très bien, en cas d’incendie, plus on tarde à intervenir, plus il est difficile d’être efficace.
Ma question est très simple : à la lumière de cet épisode et des propos de M. le Premier ministre et face à l’exaspération fiscale, dans la mesure où certains pays ont réussi à mettre en place une fiscalité écologique acceptée et efficace, quelle est la vision du Gouvernement sur l’avenir de la fiscalité écologique, sans laquelle il ne peut y avoir de véritable transition écologique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, je répondrai à votre question en tirant les leçons non seulement de ce grand débat, mais aussi de la crise qui l’a précédé.
Je ne partage pas votre analyse. La crise a été déclenchée non par la fiscalité écologique, mais par les prix du pétrole à la pompe. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Alors, on n’a rien compris !
M. François de Rugy, ministre d’État. Je vous rappelle que la crise a démarré au mois d’octobre, alors que la fiscalité n’avait pas encore augmenté. Vous le savez bien, la fiscalité augmente toujours au 1er janvier. D’ailleurs, vous l’avez vous-même souligné, la suspension de la hausse de la taxe carbone n’a pas suffi : les revendications des « gilets jaunes » et pas seulement d’eux portaient sur le pouvoir d’achat, les revenus et la fiscalité dans son ensemble.
La taxe carbone, qui a été créée en 2013, a été mise en œuvre en 2014 et a augmenté un peu tous les ans. Le problème, c’est qu’elle est venue s’ajouter à d’autres impôts que les Français trouvent légitimement trop élevés.
Nous avons interrompu cette trajectoire. Si nous devions la reprendre un jour, considérant qu’il s’agit d’une réponse efficace, il faudrait revoir complètement la transparence,…
M. le président. Il faut conclure !
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. « Marche du siècle », grève scolaire pour le climat : il est temps de passer du débat aux actes. L’inscription dans les programmes scolaires dès le primaire de cours de sensibilisation à la transition énergétique serait un début.
Alors que l’urgence climatique et environnementale nous commande de revoir entièrement notre modèle énergétique, toute l’attention est focalisée sur la production. Or un problème majeur semble avoir été sous-estimé, celui de la refonte énergétique du parc de logements français, notamment du parc ancien.
L’un des moyens les plus efficaces est de diminuer les consommations énergétiques à la source, c’est-à-dire au sein même des foyers. Environ 4 milliards d’euros sont mobilisés chaque année pour l’habitat sous des formes multiples. Ces fonds publics et privés sont censés aider à la rénovation de 550 000 logements privés et autour de 100 000 maisons et appartements. Ces chiffres figuraient dans la loi de 2015, avec l’ambition de rendre le parc immobilier vertueux d’ici à 2050, avec une éradication des passoires thermiques d’ici à 2025. Malheureusement, du retard a été pris, et il faudrait presque aller deux fois plus vite.
Et que dire des ménages qui se sentent perdus entre les soutiens des collectivités locales et les aides de l’État ? Parfois, ce sont des avances, d’autres fois des remboursements sur devis ou sur factures…
Au-delà du site www.faire.fr, quelles actions concrètes le Gouvernement compte-t-il engager pour simplifier et rendre plus lisibles les outils et aides actuels en matière de rénovation énergétique dans le logement et ainsi les rendre réellement incitatifs et attractifs pour tous les ménages ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, nous partageons totalement votre analyse : l’énergie la moins chère et la moins polluante, c’est celle que nous ne consommons pas.
Il y a concrètement des gains de pouvoir d’achat possibles par la transformation écologique, notamment celle de nos logements, qui permet notamment de réduire les factures de chauffage. Cela suppose de mobiliser des moyens et d’accompagner les Français.
Quand on conduit une transformation, on obtient des résultats : il n’est qu’à prendre l’exemple de l’éclairage. Voilà vingt ans, nous utilisions des ampoules à incandescence, nous nous sommes ensuite tournés vers les ampoules basse consommation et, aujourd’hui, vers les LED. En quinze ans, la consommation d’électricité pour l’éclairage a baissé de 25 % à l’échelle nationale. On le voit, l’effet peut être massif.
Julien Denormandie l’a souligné à l’occasion d’une autre question : il va falloir clarifier et simplifier les différents dispositifs. Nous avons commencé ce travail. Au 1er janvier dernier, nous avons lancé l’opération « la chaudière à 1 euro ». Évidemment, tous les Français n’auront pas une chaudière neuve contre 1 euro, mais les ménages qui ont les plus faibles revenus pourront bénéficier de cette aide. Il s’agit d’un test grandeur nature pour voir si nous pourrons étendre ce type de procédure à l’ensemble de la rénovation,…
M. le président. Il faut conclure !
M. François de Rugy, ministre d’État. … en permettant aux opérateurs d’aller au-devant des Français, avec les aides et l’ensemble des démarches à accomplir.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Milon. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
La santé s’est imposée dans le débat, alors que, de l’aveu même de M. le Premier ministre, le Gouvernement ne l’avait pas prévu.
Nous partageons tous le même constat : l’hôpital connaît une crise existentielle, notamment liée à des coupes budgétaires qui n’ont fait qu’empirer, couplées à une désorganisation due aux 35 heures ; les soins de ville, quant à eux, souffrent d’une désertification médicale, le secteur libéral ayant été affaibli sans alternative durable.
Nous partageons également tous l’objectif que les patients puissent tous avoir un médecin traitant, accéder à un médecin spécialiste dans des délais raisonnables et être accueillis dans des hôpitaux mieux organisés avec des personnels plus sereins.
Or force est de constater que le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé ne va pas dans ce sens. Le projet territorial de santé, mesure phare du texte, aggrave le millefeuille administratif et est sans doute inopérant, probablement inutile.
Quant aux communautés professionnelles territoriales de santé, elles sont un modèle d’organisation uniforme. C’est un modèle centralisateur, qui ne correspond en rien à la diversité de nos territoires.
Madame la ministre, pourquoi le Gouvernement s’obstine-t-il à poursuivre des mesures qui augmentent le temps administratif des médecins et ne libèrent pas de temps médical ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président de la commission des affaires sociales Alain Milon, nous aurons l’occasion d’en débattre, mais vous savez bien que ce projet de loi a pour objectif de rendre du temps médical aux médecins, de mailler le territoire national d’une médecine de proximité, qui ne soit pas constituée que de médecins. Nous savons aujourd’hui que de nombreuses pathologies nécessitent des soins de proximité, qui peuvent être dispensés par d’autres professionnels que les médecins. Il s’agit donc d’une juste répartition des tâches entre les professionnels sur le territoire. Les communautés professionnelles territoriales de santé visent justement à ce que ces professionnels se coordonnent pour une meilleure prise en charge des patients.
Contrairement à votre lecture du projet de loi, tout vient des initiatives locales. Nous sommes là au cœur de la différenciation, prônée par M. Retailleau. Ainsi, chaque territoire dresse son diagnostic en matière de besoins de santé : le projet territorial de santé est à l’initiative des territoires et des professionnels, qui s’organisent pour répondre aux besoins de la population.
Ce projet de loi n’est en rien un texte normatif ou administratif. C’est au contraire de la confiance redonnée aux territoires et aux professionnels pour qu’ils répondent aux besoins de santé des Français.
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. La question du millefeuille administratif est souvent revenue dans les réunions du grand débat national, associée à la volonté de supprimer un échelon. Nous avons aussi senti un fort attachement aux communes et aux départements et un ressentiment à l’égard des grandes régions ou des très grandes intercommunalités.
Parmi les pistes étudiées, la création du conseiller territorial, qui partage ses fonctions entre les départements et la région, est l’une des plus intéressantes. Dans un récent entretien à La Tribune, le ministre Sébastien Lecornu a mis en avant cette proposition, qui permettrait notamment de réaliser des économies, en diminuant le nombre d’élus sans remettre en cause l’existence du conseil régional et du conseil départemental, à la différence de ce qui a été imaginé en son temps par le gouvernement Fillon.
Je partage cette proposition. Chacun sait bien que le conseiller régional n’a jamais connu la même légitimité que le conseiller départemental, qui est beaucoup plus reconnu par les acteurs locaux et plus engagé localement sur un territoire bien identifié. Cependant, je m’interroge sur le mode d’élection de ce futur conseiller territorial. Faut-il l’élire en s’appuyant sur le périmètre des cantons actuels ? On imagine ce que cela pourrait donner dans certaines régions : par exemple, une assemblée de 346 membres dans la région Auvergne-Rhône-Alpes ! Faut-il que l’assemblée départementale désigne ses représentants à la région, avec un risque de dilution de cette dernière ?
Par ailleurs, la nouvelle fonction de conseiller territorial serait très exigeante : cela reviendrait à exercer l’équivalent de deux mandats locaux.
M. le président. Il faut conclure !
M. Didier Rambaud. Dans le cadre de la loi organique sur le non-cumul des mandats, la fonction de conseiller territorial sera-t-elle compatible avec un mandat municipal ou intercommunal ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, il me sera plus facile d’évoquer avec vous le constat que de répondre précisément à toutes les questions détaillées que vous avez posées.
Vous avez raison de souligner que nos concitoyens ont le sentiment que notre organisation administrative – État et collectivités locales – est trop complexe, au point qu’il arrive que l’on ne puisse avoir accès aux services auxquels on a droit et que l’on ne sache pas trouver le bon interlocuteur. Voilà d’où vient l’idée du guichet unique. Doit-il être dans la commune, la communauté de communes, la communauté d’agglomération ou la métropole ? Comment trouver un responsable à même d’accompagner chacun de nos concitoyens dans son parcours administratif ?
Pour le département et la région, c’est la même chose. Les Français ont le sentiment que la région est trop éloignée et que le département ne peut pas apporter toutes les réponses en raison des conventions avec la région. Il faut trouver les moyens de simplifier la vie administrative à l’égard tant des collectivités que de l’État.
Le conseiller territorial est une réponse possible. Ainsi, une ou plusieurs personnes identifiées pourront passer le message, transmettre le dossier, assurer son instruction et faciliter les échanges entre le département et la région.
Cela soulève un certain nombre de questions – vous en avez posé beaucoup. Si nous devions travailler sur ce sujet, il faudrait veiller à préserver la parité, à éviter une explosion de la taille des assemblées régionales, à affirmer l’ancrage local de tous les élus locaux,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Christophe Castaner, ministre. … et ce dans le respect de la règle d’égalité pour représenter un territoire dans une assemblée, qu’a posée le Conseil constitutionnel.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Notre devise républicaine « liberté, égalité, fraternité » est remplacée progressivement par « libéralisation, concurrence, privatisation ». Pourtant, les « gilets jaunes », comme une majorité de Français, refusent qu’on confie au privé nos biens communs.
Les libéraux avaient promis que la concurrence conduirait à une baisse des prix et à un meilleur service. Or les Français observent chaque jour que les prix augmentent pour les usagers devenus des clients – 6 % pour l’électricité l’été prochain –, que les salariés sont la variable d’ajustement et que les profits s’envolent au bénéfice des actionnaires.
Les Français sont majoritairement contre la privatisation des barrages hydroélectriques et pour une renationalisation des autoroutes, ce qu’a défendu notre groupe le mois dernier et que vous avez refusé.
Enfin, les Français s’opposent à la future privatisation d’Aéroports de Paris, monopole naturel au regard de ses 100 millions de passagers par an. C’est une question de souveraineté nationale, de sécurité, d’aménagement du territoire, mais aussi une question économique, sociale et environnementale. L’an dernier, ADP a versé 180 millions d’euros à l’État en tant qu’actionnaire. Nous refusons que cet argent aille engraisser les actionnaires de Vinci, car cet argent serait plus utile à nos hôpitaux et nos écoles.
Pourquoi vous entêtez-vous à privatiser ADP au profit des riches, plutôt que de défendre nos biens communs qui sont le patrimoine de celles et ceux qui n’en ont pas ? Si vous êtes si sûr de vous, donnez la parole au peuple par référendum et nous verrons le résultat ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Fabien Gay, nous avons consacré des dizaines d’heures de discussion à cette privatisation. Grâce au travail qui a été accompli au Parlement – au Sénat et à l’Assemblée nationale –, nous avons renforcé les garanties sur les tarifs, l’environnement, la récupération du foncier, la manière dont l’entreprise sera gérée, les investissements nécessaires et le cahier des charges, qui vous a été fourni. Nous avons désormais des garanties solides – plus solides même, comme l’a dit le président-directeur général d’ADP – qu’avant le projet de privatisation. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Fabien Gay. Ce n’est pas sérieux !
M. Bruno Le Maire, ministre. Vous avez pris l’initiative de demander un référendum d’initiative partagée, dans un attelage étrange qui est peut-être la première étape d’un programme commun entre Les Républicains et le parti socialiste. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.) Après tout, pourquoi pas ?
Mme Cécile Cukierman. C’est une question d’intérêt général !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne fais que constater que ce projet… (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. le président. Mes chers collègues, laissez parler monsieur le ministre !
M. Bruno Le Maire, ministre. Après m’être exprimé pendant des dizaines d’heures sur le fond de l’opération, je redis que cette initiative baroque pourrait être la première étape d’un programme commun entre Les Républicains, le parti socialiste et les communistes.
M. Vincent Éblé. Ce n’est pas à la hauteur du débat !
M. Rachid Temal. C’est une honte !
Mme Éliane Assassi. Répondez sur le fond !
M. Fabien Gay. Donnez la parole au peuple !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je constate d’ailleurs que, dans leur grande sagesse, ni le président du groupe Les Républicains au Sénat ni le président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale ne se sont associés à cette initiative, sans doute parce qu’ils la trouvaient surprenante, voire déplacée. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
M. Vincent Éblé. Ils y viendront !
M. Bruno Le Maire, ministre. Ce que je constate, monsieur Gay, c’est que vous affaiblissez la démocratie représentative en contestant les dizaines d’heures de travail de nos représentants – sénateurs et députés – sur la privatisation d’ADP et, avant même que le projet de loi ne soit voté, en demandant la consultation populaire par référendum.
M. Rachid Temal. C’est honteux !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je constate que les mêmes qui soutenaient les privatisations voilà quelques mois s’y opposent aujourd’hui et se sont joints à ceux qui s’y opposent depuis toujours.
M. Fabien Gay. Et Vinci ?
M. le président. Il faut conclure !
M. Bruno Le Maire, ministre. Toutes les garanties ont été données, monsieur Gay. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) J’attends maintenant sereinement la décision du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Fabien Gay. Nous aussi !
M. le président. La parole est à M. Vincent Éblé.
M. Vincent Éblé. Le Gouvernement a lancé ce grand débat en posant la question du niveau des prélèvements obligatoires. Or nous pensons que la question qui est posée par les Français, c’est celle de la justice fiscale. Ce n’est pas la même chose !
Les principales raisons des contestations qui s’expriment vivement depuis novembre proviennent de l’accroissement des inégalités, devenues insupportables après les premières décisions budgétaires que vous avez prises dès 2017.
L’abaissement des mécanismes de redistribution est multiforme : baisse des APL, réduction des emplois aidés, hausse de la CSG pour tous les retraités, plan Pauvreté en deçà des attentes. Vos choix ont ainsi abouti à une remise en cause de notre pacte social dans des proportions jamais vues sous la Ve République.
La fin de l’ISF a eu des effets désastreux en matière d’acceptabilité de l’impôt. Cette suppression, couplée à la mise en place de la flat tax, a permis à chacun des cent premiers contribuables français d’économiser 1,5 million d’euros par an en moyenne,…
M. Martial Bourquin. C’est scandaleux !
M. Vincent Éblé. … ce qui représente 5 milliards d’euros de recettes fiscales annuelles en moins, alors que, dans le même temps, vous aviez prévu une hausse de la fiscalité écologique impactant fortement nos concitoyens de condition modeste.
La pratique du « en même temps », chère à notre Président, est dans les faits clairement déséquilibrée en faveur des contribuables les plus fortunés. Nous nous interrogeons sur vos ambitions en matière de lutte contre les inégalités fiscales. Si vous continuez à nous dire, comme M. le ministre de l’économie, que, pour lutter contre l’injustice fiscale, il faut réduire l’impôt, c’est pour nous un aveu clair : vous refusez de traiter la question essentielle de l’équité contributive ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Rachid Temal. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le président Éblé, cela ne vous surprendra pas : nous ne partageons pas votre constat. Reste que vous posez une question de société très importante. À quoi sert l’impôt ? Est-il un outil juste de redistribution ? La réponse est oui. Les 10 % de Français qui paient le plus d’impôts sur le revenu en paient l’essentiel, soit 70 % de son produit. Pour autant, seuls 43 % des contribuables sont imposables.
Cela étant, vous le savez mieux que personne, monsieur le président la commission des finances, il existe d’autres impôts que les impôts directs. Les cotisations sociales sont les impôts les plus payés par nos compatriotes – et nous en avons supprimé –, puis la TVA. La question se pose de son équité et de son acceptabilité, selon ses moyens contributifs. Nous n’avons pas, dans un premier temps, posé la question de la TVA. D’autres la posent, y compris d’ailleurs dans votre famille politique désormais.
Quant à la CSG, nous avons considéré que c’est un impôt juste, parce qu’il est proportionnel aux revenus. Évidemment, un certain nombre de discussions sont nées à la suite de la suppression des cotisations, sur lesquelles nous sommes en partie revenus.
Enfin, monsieur le président de la commission des finances, la redistribution ne se fait pas que par l’impôt. Il faut aussi prendre en compte le grand niveau de redistribution sociale dans notre pays. Certes, notre système est celui où le niveau des prélèvements obligatoires est le plus élevé, notamment sur les plus riches, mais c’est aussi celui qui est le plus redistributif. C’est cela, le système français ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Monsieur le Premier ministre, ce grand débat aura finalement été utile, très utile même, car il vous aura permis d’ouvrir les yeux. Pourtant, cela fait deux ans que les élus locaux, le Parlement – inlassablement –, votre opposition, celle de l’ancien monde, et même quelques-uns de vos ministres depuis quelque temps vous le disent : les Français sont des exaspérés fiscaux ! Avec 45 % de prélèvements obligatoires en 2018, la France porte le bonnet d’âne !
À cette lourde charge s’ajoutent l’injustice et, pour le moins, la maladresse de vos mesures. Vous avez supprimé l’ISF, comme vous l’aviez annoncé, et, en même temps, vous avez baissé les APL et augmenté le taux de la CSG des retraités. Dans ces conditions, comment voulez-vous que les Français ne ressentent pas une profonde amertume ? Que de temps perdu, alors que la réalité sautait aux yeux !
Les Français ne se satisferont plus des grandes envolées en bras de chemise et des punchlines sur Twitter.
Mentir aux Français en déclarant avec aplomb, et quelquefois avec talent, que « jamais les impôts n’ont autant baissé depuis vingt ans »,…
Mme Sophie Primas. … ce n’est pas respecter nos concitoyens. Qui regarde les comptes publics sait que c’est faux !
Instaurer une taxe carbone et baisser les budgets consacrés à l’environnement ne trompent pas nos concitoyens. Annoncer que vous baissez les impôts en comptabilisant ceux que vous aviez prévus et auxquels vous renoncez, c’est incroyable !
Ce que nos compatriotes attendent maintenant, ce sont des faits et des chiffres clairs de baisses d’impôts. Alors, allez-vous supprimer l’augmentation de la CSG pour tous les retraités ? Quels impôts va-t-on voir enfin baisser ? Et quand ? Quel niveau de prélèvements obligatoires vous fixez-vous comme objectif ?
Plus votre réponse sera précise, plus elle sera convaincante. Les Français nous regardent ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Je vais vous répondre précisément, madame la sénatrice Primas : notre objectif est de baisser les impôts de plus de 1 point de PIB d’ici à la fin du quinquennat. Objectivement, factuellement, ce sera la baisse d’impôts la plus importante des dix dernières années, dans la stabilité et dans la continuité. Je rappelle que, en dix ans, ce sont les ménages français qui ont payé le prix de la crise financière et qui ont vu exploser leur niveau de prélèvements, qu’il s’agisse d’impôts ou de taxes.
Nous avons amorcé une décrue. On peut toujours faire mieux, on peut toujours aller plus vite, mais le fait est que nous l’avons amorcée. Selon l’OFCE, les impôts baisseront en 2019 de 440 euros en moyenne pour deux tiers des ménages. C’est factuel. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’OFCE !
Notre philosophie, pour vous répondre sur le type d’impôts que nous souhaitons baisser, c’est d’aider d’abord ceux qui travaillent. Je pense que vous serez d’accord avec nous sur ce point, comme un bon nombre de vos collègues sur les travées du Sénat : il faut aider principalement ceux qui travaillent pour que le travail paie davantage et que tous ceux qui ont un emploi aient le sentiment qu’ils peuvent en vivre dignement. C’est tout de même le premier message que nous ont adressé les « gilets jaunes » : « Nous voulons vivre dignement de notre travail ! » La suppression des cotisations chômage et maladie, la défiscalisation des heures supplémentaires, l’augmentation de la prime d’activité : toutes ces mesures vont dans ce sens.
Enfin, je sais que la fiscalité sur le capital est très critiquée. Pour ma part, je constate une seule chose, c’est qu’elle soutient l’attractivité, l’innovation et les entreprises dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Il y a une semaine, le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, plaidait pour une « loi Macron des territoires ». Il a exprimé le souhait que le rôle des préfets soit renforcé et, en même temps, que soient octroyées plus de libertés locales et plus de souplesse aux collectivités en matière d’organisation afin de leur permettre de s’adapter plus efficacement aux réalités des territoires.
Ce souhait, nous ne pouvons que le partager. Il est temps de redonner de la cohérence à une organisation territoriale profondément abîmée et déstructurée par les réformes antérieures, notamment par la loi NOTRe. Il est nécessaire de restaurer une meilleure lisibilité de la carte territoriale, mais également de donner aux collectivités les moyens de leurs compétences.
En parallèle, l’État doit assumer son rôle dans nos territoires, notamment dans les plus fragiles d’entre eux, où les habitants considèrent souvent qu’ils sont traités comme des citoyens de seconde zone. C’est la raison pour laquelle je pense en effet que les préfets doivent voir leur pouvoir de décision renforcé et surtout – surtout ! – adapté aux territoires dont ils ont la charge. Il est également nécessaire de donner à ces territoires, qui font la fierté de notre pays, les moyens de leur développement économique.
Madame la ministre de la cohésion des territoires, comptez-vous lancer le chantier d’une grande réforme territoriale ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice, je suis absolument d’accord avec tout ce que vous avez dit. Le grand débat a aussi eu le mérite de montrer que les Français qui se sont exprimés étaient attachés à la proximité. C’est pour cela que le maire est plébiscité, car il est l’élu de proximité par excellence.
Le Président de la République l’a souvent dit : déconcentration et décentralisation ne sont pas antinomiques. On peut imaginer des transferts nouveaux vers les collectivités territoriales et conserver une organisation territoriale de l’État forte. Nous savons combien les élus et la population sont attachés à la présence des services de l’État sur le territoire. C’est pourquoi nous avons créé de nombreuses maisons de services au public, qui remplacent un certain nombre de services de proximité qui ont disparu depuis une dizaine d’années. Nous allons essayer de renforcer cette présence sur les territoires d’une autre manière.
Mon temps de parole étant achevé, je terminerai ma réponse sur ce sujet à l’occasion de mon intervention sur une autre question. (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme Sylvie Vermeillet. Le mouvement social de ces derniers mois a permis au Président de la République de prendre connaissance de la détresse du monde rural, du sentiment d’abandon qu’il a maintes fois exprimé et du découragement des maires.
Dans les petites communes, au-delà de la fermeture sans négociation des services publics – écoles, hôpitaux, agences du trésor public, bureaux de poste, etc. –, il existe sur le plan financier une injustice aussi fondamentale qu’insupportable ; je veux parler de la répartition de la dotation de base de la dotation forfaitaire des communes. Aux yeux de l’État, un habitant d’une commune de 200 000 habitants vaut deux fois plus qu’un habitant d’une commune qui en compte moins de 500 ! Avant 2005, il en valait même deux fois et demie plus, cette différence s’expliquant par les charges de centralité exercées par les grandes villes… Certes ! Mais l’intercommunalité ne serait-elle pas passée par là ? Et n’exercerait-elle pas aujourd’hui ces compétences transversales ? Quels que soient les montants de la DSU, de la DSR et des péréquations, l’État peut-il concevoir qu’un Français vaille deux fois plus à un endroit qu’à un autre ?
Dès son élection, le Président de la République a annoncé la suppression de la taxe d’habitation au motif qu’elle était un impôt injuste. Monsieur le Premier ministre, la dotation de base de la DGF est-elle juste ? Allez-vous rendre justice au monde rural et aux petites communes ? (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice, on peut en effet se demander si le calcul des dotations aux collectivités locales est juste et s’il prend en compte les questions sensibles que vous posez concernant le monde rural, mais aussi celles, très importantes, sur les villes, certaines ayant des quartiers qui relèvent de la politique de la ville, et sur les intercommunalités, en plein développement. Or je constate que tous ceux qui ont essayé de réformer la DGF et toutes les dotations depuis le gouvernement Barre ont échoué. Il appartient sans doute à la Haute Assemblée de s’y intéresser particulièrement – je sais que vous le faites –, mais aussi aux élus locaux et au Comité des finances locales.
Depuis la fin du gouvernement Jospin, qui est le dernier à avoir touché aux quarante variables de la DGF, et, pour simplifier, la distinction entre l’euro donné à la ville et l’euro donné au village, il y a une différence entre les dotations, en raison des charges de centralité. Il est vrai par ailleurs que les intercommunalités n’étaient pas aussi développées qu’aujourd’hui.
Si le Comité des finances locales, notamment son président M. Laignel, la Haute Assemblée, l’Association des maires de France souhaitent redistribuer différemment une enveloppe qui, pour la première fois depuis dix ans et pour la troisième année consécutive, ne baisse plus, Mme Gourault et moi sommes tout à fait prêts à en discuter. Cependant, vous l’aurez constaté, il y a parmi les associations d’élus, parmi les élus eux-mêmes, que ce soit les représentants des collectivités locales que vous êtes ou les représentants élus directement par le peuple, des gens qui ont des visions différentes.
Les charges de centralité des très grandes villes et les pertes d’habitants des communes rurales sont des questions très importantes. Peut-être pourrions-nous y travailler ensemble, sous l’autorité de la ministre de la cohésion des territoires ? (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Je veux évoquer ces territoires où certains services publics s’éloignent, où l’emploi agricole a diminué des deux tiers en trente ans, où il faut avoir une voiture pour se déplacer, où les Français à faibles revenus ne peuvent circuler ou se chauffer en raison de l’augmentation du prix du gazole. Le Gouvernement a débloqué 11 milliards d’euros pour le pouvoir d’achat, c’est positif.
Il faut faire évoluer l’organisation de l’État et des services publics pour plus d’efficacité et un meilleur rééquilibrage. Il faut renforcer les dotations aux communes, soutenir l’aménagement des centres-bourgs, développer internet et la téléphonie mobile, restructurer le réseau ferroviaire et les lignes Intercités secondaires, maintenir les écoles, les gendarmeries, les sapeurs-pompiers volontaires, car ils sont indispensables, développer l’emploi par les entreprises par l’intermédiaire d’un préfet développeur, grâce à des zones franches et des ZRR efficaces. De plus, il faut implanter ou maintenir des maisons de services au public pérennes, avec des permanences efficaces des services publics de l’État, pour les élus et les citoyens.
Enfin, il faut faire en sorte que tous les professionnels de santé soient présents dans les maisons de santé. Pour les médecins, l’abolition du numerus clausus et le plan Santé vont dans le bon sens, même si leurs effets ne se feront pas sentir avant longtemps. Nous devons aussi fortement améliorer la prise en charge de la dépendance, à domicile et dans les Ehpad.
J’en viens à mes questions : comment, dans ces territoires hyper-ruraux, adapter le rôle de l’État pour le rendre plus efficace, pour l’emploi et le service public, pour y maintenir la vie ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour supprimer les zones blanches en matière de santé et maintenir les centres de secours ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, cher docteur (Sourires.), vous avez, je pense, mentionné dans votre intervention tous les services publics dans les territoires…
Il est vrai que les problèmes de désertification médicale sont une réalité, et vous êtes bien placé pour le savoir. Il est vrai également que certains services publics ont disparu des territoires. Le Président de la République a l’habitude de dire qu’on a considérablement réduit le nombre de fonctionnaires depuis une dizaine d’années, essentiellement dans les territoires, beaucoup moins dans les administrations centrales, et qu’il aurait peut-être fallu faire le contraire. C’est la raison pour laquelle il faut effectivement remettre des permanences des services publics dans les territoires et développer les MSAP.
Cela étant, je le dis comme je le pense, il faut aussi garantir des services de qualité dans ces MSAP, les services que certaines d’entre elles rendent étant parfois un peu justes. Nous projetons donc la création d’une sorte de label, attestant de la fourniture dans ces maisons d’un nombre minimum de services, afin de garantir un certain niveau de qualité.
Certains territoires ont mis en place des MSAP mobiles, qui passent de village en village, et c’est une réussite.
M. le président. Il faut penser à conclure !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Enfin, j’indique que, dans le cadre de l’ANCT, l’Agence nationale de la cohésion des territoires, nous prévoyons une aide de l’État aux élus locaux.
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Mathieu Darnaud. Mesdames, messieurs les ministres, si vous n’êtes pas responsables de tous les maux de nos communes, il est un échec dont vous portez l’entière paternité, c’est à l’évidence celui de la Conférence nationale des territoires. Cette conférence, dont le Président de la République lui-même attendait des propositions concrètes, n’a pas été capable de corriger ce que vous appelez vous-mêmes « les irritants » de la loi NOTRe.
Il a fallu que le Sénat fasse des propositions, notamment sur les questions de l’eau et de l’assainissement, pour que, enfin, soient apportées les corrections que les élus appelaient de leurs vœux. Aucune disposition n’a été prise non plus, alors que s’amorce une réforme fiscale, afin de mettre en œuvre les péréquations nécessaires à l’instauration d’une plus grande solidarité entre territoires urbains et territoires ruraux.
Durant deux années, le Sénat n’a cessé de faire des propositions sur la revitalisation de l’échelon communal, sur les conditions d’exercice des élus locaux, sur la limitation de vitesse à quatre-vingts kilomètres à l’heure, de proposer des mesures susceptibles de permettre aux territoires de retrouver la voie de l’espérance.
Au cours du grand débat national, le Président de la République a avancé un nombre incroyable de pistes. J’ai envie de dire : finies les paroles, place aux actes ! Il est temps pour vous de conjuguer le « dire » et le « faire » et de reprendre les propositions du Sénat. Il n’y a, comme disait Churchill, aucun mal à changer d’avis, pourvu que ce soit dans le bon sens ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, cher Mathieu Darnaud, c’est vrai qu’il faut parfois savoir changer d’avis.
La Conférence nationale des territoires est un lieu de dialogue très important. Je sais que le Sénat n’y a jamais été très favorable,…
Mme Sophie Primas. La première a eu lieu au Sénat !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. … mais il est nécessaire que l’ensemble des élus locaux et, bien sûr, le Sénat y participent.
En matière de fiscalité, je tiens à rappeler que nous avons tout de même consacré cette année 180 millions d’euros à la péréquation en faveur des quartiers en difficulté et de la ruralité, où la DGF a fortement augmenté dans la mesure où elle ne subit plus de plein fouet, comme l’année dernière, les modifications de la carte intercommunale. Je suppose que vous l’avez vu sur la carte interactive disponible sur le site de la DGCL.
Par ailleurs, je connais bien le travail sur le statut de l’élu local qui a été réalisé, sous la présidence de Jean-Marie Bockel, par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, avec laquelle mon ministère et moi avons beaucoup travaillé. Nous allons bien sûr intégrer les propositions du Sénat, sans aucune difficulté.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Nous avons fait un travail permanent et constructif. Nous sommes bien sûr ouverts pour travailler avec vous sur bien d’autres sujets.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Je souhaiterais que nous n’oubliions pas les Français établis hors de France. Ils sont plus de 3 millions à vivre dans tous les pays du monde, ce chiffre augmentant de 3 % à 4 % par an.
Ces Français ont participé au grand débat, ce qui n’a pas toujours été facile pour eux. Quand vous habitez à Conakry, c’est évidemment plus difficile que lorsque vous vivez en banlieue parisienne. Ils ont ainsi fourni 1 500 contributions écrites et participé à 300 réunions organisées dans près de 80 pays à travers le monde.
M. Rachid Temal. Bravo !
M. Richard Yung. C’est un travail collectif, je n’ai aucun mérite particulier.
Ils ont donné leur opinion sur les quatre grands thèmes du débat. Vous ne serez pas surpris d’apprendre qu’ils ont placé les questions fiscales et les questions de transition écologique en tête de leurs souhaits. Ils demandent en particulier à être traités de manière égale et juste en matière fiscale.
Je soulèverai à cet égard un point particulier. La CSG a été supprimée pour celles et ceux qui adhèrent à un régime d’assurance maladie dans un pays membre de l’espace économique européen et en Suisse. Ils cotisaient en effet à la CSG de façon inutile, puisqu’ils étaient déjà couverts par un système de sécurité sociale.
M. le président. Il faut penser à conclure !
M. Richard Yung. Je conclus, monsieur le président.
Le gouvernement précédent a appliqué une décision de la Cour de justice de l’Union européenne et supprimé la CSG pour les ressortissants établis à l’intérieur de l’Union, mais il ne l’a pas fait pour les Français vivant en dehors de l’Union. Il s’agit là d’un traitement différencié et injuste.
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Richard Yung, il existe en effet des différences de traitement entre les Français établis au sein et en dehors de l’Union européenne. Cette différence résulte de traités européens, qui garantissent un certain nombre de droits. Pour les résidents européens, ces droits sont la libre circulation des personnes et des marchandises dans l’Union. Il n’y a rien d’anormal à ce que les traités créent des régimes juridiques différents pour les résidents européens et extra-européens.
En l’occurrence, la différence de traitement que vous mentionnez trouve une traduction en matière sociale avec l’exonération de la CSG et de la CRDS sur les revenus du capital, qui ne concerne en effet que les résidents de l’Union européenne. Il faut toutefois préciser que, en l’espèce, c’est non pas le critère de résidence qui joue, mais celui de l’affiliation. L’assujettissement aux cotisations et aux contributions sociales dépend du système social d’affiliation. Toutes les personnes affiliées au système français de sécurité sociale sont soumises aux mêmes règles. Inversement, la coopération européenne et la coordination en matière de sécurité sociale imposent que les affiliés aux autres systèmes sociaux européens puissent n’être soumis qu’aux règles de ces autres systèmes.
Ces garanties existent entre systèmes européens en raison d’objectifs convergents et comme contrepartie à la coordination qui existe entre eux. En dehors de l’Union européenne, il est normal que le principe de territorialité s’applique en l’absence de coordination entre les systèmes sociaux, sauf lorsqu’il existe des conventions spécifiques.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Les Français ont fait surgir la santé dans le grand débat. Il n’y a rien de surprenant à cela. Nos concitoyens vivent en effet douloureusement la destruction conjuguée des deux piliers de notre système d’accès aux soins que sont la médecine de ville – les déserts médicaux progressent de manière très inquiétante – et l’hôpital public, lequel est aujourd’hui à l’os et ne tient plus que grâce à l’exceptionnel engagement de ses personnels.
Personne n’acceptera que l’examen de la loi Santé se poursuive comme si de rien n’était. Personne n’acceptera qu’après avoir fait les questions de ce grand débat, vous en fassiez aussi les réponses !
Le conventionnement sélectif des médecins doit être décidé pour commencer à corriger au plus vite la démographie médicale en dissuadant de nouvelles implantations dans des zones surdotées. Des propositions ont été travaillées ici même en ce sens, elles peuvent rapidement voir le jour. Le système libéral étant incapable de se réguler, il est nécessaire que la puissance publique intervienne pour développer les unités employant des médecins salariés. Il faut donc aussi soutenir les centres de santé, portés notamment par les collectivités locales.
Il est enfin urgent non seulement de mettre fin aux fermetures de maternités et d’hôpitaux de proximité, mais également de rouvrir un certain nombre d’entre eux.
Comptez-vous prendre en compte ces propositions ? Si vous ne le faisiez pas, je pense que les Français ne croiraient définitivement plus à la sincérité de votre démarche. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Céline Brulin, je connais vos positions sur le système de santé français. Il se trouve que ce cri des territoires, je l’ai entendu dès mon arrivée au ministère. La loi Santé répond exactement à la demande et aux besoins des Français aujourd’hui. Elle coordonne et structure une médecine et des hôpitaux de proximité. Telle est exactement la démarche que j’ai suivie. La seule question que je me suis posée est : comment rendre service à nos concitoyens, qui, aujourd’hui, s’inquiètent de ne pas trouver de médecin ?
Vous proposez une solution simpliste, toujours la même : la coercition des médecins.
Mme Cécile Cukierman. Il n’y a qu’à faire le tour des hôpitaux pour se rendre compte qu’elle n’est pas simpliste !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je rappelle que seuls 15 % des médecins veulent s’installer en libéral aujourd’hui…
Mme Cécile Cukierman. Et quand on dit que les femmes ne peuvent plus accoucher dans les maternités, c’est simpliste aussi ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Nous aurons l’occasion d’en débattre.
Il est certain qu’il n’y a plus de zones surdotées en France. J’aimerais savoir quel sénateur ici accepterait de se départir d’un médecin…
Il nous faut organiser le territoire en imaginant une autre solution que celle qui consiste à déshabiller Paul pour habiller Pierre. Or c’est malheureusement la seule solution que vous proposez.
Mme Cécile Cukierman. Allez visiter les hôpitaux !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Enfin, j’ai bien augmenté le budget des hôpitaux cette année. Pour la première fois depuis dix ans, leurs budgets et leurs tarifs sont en hausse. Je redonne du souffle à nos hôpitaux publics.
M. Fabien Gay. On ne vit pas sur la même planète !
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. En matière de transition écologique comme de volontarisme institutionnel, on attendait du Gouvernement des propositions plus éclatantes que le recyclage du conseiller territorial, avec ses justifications managériales d’efficacité et d’économies. Encore une incompréhension majeure sur ce que doit véritablement être la démocratie de proximité !
Recentrons-nous plutôt sur une fonction curieusement absente du grand débat : la fonction présidentielle.
Je comprends bien qu’affaiblir les assemblées, cultiver l’antiparlementarisme, supprimer les contre-pouvoirs, des corps intermédiaires jusqu’aux représentants du personnel, offre un confort incomparable. C’est d’ailleurs ainsi que l’ultralibéralisme produit mécaniquement des dérives autoritaires, sous couvert de neutralité technicienne.
En dépit de ce qu’on essaie de faire dire aux Français après le grand débat par un exercice de ventriloquie déconcertant de candeur, ce n’est pas ce qu’ils attendent pour la France ni d’ailleurs pour l’Europe.
Ma question porte sur cet angle mort que l’exécutif n’aborde pas, malgré quatre-vingt-dix heures – quatre-vingt-dix heures ! – de contribution présidentielle au grand débat : celle de la place de la fonction présidentielle dans notre édifice démocratique.
Monsieur le Premier ministre, comment entendez-vous prendre en considération le grand débat dans le cadre d’une révision institutionnelle sans cesse reportée ? Allez-vous transformer ce qui est un projet de technocratie plébiscitaire et de domestication du Parlement en une opportunité pour rééquilibrer notre architecture institutionnelle en faveur d’une meilleure représentation des citoyens et des corps intermédiaires ? Allez-vous accepter de mettre en place de nouveaux mécanismes délibératifs…
M. le président. Il faut conclure !
M. Éric Kerrouche. … et représentatifs pour revitaliser une Ve République épuisée par une présidentialisation excessive ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, votre question est assez paradoxale. Le Premier ministre l’a dit, le grand débat a fait émerger des questions fortes, il a également été marqué par un certain nombre de thématiques qui n’étaient pas abordées – on pense au chômage, à la mondialisation –, mais personne n’a évoqué la place de la présidence de la République dans notre architecture institutionnelle.
M. Rachid Temal. Personne ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Non ! Cette question n’a pas été abordée au cours du grand débat. Personne n’a remis en cause l’article 5 de la Constitution, qui prévoit que le Président de la République « assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics », ni notre architecture institutionnelle.
M. Rachid Temal. Ah bon ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je ne crois donc pas qu’il y ait lieu de le repositionner.
En revanche, je vous rejoins assez aisément lorsque vous soulignez une demande d’évolution de la démocratie telle qu’elle s’exerce aujourd’hui pour y introduire, je le disais, des éléments de démocratie participative. C’est une demande forte à laquelle nous devrons répondre. Le Président de la République s’est engagé à apporter des réponses puissantes sur ces sujets.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. C’est ce qu’il fera. Dans les textes qui suivront ce grand débat, des éléments de réponse permettront, aux niveaux national et local, de répondre à cette demande accentuée de démocratie participative.
M. Rachid Temal. Quel suspense !
M. le président. La parole est à M. Jacques Genest. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Genest. La crise des « gilets jaunes » a été le cri de colère et de désespoir des territoires ruraux méprisés, voire ignorés par le pouvoir technocratique parisien. Ce cri correspondait à la fracture territoriale illustrée par les problèmes de mobilité, l’absence de services publics, la fiscalité, les 80 kilomètres à l’heure, le pouvoir d’achat et des revenus « inadmissiblement » bas. Dans ma commune comme ailleurs, la moyenne mensuelle des retraites agricoles est inférieure à 600 euros. La France devrait avoir honte.
Cependant, le problème le plus dangereux pour la survie de la ruralité est la santé, très souvent citée dans le grand débat. Les médecins généralistes arrivent à la retraite et ne sont pas remplacés. Pour une visite chez un spécialiste, il faut attendre un an et parcourir cent kilomètres aller-retour en voiture en l’absence de transports en commun. La ruralité attirait de plus en plus de retraités lassés de la ville, mais ceux-ci ne viendront plus sur un territoire sans médecin, sans dentiste, avec la pharmacie fermée et les cabinets d’infirmiers partis.
Dans ma question d’actualité du 30 octobre dernier, j’appelais l’attention sur le mouvement du 17 novembre. Bien entendu, le Gouvernement n’avait pas compris et il a été sourd à cet appel au secours. On a vu la suite… M. de Rugy n’a d’ailleurs toujours pas compris !
Les propositions homéopathiques contenues dans la loi Santé ne changeront rien, comme tout ce qui a été fait depuis de très nombreuses années. Il convient de prendre des décisions énergiques, autoritaires et en partie coercitives pour ne pas laisser sans soins des millions de Français. Les ruraux ne veulent pas de soins palliatifs, mais des soins curatifs. La ruralité a la jaunisse,…
M. le président. Votre question !
M. Jacques Genest. … vous ne la soignerez pas avec un cachet d’aspirine et des belles paroles.
Madame la ministre de la santé, que comptez-vous faire pour que des millions de Français puissent encore se faire soigner ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Genest, j’entends votre question. J’ai pris le problème à bras-le-corps, et il est faux de dire que la loi Santé ne contient que des mesures homéopathiques : c’est une loi extrêmement structurante qui va être débattue par votre assemblée en juin.
Cette loi vise à structurer la médecine de proximité en donnant une nouvelle responsabilité aux professionnels de santé en dehors de la responsabilité de leur patientèle : la responsabilité territoriale. Tous les professionnels de santé d’un territoire s’engagent à s’organiser en groupe pour couvrir une population donnée et permettre l’accès aux soins, à un médecin traitant, à des soins non programmés, à la prévention. Des organisations nouvelles vont se mettre en place dans les territoires.
Nous allons doubler les maisons de santé et les centres de santé pluriprofessionnels, car c’est l’avenir de la médecine. C’est ce qui se fait dans tous les pays du monde aujourd’hui. La médecine en cabinet isolé est vouée à disparaître, parce qu’elle n’est plus adaptée pour soigner les pathologies chroniques.
Nous allons structurer des hôpitaux de proximité qui rendront un service de proximité autour de la gériatrie, de la médecine polyvalente, de plateaux techniques. Nous allons réinvestir dans ces hôpitaux. Nous allons y favoriser des consultations avancées de spécialistes, comme dans les maisons de santé. C’est ce qui se passe dans les GHT, où des professionnels de santé spécialistes…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Agnès Buzyn, ministre. … dispensent du temps médical.
Cette loi structurante va rapprocher notre système de santé des besoins des territoires.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. À la suite du grand débat, au-delà des réformes structurelles dont la mise en œuvre prendra nécessairement du temps, nos concitoyens attendent du Président de la République et du Gouvernement des mesures concrètes susceptibles d’avoir une traduction effective à court terme. Dans l’esprit des Français, il s’agit essentiellement de mesures à caractère fiscal et en faveur du pouvoir d’achat.
Le Premier ministre a lui-même évoqué « une immense exaspération fiscale », mais si cette exaspération porte sur le niveau global des prélèvements, elle s’adresse aussi à la répartition de l’effort fiscal. Pouvez-vous imaginer une réforme fiscale sans que celle-ci concerne aussi la TVA ? L’institution d’une TVA à taux zéro sur certains produits de première nécessité, les produits alimentaires non transformés par exemple, et l’application d’un taux réduit à une gamme plus large de produits incluant en particulier des produits d’hygiène concourant à des objectifs de santé publique sont une réponse en termes de pouvoir d’achat.
Je connais les objections récurrentes du ministère de l’économie et des finances sur de telles propositions. L’argument selon lequel le différentiel de TVA serait capté par une majoration de la marge des producteurs et des distributeurs me paraît infondé, car nous sommes bien dans une économie de marché, donc concurrentielle, et cela prouverait par l’absurde que les taux intermédiaires et réduits de TVA actuellement en vigueur n’ont aucune incidence sur le prix TTC, donc aucune utilité.
La deuxième objection concerne la directive européenne sur la TVA, mais dont il est sans doute possible d’utiliser les souplesses dérogatoires ou d’obtenir quelques révisions à la marge.
La troisième objection est le coût budgétaire de telles mesures, mais ce manque à gagner ne pourrait-il pas être compensé, au moins partiellement, par l’instauration de droits d’accises sur certains produits de luxe ?
Fiscalité et pouvoir d’achat étant intimement liés,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Marc Gabouty. … la modulation des taux de TVA est-elle une option envisageable par le Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur, votre interpellation porte sur la fiscalité, largement abordée dans les contributions de nos concitoyens. Qu’il s’agisse des débats, des cahiers de doléances, des interrogations, des envois de courriers ou des contributions sur la plateforme, la question de la fiscalité est arrivée en premier.
Évidemment, il y a beaucoup d’impôts en France, de nature très différente entre les ménages et les entreprises.
Le Président de la République souhaite baisser la fiscalité. Je me suis permis de faire passer à votre collègue sénatrice un petit graphique assez révélateur de la montée de la fiscalité, parfois qualifiée d’overdose fiscale, composée par deux gouvernements. Nous devons effectivement répondre à cette baisse de la fiscalité souhaitée par nos compatriotes. La question est de savoir où, avec des comptes publics que vous savez dégradés.
Il appartient au Président de la République de choisir les impôts qu’il proposera éventuellement à la représentation nationale et à la population de baisser. La question de la TVA est posée. Vous savez bien qu’elle soulève un problème de recettes, puisque c’est l’impôt, non social, qui rapporte le plus d’argent dans les caisses de l’État.
La TVA applicable aux produits de première nécessité fait l’objet d’interrogations. Il est vrai, comme l’a dit M. le ministre de l’économie et des finances, que ceux-ci sont déjà soumis à un taux très réduit de 5 %. Faut-il aller plus loin ? La Commission européenne répond « non », mais nous pourrions tout à fait négocier avec elle. En tout cas, ce ne sera pas automatique et immédiat, contrairement à d’autres impôts que nous maîtrisons totalement.
Par ailleurs, il convient de prendre en compte le rôle du distributeur. La baisse de la TVA sur la restauration n’a pas créé autant d’emplois que nous le pensions tous, même si elle a sans doute permis d’en créer une part et d’augmenter les marges,…
M. le président. Il faut penser à conclure !
M. Gérald Darmanin, ministre. … comme l’ont démontré les rapports du Parlement et de l’Inspection générale des finances. Elle représente des pertes de recettes fiscales et, pour autant, peu de pouvoir d’achat donné à nos concitoyens.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Philippe Bonnecarrère. Le grand débat, à mon sens réussi, apporte une preuve supplémentaire de la volonté des Français de participer à la décision publique. La manière de décider a changé : nous sommes passés d’une légitimité de position à une légitimité de décision, à une « démocratie délibérative », pour reprendre les termes de M. le Premier ministre.
Le Sénat a fait, sous votre autorité, monsieur le président, dix propositions pour une démocratie plus participative renforçant la démocratie représentative et sans s’y substituer. Ces propositions portent sur le renforcement du référendum local, une rénovation du droit de pétition, à travers un droit de tirage citoyen, un droit d’initiative législative, un mécanisme de questions posées par des citoyens et, enfin, un assouplissement du référendum d’initiative partagée.
Ma question porte sur ce dernier point : l’exécutif a-t-il le projet de reprendre la révision constitutionnelle ? Si oui, le fera-t-il par la voie parlementaire ? Proposerez-vous un nouveau texte ou comptez-vous sur le Parlement pour l’enrichir, notamment sur le référendum d’initiative partagée, qui pourrait ainsi s’inscrire dans la République contractuelle évoquée par M. le Premier ministre ?
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Bonnecarrère, votre question reflète bien ce qui ressort clairement des résultats du grand débat. Je ne prétends pas à moi seule les interpréter, mais sous le chapitre « mieux associer les citoyens à la décision publique », quatre items ressortent prioritairement : le référendum, qu’il s’agisse du référendum national, mais surtout local, comme vous le disiez vous-même dans votre propos ; repenser le rôle des élus et des institutions, avec plus de disponibilité et plus d’exemplarité, cela vaut d’ailleurs également pour le Gouvernement ; développer la participation citoyenne et faire évoluer le système électoral. Le fait de mieux mobiliser les corps intermédiaires et la société civile vient plus loin.
Ces résultats disent évidemment que nous ne pourrons pas reprendre la révision constitutionnelle telle qu’elle était écrite,…
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. … encore qu’elle comprenait des éléments allant vers davantage de démocratie participative, de contrôle et d’évaluation des politiques publiques. Il me semble néanmoins que ce serait ne pas entendre ce qui a été dit dans le grand débat que de laisser les choses en l’état. Il appartiendra au Président de la République de préciser la manière dont il entend travailler sur ce sujet. En tout cas, et c’est essentiel, il ne s’agit absolument pas de substituer la démocratie participative à la démocratie représentative…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. … ni même d’ailleurs de créer de la confusion entre l’une et l’autre.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Lundi, le Premier ministre a présenté la synthèse du grand débat national. Pour ce qui concerne la fiscalité, un constat s’est imposé : l’exaspération est à son comble. Les Français ont ainsi appelé de leurs vœux une baisse massive de la fiscalité. Cette baisse devra concerner les particuliers autant que les entreprises, avec un objectif clair : augmenter le pouvoir d’achat de tous nos concitoyens.
Cette baisse globale de la pression fiscale, pour concerner tous les Français, ne devra pas laisser de côté les outre-mer. Certes, des dispositions spécifiques existent déjà. Pourtant, elles se révèlent encore insuffisantes pour combler le différentiel de compétitivité de ces territoires par rapport à la métropole et à leur environnement géographique.
Comment la baisse massive et rapide des impôts concernera-t-elle les outre-mer, notamment les entreprises ? Qu’est-ce que le Gouvernement prévoit d’apporter aux dispositifs existants, notamment pour ce qui concerne les TPE et les PME ? Le Gouvernement envisage-t-il d’élargir les aménagements fiscaux propres à certains secteurs d’activité à l’ensemble des entreprises ultramarines ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué « l’exaspération » fiscale et l’attente fortement exprimée par les Français, en métropole comme dans les outre-mer, de voir diminuer cette pression fiscale. C’est ce à quoi nous nous employons : nous avons comme objectif de diminuer le taux global de prélèvements obligatoires de 1 point de PIB à l’échelle du quinquennat.
Cette baisse doit profiter à tous les territoires. Elle doit aussi être l’occasion d’améliorer la lisibilité de notre système fiscal. Nous aurons à travailler sur la fiscalité locale dans le cadre de la réforme de la taxe d’habitation ; ce sera très certainement l’occasion d’améliorer cette lisibilité. Nous aurons à travailler sur les impôts des ménages, comme sur ceux des entreprises. Vous savez les débats qui animent tant le Sénat que l’Assemblée nationale en matière de rationalisation des niches fiscales, de recherche d’économies et de lisibilité. Nous aurons à veiller à ce que les territoires ultramarins bénéficient, comme la métropole, des mêmes dispositifs d’exonération. La baisse de l’impôt sur les sociétés mise en œuvre par le Gouvernement profite d’ailleurs à l’ensemble des entreprises, quelle que soit leur localisation.
Concernant la fiscalité plus spécifique des outre-mer, ces dispositifs dérogatoires ou particuliers de fiscalité qui peuvent d’ailleurs varier d’un territoire ultramarin à l’autre, je puis vous assurer que Mme la ministre des outre-mer, en liaison avec Gérald Darmanin et moi-même, veillera à ce qu’elle soit adaptée dans le même sens qu’en métropole et sur l’ensemble des territoires.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Chevrollier. Ma question s’adresse au ministre de la transition écologique et solidaire.
Monsieur le ministre, quelles leçons tirez-vous du grand débat en matière de transition énergétique ? D’une part, la fiscalité écologique ne fonctionne qu’avec de la transparence, de la progressivité et de l’acceptabilité sociale. C’est d’ailleurs ce que le Sénat vous avait rappelé à la fin de 2017. D’autre part, nos compatriotes attendent de la politique une réflexion sérieuse sur ce qu’on veut faire effectivement pour construire une écologie authentique.
En guise de réponse, vous proposez une loi de programmation écologique qui serait soumise par voie de référendum. Quelle serait la question posée ? Faut-il, oui ou non, sauver la planète ?…
Nos politiques publiques environnementales manquent, depuis trop d’années, de cohérence et, surtout, de réalisme. Les Français ont le sentiment que les lois sur l’environnement, comme celle sur la transition énergétique de 2015, sont inconsistantes. Soit les objectifs sont fixés sur le très long terme et ne nous engagent pas réellement, soit ils le sont sur du très court terme et donc irréalistes, discréditant ainsi la parole publique. L’objectif intenable de 50 % de la part d’électricité issue du nucléaire d’ici à 2025 en est le meilleur exemple. Votre programmation pluriannuelle de l’énergie va d’ailleurs repousser l’échéance à 2035 et entrer ainsi en contradiction avec la loi de 2015. Nous attendons d’ailleurs toujours avec impatience le décret relatif à la PPE.
M. le président. Votre question !
M. Guillaume Chevrollier. Avez-vous vraiment une vision pour une écologie rationnelle qui aurait des effets bénéfiques concrets pour notre environnement et la biodiversité ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, la transition écologique a été très présente dans le grand débat, puisque c’était le deuxième thème d’expression après la fiscalité. L’un des points extrêmement positifs est que nos concitoyens ressentent l’urgence à agir. Ils considèrent le changement climatique et la préservation de la biodiversité comme des sujets importants. Sur la plateforme, ils se disent à 62 % directement touchés et sont 86 % à penser qu’ils peuvent agir en personne. Enfin, ils n’opposent pas écologie et économie, écologie et solidarité, puisqu’ils pensent que les politiques écologiques peuvent leur permettre de réaliser des économies.
Nous sommes prêts à avancer sur les sujets qui leur tiennent particulièrement à cœur, les deux premiers étant les transports - le Sénat a débattu du projet de loi d’orientation des mobilités présenté par Mme Borne - et la transition agricole. Nous tenions ce matin, Didier Guillaume, Agnès Buzyn, Frédérique Vidal, François de Rugy, Brune Poirson et moi-même, le comité Écophyto II+, qui va nous permettre d’avancer dans la transition agricole vers l’objectif ambitieux que nous nous sommes donné de réduction des pesticides de 25 % en 2020, de 50 % en 2050, de sortie du glyphosate en trois ans, en accompagnant les filières.
Les Français nous demandent d’agir au plan national et sur les territoires ; ils sont prêts à agir eux-mêmes. N’opposons pas les Français et le Gouvernement sur la transition écologique !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Que de la rue aux salles de réunions la question de l’accès à des services publics de proximité soit ces derniers mois un thème récurrent n’est pas fortuit. Nos concitoyens savent bien que les services publics constituent le seul bien de ceux qui n’ont rien, et ils y sont légitimement très attachés.
Aussi, quand l’école ferme, quand les options se réduisent comme peau de chagrin dans le lycée rural, quand les gendarmeries sont regroupées au chef-lieu de canton, quand l’hôpital public le plus proche est à plus d’une heure de route et que l’attente aux urgences peut durer des heures par manque de personnel, le sentiment d’abandon s’installe inexorablement, et c’est toute la perception d’appartenance à la communauté nationale qui se délite. Cette situation n’est évidemment pas brutalement apparue avec ce gouvernement, mais force est de constater son exacerbation ces derniers mois.
Le numérique, s’il peut apporter des réponses partielles, ne sera jamais une solution globale et ne peut remplacer des agents compétents au contact des administrés. Comme l’a souligné le Défenseur des droits, il peut même, dans certaines circonstances, exacerber la fracture et le sentiment de relégation.
Alors que la récente réforme de la justice éloigne le justiciable des lieux de justice, alors que la future loi pour l’école fait planer de lourdes hypothèques sur le maillage territorial du service public d’éducation, allez-vous faire évoluer la logique gouvernementale et tenir compte de l’attente de nos concitoyens, qui ne demandent pas une remise en cause de la fonction publique, mais des services publics, certes modernisés, parfois plus réactifs, bien présents à leurs côtés tant en milieu rural que dans les quartiers urbains ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice Perol-Dumont, je vous remercie de cette question embrassant l’ensemble des services publics présents sur nos territoires et d’avoir rappelé que l’existence de territoires oubliés ou qui se sentent comme tels ne date pas de ce gouvernement et s’est installée au fil des années ; cela témoigne, personne n’en doutait, de votre connaissance des territoires, notamment ruraux.
Nous avons comme objectif d’inverser cette logique en matière de santé. Mme la ministre des solidarités et de la santé a rappelé les efforts que son ministère mettait en œuvre avec la loi Santé pour assurer un maillage territorial.
Nous avons comme objectif, avec Gérald Darmanin, de l’inverser en matière de finances publiques. Nous avons en tête que 1 200 points de contact ont été fermés en dix ans et que nous devons en réinstaller, peut-être en regroupant certaines fonctions support, mais en garantissant de la proximité, une présence physique sur le territoire.
Nous avons aussi la volonté d’accompagner la numérisation des services. Nous nous sommes engagés à ce que l’ensemble des services soit numérisé d’ici à 2022, parce que c’est un moyen d’accès pour beaucoup de nos concitoyens. Nous gardons en tête que 13 millions de Français accèdent difficilement aux services numérisés, soit par défaut de couverture en dépit des efforts du Gouvernement et des acteurs locaux pour améliorer le débit, soit pour des raisons d’usage de cette technologie ; il faut donc veiller à la médiation.
Nous essayons d’apporter une réponse en termes de services publics sur chacun des territoires avec une présence humaine, en veillant à réformer aussi la manière dont nous gérons les femmes et les hommes qui servent l’intérêt général, les fonctionnaires, en les mettant au contact du public et en leur donnant…
M. le président. Il faut conclure !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Jean-Marie Bockel. Nous sommes plusieurs à le dire ce soir : les Français sont viscéralement attachés à leurs services publics, mais ils sont aussi très nombreux à critiquer la façon dont ceux-ci sont organisés sur le terrain. Cette responsabilité incombe à l’État et aux collectivités territoriales. Certes, nous avons fait des efforts, et la Cour des comptes a récemment noté que l’implantation des services publics dans les territoires ruraux résiste encore tant bien que mal, mais elle a aussi appelé l’État à améliorer la cohérence de ses services dans les territoires et à renforcer sa concertation avec les acteurs locaux.
Il est évident que les récentes lois d’organisation territoriale n’ont pas vraiment clarifié le partage de responsabilité entre l’État et les collectivités. Dans nos travaux au Sénat, nous touchons du doigt cette réalité et en mesurons les effets délétères. Une partie du dynamisme et de la réactivité des pouvoirs publics locaux se perd inutilement dans les labyrinthes des circuits décisionnels.
Pour corriger ces failles du maquis français, améliorer l’accès aux services publics, nous devons effacer les doublons, alléger les normes, libérer les initiatives. Le Président de la République s’est déclaré disposé à rouvrir la loi NOTRe pour améliorer ce qui ne fonctionne pas. Au-delà de ces corrections, avez-vous le projet, madame la ministre de la cohésion des territoires, d’ouvrir une nouvelle étape de la décentralisation centrée sur une subsidiarité réelle, des espaces de différenciation par lesquels les citoyens, les collectivités et l’État seront en mesure de construire une meilleure gouvernance de notre pays, du sommet à la base ? (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Jean-Marie Bockel, nous avons effectivement plusieurs projets visant à réorganiser la présence de l’État sur les territoires, que nous avons l’intention de mener avec les collectivités territoriales.
Il importe bien sûr de supprimer les doublons, source de clarté pour nos concitoyens. Il convient également de faire en sorte que les services publics soient présents d’une manière moderne sur les territoires. Nous savons bien que nous ne disposerons pas des services publics d’autrefois. Nous savons aussi que le numérique est un outil utile pour les services publics, mais que ceux-ci ne peuvent pas passer uniquement par l’outil numérique, ne serait-ce que parce qu’il faut accompagner environ 30 % de la population pour l’encourager à utiliser le numérique.
Par ailleurs, nous proposerons la réalisation d’un agenda rural permettant de décliner sur les territoires les services publics dont nos concitoyens ont besoin. J’ajoute, bien sûr, qu’il ne faut pas opposer le rural à l’urbain. Il faut prévoir la présence de maisons de services au public dans les quartiers.
Pour conclure, j’indique que 95 % des gens qui se sont exprimés dans le grand débat sur ce sujet sont tout à fait d’accord avec le regroupement des services publics en un guichet unique sur les territoires.
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal.
M. Rachid Temal. Depuis plus de vingt-deux semaines, notre pays connaît une crise sociale sans précédent. Depuis deux ans, le pouvoir se résume à un homme, seul, à l’Élysée, qui décide de tout. Pour autant, impuissant face à cette crise, il a lancé son grand débat national. L’instrumentalisation des contributions le transforme en « grand bluff national ».
En vingt-deux semaines, toutes les solutions n’émanant pas de l’Élysée ont été rejetées. Les propositions de lois et d’amendements socialistes : rejetées ! Le Pacte pour le pouvoir de vivre porté par dix-neuf organisations autour de MM. Berger et Hulot, que vous connaissez bien : rejeté également !
Ma question est simple : le Président de la République va-t-il suivre les conseils de la porte-parole du Gouvernement, qui a prophétisé que « rien ne sera plus comme avant », ou va-t-il continuer à prendre et à imposer ses décisions seul ? Pour sortir de la crise, va-t-il enfin entendre la demande d’une grande conférence sociale, environnementale et territoriale associant l’ensemble des Français au travers de leurs représentants légitimes, à savoir les trois assemblées, les élus locaux, les partenaires sociaux et l’exécutif, afin que chacun prenne publiquement des engagements et s’y tienne ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, qui est notamment chargée du grand débat.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, ce grand débat a été un moment de démocratie inédit auquel plus de 1,5 million de personnes ont participé : un tiers par des contributions en ligne, un tiers dans 10 000 réunions partout sur le territoire et un tiers dans des cahiers citoyens. Nous pouvons bien sûr tous considérer que la parole de 1,5 million de personnes n’a pas d’importance, mais il me semble que cette parole a de la valeur et doit être entendue.
Ce grand débat n’a pas opposé les Français et les corps intermédiaires : les organisations syndicales et patronales y ont beaucoup participé ; elles ont été incitées à produire des contributions. Nous avons monté des conférences nationales thématiques regroupant les organisations syndicales et patronales, les grandes associations, les associations de protection de l’environnement, de solidarité, les associations d’élus, qui ont émis des propositions. Leurs quarante propositions ont servi de base aux conférences régionales citoyennes, composées de citoyens tirés au sort qui, eux-mêmes, ont réagi. Par ailleurs, les contributions de ces organisations sur le site du grand débat ont été rendues publiques.
Vous nous interrogez aujourd’hui sur les suites de ce processus. Le Président de la République l’a dit, c’est le moment de refonder le quinquennat, de revoir le projet national et européen.
M. Rachid Temal. Va-t-il décider seul ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Le Premier ministre a annoncé la mise en œuvre de décisions puissantes. Le temps des décisions est proche et celles-ci, j’en suis sûre, ne nous décevront pas.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Dans sa lettre aux Français, le Président de la République n’a pas identifié l’éducation comme un sujet essentiel. Pourtant, la plupart des Français sont particulièrement inquiets pour l’avenir de leurs enfants. Plus personne n’ose dire aujourd’hui que l’école va bien. L’ascension sociale et la confiance dans l’institution scolaire sont compromises, car il y a un renoncement évident au principe de la méritocratie républicaine.
Dans ce contexte difficile, à travers le déracinement des savoirs, le nivellement, la création des inégalités, l’école n’a plus d’identité et ne fait qu’aggraver les fractures territoriales, sociales et culturelles dans notre pays. L’école républicaine a cessé d’être nationale ; elle a même cessé, plus grave encore, de former des citoyens éclairés et patriotes plus instruits que leurs aïeux.
Cet appauvrissement intellectuel et cet abandon culturel produisent, dans un certain nombre de territoires et de quartiers laissés en marge, échec scolaire, violence, chômage, discrimination et un malaise dans lequel tant d’enseignants, d’élèves et de familles sont plongés.
Il est urgent de réaffirmer l’autorité du maître et la primauté de la transmission des savoirs sur tout pédagogisme.
Monsieur le ministre, vous avez ouvert beaucoup de chantiers sur l’école.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Dominique Estrosi Sassone. Vous avez commandé des rapports, créé des comités Théodule, présenté le projet de loi pour une école de la confiance… Mais qu’attendez-vous pour rétablir le lien entre la Nation et l’école, garante des valeurs républicaines ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Notre stratégie pour l’école est claire, et j’ai souvent eu l’occasion de l’exposer devant vous. Elle tient en deux grands objectifs : élever le niveau général et garantir la justice sociale.
Le Président de la République a abordé l’éducation dans sa lettre aux Français, même si elle ne constitue pas l’un des quatre axes. Il ressort également du grand débat que l’éducation apparaît comme une solution, et non comme un problème : les Français lui demandent de renforcer le lien avec la vie professionnelle, de traiter de la transition écologique et de former à l’éducation civique et morale.
Je ne pourrai pas résumer en une minute l’ensemble de la stratégie, que par ailleurs vous connaissez, madame la sénatrice, mais la définition de l’école est claire : transmettre des connaissances et des valeurs.
Je suis en désaccord avec vous sur deux points.
Premièrement, votre description beaucoup trop catastrophiste n’aide pas à la construction de l’école de la République. Celle-ci va mieux que ce que vous dites, et moins bien que ce que l’on voudrait. Évidemment, nous avons une stratégie à long terme, mais l’impatience et les mots excessifs ne la servent en rien.
Deuxièmement, votre remarque sur les comités Théodule est inutilement désobligeante. Nous avons créé un grand conseil scientifique de l’éducation nationale, présidé par Stanislas Dehaene, qui a débouché sur des mesures très concrètes, comme les évaluations au CP et au CE1, véritable stratégie pour ancrer les savoirs fondamentaux chez nos élèves.
La réforme du lycée est également extrêmement concrète.
On ne peut pas nous faire le procès de rester dans la théorie ou l’abstraction. Nous agissons, selon une stratégie claire et exposée. Il faut simplement du courage, et peut-être aussi une relative unité nationale.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Élisabeth Doineau. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Le sujet de la santé a été largement évoqué par nos concitoyens lors du grand débat.
Je commencerai par saluer l’initiative de la ministre et du Premier ministre d’avoir lancé, dès octobre 2017, un plan pour l’accès aux soins. La stratégie Ma santé 2022 a également été largement plébiscitée lors de sa présentation en septembre dernier. Le projet de loi Santé, dont nous allons débattre dans cet hémicycle d’ici à quelques semaines, décline cette ambition.
Je voudrais à présent profiter de mon expérience de déléguée à l’accès aux soins pour vous faire part de quelques réflexions et vous proposer quelques outils, madame la ministre.
Il faudrait une boussole pour se repérer dans la forêt d’acronymes et de dispositifs existants, notamment pour favoriser l’installation des médecins ou la coordination des initiatives… Les élus et nos concitoyens ne s’y retrouvent pas. La culture de la simplification doit véritablement devenir une exigence.
Il faudrait aussi clarifier.
M. le président. Il faut penser à poser votre question, ma chère collègue…
Mme Élisabeth Doineau. Le projet de loi Santé prévoit un large recours aux ordonnances, et certaines de ses mesures sont très floues.
Le dernier outil que je vous propose, c’est un baromètre.
M. le président. Il faut vraiment conclure !
Mme Élisabeth Doineau. Nous avons besoin d’une déclinaison par territoire, et il est très important, notamment, que les élus locaux puissent diffuser les résultats des mesures qu’ils effectuent.
Pourriez-vous apporter les clarifications nécessaires et faire confiance aux élus locaux, notamment aux élus départementaux,…
M. le président. Ma tendresse est épuisée… (Sourires.)
Mme Élisabeth Doineau. … qui s’investissent beaucoup dans les politiques de santé ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Élisabeth Doineau, j’ai écouté vos remarques avec attention. Vous parcourez tout le territoire pour voir comment s’organise le plan d’accès aux soins, et les propositions que vous nous soumettez sont issues de votre expérience.
Je suis d’accord avec vous : une relation de confiance doit se nouer avec les élus locaux pour déployer notre stratégie de transformation du système de santé. Nous avons d’ores et déjà créé, pour l’examen du projet de loi Santé, un groupe de contact avec les grandes associations d’élus – AMF, ARF, ADF –, chargé d’examiner les étapes de la discussion du texte et sa future mise en œuvre.
Je veux également que les élus locaux soient beaucoup plus impliqués qu’ils ne le sont aujourd’hui dans les décisions de santé. Lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, les députés ont prévu une participation des élus locaux aux conseils territoriaux de santé. Les parlementaires, députés et sénateurs, siégeront également au conseil de surveillance des ARS, et ils seront impliqués dans les décisions de santé territoriales.
C’est aujourd’hui le contrat que je veux conclure avec les citoyens : rien ne se fera sans les élus locaux. Je rencontre tous les mois les directeurs généraux des agences régionales de santé et leur rappelle que la transformation de notre système passera par une concertation avec les territoires et une compréhension de leurs besoins, tout en tenant compte des contraintes liées à la sécurité des soins. C’est mon unique boussole en tant que ministre des solidarités et de la santé.
M. le président. Mes chers collègues, je vous remercie d’avoir assisté nombreux à ce débat qui a duré plus de quatre heures.
Je remercie M. le Premier ministre, Mmes et MM. les ministres, et je félicite tout particulièrement M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, dont j’ai pu apprécier le rôle de chef d’orchestre tout au long de l’exercice.
Ce débat n’est qu’une étape d’une réflexion à laquelle il m’apparaît indispensable que le Sénat soit associé, avec sa préoccupation particulière pour les territoires et les citoyens. (Applaudissements.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures dix.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures trente-cinq, est reprise à vingt-deux heures dix, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
Adoption des conclusions de la conférence des présidents
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune observation sur les conclusions de la conférence des présidents.
Elles sont donc adoptées.
7
Candidatures à une commission d’enquête
M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur la souveraineté numérique, créée sur l’initiative du groupe Les Républicains en application du droit de tirage prévu par l’article 6 bis du règlement.
En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, et de l’article 11 de notre règlement, la liste des candidats établie par les groupes a été publiée.
Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.
8
Création de l’Office français de la biodiversité
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement.
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen de l’article 1er.
Article 1er (suite)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, sur l’article.
M. Guillaume Chevrollier. La création d’un grand établissement public chargé de la biodiversité et de la chasse témoigne de la volonté de mener une politique résolument engagée en faveur de la biodiversité. Je salue cette marque d’engagement, qui s’accélère fortement depuis la création de l’Agence française pour la biodiversité en 2017.
L’article 1er de ce projet de loi crée l’Office français de la biodiversité, reprenant les missions de l’AFB et de l’ONCFS, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. Cet organisme exercera ainsi la police administrative et judiciaire relative à la chasse et à la pêche, afin de mieux la répartir dans l’espace et dans le temps. Davantage d’efficacité est ainsi attendue sur le terrain.
La seule gagnante de ce texte doit être la biodiversité, et elle seule. C’est ainsi que l’on parviendra à un réel équilibre entre les chasseurs, les pêcheurs, les forestiers, les agriculteurs et les associations environnementales.
Enfin, j’appelle votre attention sur la boulimie ou la frénésie législative en matière de politique environnementale. Ce texte vise en effet à fusionner des établissements publics deux ans seulement après la précédente réforme.
Nous devons nous attacher à concevoir des politiques publiques de long terme, dans un souci de cohérence et de lisibilité. Nous devons nous assurer également du financement des textes adoptés. Pour le présent projet de loi, je rappelle qu’il manque 41 millions d’euros ! C’est malheureusement vrai aussi pour de trop nombreux textes examinés sous cette majorité. (M. Daniel Gremillet et Mme Frédérique Puissat applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, sur l’article.
M. Daniel Gremillet. Il y a deux heures, nous étions en séance avec le Premier ministre et le Gouvernement pour dresser le bilan du grand débat et des messages transmis par les Français à cette occasion. Or je ressens en cet instant un véritable décalage entre les attentes de la population et les dispositions de ce texte. Je vais prendre un exemple très concret, qui ressemble sans doute à des situations que vous rencontrez un peu partout sur le territoire, mes chers collègues.
Ce week-end, j’ai rencontré une personne de 95 ans habitant dans un petit village des Vosges de 150 habitants. Cette brave dame y avait élevé sa famille sans avoir eu la chance de bénéficier d’un réseau collectif d’assainissement. Un contrôleur chargé de l’assainissement non collectif est venu lui rendre visite et lui a annoncé qu’elle devait payer 10 000 euros pour mettre en conformité son habitation, et ce sans aucun accompagnement financier ! Pourtant, cette femme a contribué, comme les autres, au travers des taxes qu’elle a payées, au financement de l’Agence de l’eau. Quel décalage avec ceux qui ont pu bénéficier d’un accompagnement financier pour le même investissement, dans les mêmes territoires, pour se conformer aux mêmes règles !
Quand je vois que le sujet qui nous anime ce soir a été largement financé par des prélèvements opérés sur l’Agence de l’eau, je me dis que nous sommes en train de mentir aux Français, qui ont directement financé cette agence. De plus, comme l’a dit notre collègue à l’instant, l’équilibre financier du futur office est incertain, puisqu’il manque 41 millions d’euros.
Je partage donc totalement les propos du président du groupe d’études Chasse et pêche du Sénat. En raison du manque de garanties financières, est-ce finalement une chance ou un risque pour la biodiversité et le monde de la chasse ? Telle est la véritable question. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 141, présenté par Mme Préville, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Remplacer les mots :
Office français de la biodiversité et de la chasse
par les mots :
Office français de la nature
II. – En conséquence, dans l’ensemble du projet de loi
Remplacer les mots :
Office français de la biodiversité et de la chasse
par les mots :
Office français de la nature
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Donner un nom relève toujours du symbolique et du pragmatique. C’est l’occasion de se pencher sur le berceau de ce nouvel office et, en bonne fée, de lui donner toutes ses chances, en le parant de dons propres à lui garantir un avenir, sinon radieux, du moins stable et prometteur.
La loi de 1976, ambitieuse et sans précédent, instaurait un « patrimoine naturel d’intérêt général ». Dans la lignée de cet héritage, je propose de nommer cette nouvelle instance « Office français de la nature », une dénomination susceptible d’englober tous les sujets concernés, non seulement la chasse, mais aussi la pêche, les paysages et les écosystèmes. C’est un nom ouvert, nullement restrictif, qui a aussi quelque chose de noble et d’ancien.
Le mot « nature » porte beaucoup de belles choses, couvrant un large spectre allant de la poésie à la science en passant par le rapport intime que chacun de nous entretient avec la nature. La nature, c’est la création, le rêve, le bien-être, des sujets qui nous concernent tous.
Afin que nous puissions renouer des liens avec la nature, et parce qu’il nous faudra prendre de la hauteur et revoir, de façon responsable, ce rapport indispensable à la préservation de la biodiversité, je vous propose le nom d’Office français de la nature, qui sera propre, non seulement à rassembler, mais également à inspirer.
M. le président. Les quatre amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 8 rectifié est présenté par MM. Dantec, Corbisez, Guérini et Labbé.
L’amendement n° 68 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 143 rectifié est présenté par M. Houllegatte, Mmes Bonnefoy et Tocqueville, MM. Joël Bigot, Jeansannetas et P. Joly, Mmes Harribey et Meunier, MM. Tourenne et Daudigny et Mme Monier.
L’amendement n° 156 est présenté par M. Gontard, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
et de la chasse
II. – En conséquence, dans l’ensemble du projet de loi
Remplacer les mots :
Office français de la biodiversité et de la chasse
par les mots :
Office français de la biodiversité
La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié.
M. Ronan Dantec. Mon intervention sera moins poétique que la précédente. L’idée de créer un office français de la nature est intéressante, et j’écouterai avec intérêt l’avis de Mme la secrétaire d’État sur ce sujet. Durant les deux jours que nous allons passer ensemble, nous essaierons, bien souvent, de défendre les chasseurs contre eux-mêmes, et il me semble donc symbolique de commencer par cet amendement.
Les chasseurs sont les premiers écologistes de France – ils le disent souvent eux-mêmes. Je ne peux qu’aller dans leur sens, à condition toutefois que la sémantique aille avec les déclarations. Et là, patatras, je ne sais quel directeur de la communication des chasseurs – il est vrai que c’est un milieu assez disparate – a eu l’idée d’ajouter le mot « chasse » dans l’intitulé du futur office français de la biodiversité ! Ce faisant, on sous-entend que la chasse n’appartient pas tout à fait à la biodiversité, voire qu’elle s’y oppose, ce qui serait une erreur sémantique absolue.
On voit bien l’idée qui consiste à conserver une partie des intitulés des deux organismes fusionnés – match nul, balle au centre, en quelque sorte –, mais on joue contre l’image de la chasse en voulant l’exclure de la biodiversité, voire de la protection de la nature. Je propose donc tout simplement de revenir à l’intitulé initial, issu du débat avec les agents.
Derrière les termes « Office français de la biodiversité », il y a un acte de foi, que je porterai tout au long du débat : les chasseurs étant les premiers écologistes de France, le mot « chasse » ne doit jamais être opposé ou mis en parallèle avec le terme « biodiversité ».
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 68.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. En effet, le choix du nom d’un établissement est important. Nous avons consulté longuement les agents des deux établissements actuels, l’AFB et l’ONCFS, à ce sujet. Les débats se sont poursuivis en séance à l’Assemblée nationale.
Notre premier objectif était de trouver un équilibre permettant à ces deux établissements de ne pas se sentir pris dans un processus de fusion ou d’absorption de l’un par l’autre.
Notre second objectif était de respecter la parole des agents. Nous leur avons soumis six noms et, au terme du vote, « Office français de la biodiversité » est celui qui a reçu le plus de suffrages.
Cet intitulé apparaît équilibré. Il rappelle évidemment l’ONCFS, que tout le monde appelle l’Office, mais aussi l’Agence française pour la biodiversité.
Nous avons tous fait beaucoup d’efforts pour installer cette notion de biodiversité, non sans succès d’ailleurs, puisqu’on retrouve dorénavant dans les préoccupations des Français à la fois la lutte contre le changement climatique et la préservation de la biodiversité. Ce terme, très vaste et inclusif, ne s’oppose nullement à la chasse.
Le Gouvernement souhaite respecter le choix des agents qui se sont prononcés et propose donc de revenir au nom de l’établissement adopté à l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour présenter l’amendement n° 143 rectifié.
M. Jean-Michel Houllegatte. Je soutiens une position différente de celle de Mme Préville, preuve qu’il existe aussi une grande biodiversité au sein de notre groupe politique. (Sourires.)
Je compléterai les arguments de Mme la secrétaire d’État en me bornant à citer un extrait de l’article L. 110-1 du code de l’environnement : « On entend par biodiversité, ou diversité biologique, la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes écologiques dont ils font partie. Elle comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces, la diversité des écosystèmes ainsi que les interactions entre les organismes vivants. » Ces interactions peuvent bien évidemment être positives ou négatives.
Il nous semble donc que la biodiversité est un terme générique qui peut être utilisé pour dénommer l’Office.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 156.
M. Guillaume Gontard. Il aurait été plus logique de conserver le nom de l’Agence française pour la biodiversité, afin de conserver la notoriété de ce jeune organisme et par souci de cohérence avec les antennes régionales, qui seront dénommées « agences régionales de la biodiversité ». Les débats à l’Assemblée nationale ont toutefois abouti à un nom de compromis, approuvé par les agents des deux organismes fusionnés. Pourquoi ne pas respecter ce compromis ?
Le choix de la commission est d’autant plus étonnant que la chasse est déjà contenue dans la biodiversité, au même titre que la pêche ou la gestion des parcs naturels. En isolant la chasse, on donne l’impression qu’elle n’a pas de lien avec la biodiversité et qu’on cherche à la séparer des enjeux de préservation de la biodiversité. Même si tel n’était pas l’objectif de la commission, le résultat masque, de fait, les autres missions de la nouvelle agence.
Si l’on tient vraiment à ce que la chasse apparaisse dans le nom, il conviendrait de lister tous les usages de la biodiversité. Cet organisme devrait donc s’appeler Office français de la biodiversité, de la chasse, de la pêche, de la cueillette, du pastoralisme, etc. Je suis volontairement provocateur pour démontrer qu’il semble plus sage de revenir au nom originel de l’Office : il se suffit à lui-même et inclut bien évidemment la chasse dans son objet et ses missions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. L’avis est défavorable sur ces amendements, qui visent à revenir sur la position de la commission. Nous avons tenu à ce que l’Office français de la biodiversité soit renommé « Office français de la biodiversité et de la chasse ».
Il nous paraît particulièrement important d’ouvrir nos débats en rappelant notre souci de préserver l’identité des deux entités fusionnées, afin que l’une ne se sente pas absorbée par l’autre.
Bien que parfaitement conscients de l’appartenance de la chasse aux différentes politiques de biodiversité, nous tenons, en raison de ses spécificités, à ce qu’elle demeure explicitement mentionnée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 141 ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Dans la mesure où les quatre amendements identiques respectent le compromis trouvé, accepté par toutes les parties prenantes, l’avis est défavorable sur l’amendement n° 141.
J’entends la volonté de la commission de mettre en valeur la partie « chasse » de cet établissement, mais la biodiversité est un mot inclusif, qui a recueilli l’accord de tous, y compris des chasseurs.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Anne Chain-Larché, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Je veux rappeler certains points importants.
On fusionne deux établissements, dont l’un comprend le mot « chasse » dans son intitulé. Ce dernier a droit à une attention particulière, notamment parce qu’il va participer largement au financement du nouvel office.
Je veux revenir sur la façon dont les agents des deux établissements, l’AFB et l’ONCFS, se sont prononcés. Ils ne pouvaient pas proposer d’intitulé pour le nouvel office et, parmi les sept solutions qui leur ont été soumises, aucune ne comprenait le mot « chasse ». Seuls 22 % d’entre eux se sont prononcés favorablement pour « Office français de la biodiversité ».
On peut certes considérer que les agents de ces deux offices ne se sont pas prononcés en faveur du maintien du mot « chasse », mais a-t-on seulement interrogé les chasseurs ? Ils se sont toujours sentis représentés par leur fédération, départementale ou nationale, et par l’ONCFS.
On s’accorde tous sur le fait que la chasse participe amplement de la biodiversité, mais il me paraît essentiel de pousser un peu plus loin la reconnaissance jusqu’à citer le mot « chasse » dans l’intitulé de l’organisme.
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. J’ai écouté avec attention les propos des auteurs des amendements qui visent à supprimer le mot « chasse ». Je constate un certain progrès depuis que nous avons débattu de la loi sur la biodiversité il y a quelques années… Nous avions quand même eu bien du mal à faire admettre à certains que la chasse était un élément essentiel de la biodiversité.
M. Ronan Dantec. Pas à moi !
M. Jean-Noël Cardoux. Paradoxalement, c’est en s’appuyant sur ce même argument qu’ils estiment aujourd’hui qu’il n’est pas nécessaire d’inscrire ce mot dans la dénomination du nouvel office.
Je rejoins totalement les propos d’Anne Chain-Larché. Je ferai une simple comparaison : en matière économique, quand deux entreprises fusionnent, l’habitude veut que la dénomination sociale de la nouvelle société reprenne une partie de celle des deux entités préexistantes. Il doit en être de même ici. Il me semble donc naturel que le terme « chasse » soit accolé à celui de « biodiversité ». En outre, lors d’une fusion, on doit tenir compte de celui qui apporte le plus de financements. Là aussi, il est naturel qu’il soit privilégié dans la nouvelle dénomination. Or, je le rappelle, les chasseurs apporteront environ 45 millions d’euros par an au budget du futur office.
J’ai écouté avec attention les garanties de bonne foi des uns et des autres, mais je pense qu’en l’état actuel des choses accoler le mot « chasse » à celui de « biodiversité » est indispensable. Voilà pourquoi je voterai contre ces amendements. Nous verrons bien comment la situation évolue dans le futur et, si l’entente est cordiale, nous pourrons toujours modifier la dénomination du nouvel office. Pour l’heure, nous tenons à ce que le mot « chasse » y figure.
M. le président. La parole est à M. Christophe Priou, pour explication de vote.
M. Christophe Priou. J’ai bien entendu Ronan Dantec parler de la chasse, et je ne peux m’empêcher de penser à une conversion. Certes, nous acceptons les convertis, mais on dit toujours qu’il faut distinguer l’amour et les preuves d’amour. Nous verrons donc bien comment les choses se passent dans la suite de nos débats…
Lorsque nous vous avons auditionnée, madame la secrétaire d’État, je vous avais dit que le passage de ce texte par l’Assemblée nationale lui avait donné une connotation urbaine. L’esprit de ruralité, dont nous avions parlé avec votre prédécesseur Sébastien Lecornu, s’est quelque peu estompé.
Je crois que nous devons dire les choses clairement. La semaine dernière, nous avons voté le projet de loi d’orientation des mobilités. Or les gens comprennent beaucoup mieux quand on parle d’organisation des transports que de gouvernance des mobilités. Pour votre part, vous parlez d’« inclusif ». Je pense qu’il faut vraiment faire des lois avec des termes que nos concitoyens sont capables de comprendre aisément.
Dans le présent projet de loi, il me semble que nous aurions dû ajouter la ruralité à côté de la chasse. J’ajoute qu’à mon sens un autre secteur n’est pas assez présent dans ce texte – une collègue en parlera tout à l’heure –, c’est la forêt.
Quoi qu’il en soit, nous avons eu un long débat sur ces questions en commission. Nous avons pris une position, et je suivrai moi aussi l’avis de nos excellents rapporteurs.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Ces amendements visent à revenir sur la nouvelle dénomination de l’Office adoptée en commission sur ma proposition et celle de Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques.
La fusion de l’Agence française pour la biodiversité et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage doit se faire dans le respect de chacun. Or, madame la secrétaire d’État, quinze jours après l’adoption du texte en conseil des ministres, vous déposiez un amendement en commission à l’Assemblée nationale sonnant la fin de la concertation et imposant le nom « Office français de la biodiversité ». En séance, vous rattachiez le choix du terme « Office » à l’ONCFS et celui de « biodiversité » à l’AFB. Vous êtes même allée jusqu’à dire que ce nouvel établissement serait au quotidien appelé Office et que, par conséquent, s’il devait y avoir une absorption, ce serait celle de l’AFB par l’ONCFS…
Les mots ont un sens. Le nom de ce futur établissement se doit donc de rassembler et de respecter l’ensemble des acteurs. Le mot « chasse » n’est pas tabou ! C’est pourquoi je voterai contre ces amendements afin de maintenir l’intitulé « Office français de la biodiversité et de la chasse », comme cela est attendu par des millions de Français.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Je suis moi aussi de l’avis de la commission.
Comme vient de le dire Jean-Pierre Grand, les mots ont un sens. Je suis chasseur, et je souhaite que cette qualité soit reconnue. Je n’en ai absolument pas honte, et j’en suis même très fier ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Médevielle applaudit également.)
Par ailleurs, j’ai entendu les arguments de notre collègue Dantec. Il ne faut pas opposer les uns aux autres et, sans vouloir faire une leçon de grammaire, le mot « et » est bien une conjonction de coordination. Il est donc tout à fait justifié que nous choisissions de nommer ce nouvel organisme « Office français de la biodiversité et de la chasse ».
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je soutiens complètement le travail de la commission.
Comme vient de le dire le président du groupe d’études Chasse et pêche du Sénat, nous ne venons pas de nulle part. Lorsqu’on fusionne des structures, il est absolument impensable de faire disparaître complètement l’une d’entre elles, alors même qu’elle contribuera et participera au nouvel ensemble et qu’elle a une histoire forte. Ayons du respect pour l’histoire et pour les femmes et les hommes qui vont mettre en œuvre au quotidien cette réforme !
Vous l’aurez compris, je suis opposé à ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. J’ai le même avis. Nous sommes en train de fusionner deux organismes, l’un dédié à la biodiversité, l’autre à la chasse. Il est donc tout à fait naturel que ces deux mots soient associés dans la dénomination de la nouvelle structure – d’ailleurs, elle ne peut en être que renforcée. Cela ne porte préjudice à personne.
Madame la secrétaire d’État, vous nous dites que le mot « biodiversité » fait le lien entre les deux organismes. Il me semble que c’est plutôt l’expression « biodiversité et chasse » qui crée cette union. C’est pourquoi, dans sa très grande majorité, le groupe Union Centriste soutient la position de la commission et votera contre ces amendements.
M. Rémy Pointereau. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Mes chers collègues, je vais vous raconter une histoire de nature.
Sur les hauts plateaux du Vercors, où le sol est constitué de calcaire poreux, l’eau est rare. Il a été observé que le cerf y aménage des baignoires imperméables, en se roulant dans la boue. Grâce à des photos prises par des naturalistes, on a pu constater que ces souilles servent d’abreuvoirs à d’autres animaux, comme le chevreuil, la martre, le lièvre, voire le loup. Cette histoire puissante et enthousiasmante est aussi emblématique de tout ce qu’à l’avenir nous pourrons apprendre de la nature.
Si j’ai proposé le nom « Office français de la nature », c’est pour sortir d’une gestion comptable, ne plus raisonner en silos et développer une vision qui a du sens.
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.
M. Michel Raison. Les événements que nous vivons dans notre pays depuis quelques mois doivent nous faire comprendre que nous devons respecter l’ensemble des acteurs de notre société.
En ce qui me concerne, je prendrai l’exemple des communes nouvelles, qui constituent parfois des opportunités très importantes dans nos territoires. Le meilleur moyen pour qu’une telle fusion ne fonctionne pas, c’est qu’une commune un peu plus puissante que les autres les absorbe et néglige complètement leur histoire.
Or nous sommes justement en train de fusionner deux organismes, ce qui est plutôt une bonne chose – nous pourrons notamment dégager des économies d’échelle –, et il serait catastrophique pour l’avenir même du nouvel office de négliger une partie de son histoire et de sa culture. Cela ne pourrait qu’entraîner des dysfonctionnements. Et la question n’est même pas celle d’être pro ou anti-chasse ! C’est pourquoi je soutiens fortement la position de la commission.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. En ce qui me concerne, je ne suis pas chasseur (Pas encore ! sur des travées du groupe Les Républicains.), et je ne le serai sans doute jamais. (Marques de déception amusées sur les mêmes travées.) Pour autant, il me semble essentiel d’arrêter d’opposer les Français.
M. Ronan Dantec. Absolument !
M. Jérôme Bascher. Naturellement, il est très important que la dénomination du nouvel office inclue le terme « biodiversité » – je suis très attaché à cette notion –, mais elle doit aussi inclure le mot « chasse ». Les deux sont importants. Arrêtons de les opposer ! Aucune partie ne doit prendre le pas sur l’autre !
La création de cet office doit aboutir à un équilibre, nous en avons besoin. C’est pourquoi je suis favorable au double nom.
M. Rémy Pointereau. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour explication de vote.
M. Pierre Cuypers. La chasse fait partie de notre histoire, de nos valeurs, de notre culture, quelle que soit la génération à laquelle nous appartenons. La chasse, c’est aussi le respect de nos territoires et de la biodiversité. À titre personnel, je mettrais même le mot « chasse » en premier.
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Houllegatte. Il me semble que le terme « Office » fait référence à l’Office français de la chasse et de la faune sauvage et que le mot « biodiversité » est générique. Finalement, la question est de savoir si la chasse est bien partie prenante de la biodiversité ou si elle est complètement à part.
Je crois que la dénomination « Office français de la biodiversité », qui utilise un terme générique, permettra de créer une culture commune, à laquelle chacun aspire. Si nous ne créons pas cette communauté de culture, de pratiques et de valeurs, les agents considéreront encore qu’ils appartiennent à l’ancienne entité, ce qui créera aussi de nombreuses difficultés de management.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je ne suis pas non plus chasseur, mais j’ai beaucoup d’amitié et de respect pour eux. Il se trouve par ailleurs que je réside à moins de deux kilomètres de la fédération départementale des chasseurs des Ardennes.
Les chasseurs participent de la défense de la nature et en ont une connaissance particulièrement importante. Nous nous en rendons tous parfaitement compte lorsque nous assistons aux réunions des GIC, les groupements d’intérêt cynégétique.
Les Ardennes sont un département forestier.
M. Jean-François Husson. Le sanglier des Ardennes !
M. Marc Laménie. Le ministre de l’agriculture connaît bien les problématiques qui existent en la matière.
En tout cas, je défends complètement la position de la commission. Les chasseurs sont à la fois des passionnés et des défenseurs de la nature. Il est fondamental de le reconnaître, ce qui passe par l’inscription du mot « chasse » dans la dénomination du nouvel office.
Voilà le modeste témoignage que je souhaitais apporter. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 rectifié, 68, 143 rectifié et 156.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 76 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l’adoption | 119 |
Contre | 212 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Mes chers collègues, je vous indique que, par cohérence, si un amendement adopté dans la suite de notre discussion comporte les termes « Office français de la biodiversité », les termes « Office français de la biodiversité et de la chasse » leur seront substitués.
L’amendement n° 63 rectifié ter, présenté par MM. Vallini, Tissot, Jeansannetas et Lozach, Mme Rossignol, M. Tourenne, Mme Conway-Mouret, M. Roger, Mmes Tocqueville et Ghali, M. P. Joly, Mme Lepage, M. Joël Bigot, Mmes Blondin et Conconne, M. Daudigny et Mme Monier, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Après la deuxième occurrence du mot :
biodiversité
insérer les mots :
, à la protection des espèces animales et végétales, qui sont constituées d’êtres vivants,
La parole est à M. Joël Bigot.
M. Joël Bigot. Le présent amendement introduit la notion de « protection des espèces », qui est plus large que celle de « surveillance, préservation, gestion et restauration de la biodiversité ». Les espèces animales et végétales ont en effet un intérêt au-delà de la biodiversité.
La notion d’êtres vivants pour qualifier les espèces végétales et animales n’existe dans le code de l’environnement qu’à l’article L. 110-1. La modification de cet article, qui faisait auparavant référence aux « espèces animales et végétales », a eu lieu à l’occasion de la loi sur la biodiversité en 2016. Cette modification faisait elle-même suite à l’introduction dans le code civil en 2015, à l’article 515-14, de la phrase : « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. »
Il nous semble pertinent de reprendre ce même vocabulaire en ce qui concerne le nouvel office.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Nous entamons l’examen d’une série d’amendements portant sur les missions du futur office français de la biodiversité et de la chasse. Permettez-moi, avant toute chose, d’indiquer que le texte initial, qui ne comprenait que six grandes catégories de missions, a été substantiellement enrichi par nos collègues de l’Assemblée nationale, qui ont porté ce nombre à dix-huit.
Bien que je ne nie pas l’intérêt qu’il y a à préciser le champ d’action d’un établissement public d’une telle importance, je souhaite souligner que, le nouvel établissement disposant à peu près des mêmes ressources, à quelques dizaines de millions d’euros près, que les deux établissements qu’il entend rapprocher, il me paraît dangereux d’élargir ce périmètre outre mesure et de pécher par excès d’ambition. C’est pourquoi la commission vous proposera de rejeter les extensions de périmètre qui semblent déjà satisfaites par la lettre du texte actuel ou qui se contenteraient de retranscrire de grands principes dans un article à vocation essentiellement opérationnelle.
En l’espèce, il ne me semble pas opportun d’adopter l’amendement n° 63 rectifié ter, qui insère la notion « d’espèces vivantes » au sein des missions du futur établissement. De façon générale, l’article 1er n’est pas là pour rappeler les grands principes posés par la loi sur la biodiversité, mais plutôt pour décliner d’un point de vue technique les missions exercées par l’opérateur. Il faut donc privilégier la précision et la concision. C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Ajouter dans les missions du nouvel office français de la biodiversité les termes « êtres vivants » associés à « la protection des espèces animales et végétales », repose sur le rapprochement avec la terminologie de l’article 515-14 du code civil. Or cet article traite d’un sujet nettement plus large.
Cet ajout ne me paraît pas pertinent, car l’office intervient avant tout sur des questions de préservation des espèces animales et végétales dans le cadre de la surveillance, de la préservation, de la gestion et de la restauration de la biodiversité. La protection, quant à elle, est une compétence des services du ministère de l’agriculture et n’a pas vocation à être conduite par l’OFB.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Bigot, l’amendement n° 63 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Joël Bigot. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 63 rectifié ter est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 41 rectifié est présenté par MM. Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Guerriau, Lagourgue, Malhuret et A. Marc, Mme Mélot et M. Laufoaulu.
L’amendement n° 106 rectifié est présenté par Mme Préville, MM. Bérit-Débat, Houllegatte, Kanner et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Jacquin et Madrelle, Mme Tocqueville, MM. Daunis, Cabanel et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 7, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
en coordination avec la politique nationale de lutte contre le réchauffement climatique
La parole est à M. Jérôme Bignon, pour présenter l’amendement n° 41 rectifié.
M. Jérôme Bignon. Biodiversité et stabilité climatique sont étroitement liées. Le besoin de coordination est réel, comme en témoigne le besoin, notamment exprimé par les acteurs du monde agricole, de penser les politiques de l’eau en lien étroit avec celles d’adaptation au changement climatique, et cela dans un contexte où les activités agricoles sont elles-mêmes appelées à participer à l’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Il est impératif de penser la protection de la biodiversité en lien avec la lutte contre le changement climatique afin d’éviter la mise en place de mesures favorisant l’une, mais nuisant à l’objectif global de préservation de conditions de vie et de développement soutenables à long terme.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 106 rectifié.
Mme Angèle Préville. Le changement climatique, dont les effets se font déjà ressentir, impactera durement notre biodiversité. La faune et la flore ne s’adapteront pas facilement, même si la nature a des ressources insoupçonnées. D’ici à 2050, un million d’espèces pourraient disparaître. C’est dramatique, inimaginable ! Nous devons absolument être vigilants.
Je vous donne un exemple : dans le sud de la France, le cycle de reproduction des mésanges est d’ores et déjà perturbé, car les chenilles, dont elles nourrissent leurs petits, ne sont plus présentes au bon moment.
Cet amendement vise à préciser, comme l’a dit mon collègue Jérôme Bignon, que le futur office devra mener l’ensemble de ses actions en coordination avec la politique nationale de lutte contre le réchauffement climatique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Avis favorable : ces amendements identiques introduisent une précision tout à fait bienvenue.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Je voudrais remercier le sénateur Bignon et la sénatrice Préville, parce que cette précision est importante. Ces deux politiques ne sont évidemment pas séparées, avec d’un côté la lutte contre le réchauffement climatique et de l’autre la préservation de la biodiversité. C’est un système global. L’avis du Gouvernement est donc favorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 41 rectifié et 106 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
9
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, lors du scrutin public n° 76, j’ai été enregistré comme ayant voté pour, alors que je souhaitais voter contre.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
10
Création de l’Office français de la biodiversité
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement.
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen de l’article 1er.
Article 1er (suite)
M. le président. L’amendement n° 193 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Pellevat, Magras, Morisset et Bascher, Mme Garriaud-Maylam, MM. Longeot et Milon, Mme Morhet-Richaud, M. D. Laurent, Mme Goy-Chavent, M. Sido, Mme Deromedi, MM. de Nicolaÿ et Segouin, Mme Lassarade, MM. Meurant, Longuet, Pierre, Laménie, Cuypers, Duplomb et J.M. Boyer, Mme Lamure, MM. Raison et Perrin, Mmes de Cidrac et Deroche, M. Revet, Mme Billon et MM. Savary et Pointereau, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
II. – Après l’alinéa 26
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … Contribution à l’exercice de la police administrative et judiciaire relative à l’eau, aux espaces naturels, aux espèces, à la chasse et à la pêche, ainsi que la police sanitaire en lien avec la faune sauvage.
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Cet amendement vise à positionner à un autre endroit au sein du même article la mission de contribution à l’exercice de la police administrative et judiciaire relative à l’eau, aux espaces naturels, aux espèces, à la chasse et à la pêche, ainsi que la police sanitaire en lien avec la faune sauvage. Il s’agit de mettre en avant le fait que le nouvel office français de la biodiversité et de la chasse n’a pas uniquement une mission de police.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. L’avis de la commission est défavorable. En effet, elle s’est prononcée en faveur d’un rehaussement de la mission de police dans l’énumération des missions du futur établissement. Cette mesure, quoique dépourvue d’effets juridiques, n’est pas uniquement symbolique. Elle rappelle utilement que les agents chargés de la mise en œuvre de la politique de la biodiversité sont investis d’une mission avant tout régalienne. À mon sens, la lutte pour la préservation de l’environnement passe aussi par la réaffirmation de ce principe.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat, dans la mesure où l’ordre des missions au sein de l’article ne constitue pas une hiérarchisation. Aucune mission n’est plus importante qu’une autre. Le projet de loi dit clairement que le nouvel établissement a de nombreuses missions, dont la police fait partie.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Après avoir entendu Mme la secrétaire d’État, je retire mon amendement.
M. Jérôme Bascher. Malgré l’avis de sagesse du Gouvernement ?
M. Daniel Gremillet. Oui, parce que Mme la secrétaire d’État a bien précisé qu’il n’existait pas de hiérarchie entre les missions de l’Office – elles se situent toutes au même niveau – et que celle relative à la police ne constituait pas une priorité particulière. Je souhaitais que cela soit clairement indiqué dans le compte rendu de nos débats.
M. le président. L’amendement n° 193 rectifié est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 157, présenté par M. Gontard, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 9 de l’article 1er, qui est redondant, puisque les missions de l’office incluent au premier chef la gestion et la restauration de la biodiversité – c’est bien dans ce cadre que la pratique de la chasse doit s’inscrire.
De plus, même si elle était auparavant dévolue à l’ONCFS, la notion de « chasse durable » qui a été introduite en commission ne fait l’objet d’aucune définition juridique et d’aucun cahier des charges. En outre, rien dans ce texte ne précise cette notion, et se contenter de préserver les espèces menacées de disparation ne suffit pas à qualifier une pratique de respectueuse de l’environnement.
Enfin, comme cela a été souligné lors des débats à l’Assemblée nationale, le développement durable de la chasse relève des fédérations des chasseurs, et non de l’OFB.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 69 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 118 est présenté par M. Patriat, Mme Cartron, MM. Marchand, Dennemont et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 1° bis Contribution à l’exercice de la chasse et de la pêche en eau douce durables ;
La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 69.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Le Gouvernement souhaite modifier la rédaction adoptée par la commission. Le développement de la chasse durable relevant plutôt des missions des fédérations de chasseurs, il apparaît préférable de mieux cerner la mission de l’office en précisant qu’elle consiste en une contribution à l’exercice de la chasse et de la pêche en eau douce durables.
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour présenter l’amendement n° 118.
M. François Patriat. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. La commission donne un avis défavorable à l’amendement n° 157. L’ajout de la mission relative au développement de la chasse durable nous semble particulièrement précieux, en ce qu’il traduit le rapprochement des deux entités qui seront réunies au sein du futur établissement.
Sur les amendements identiques nos 69 et 118, l’avis est favorable, car l’élargissement des missions de l’office à l’exercice de la pêche en eau douce durable paraît tout à fait intéressant.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 157 ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. J’en demande le retrait au profit des amendements nos°69 et 118. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Monsieur Gontard, l’amendement n° 157 est-il maintenu ?
M. Guillaume Gontard. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 69 et 118.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 64 rectifié ter, présenté par MM. Vallini, Tissot, Jeansannetas et Lozach, Mme Rossignol, M. Tourenne, Mme Conway-Mouret, M. Roger, Mmes Tocqueville, Ghali, Blondin et Lepage, MM. P. Joly et J. Bigot, Mme Conconne, M. Daudigny et Mme Monier, est ainsi libellé :
Alinéa 10, première phrase
Après le mot :
espèces
insérer les mots :
animales et végétales, qui sont constituées d’êtres vivants
La parole est à M. Joël Bigot.
M. Joël Bigot. Ayant retiré précédemment un amendement similaire relatif à la sensibilité de l’animal, je vais retirer aussi celui-ci.
M. le président. L’amendement n° 64 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 39 rectifié bis, présenté par Mmes Morhet-Richaud, Noël et Estrosi Sassone, M. D. Laurent, Mme Garriaud-Maylam, M. Genest, Mmes M. Mercier et Deromedi, M. Duplomb, Mmes L. Darcos et Puissat, MM. Brisson et Louault, Mme Duranton, M. Revet, Mmes Lassarade, Berthet et Bruguière, MM. Dufaut, Vaspart, Longuet, Tissot, Darnaud, Charon, Milon et Pointereau, Mme Gruny, M. Bouchet, Mme A.M. Bertrand et MM. Husson, Raison, Priou, J.M. Boyer, Gremillet et Poniatowski, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Comptage du nombre de loups (canis lupus) au sein des parcs animaliers ;
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. La population lupine ne cessant d’augmenter en France, il est nécessaire de suivre son évolution au sein des parcs animaliers, tel celui du Gévaudan. Devant la recrudescence des attaques, notamment contre les troupeaux, il importe que les agents de la nouvelle entité s’assurent que les loups qui évoluent en semi-liberté restent à l’intérieur du périmètre clôturé. Je précise que cette mission d’observation doit s’effectuer à moyens constants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cet amendement vise à intégrer aux missions actuelles de l’OFBC un volet spécifique relatif au comptage des loups. Consciente des problèmes qu’entraîne la croissance de la population de loups, particulièrement en territoires de haute montagne, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Le Gouvernement considère que le contrôle de la faune sauvage captive, notamment celle qui vit dans les parcs animaliers, est une mission importante. Elle fait déjà partie des attributions de l’OFB, puisque la mission générale de police sanitaire de la faune sauvage comprend bien la surveillance de la faune sauvage captive dans les parcs animaliers. Cet amendement étant donc satisfait, j’en demande le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. L’amendement n° 179 rectifié, présenté par MM. Dantec, Arnell, Castelli, Collin, Corbisez, Gabouty et Gold, Mme Guillotin et MM. Labbé, Léonhardt, Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Remplacer les mots :
et suivi de sa mise en œuvre
par les mots :
, suivi de sa mise en œuvre et évaluation des effets des politiques publiques sur les objectifs de la stratégie nationale pour la biodiversité
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement fait suite aux travaux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, notamment à l’audition de M. Gilles Bœuf, ancien président du Muséum national d’histoire naturelle. Il est apparu, au cours de cet échange, qu’il n’y avait pas en France d’instance assurant le suivi de l’impact des différentes politiques publiques sur les objectifs de la stratégie nationale pour la biodiversité. L’OFB nous semble devoir être le lieu de rencontre ad hoc de tous les acteurs pour évaluer l’impact sur l’environnement des politiques publiques. C’est un point de consensus entre nous.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cet amendement apporte une précision tout à fait bienvenue à la mission de contrôle des politiques de biodiversité qui sera confiée au futur établissement. L’avis est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. L’évaluation de l’impact des politiques publiques est effectivement une mission importante. Certes, d’autres organismes en sont déjà chargés, mais l’office pourrait également y contribuer. Avis favorable.
M. le président. L’amendement n° 107 rectifié, présenté par Mme Jasmin, MM. Bérit-Débat, Houllegatte, Kanner et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Jacquin et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daunis, Cabanel et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
, particulièrement en outre-mer
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. L’objet de cet amendement est de rappeler la nécessité de mettre en place, au sein de la stratégie nationale pour la biodiversité, une déclinaison spécifique pour les outre-mer.
Détentrice du deuxième domaine maritime mondial, la France héberge 10 % de la biodiversité de la planète, dont la majeure partie en outre-mer. Par exemple, sur 19 424 espèces endémiques recensées, les quatre cinquièmes se trouvent dans les territoires d’outre-mer, et 90 % des nouvelles espèces découvertes en France le sont outre-mer. C’est dire l’importance scientifique que présentent ces régions, dont certaines spécificités sont peu ou mal prises en compte au niveau national.
Ainsi, selon le rapport de 2018 de l’AFB, la biodiversité ultramarine, qui se caractérise par un endémisme exceptionnel, est particulièrement vulnérable face à nombre de dangers, comme l’utilisation inappropriée de certains produits phytosanitaires tels que le chlordécone, la pression d’espèces invasives et toutes les formes nouvelles de pollution.
Ainsi, les espèces exotiques envahissantes menacent l’équilibre des écosystèmes indigènes. Elles entrent en concurrence directe avec les espèces autochtones. Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature, l’UICN, elles constituent l’une des premières causes d’érosion de la diversité biologique au niveau mondial, après la disparition et la fragmentation des habitats. Selon le comité français de l’UICN, 300 espèces représentent une menace spécifique pour la biodiversité ultramarine. En 2016, parmi les 100 espèces considérées comme les plus envahissantes au monde, 60 étaient présentes dans les outre-mer, dont la liane papillon à La Réunion, l’iguane vert en Martinique et en Guadeloupe ou encore le rat noir dans différentes îles.
Bien que l’éradication des espèces envahissantes soit difficile, des actions de prévention et de limitation peuvent être envisagées et mises en œuvre. L’inventaire de ces espèces et l’étude de leur dynamique permettent de hiérarchiser les enjeux et les actions à mener sur chaque territoire, pour peu que des moyens importants humains, techniques et financiers soient mobilisables.
Il semble indispensable de disposer d’un référentiel taxonomique unique et régulièrement actualisé. On estime que, à la fin de 2018, seulement 29 % des grands groupes taxonomiques bénéficiaient d’un référentiel satisfaisant au regard des connaissances disponibles dans les territoires ultramarins, avec de fortes disparités d’une collectivité à l’autre.
Les experts souhaitent que la biodiversité de nos territoires soit reconnue et valorisée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Bien que je comprenne parfaitement l’intention des auteurs de l’amendement, qui rappelle la place déterminante des territoires ultramarins dans la mise en œuvre des politiques de préservation de la biodiversité, je trouve délicat de les isoler au sein des missions du futur établissement. Leurs spécificités sont par ailleurs nettement réaffirmées au travers de la composition du conseil d’administration de l’OFBC. Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Je partage l’avis de la commission. La biodiversité dans les outre-mer est évidemment très importante, mais l’alinéa 28 de l’article 1er prévoit que l’office sera au service de toutes les collectivités ultramarines. L’amendement étant satisfait, j’en demande le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Madame Jaspin, l’amendement n° 107 rectifié est-il maintenu ?
Mme Victoire Jasmin. Il m’est déjà arrivé dans le passé d’accéder à des demandes de retrait d’amendement sans que les suites annoncées soient apportées. Je vais cependant la réitérer l’expérience : je retire l’amendement, et je verrai ce qu’il en sera !
M. le président. L’amendement n° 107 rectifié est retiré.
11
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour une mise au point au sujet d’un vote.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, lors du scrutin public n° 76, j’ai été considéré comme ayant voté pour l’adoption des amendements identiques nos 8 rectifié, 68, 143 rectifié et 156, alors que je souhaitais voter contre.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
12
Création de l’Office français de la biodiversité
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant création de l’Office français de la biodiversité et de la chasse, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 1er, à l’amendement n° 153 rectifié.
Article 1er (suite)
M. le président. L’amendement n° 153 rectifié, présenté par Mme Jasmin, MM. Bérit-Débat, Houllegatte, Kanner et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Jacquin et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daunis, Cabanel et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Compléter cet alinéa par les mots :
notamment, pour les collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution, pour les accords de coopération internationale avec les états transfrontaliers de ces collectivités en matière de lutte contre les pollutions et de préservation de la biodiversité
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Nous demandons que l’office assure un réel suivi de la mise en œuvre des accords interrégionaux s’agissant des collectivités d’outre-mer frontalières d’autres États avec lesquels elles partagent des problématiques territoriales similaires en termes de maintien de la biodiversité et de lutte contre la pollution, comme celle des algues sargasses, qui a fait l’objet d’une mission confiée par le Premier ministre à notre collègue Théophile et qui nécessite une action interrégionale avec des États voisins.
Cet amendement est de repli, car celui que j’avais d’abord présenté sur le sujet a malheureusement été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Cet amendement a en fait le même objet que le précédent. Les accords internationaux qu’il vise sont par définition inclus dans les conventions internationales et les actions de coopération mentionnées à l’alinéa 16 de l’article 1er. Je renvoie ses auteurs aux précisions spécifiques aux territoires ultramarins concernant la composition du conseil d’administration.
L’amendement étant satisfait, j’en demande le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. En effet, l’alinéa 16 de l’article 1er couvre tous les accords de coopération internationale avec des États frontaliers. Quant à l’alinéa 28, il garantit l’investissement du nouvel établissement auprès des collectivités ultramarines.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour explication de vote.
M. Dominique Théophile. Je soutiens cet amendement.
L’État va organiser, chez nous à la Guadeloupe, avec tous les pays de la Petite et de la Grande Caraïbe, un sommet international sur la problématique des sargasses, qui affecte les coraux. Il nous semble opportun d’afficher notre volonté en la matière. Les accords internationaux simples ne suffiront pas pour traiter cette problématique quelque peu spécifique.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour explication de vote.
M. Jérôme Bignon. Je regrette que Mme Jasmin ait retiré son amendement précédent. On a toujours l’impression que l’outre-mer dérange. Picard de la baie de Somme, je ne suis pas directement concerné, mais, en tant que passionné de la biodiversité, je sais que c’est dans les outre-mer que celle-ci est la plus fantastique, la plus en danger et la moins suivie. Les Ultramarins qui siègent dans les instances métropolitaines ont les plus grandes difficultés à participer aux réunions pour y faire valoir leur point de vue, du fait de l’éloignement.
Il est donc toujours bon de parler des outre-mer chaque fois qu’on le peut, dans la mesure où ils concentrent 80 % de notre biodiversité. On n’en fait jamais trop à cet égard.
Les conventions des mers régionales, qui nous unissent à trente-cinq pays, notamment de la Caraïbe, de l’océan Indien et du Pacifique, ne concernent pas uniquement la France métropolitaine, hormis peut-être la convention de Barcelone ; elles concernent avant tout les outre-mer ! Je soutiens Mme Jasmin, car elle est bien seule ce soir pour parler de ces territoires qui représentent 80 % de la biodiversité française. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Comme Jérôme Bignon, je regrette que l’amendement précédent de Mme Jasmin n’ait pas été maintenu, car la biodiversité ultramarine représente un enjeu spécifique, qu’il faut réaffirmer.
Madame la secrétaire d’État, lors de l’examen du projet de loi sur la biodiversité, nous avions présenté un amendement assez fort visant à généraliser les plans nationaux d’actions en faveur des espèces menacées. J’ai vérifié l’état d’avancement de ces plans, qui ont été mis en place à l’automne dernier : ils portent toujours sur les mêmes espèces emblématiques, tels le gypaète barbu ou le grand tétras, et très rarement sur des espèces ultramarines. Pourtant, un très grand nombre d’espèces ultramarines sont aujourd’hui en danger. Pourriez-vous nous indiquer quel est l’état d’avancement de ces nouveaux plans nationaux d’actions en ce qui concerne les espèces ultramarines menacées ?
M. le président. La parole est à M. Christophe Priou, pour explication de vote.
M. Christophe Priou. Sur le fond, je rejoins Jérôme Bignon, mais, encore une fois, je voudrais que l’on en revienne à l’expression simple des choses. Je me rendrai samedi prochain à l’assemblée générale de la fédération départementale des chasseurs de Loire-Atlantique : je me vois mal y parler de « la complétude du référentiel », pour reprendre les termes du dernier alinéa de l’article… Au lendemain du grand débat, il faudrait vraiment que l’on prenne l’habitude d’exprimer les choses simplement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° 67, présenté par M. Théophile, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …) Appui aux missions de l’Initiative française pour les récifs coralliens (Ifrecor) et coordination dans la gestion des récifs coralliens et des écosystèmes associés des collectivités françaises d’outre-mer ;
La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Les missions de l’OFB incluent la gestion, la restauration et l’appui à la gestion d’espaces naturels, notamment de zones littorales comprenant des récifs coralliens et des écosystèmes associés. Or les collectivités d’outre-mer abritent près de 10 % des récifs coralliens existant dans le monde, ce qui justifie une action de protection des coraux et de surveillance particulière dans ces territoires.
L’initiative française pour les récifs coralliens, l’Ifrecor, a précisément été lancée en 1999 à cette fin. Sa mission est la gestion durable des coraux des collectivités françaises d’outre-mer et de leurs écosystèmes associés, tels que les mangroves et herbiers. Dans un souci de cohérence et d’efficacité de la protection des récifs coralliens sur ces territoires, il s’agit d’affirmer le principe de la coopération entre la future OFB et l’Ifrecor.
Menacés d’érosion accélérée à l’heure du changement climatique, les coraux sont des animaux essentiels à l’équilibre biologique des milieux marins, et donc au maintien de la biodiversité aquatique. La protection que leur offre l’Ifrecor légitime l’appui de l’OFB dans la réalisation de ses missions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cet amendement me semble satisfait par l’alinéa 21, qui vise spécifiquement les zones littorales comprenant des récifs coralliens et des écosystèmes associés. J’en demande donc le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Je partage l’avis du rapporteur. En effet, l’alinéa 21 cite explicitement la gestion, la restauration et l’appui à la gestion d’espaces naturels, notamment de zones littorales comprenant des récifs coralliens et des écosystèmes associés.
Par ailleurs, aux termes de l’alinéa 28, « l’intervention de l’Office français de la biodiversité porte sur l’ensemble des milieux terrestres, aquatiques et marins du territoire métropolitain, des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, des collectivités de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon ainsi que des Terres australes et antarctiques françaises. […] Il peut aussi mener, dans le cadre de conventions, des actions à Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie et dans ses provinces, à la demande de ces collectivités. »
Le texte a donc explicitement prévu l’intervention de l’établissement dans chacun des territoires ultramarins, compte tenu de leur spécificité juridique. Il prend ainsi acte du fait que la biodiversité française se situe pour une large part dans les outre-mer.
L’amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.
M. le président. Monsieur Théophile, l’amendement n° 67 est-il maintenu ?
M. Dominique Théophile. Non, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 67 est retiré.
L’amendement n° 109 rectifié bis, présenté par MM. Vallini, Houllegatte, Kanner et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Jacquin et Madrelle, Mmes Préville, Tocqueville et Harribey, MM. Daunis, Cabanel et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Après le mot :
socio-économiques
insérer les mots :
et aux associations de protection de l’environnement ou d’éducation à l’environnement
La parole est à M. Joël Bigot.
M. Joël Bigot. L’article 1er du projet de loi précise les missions du futur office. En particulier, l’alinéa 19 prévoit que celui-ci devra apporter un appui aux acteurs socio-économiques dans leurs actions en faveur de la biodiversité.
Cet amendement vise à étendre cette possibilité de soutien aux associations de protection de l’environnement ou d’éducation à l’environnement, qui sont des acteurs incontournables de la promotion de la biodiversité mais ne sont mentionnées explicitement nulle part dans le texte. C’est un manque évident, auquel nous proposons de remédier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cet amendement tend à élargir le champ de l’appui apporté par le futur établissement aux acteurs chargés de la protection de l’environnement ou de l’éducation à la protection de l’environnement. L’avis est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Je considère que cet amendement est très largement satisfait. L’alinéa 19 prévoit en effet un appui global aux acteurs socio- économiques, et l’alinéa 23 l’accompagnement de la mobilisation citoyenne de la société civile et des acteurs des secteurs économiques pour les enjeux de la biodiversité, notamment le lien entre l’homme et la nature. L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. En conclusion de la discussion générale, vous avez évoqué, madame la secrétaire d’État, la recherche d’un consensus. Or, dans le même temps, vous n’acceptez pas que l’on ajoute le mot « chasse » dans la dénomination du futur office. Comment pouvez-vous prétendre rechercher un consensus dans ces conditions ? Alors que nous discutons du regroupement de l’AFB et de l’ONCFS, rien n’est proposé pour traiter correctement ceux qui, pendant des années, ont maintenu la biodiversité sur notre territoire en régulant les populations de nuisibles.
Prendre 5 euros dans la poche des chasseurs au titre de la protection de la biodiversité n’est pas une bonne solution. L’État oubliera très vite, quant à lui, de donner les 10 euros annoncés et la totalité de la charge finira par reposer sur les chasseurs. J’y vois une certaine similitude avec la redevance pour pollutions diffuses imposée aux agriculteurs au nom du principe pollueur-payeur.
Cet office donne beaucoup de place à ceux qui, dans notre pays, vont déjà beaucoup trop loin. Il convient de respecter davantage les territoires ruraux et de reconnaître le travail accompli pendant des siècles par les chasseurs, sans qu’il ait été besoin d’instaurer un dogme écologique.
M. le président. Je ne vous ai pas interrompu, mon cher collègue, mais je rappelle que les explications de vote doivent avoir un rapport avec l’amendement en discussion… (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Je souhaiterais connaître la nature de l’appui dont bénéficieraient les associations de protection de l’environnement. Cet appui sera-t-il financier ou simplement moral ? Des agents de l’office se déplaceront-ils dans les écoles pour partager leurs connaissances avec les élèves ?
M. le président. L’amendement n° 199 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Pellevat, Magras, Morisset et Bascher, Mme Garriaud-Maylam, MM. Longeot et Milon, Mme Morhet-Richaud, M. D. Laurent, Mme Goy-Chavent, M. Sido, Mmes Férat et Deromedi, MM. de Nicolaÿ et Segouin, Mme Lassarade, MM. Meurant, Longuet, Pierre, Laménie, Cuypers, Duplomb et J.M. Boyer, Mme Lamure, M. Raison, Mmes L. Darcos, de Cidrac et Deroche, M. Revet, Mme Billon, MM. Savary, Mayet, Perrin, Piednoir et Vaspart et Mme Ramond, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …) Appui à l’ensemble des acteurs, publics et privés, dans leurs actions en faveur de la lutte contre les espèces invasives et coordination des mesures mises en œuvre ;
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Cet amendement vise à préciser que le futur office français de la biodiversité et de la chasse assurera, sur l’ensemble du territoire, un appui à l’ensemble des acteurs, qu’ils soient publics ou privés, dans la lutte contre les espèces invasives.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Il est proposé de confier à l’office une mission supplémentaire en matière de la lutte contre les espèces invasives. Ce point ne figurant pas explicitement dans le champ des missions décrites dans le texte, la précision me paraît tout à fait judicieuse. L’avis est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. J’ai une interprétation plus restrictive que le rapporteur de la description des missions de l’établissement. Les alinéas 17 et 18 de l’article 1er satisfont cet amendement. L’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je remercie la commission de son avis favorable et maintiens mon amendement, car il est important d’apporter cette précision.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je soutiens totalement l’amendement. Nous débattons des priorités d’action. Or les espèces invasives constituent l’une des grandes atteintes à la biodiversité. Par exemple, la jussie affecte très fortement la biodiversité dans les marais de Brière ; mon collègue Christophe Priou pourrait en témoigner. Il me paraît donc utile d’être plus explicites et d’affirmer nettement cette mission, car il s’agit d’un des grands enjeux. Il importe de favoriser une réaction plus rapide des pouvoirs publics à la prolifération d’un certain nombre d’espèces.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Je pense que nous sommes tous d’accord sur le fond, mais l’article 1er ne définit pas des priorités : il recense l’ensemble des missions de l’établissement. Dans les deux alinéas que j’ai cités, il est prévu un « appui à l’État et à ses établissements publics […], notamment en matière de lutte contre les pressions qui s’exercent sur la biodiversité, de lutte contre les espèces exotiques envahissantes ». Ce point figure donc déjà dans le texte.
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.
M. Michel Raison. Madame la secrétaire d’État, si vous questionniez les préfets – je ne vous demande pas d’organiser un grand débat, cela coûte trop cher ! (Sourires.) –, ils vous diraient qu’ils soutiennent cet amendement. Écoutez-les donc !
M. le président. L’amendement n° 57 rectifié, présenté par Mmes Rossignol et Préville, MM. Vallini et Antiste, Mme Jasmin, M. P. Joly, Mme Tocqueville, M. Tourenne, Mme Espagnac, MM. Kerrouche et Manable et Mme Conconne, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 25
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Formation et appui aux actions de formation et structuration des métiers de la biodiversité et des services écologiques ;
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Tout comme l’actuelle Agence française pour la biodiversité, le nouvel établissement doit avoir vocation à assurer la sensibilisation à la nécessité de préserver et de reconquérir la biodiversité via la formation du plus grand nombre, ainsi qu’à structurer, pour mieux les professionnaliser, les filières de métiers liés à la biodiversité et aux services écosystémiques.
Cette sensibilisation doit faciliter la prise de conscience de la responsabilité de tous dans la protection de la biodiversité, contribuant ainsi à créer les conditions d’un engagement progressif de chacun à changer ses pratiques et à agir pour relever ce défi de la reconquête. Elle doit également jouer un rôle primordial en matière d’information sur le fonctionnement des écosystèmes et de prévention des atteintes à la réglementation, qui sont préjudiciables à l’ensemble de la société.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. L’extension des missions prévue dans cet amendement me paraît déjà pleinement satisfaite par l’alinéa 24, qui mentionne la « formation […] et [l’]appui aux actions de formation initiale et continue », et l’alinéa 25, qui fait référence à « la structuration des métiers de la biodiversité ». La commission souhaite le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, mon avis est le même que celui de la commission. L’alinéa 24 évoque la « formation » et l’alinéa 25 la « contribution à la structuration des métiers de la biodiversité ». Votre amendement me semble donc déjà satisfait.
M. le président. Madame Préville, l’amendement n° 57 rectifié est-il maintenu ?
Mme Angèle Préville. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 57 rectifié est retiré.
L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par Mme Estrosi Sassone, MM. Cardoux et J.M. Boyer, Mmes Morhet-Richaud, Puissat et Berthet, MM. Leleux, Milon, Dufaut et Mouiller, Mme Deromedi, M. Sol, Mmes Chauvin et Di Folco, MM. Revet, Segouin et Lefèvre, Mmes Garriaud-Maylam, Gruny, Bruguière, Raimond-Pavero, Micouleau et Lassarade, MM. Sido, Darnaud, Bonhomme, Piednoir, Panunzi, Charon et Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, MM. B. Fournier, Chatillon et Mandelli, Mme Imbert, MM. Daubresse et Genest, Mme M. Mercier, MM. Calvet et Laménie, Mme Duranton, MM. Bouchet, Vial, Husson et Rapin, Mme A.M. Bertrand et MM. Pierre, Priou, Cuypers, Raison, Poniatowski, Gremillet et Perrin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 27
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Il est chargé d’émettre un avis sur l’application du plan national d’actions sur le loup et les activités d’élevage en lien avec les collectivités locales et leurs groupements.
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Cet amendement prévoit que le futur office français de la biodiversité puisse rendre un avis sur le plan quinquennal Loup, permettant de disposer d’une évaluation de sa mise en œuvre et de l’actualiser en fonction de la présence territoriale du loup et des dégâts occasionnés. Cela permettrait de répondre concrètement aux attentes des éleveurs, qui n’auraient ainsi pas à attendre l’extension du plan quinquennal précédent.
En effet, le plan quinquennal 2018-2023, publié en février 2018, a particulièrement déçu les élus, les éleveurs et les agriculteurs, qui s’attendaient à davantage de cohérence, alors que le Président de la République avait indiqué qu’il fallait un plan pour remettre « l’éleveur au milieu de la montagne ».
Lors d’un déplacement dans les Alpes-de-Haute-Provence au titre du grand débat national, le Président de la République a rappelé que le seuil de 500 loups était atteint et qu’il était normal de décliner le plan quinquennal Loup avec « beaucoup de souplesse » afin de l’adapter à chaque département et de donner « une réponse attachée aux réalités du terrain ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. En cohérence avec l’avis précédemment donné sur l’amendement déposé par notre collègue Patricia Morhet-Richaud, je suis très favorable à l’adoption de cet amendement et à cette extension des missions de l’OFBC. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. La traduction des propos que le Président de la République a tenus à Gréoux-les-Bains est déjà à l’œuvre, dans la mesure où le Gouvernement consulte actuellement les parties prenantes sur les modifications qu’il entend apporter à la gestion du loup, compte tenu de l’atteinte probable du seuil de viabilité démographique de 500 loups.
De nouvelles mesures visant à renforcer la défense des troupeaux, ainsi que leur protection, seront expérimentées dès le mois de juin prochain. Comme vous le savez, leur mise en œuvre et leur suivi relèvent des compétences du préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, préfet coordonnateur du plan national d’actions sur le loup.
Juridiquement, prévoir un avis de l’OFB sur ce plan aurait deux inconvénients.
Premièrement, il ajouterait inutilement de la complexité à la gestion opérationnelle de ce dossier.
Deuxièmement, l’office serait, en quelque sorte, juge et partie, puisqu’il est l’un des acteurs de la mise en œuvre du plan Loup. En l’espèce, vous lui demandez, madame la sénatrice, de donner un avis sur l’application d’un plan qu’il concourt à mettre en œuvre sous le contrôle du préfet coordonnateur…
Pour l’ensemble de ces raisons, l’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je comprends le sens de cet amendement, mais si l’on demande à l’office son avis sur la révision du plan Loup alors qu’il en est l’une des parties prenantes, j’ai peur que l’on attende longtemps… Je ne suis pas sûr que cette mesure aille forcément dans le bon sens.
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour explication de vote.
M. Pierre Médevielle. Je crains que nous ne soyons également confrontés, avec le loup, à une espèce invasive, et à la même absence de réactivité que pour l’ensemble des espèces invasives que nous avons citées, végétales ou animales, tel le cormoran, par exemple.
En ce qui concerne le loup, se posent des problèmes d’hybridation, qu’il ne faut pas négliger. L’OFBC sera parfaitement compétent pour fournir des renseignements aux préfets ; à ceux-ci de prendre les décisions. Il serait bon de clarifier les compétences de chacun et de se donner les moyens d’agir.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Cet amendement montre que la biodiversité et la chasse sont liées. Dans le sud de l’Aveyron, par exemple, le maintien de la biodiversité dépend pour une large part de l’agropastoralisme, aujourd’hui mis en danger par une présence excessive du loup. Il va bien falloir trouver le moyen d’apporter des réponses efficaces à nos éleveurs. On peut faire du juridisme, mais il faut avant tout de l’efficacité. Cela passe bien évidemment par l’action des préfets, mais aussi par une modification de la convention de Berne.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Madame la secrétaire d’État, je ne comprends vraiment pas votre position. Nous sommes en train de créer un office qui rassemblera l’ensemble des acteurs, notamment les organisations environnementalistes et les chasseurs. Il ne sera pas du tout juge et partie, comme vous l’avez affirmé.
Aujourd’hui, vous le savez très bien, chaque fois qu’un préfet prend un arrêté, les organisations environnementales saisissent le tribunal administratif pour l’empêcher d’intervenir. La création de l’office permettra de réunir tout le monde autour de la table, et pas seulement les chasseurs. Ceux-ci pourront échanger avec les organisations environnementales, qui aujourd’hui attaquent systématiquement les arrêtés préfectoraux.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je suis très favorable à cet amendement. Nous avons maintenant des indices de l’extension de la présence du loup dans le Limousin. L’Office national de la biodiversité et de la chasse peut tout à fait donner un avis sur l’application du plan Loup.
M. le président. L’amendement n° 50 rectifié, présenté par M. Artano, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Menonville, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 28
Supprimer les mots :
et de Saint-Pierre-et-Miquelon
II. – Alinéa 29
Après les mots :
dans les îles Wallis et Futuna,
Insérer les mots :
à Saint-Pierre-et-Miquelon,
La parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. Il s’agit d’un amendement de bon sens. Quand l’Agence française pour la biodiversité a été créée, je lui ai suggéré de conventionner avec la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, rien ne pouvant se faire depuis Paris, sans passer par le conseil territorial, propriétaire foncier des 242 kilomètres carrés de l’archipel. J’avais proposé à l’AFB d’exercer avec celui-ci un copilotage sur le territoire, pour permettre une appropriation par la population, notamment par les chasseurs. Le message est passé, puisqu’une convention a été signée le 8 novembre 2018, c’est-à-dire six jours avant l’enregistrement du présent projet de loi par le bureau de l’Assemblée nationale, entre le conseil territorial, l’AFB et le préfet de l’archipel. Je demande simplement que l’on en tire les conséquences, afin qu’à Saint-Pierre-et-Miquelon l’OFB puisse intervenir par voie de convention, même si la collectivité n’a pas la compétence environnementale, comme me l’opposera sans doute le Gouvernement. Sinon, pourquoi l’AFB aurait-elle signé cette convention six jours avant le dépôt de ce projet de loi sur le bureau de l’Assemblée nationale ? C’est une question de bon sens : je le répète, rien ne pourra se faire sans la collectivité, qui est un partenaire fiable ayant la volonté d’appliquer les dispositifs.
Voilà quelques années, il y a eu une tentative parisienne – je suis désolé de devoir le dire ! – de créer une réserve naturelle à Saint-Pierre-et-Miquelon. J’ai été l’un des adversaires du projet, qui a capoté pour une raison simple : il n’était pas porté par le territoire et ses acteurs.
Notre crainte, aujourd’hui, c’est que l’OFB intervienne directement, sans passer par une convention : nous verrons alors surgir de nouveau de magnifiques idées d’intervention à Saint-Pierre-et-Miquelon ou sur d’autres territoires, comme Saint-Martin, mais sans appropriation par les acteurs du territoire, vous courrez à l’échec !
M. le président. Le sous-amendement n° 155 rectifié, présenté par M. Arnell, est ainsi libellé :
Amendement n° 50
I. – Alinéa 3, au début
Insérer les mots :
des collectivités de Saint-Martin
II. – Alinéa 8, au début
Insérer les mots :
à Saint-Martin,
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Mon sous-amendement a pour objet de permettre à la collectivité de Saint-Martin de s’inscrire dans le cadre conventionnel s’agissant de l’action du futur office français de la biodiversité, à l’instar de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Nous n’avons pas, nous non plus, la compétence environnementale, mais je suis témoin au quotidien des difficultés qu’induisent des décisions unilatérales. Une collaboration nous permettrait, dans le respect des prérogatives des uns et des autres, de mettre en cohérence les politiques de l’État, de l’OFB et de la collectivité de Saint-Martin. Nous accomplirions ainsi ensemble une mission de pédagogie envers nos populations, permettant d’éviter des tensions, des crispations et des conflits inutiles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Guillaume Arnell et Stéphane Artano, qui viennent de s’exprimer, nous ont fait part de la préoccupation légitime de conserver les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Saint-Martin dans le champ conventionnel de l’OFBC. Il est toutefois important de préciser que la signature de conventions entre des collectivités et l’OFBC n’est pas du tout exclusive d’une compétence directe de droit commun exercée par l’établissement, que ces amendements viennent remettre en cause.
Je tiens, sur ce sujet, à rassurer mes collègues : la mention d’une compétence de droit commun ne remet absolument pas en cause les conventions en cours entre l’AFB et les collectivités dont il s’agit ici.
Je demande le retrait de l’amendement et du sous-amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. J’ai le même avis que la commission, essentiellement pour les mêmes raisons.
Je voudrais confirmer que la convention-cadre qui a été signée en novembre 2018 entre l’État, la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon et l’AFB n’a pas du tout vocation à couvrir l’intégralité des missions relevant du nouvel établissement. Cette convention sera toujours valide à l’entrée en fonction de ce dernier. Simplement, à côté des activités partenariales, les missions régaliennes de police doivent demeurer dans les mains de l’établissement public. Le même raisonnement s’applique à Saint-Martin.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 155 rectifié.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est presque minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à une heure trente, afin de poursuivre plus avant l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 70, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 32
Après le mot :
collège
insérer les mots :
disposant de la majorité des voix
II. – Alinéa 37
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Nous en arrivons à un alinéa important, qui concerne la gouvernance et la composition du conseil d’administration du futur établissement.
Le texte qui avait été proposé par le Gouvernement et qui a été modifié à l’Assemblée nationale aboutissait à ce que le premier collège, réunissant les représentants de l’État et les personnalités qualifiées, regroupe la majorité des membres du conseil d’administration.
La commission a souhaité revenir sur la composition de ce collège. L’amendement du Gouvernement prévoit une rédaction différente, qui est non pas un retour au texte initial, mais se veut une rédaction de compromis. Nous proposons que ce premier collège continue à disposer de la majorité des voix, sans représenter forcément la majorité des membres du conseil d’administration.
En effet, nous créons actuellement, par rapprochement de deux établissements, un grand établissement public administratif doté de pouvoirs de police et exerçant des activités régaliennes. Il me semble important que cet établissement soit géré dans des conditions qui donnent la majorité à l’État. Néanmoins, compte tenu des questions posées par la taille du conseil d’administration, que nous souhaitons tous raisonnable – quarante membres au maximum, et si possible plutôt trente –, le Gouvernement propose de disjoindre le nombre de voix du nombre de sièges, afin de permettre que l’effectif de ce collège soit plus resserré, tout en gardant à celui-ci la majorité des voix.
M. le président. L’amendement n° 160, présenté par M. Gontard, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 32
Après le mot :
constitué
insérer les mots :
pour moitié
II. – Alinéa 37
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. La gouvernance de ce nouvel opérateur a fait l’objet d’intenses débats, relatifs notamment au nombre d’administrateurs. Nous sommes passés d’un effectif resserré, d’une vingtaine de personnes, à un conseil d’administration de plus de quarante membres. Cette solution de compromis, qui a été trouvée à l’Assemblée nationale, permettra une meilleure représentation de toutes les parties prenantes.
Toutefois, comme cela a été rappelé lors des débats à l’Assemblée nationale, le futur office sera un établissement public administratif, dont les prérogatives de police, et donc le caractère régalien, seront particulièrement renforcées, ce qui justifie une représentation majoritaire de l’État.
De plus, cette majorité représentera les collectivités territoriales, notamment les outre-mer, qui abritent 80 % de la biodiversité française, mais aussi les établissements publics ayant un rapport avec l’office – cela peut être le cas de l’ONF, par exemple.
Par ailleurs, l’office est non pas un outil de décentralisation, mais un outil national avec des déclinaisons régionales, destiné à assurer la préservation de la biodiversité sur l’ensemble du territoire national.
Enfin, nous ne pensons pas que le conseil d’administration puisse être la somme des représentants d’intérêts particuliers. En ce sens, réserver une majorité réservée à l’État garantit aussi une meilleure prise en compte de l’intérêt général.
C’est pourquoi nous souhaitons, par notre amendement, revenir à l’équilibre trouvé à l’Assemblée nationale.
M. le président. L’amendement n° 197 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Pellevat, Magras et Morisset, Mme Garriaud-Maylam, MM. Longeot et Milon, Mme Morhet-Richaud, M. D. Laurent, Mme Goy-Chavent, M. Sido, Mme Deromedi, MM. de Nicolaÿ et Segouin, Mme Lassarade, MM. Meurant, Longuet, Pierre, Laménie, Cuypers, Duplomb et J.M. Boyer, Mme Lamure, M. Raison, Mmes L. Darcos, de Cidrac et Deroche, M. Revet, Mme Billon, MM. Savary, Mayet, Perrin, Piednoir, Bascher et Vaspart et Mme Ramond, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 37
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le premier collège et le troisième collège représentent ensemble au moins la moitié des membres du conseil d’administration.
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Compte tenu du contexte et surtout de la dimension territoriale, nous proposons de prévoir une représentation suffisante, au sein du conseil d’administration, du deuxième collège, qui comprendra « des représentants des secteurs économiques concernés, des représentants d’organisations professionnelles agricoles et forestières, d’associations agréées de protection de l’environnement ou d’éducation à l’environnement, des gestionnaires d’espaces naturels, des instances cynégétiques et des instances de la pêche de loisir », et de donner ainsi à toutes ces parties, premiers acteurs de la préservation et de la valorisation de la biodiversité, leur juste place au sein de l’établissement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Nous abordons à présent le délicat sujet de la composition du conseil d’administration. Nous avons eu de larges échanges sur la question, madame la secrétaire d’État, et de nombreux avis se sont exprimés dans notre commission, qui est parvenue, me semble-t-il, à un consensus assez net.
Nous ne souhaitons pas que soit rétabli le principe d’une majorité acquise à l’État, car nous voulons que puissent pleinement s’exprimer l’ensemble des parties prenantes. Je rappelle qu’il est explicitement prévu que la majorité des membres de l’ONCFS, établissement public chargé de missions régaliennes de police, soient des représentants des chasseurs, et non des représentants de l’État. Madame la secrétaire d’État, nous vous adorons, mais on ne sait pas qui vous succédera un jour ! (Sourires.) Comme nous sommes très prudents, nous prévoyons toujours le pire…
Nous souhaitons en revanche que soit renforcé le caractère pluraliste de cette instance, par une représentation affirmée des personnes dont les intérêts sont le plus directement impactés. Il nous semble que c’est ainsi que nous les ferons efficacement participer à la mise en œuvre des politiques de préservation de la biodiversité.
En conséquence, la commission a donné un avis défavorable à l’amendement du Gouvernement, qui rend, très subtilement, la majorité décisionnaire au premier collège, en substituant une majorité des voix à la majorité des sièges.
Pour les mêmes raisons, l’avis est défavorable sur l’amendement n° 160 présenté par notre collègue Guillaume Gontard.
Quant à l’amendement n° 197 rectifié, légèrement différent des deux précédents, il tend à élargir la majorité décisionnaire aux collèges composés des représentants de l’État, des collectivités territoriales et des comités de bassin. Néanmoins, pour les mêmes raisons, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 160 et 197 rectifié, car il souhaite que ce soit le collège regroupant les représentants de l’État et les personnalités qualifiées qui détienne la majorité au conseil d’administration.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Anne Chain-Larché, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la secrétaire d’État, nous avons beaucoup échangé avec vous sur cette question. Vous êtes en train de rechercher un consensus. C’est également ce que nous avons fait, en proposant de donner à l’État un pouvoir de veto, sans lui accorder la majorité des sièges.
Vous avez invoqué l’exercice de missions régaliennes. Les agents de l’ONCFS exercent bien de telles missions, sans pour autant que les représentants de l’État soient majoritaires au conseil d’administration, et cela fonctionne.
Par ailleurs, on sait très bien qu’un conseil d’administration de quarante membres ne pourrait fonctionner. Nous avons essayé de réduire l’effectif, tout en prenant en compte l’ensemble des acteurs voulant être représentés. Nous prévoyons de consentir à l’État un pouvoir de veto, mais il sera essentiel que celui-ci recherche le consensus pour aboutir à une décision. Certes, c’est ce que vous proposez, madame la secrétaire d’État, mais comprenez que nous soyons particulièrement méfiants : dans la durée, les choses peuvent évoluer. Modifier la composition du premier collège est pour nous une garantie de longévité et de bon fonctionnement de l’OFBC. (Mme Sophie Primas applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Je pense que, finalement, nos démarches et notre préoccupation sont assez proches sur ce sujet, probablement l’un des plus délicats abordés par ce texte : nous cherchons à trouver un équilibre dans la composition et l’effectif du conseil d’administration, afin que celui-ci puisse fonctionner de manière efficace. Dans cette perspective, l’objectif est qu’il compte entre trente et quarante membres. La proposition du Gouvernement est de réduire le nombre de sièges attribués au premier collège.
Notre seule divergence porte sur le point de savoir ce qu’il se passera quand le consensus ne s’établira pas, sachant que les différents membres du conseil d’administration le rechercheront de bonne foi, comme c’est aujourd’hui le cas au sein de l’ONCFS et de l’AFB. En cas d’impossibilité d’atteindre un consensus, nous considérons que, compte tenu de la nature de l’établissement, de ses missions de police, de ses pouvoirs régaliens et de son statut d’établissement public administratif, une règle de majorité claire des voix pour l’État doit s’appliquer.
En tout cas, il me semble que nous cherchons, par deux voies différentes, à favoriser le consensus au sein de l’établissement et l’équilibre entre les parties prenantes. J’y suis sensible.
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour explication de vote.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. J’ai l’impression de revivre les débats de commission mixte paritaire sur l’Agence nationale de la cohésion des territoires ! Nous avions alors essayé de trouver un consensus sur l’octroi d’un droit de veto à l’État ou aux collectivités territoriales en cas d’absence d’accord, considérant que, au sein d’une telle instance, le consensus devait être privilégié. La discussion n’a pu déboucher sur un compromis, parce que l’État a estimé que, s’agissant d’une agence d’État, il lui appartenait d’avoir le dernier mot.
Pour ma part, je rejoins la position de la commission. Il me semble sage de laisser la majorité à ceux qui composeront le conseil d’administration de l’office, en prévoyant un droit de veto pour l’État en cas de problème majeur concernant sa politique. Sinon, il se passera la même chose qu’avec l’Agence nationale de la cohésion des territoires : les membres du conseil d’administration jugeront inutile de se déplacer, puisque de toute façon c’est l’État qui décidera, que la concertation ait lieu ou non.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Guillaume Gontard l’a dit, dès lors que l’office aura un rôle de police de l’environnement, renforcé du reste par la commission, l’État doit rester garant, et il est donc tout à fait logique qu’il soit majoritaire au sein du conseil d’administration.
Je soutiens l’amendement du Gouvernement, d’autant que celui-ci a fait un véritable effort pour que suffisamment d’acteurs soient représentés au conseil d’administration, afin de favoriser le consensus. Le rapport de force se jouera sur la capacité de ces acteurs à s’entendre pour obliger l’État à tenir compte de leur position commune.
Le cas de l’Agence nationale de la cohésion des territoires est assez différent, dans la mesure où celle-ci n’exerce aucune compétence de police judiciaire. Dès lors, l’État n’a pas à être majoritaire au sein de son conseil d’administration.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. L’exemple des débats de commission mixte paritaire sur l’Agence nationale de la cohésion des territoires est pertinent. Vous l’avez dit, monsieur de Nicolaÿ, cette commission mixte paritaire n’a pas été conclusive, un compromis n’ayant pu émerger entre la proposition du Sénat de créer un droit de veto et celle du Gouvernement d’accorder à l’État une majorité simple en sièges et en voix.
Ici, le Gouvernement fait un effort de compromis en proposant de disjoindre le nombre de sièges du nombre de voix. Le nombre de personnes siégeant autour de la table est un point important ; la dynamique des discussions au sein du conseil d’administration en dépendra. Une composition équilibrée garantira le pluralisme et la recherche du consensus. L’adoption de la solution proposée par le Gouvernement serait de nature, me semble-t-il, à favoriser l’obtention d’un accord en commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour explication de vote.
M. Franck Menonville. Je soutiens pleinement la position des rapporteurs. L’idée d’instaurer un droit de veto me semble extrêmement vertueuse : il garantira la place de l’État tout en incitant les acteurs à s’entendre et à coconstruire un consensus.
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. À l’instar de Ronan Dantec, je soutiens la position du Gouvernement, qui a fait un pas en direction du Sénat. On a vu comment s’est déroulée la discussion de ce texte à l’Assemblée nationale : elle a été fluide, rapide, et il y a eu, sur chaque point, des avancées de part et d’autre pour aboutir à un équilibre.
Dès lors que la police de la chasse ou d’autres missions régaliennes seront exercées par l’établissement, il n’est pas anormal que l’État veuille garder la majorité des voix au sein du conseil d’administration, pour garantir la sécurité de tous.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Je ne comprends pas très bien, madame la secrétaire d’État. Avant le dîner, le Gouvernement nous a expliqué, la main sur le cœur, qu’il fallait réhabiliter les corps intermédiaires, être à l’écoute du secteur associatif et des acteurs économiques.
M. Dominique de Legge. Or je constate maintenant que vous voulez le consensus, mais avec vous-même…
M. Laurent Duplomb. Exactement !
M. Dominique de Legge. Vous êtes pour le consensus, mais si par hasard vous n’arriviez pas à convaincre, vous voulez pouvoir contraindre.
Il y a donc une grande ambiguïté dans votre position, un décalage entre vos propos et ceux que le Premier ministre a tenus cet après-midi pour faire suite au grand débat. Vous seriez plus crédible si vous appliquiez concrètement, dès ce soir, les engagements pris par le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 124 rectifié, présenté par Mmes Loisier et Morhet-Richaud, MM. Henno et Janssens, Mme Vullien, M. Bockel, Mme Goy-Chavent, M. de Nicolaÿ, Mme Gatel, MM. Menonville, L. Hervé, Pierre et Louault, Mme Vermeillet, MM. Cigolotti, Médevielle, Raison, Moga, Gabouty et Gremillet, Mme Sollogoub, M. Capo-Canellas, Mmes Perrot et Harribey, MM. Piednoir et Delcros, Mme Férat et M. D. Dubois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 32
Après le mot :
office
insérer les mots :
, des représentants de gestionnaires d’espaces naturels
II. – Alinéa 33
Supprimer les mots :
, de gestionnaires d’espaces naturels
La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.
Mme Anne-Catherine Loisier. Il s’agit d’un amendement de cohérence, visant à prévoir que les gestionnaires d’espaces naturels – parcs naturels régionaux, conservatoires d’espaces naturels, réserves naturelles –, qui mettent en œuvre des projets négociés avec l’État, soient représentés au sein du premier collège, avec l’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cet amendement est la reprise de l’un de ceux contre lesquels notre commission s’était prononcée. Il ne nous est en effet pas paru souhaitable que les gestionnaires d’espaces naturels, qui ont vocation, par nature, à siéger au sein du deuxième collège, soient intégrés au premier collège. J’entends bien que la composition par collèges n’a d’incidence que sur la désignation des membres du conseil d’administration, mais il ne serait pas opportun que la loi suggère que leur intérêt à agir soit d’une nature différente de celle des autres acteurs socio-économiques. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.
Mme Anne-Catherine Loisier. Je veux être sûre de bien comprendre, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur. Il s’agit ici des organismes gestionnaires de réserves naturelles ou de parcs naturels, donc d’organismes qui s’inscrivent dans des projets définis avec l’État. Il me semblait plus cohérent que leurs représentants siègent dans le même collège que ceux de l’État.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Les gestionnaires d’espaces naturels ne sont généralement pas des acteurs de l’État ; il s’agit plus souvent d’acteurs issus du monde des collectivités territoriales ou de celui des associations. Par conséquent, leurs représentants ont plutôt leur place soit dans le collège des acteurs économiques et associatifs, soit dans le collège des collectivités territoriales. Il n’y a pas de raison de les faire siéger dans le même collège que l’État.
M. le président. Madame Loisier, l’amendement n° 124 rectifié est-il maintenu ?
Mme Anne-Catherine Loisier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 124 rectifié est retiré.
L’amendement n° 211 rectifié, présenté par MM. Chaize, D. Laurent et Mayet, Mme Bruguière, M. Priou, Mme Garriaud-Maylam, M. Danesi, Mmes Morhet-Richaud, Noël, Lherbier et Lassarade, M. Lefèvre, Mme Deromedi, MM. Piednoir et Gremillet, Mme Imbert, MM. Milon, Revet et Laménie, Mme Lamure et M. Poniatowski, est ainsi libellé :
Alinéa 33
Après le mot :
agricoles
insérer le mot :
, aquacoles
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Cet amendement a pour objet d’intégrer au conseil d’administration du futur office français de la biodiversité et de la chasse des représentants des organisations professionnelles aquacoles, au même titre que sont représentées les organisations agricoles et forestières.
En effet, pour renforcer l’efficacité des politiques publiques et l’action territoriale, la gouvernance de l’établissement doit reposer sur un conseil d’administration composé de l’ensemble des organisations qui œuvrent dans le domaine de la biodiversité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. La commission a émis un avis favorable ; cette précision est bienvenue.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet un avis défavorable, dans la mesure où l’expression « organisations professionnelles agricoles » englobe déjà le secteur aquacole. En outre, notre objectif est d’instaurer un conseil d’administration resserré.
M. le président. L’amendement n° 205 rectifié, présenté par MM. Prince, D. Dubois, Bonnecarrère, Canevet et Janssens, Mmes Guidez et Férat et M. Moga, est ainsi libellé :
Alinéa 33
Remplacer les mots :
des instances cynégétiques
par les mots :
de la Fédération nationale des chasseurs
La parole est à M. Jean-Paul Prince.
M. Jean-Paul Prince. Il est toujours prévu que le conseil d’administration de l’établissement comprenne des représentants des « instances cynégétiques ». Cette appellation trop générale ne correspond pas à la réalité, une seule structure nationale représentative étant clairement identifiée.
La Fédération nationale des chasseurs est composée des fédérations départementales et interdépartementales des chasseurs, et il est donc pertinent de ne mentionner dans le texte que la Fédération nationale des chasseurs.
Cet amendement de précision est nécessaire pour éviter, à l’avenir, toute difficulté ayant trait à la désignation des représentants de cette fédération nationale, à la fois agréée et parfaitement représentative des activités cynégétiques. En outre, il y aura ainsi moins de membres !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cet amendement tend à limiter la représentation des instances cynégétiques à la seule Fédération nationale des chasseurs. Or la position d’équilibre de la commission consiste à intégrer, dans le quantum de 10 %, les représentants de la Fédération nationale des chasseurs et ceux des fédérations départementales, qui sont des acteurs essentiels de la biodiversité.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 65 rectifié, présenté par MM. Vallini, Tissot et J. Bigot, Mmes Blondin et Lepage, MM. Jeansannetas et Lozach, Mme Rossignol, M. Tourenne, Mme Conway-Mouret, M. Roger, Mmes Tocqueville, Ghali et Monier, M. Daudigny, Mme Bonnefoy, M. P. Joly et Mme Conconne, est ainsi libellé :
Alinéa 33
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les associations agréées de l’environnement comptent autant de membres au conseil d’administration que les instances cynégétiques, les instances de la pêche de loisir, les organisations professionnelles agricoles et forestières.
La parole est à M. Joël Bigot.
M. Joël Bigot. Cet amendement vise à instaurer une parité, au conseil d’administration de l’OFB, entre les représentants des associations de défense de l’environnement et les représentants des instances cynégétiques, de pêche de loisir et des organisations professionnelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Au travers de cet amendement, il est suggéré, en creux, qu’un conflit devrait structurellement opposer les associations de protection de la nature aux autres parties prenantes. Par conséquent, une disposition devrait fixer une égalité de voix entre ces deux types d’acteurs.
Outre que son adoption conduirait potentiellement à des blocages, une telle disposition ne me paraît pas envoyer le meilleur message politique quant au travail devant être mené de concert par l’ensemble des membres du conseil d’administration à venir.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est également défavorable.
En effet, le texte actuel prévoit la composition du conseil d’administration en définissant les différents collèges, mais sans être trop précis quant au nombre de représentants à l’intérieur de chaque collège.
Aussi, de même que je ne serai pas favorable à ce que l’on fixe dans le texte un pourcentage de représentants du monde de la chasse et de la pêche, il me semble que cet amendement, en établissant des normes de parité entre membres du deuxième collège, va trop loin dans la précision. Nous cherchons à ce que tous les acteurs de la biodiversité, dont les chasseurs et les organisations environnementales, soient représentés de façon équitable.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je ne crois pas me tromper en affirmant que les fédérations de chasse sont aussi des associations agréées de défense de l’environnement : on bute donc sur la rédaction même de l’amendement.
En tout état de cause, il est clair que le monde de la chasse et le monde de la protection de la nature hors chasse devront être représentés à parité dans le conseil d’administration. Sinon, cela ne fonctionnera pas. Cela étant, la rédaction de l’amendement n’est pas satisfaisante, car l’expression « associations agréées de l’environnement » recouvre un certain nombre de fédérations de chasseurs.
M. le président. L’amendement n° 105 rectifié, présenté par MM. Bérit-Débat, Houllegatte, Kanner et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Jacquin et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daunis, Cabanel et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 36
Après la seconde occurrence du mot :
ultramarins,
insérer les mots :
comportant une personne de chaque sexe dans chacune des assemblées,
La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte.
M. Jean-Michel Houllegatte. Cet amendement vise à préciser que la désignation des deux députés et des deux sénateurs appelés à siéger au conseil d’administration devra respecter le principe de parité entre hommes et femmes au sein de chaque assemblée.
Nous avons bien conscience que l’article 1er de la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes répond déjà à notre préoccupation. Nous pourrions donc considérer notre amendement comme satisfait, mais nous estimons que, en matière de parité, il est toujours utile de préciser les choses.
En outre, cette précision permettra de garantir le respect de la parité pour les parlementaires siégeant au conseil d’administration de l’office si la loi précitée devait un jour être modifiée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Vous l’avez vous-même indiqué, soit la loi du 3 août 2018 est appliquée, soit elle ne l’est pas. En l’occurrence, elle l’est, donc la parité sera respectée. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Les principes de nomination posés à l’alinéa 40 de l’article 1er sont clairs : la parité sera respectée. L’amendement étant satisfait, le Gouvernement a émis un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Houllegatte, l’amendement n° 105 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Michel Houllegatte. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 105 rectifié est retiré.
L’amendement n° 212, présenté par M. Luche, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 36
Supprimer les mots :
, désignés, respectivement, par le Président de l’Assemblée nationale et par le Président du Sénat
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cet amendement vise simplement à supprimer une mention déjà satisfaite par la loi du 3 août 2018, qui dispose que toute nomination de parlementaires à des organismes extraparlementaires relève de toute façon du président de l’assemblée concernée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 45 rectifié bis, présenté par MM. Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu, Malhuret et A. Marc et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 36
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Tout parlementaire membre du conseil d’administration de l’Office français de la biodiversité, désigné en raison de son mandat électif, peut être suppléé par un autre parlementaire issu de la même assemblée délibérante, et désigné dans les mêmes conditions que le titulaire. »
La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. L’objet de cet amendement est de prévoir, pour les parlementaires siégeant au conseil d’administration, des suppléants, désignés dans les mêmes conditions qu’eux. Cela intéresserait tant les parlementaires qui sont astreints à participer à des séances obligatoires dans leur chambre que les parlementaires ultramarins, contraints à de très longs déplacements et pas toujours consultés sur leur disponibilité lorsqu’il s’agit de fixer la date d’une réunion.
Il est désespérant que les quatre parlementaires membres d’un conseil d’administration soient parfois tous absents, en raison non pas d’un manque d’intérêt, mais de l’impossibilité pour eux de se rendre disponibles. Instaurer une suppléance remédierait à cette situation. Les parlementaires, députés ou sénateurs, sont motivés pour siéger au conseil d’administration du futur office français de la biodiversité et de la chasse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cette proposition est tout à fait judicieuse, même excellente. La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Je partage l’appréciation et l’avis de M. le rapporteur sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Le même problème se pose pour le Conseil national de la transition écologique : les parlementaires membres du conseil d’administration n’ont pas de suppléants. Si vous trouviez un véhicule législatif pour combler cette lacune, nous vous en serions reconnaissants, madame la secrétaire d’État.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour explication de vote.
M. Jean-François Rapin. Je soutiens pleinement la proposition de notre collègue Jérôme Bignon.
Que l’on ait de plus en plus besoin de suppléants pour les parlementaires siégeant dans les organismes extraparlementaires est peut-être un effet collatéral de la mise en œuvre de la règle du non-cumul des mandats. En effet, les parlementaires qui auparavant siégeaient au sein de ces organismes à un autre titre ne peuvent plus le faire. Ainsi, des parlementaires siégeaient au conseil d’administration du Conservatoire du littoral en tant que représentants d’une autre instance que leur chambre. Ils pouvaient néanmoins, le cas échéant, faire entendre la voix du Parlement. On a donc perdu, au sein de ces organismes, en quantité de parlementaires, peut-être aussi en qualité…
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 161, présenté par M. Gontard, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 38
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. La composition détaillée du conseil d’administration de l’OFB nous semble relever du règlement, et non de la loi.
Cela dit, si l’on tenait vraiment à faire figurer dans la loi la composition exacte du conseil d’administration, il conviendrait de la préciser de manière exhaustive, en indiquant le nombre total de sièges de chaque collège et la répartition de ceux-ci entre les entités représentées au conseil. Ne mentionner que la proportion de sièges alloués aux fédérations de chasse et de pêche de loisir crée une distorsion incompréhensible et malvenue ; le Sénat n’a pas à se faire l’écho de certaines revendications catégorielles.
M. le président. L’amendement n° 206 rectifié bis, présenté par MM. Prince, D. Dubois et Canevet, Mme Perrot, MM. Janssens et Bonnecarrère, Mme Guidez, M. Moga et Mme Vérien, est ainsi libellé :
Alinéa 38
Remplacer le taux :
10 %
par le taux :
20 %
La parole est à M. Jean-Paul Prince.
M. Jean-Paul Prince. Je suis pour ma part enclin à allouer 20 % des sièges au conseil d’administration aux instances nationales cynégétiques et de la pêche.
La justification de cet amendement tient au fait que les chasseurs continueront de financer l’établissement, au travers de la redevance cynégétique, à hauteur de 45 millions d’euros, tandis que les pêcheurs contribueront de leur côté pour environ 10 millions d’euros. Les structures de la chasse et de la pêche seront ainsi les seuls financeurs privés du nouvel établissement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. L’amendement n° 161 tend à supprimer le quantum défini par la commission, et l’amendement n° 206 rectifié bis vise à le faire passer de 10 % à 20 %, ce qui paraît excessif à la commission. En effet, les parties représentées sont nombreuses, et toutes doivent trouver une possibilité d’expression, sachant en outre que l’effectif du conseil d’administration doit rester resserré.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité d’avoir un conseil d’administration resserré et équilibré, mais nous ne préconisons pas forcément tous les mêmes solutions juridiques.
Je suis favorable, je l’ai déjà indiqué, à ce que le conseil d’administration compte entre trente et quarante membres, ce qui conduirait, pour une représentation équilibrée, à trois ou quatre représentants des chasseurs et des pêcheurs.
Par ailleurs, je suis défavorable à la fixation d’un quantum dans la loi. Si nous commençons à fixer un quantum de représentation pour l’une des parties, d’autres acteurs du monde de la défense de la biodiversité et de l’environnement demanderont à bénéficier d’une mesure similaire.
Par conséquent, je suis favorable à l’amendement de suppression n° 161 et défavorable à l’amendement n° 206 rectifié bis, qui fixe le quantum à 20 %.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 206 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié, présenté par MM. Dantec, Corbisez, Gabouty, Gold, Guérini et Labbé, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 38
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les représentants des associations agréées de protection de l’environnement ou d’éducation à l’environnement représentent au moins 10 % des membres du conseil d’administration. »
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Les associations de chasseurs, notamment les fédérations départementales de chasse, sont également des associations agréées de protection de l’environnement. Par conséquent, l’adoption de cet amendement pourrait conduire à allouer jusqu’à 20 % des sièges aux représentants des associations cynégétiques, en tant que telles et en tant qu’associations de protection de l’environnement… Je retire donc cet amendement avant qu’il ne crée davantage de confusion ! (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié est retiré.
L’amendement n° 196 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Pellevat, Magras, Morisset et Bascher, Mme Garriaud-Maylam, MM. Longeot et Milon, Mme Morhet-Richaud, M. D. Laurent, Mme Goy-Chavent, M. Sido, Mmes Férat et Deromedi, MM. de Nicolaÿ et Segouin, Mme Lassarade, MM. Meurant, Piednoir, Perrin et Savary, Mme Billon, M. Revet, Mmes Deroche, de Cidrac et L. Darcos, M. Raison, Mme Lamure, MM. J.M. Boyer, Duplomb, Cuypers, Laménie, Pierre, Longuet et Vaspart, Mme Ramond et M. Pointereau, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 38
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les représentants d’organisations professionnelles agricoles et forestières représentent au moins 10 % des membres du conseil d’administration. »
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Cet amendement vise tout simplement à prendre acte de la réalité de notre territoire.
Dans la mesure où l’action du futur office français de la biodiversité et de la chasse s’exercera essentiellement sur des espaces agricoles et forestiers, il est proposé d’accorder 10 % des sièges au conseil d’administration aux organisations professionnelles agricoles et forestières.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Il me semble utile, sur la délicate question du quantum, de préciser certains points.
La commission a initialement choisi de fixer un quantum minimal pour la seule représentation des chasseurs et des pêcheurs. Nous avons motivé ce choix par la structuration spécifique de ce monde, qui, contrairement aux autres parties, s’organise uniquement autour de relais associatifs, et non autour d’établissements publics ou de structures assez importantes et unifiées pour qu’une ou deux personnes suffisent à leur représentation. Entendons-nous bien, il s’agit non pas d’un traitement de faveur, mais d’un traitement spécifique, qu’appelle la spécificité de leur organisation.
Après réflexion, il nous a paru logique que cette spécificité soit étendue aux organisations agricoles et forestières, qui ne bénéficient souvent pas de l’efficacité des têtes de réseau des associations de protection de la nature. Plus que des promotrices de positions unifiées et structurées, elles sont les porte-voix de la pluralité des propriétaires fonciers directement concernés par la biodiversité.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Pour les raisons déjà précédemment évoquées, le Gouvernement est défavorable à la fixation d’un quantum pour la représentation du monde agricole et forestier.
En outre, l’argument selon lequel ce monde ne serait pas assez structuré pour pouvoir être représenté par un plus petit nombre de personnes ne me paraît pas entièrement pertinent…
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 72 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 144 rectifié est présenté par M. Houllegatte, Mmes Bonnefoy et Tocqueville et MM. J. Bigot, Jeansannetas, P. Joly, Tourenne et Daudigny.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 42
Compléter cet alinéa par les mots :
et leur déléguer certaines de ses attributions, dans des conditions définies par décret
II. – Alinéa 43
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« Art. L. 131-11.- Le Conseil d’administration peut déléguer certaines de ses attributions, dans des conditions définies par décret, aux conseils de gestion des espaces protégés placés sous la responsabilité de l’Office français de la biodiversité.
La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour défendre l’amendement n° 72.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Cet amendement du Gouvernement tend à rétablir la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. Il s’agit de donner au conseil d’administration la faculté de déléguer certaines de ses attributions, dans des conditions fixées par décret, aux conseils de gestion des espaces protégés placés sous la responsabilité de l’AFB. Des délégations d’attributions au profit de commissions spécialisées existent déjà au sein de l’AFB et elles fonctionnent bien. Cela permettrait d’éviter d’encombrer inutilement l’ordre du jour du conseil d’administration avec des décisions moins stratégiques et de trouver au travers de ces délégations le consensus que nous appelons tous de nos vœux.
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour présenter l’amendement n° 144 rectifié.
M. Jean-Michel Houllegatte. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Ces deux amendements identiques visent à rétablir une disposition que la commission a supprimée, souhaitant que le conseil d’administration exerce pleinement ses pouvoirs et ses responsabilités. La commission y est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour explication de vote.
M. Jérôme Bignon. Refuser cette possibilité de délégation serait une erreur au regard de la gouvernance du futur office. Pour siéger depuis de nombreuses années dans différents conseils d’administration d’établissements publics de l’État, je puis vous affirmer qu’exclure toute possibilité de délégation remettrait en cause leur bon fonctionnement.
Les conseils d’administration de l’actuelle Agence française de la biodiversité durent environ huit heures. Je vous laisse imaginer combien de personnes restent jusqu’à la fin… (Sourires.)
Les commissions des agences de l’eau fonctionnent de manière complètement transparente avec des délégations parfaitement claires, vérifiées lors de chaque conseil d’administration. Celui-ci entérine les décisions prises ou peut les remettre en question, le cas échéant.
En l’espèce, priver le conseil d’administration du futur office, issu du regroupement de quatre organismes publics, suivi aujourd’hui de la fusion de deux établissements, de toute capacité de délégation à des commissions spécialisées, c’est le condamner à la paralysie, alors qu’il devra gérer quelque 2 800 agents et traiter d’une foule de sujets. En matière d’attribution de subventions, par exemple, on peut plafonner les montants dont l’attribution est déléguée et laisser les décisions les plus importantes à la discrétion du conseil d’administration. Il faut être bien conscient de la façon dont se gère un établissement public avant de décider d’écarter toute possibilité de délégation à des commissions spécialisées, elles-mêmes composées d’administrateurs, et non de personnalités extérieures.
Le conseil d’administration de l’ancienne agence des aires marines protégées pouvait notamment s’appuyer, quant à lui, sur le conseil de gestion de chaque parc naturel marin.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jérôme Bignon. Si on ne permet pas au conseil d’administration de déléguer, on tue le système. Je voudrais que tout le monde en soit bien conscient.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Pour ma part, je suis plutôt de l’avis de la commission. À vouloir déléguer des attributions, on risque de vider de sa substance le futur office français de la biodiversité et de la chasse. Je préfère qu’il garde une entière capacité de décision. Ne sachant pas quelles attributions pourraient être déléguées, ce point étant renvoyé à un décret, je ne puis être favorable à ces amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 72 et 144 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 47 rectifié bis est présenté par MM. Bonhomme et Bazin, Mme Duranton, MM. Brisson et Segouin, Mme Puissat, M. Piednoir, Mme Berthet, M. Sol, Mmes Troendlé, Bruguière, Morhet-Richaud, Deromedi et Garriaud-Maylam, M. Bizet, Mme Lassarade, MM. Courtial, Saury, Chatillon, Gilles, Longuet, Darnaud, Pointereau, Vogel et de Nicolaÿ, Mme A.M. Bertrand et MM. Rapin et Forissier.
L’amendement n° 49 rectifié quinquies est présenté par Mme Noël, MM. D. Laurent, Pellevat, B. Fournier, Dallier, Pierre, Chaize et Lefèvre, Mme Raimond-Pavero et MM. Kennel, Sido, Husson et Gremillet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 58
Compléter cet alinéa par les mots :
, sous réserve de garantir la préservation des ressources des agences de l’eau, en maintenant la stabilisation de leur contribution financière au budget de l’Office français de la biodiversité
La parole est à M. François Bonhomme, pour présenter l’amendement n° 47 rectifié bis.
M. François Bonhomme. L’Office français de la biodiversité et de la chasse sera issu de la fusion de l’Agence française de la biodiversité et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage.
Ces deux agences étatiques étaient jusqu’alors largement financées par les recettes des agences de l’eau. L’article 75 du projet de loi de finances pour 2019 prenait en compte la baisse des redevances cynégétiques à la suite des engagements pris par le Gouvernement le 28 août 2018. Or la création d’une structure de la taille de l’OFBC implique nécessairement l’attribution d’un budget de fonctionnement important, au regard de l’ambition affichée d’en faire un outil performant.
L’allocation d’une partie des recettes des agences de l’eau au financement de la politique de protection de la biodiversité et de la chasse met à mal le principe selon lequel « l’eau paye l’eau » et éloigne de la logique du « pollueur-payeur » qui prévaut pour la politique de l’eau. La rupture avec ce principe sacro-saint risque d’affaiblir davantage la politique locale de l’eau, pourtant essentielle aux collectivités territoriales.
La mise à contribution régulière, depuis des années, du budget des agences de l’eau par l’État a amené ces dernières à réduire fortement leur politique d’investissement, notamment en matière de réseaux d’eau et d’assainissement.
Cet amendement vise à stabiliser dans le temps la contribution financière versée par les agences de l’eau au nouvel office, afin de préserver la politique locale de l’eau du risque d’un affaiblissement supplémentaire dont les effets seraient particulièrement dommageables pour les collectivités locales.
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour présenter l’amendement n° 49 rectifié quinquies.
Mme Sylviane Noël. Il s’agit d’un amendement de principe.
Les représentants des élus et des territoires que nous sommes ne peuvent cautionner plus longtemps le siphonnage régulier du budget des agences de l’eau, qui a des répercussions très fortes sur la prise en charge des investissements des collectivités territoriales en faveur des réseaux d’eau et d’assainissement.
Le principe selon lequel l’eau paie l’eau doit être sacralisé, d’autant que les agences de l’eau vont devoir relever des défis très importants liés au réchauffement climatique : multiplication des inondations et des sécheresses, raréfaction des ressources en eau, élévation du niveau de la mer…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Madame la secrétaire d’État, les différents présidents de commission vous ont interpellée à plusieurs reprises sur ce problème des 40 millions d’euros qui manquent pour le financement du futur office. Comme l’ont souligné nos collègues, nous ne souhaitons pas que ce financement soit assuré par une augmentation des contributions des agences de l’eau. C’est pourquoi la commission est favorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Je partage votre ambition de voir cet établissement pleinement financé par des crédits budgétaires.
Le futur office résultera de la fusion de l’AFB et de l’ONCFS. Or l’AFB est déjà financée par les agences de l’eau, dans la mesure où elle concourt au développement de la biodiversité, l’un des objectifs des agences de l’eau étant de préserver la qualité de l’eau et des écosystèmes favorables au maintien de la ressource en eau. D’ailleurs, la deuxième phase des assises de l’eau, qui vient de s’ouvrir, traite du grand cycle de l’eau autour des notions de partage, de protection, d’économie de la ressource en eau et de recherche de solutions fondées sur la nature.
L’ONCFS, en revanche, n’est pas financée par les agences de l’eau. La fusion des deux établissements n’a pas vocation à se traduire par une ponction supplémentaire sur les budgets de celles-ci.
Néanmoins, comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner à plusieurs reprises, ce point sera traité dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020. Je ne souhaite donc pas que cette question soit préemptée dans le présent texte. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je voudrais donner quelques chiffres éloquents concernant les prélèvements opérés sur le budget des agences de l’eau au profit de l’AFB. On est passé de 145 millions d’euros à 260 millions d’euros en 2018, auxquels se sont ajoutés un nouveau prélèvement de 37 millions d’euros au profit de l’ONCFS et une augmentation du prélèvement annuel sur les ressources en faveur du budget de l’État, porté de 175 millions à 200 millions d’euros. En 2018, on a donc prélevé 177 millions d’euros de plus !
Évidemment, on ne s’en est pas tenu là : en 2019, on a inventé un système très ingénieux, dit du « plafond mordant », qui institutionnalise définitivement la rafle par l’État de tout ce qui dépasse un certain montant, à savoir environ 200 millions d’euros supplémentaires chaque année.
Cela fait donc bien longtemps, malheureusement, que l’eau ne finance plus l’eau. On en vient ainsi à entendre des choses assez extraordinaires : lorsque j’ai attiré votre attention en commission, madame la secrétaire d’État, sur le fait que les assises de l’eau avaient souligné la nécessité de régénérer les réseaux, vous avez indiqué que ces investissements seraient financés par un prêt de 2 milliards d’euros à long terme de la Caisse des dépôts et consignations. Je l’ai noté pour être sûr de ne pas trahir votre pensée aujourd’hui… Comme les agences de l’eau ne sont plus en mesure de financer la rénovation du réseau, on est obligé d’emprunter !
Quant aux 40 millions d’euros annuels qui manquent pour le nouvel office, vous avez d’ores et déjà annoncé en commission que les 10 millions d’euros qui étaient à la charge de l’État au titre du soutien aux actions des fédérations en faveur de la préservation de la biodiversité seraient prélevés sur le budget des agences de l’eau. En ce qui concerne les 30 millions d’euros restants, vous nous avez dit et répété, en commission comme lors de la discussion générale, que vous étiez bien consciente du problème, que l’on allait trouver des solutions, que l’on allait essayer de les financer via le budget général de l’État…
Cela n’est pas acceptable ! Le Gouvernement nous dit la même chose à chaque fois. Pour le financement de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, Mme Gourault nous a également renvoyés au projet de loi de finances pour 2020 : « circulez, il n’y a rien à voir » ! Voilà quinze jours, c’est Mme Borne, lors de la discussion du projet de loi d’orientation des mobilités, qui nous expliquait qu’il manquait 500 millions d’euros par an, qu’elle partageait notre souci de trouver les financements, mais qu’on verrait cela plus tard… Ce soir, on nous redit la même chose pour ces 40 millions d’euros, et ainsi de suite ! Je vous le dis avec beaucoup de véhémence, ce n’est pas acceptable !
Beaucoup des membres de notre assemblée ont été élus locaux, certains d’entre nous siègent encore dans des collectivités, même si, malheureusement, nous ne pouvons plus être à la tête d’un exécutif. Imagine-t-on un maire proposer à son conseil municipal de construire un gymnase ou d’améliorer le service « petite enfance » sans préciser comment il compte financer ?
Madame la secrétaire d’État, l’attitude du Gouvernement n’est ni sérieuse ni responsable ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Madame la secrétaire d’État, vous ne pouvez noyer la question du financement sous un flot de bonnes paroles, en nous administrant une camomille à une heure du matin ! (Sourires.) À un moment donné, il faut prendre des engagements forts.
Le budget des agences de l’eau est siphonné, pour reprendre le mot de Mme Noël, depuis plus de cinq ans. Chaque année, nous avons droit au même discours, dont la répétition devient insupportable.
Les agences de l’eau ont dû réviser leurs programmes à la baisse. Les communes voient aujourd’hui ce que cela signifie : reports de projets, diminutions d’aides… Ce sont les collectivités locales qui subissent les conséquences de ces ponctions successives.
Vous ne pouvez vous contenter de nous renvoyer à plus tard ! Vous dites que l’office n’a pas vocation à être financé par les agences de l’eau, mais qu’il faut attendre les arbitrages : on sait ce que cela signifie ! Lors de la discussion de la loi de finances pour 2020, nous serons une fois de plus « marron ». Les corps intermédiaires sont censés devoir être réhabilités, mais, en réalité, rien ne change ! Les rapports de l’Inspection générale des finances et du Conseil général de l’environnement et du développement durable avaient très bien souligné cette débudgétisation qui affecte la lisibilité des politiques de l’État.
L’eau paie l’eau, c’est un principe essentiel. Le Gouvernement ne peut continuer à se défausser en faisant les poches des agences de l’eau à chaque problème de financement. Il faut trouver une solution budgétaire pérenne et en finir avec ce débat récurrent.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Je voudrais apporter quelques précisions complémentaires sur ce sujet sensible.
Le niveau du onzième programme des agences de l’eau est à peu près équivalent à celui du neuvième programme. Le niveau du dixième programme était plus élevé, mais ce programme finançait de manière exceptionnelle la mise aux normes d’un certain nombre de stations d’épuration.
À l’intérieur du onzième programme, 3,5 milliards d’euros sont affectés directement à l’eau et à l’assainissement. Je confirme, monsieur le président de la commission, que, en complément, la Caisse des dépôts et consignations a mobilisé une enveloppe de 2 milliards d’euros de prêts sur soixante ans, qui permet de boucler les financements de projets d’assainissement à très longue durée.
La situation des agences de l’eau et de leur financement est tendue, je le conçois. Ces sujets ont fait l’objet de discussions budgétaires nombreuses avant mon arrivée au ministère, qui ont mené à l’adoption des lois de finances précédentes. Cela a aussi conduit à mettre un terme à la pratique des prélèvements réguliers sur le fonds de roulement des agences de l’eau.
Maintenant que la situation des agences de l’eau est stabilisée et que le onzième programme a été voté, je vous redis la volonté de mon ministère et du Gouvernement de ne pas effectuer de prélèvements supplémentaires sur le budget des agences de l’eau pour financer non pas la fusion en tant que telle, mais la baisse du prix du permis de chasse. Le Président de la République a lui-même confirmé à Gréoux-les-Bains, à l’occasion du grand débat, que la baisse du prix du permis de chasse n’avait pas vocation à être financée par les agences de l’eau.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je ne souhaitais pas intervenir, mais vous m’y obligez, madame la secrétaire d’État.
M. le président de la commission l’a dit : de plus en plus de maires, d’équipes municipales sont obligés de revoir complètement leurs projets en matière d’eau et d’assainissement faute de financement par les agences de l’eau. Quand on sait comment sont traitées les populations en matière d’assainissement non collectif, vous entendre est insupportable !
J’ai ici un courrier de l’agence de l’eau de mon territoire, qui m’indique qu’elle n’est plus en mesure de traiter un problème de réduction des fuites sur le réseau d’eau. Telle est la réalité ! Un grand nombre de dossiers présentés par les communes n’aboutissent plus en raison du désengagement financier des agences de l’eau.
Le niveau du onzième programme est satisfaisant, nous dites-vous, mais il est insuffisant pour réduire les fuites sur le réseau ou gérer l’assainissement, collectif ou non.
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour explication de vote.
M. Pierre Médevielle. J’irai dans le sens du président Maurey et de Daniel Gremillet.
Dans le monde agricole, nous avons assisté, en 2018, à des scènes assez étonnantes aux quatre coins de notre pays. Un peu partout, il a fallu recourir à des approvisionnements par citernes. Dans le sud, nous avons été dépannés en foin et en fourrages par l’Espagne, pays pourtant beaucoup plus aride que le nôtre. Voilà qui souligne nos insuffisances en matière de retenues d’eau.
Le maintien des programmes des agences de l’eau est insuffisant, madame la secrétaire d’État. Il y a urgence. Tous les directeurs d’agence de l’eau que nous avons auditionnés savent qu’ils vont devoir faire face à une augmentation exponentielle des dépenses en matière de construction de retenues d’eau et de rénovation du réseau. Dans certaines villes, on a frôlé la catastrophe pour l’approvisionnement en eau potable.
Comme vous l’avez souligné, il faut vraiment mettre fin aux ponctions sur le budget des agences de l’eau, car celles-ci risquent de ne plus pouvoir financer quoi que ce soit. Comment trouver les 40 millions d’euros manquants ? Si vous avez une réponse à nous donner, madame la secrétaire d’État, je suis preneur…
M. François Bonhomme. En réformant l’État, peut-être ?
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Décidément, madame la secrétaire d’État, nous ne nous comprenons pas, sans doute parce que nous ne parlons pas couramment, pour notre part, le « en même temps »… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous venez de nous expliquer que les agences de l’eau n’ont pas vocation à financer la baisse du prix du permis de chasse ni à financer davantage l’office qu’elles ne le font aujourd’hui. Or cela correspond exactement à l’objet de ces deux amendements identiques. Je n’arrive donc pas à comprendre pourquoi vous vous y opposez ! Il faut voter ces amendements, ne serait-ce que pour répondre à vos vœux… (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Si le niveau du onzième programme des agences de l’eau est stabilisé, madame la secrétaire d’État, c’est parce que nous finançons moins les projets en matière d’assainissement et parce que l’on augmente les prélèvements au bénéfice des agences de l’eau sur les factures d’eau, via la taxe sur pollution, en hausse constante. Cela ne va pas pouvoir continuer indéfiniment…
Le manque de financement des projets, notamment en matière d’assainissement individuel en zone de montagne, va à l’encontre de la préservation de la biodiversité.
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.
M. Michel Raison. Je ferai une simple remarque d’ordre philosophique…
Cet après-midi, le Premier ministre nous a livré une sorte de compte rendu du grand débat, dont l’organisation a représenté un travail considérable à l’échelle du pays. Nous avons notamment appris que les Français n’aiment pas payer des impôts et qu’ils veulent plus de justice… (Sourires.)
Permettez-moi, madame la secrétaire d’État, de vous donner un conseil, propre à vous simplifier la tâche et à éviter la tenue d’un nouveau « grand débat » : il suffit d’écouter les parlementaires, qui sont là pour vous aider, pas pour vous offenser ou vous contredire. Les interventions de mes collègues vont toutes dans le même sens : on peut penser qu’elles reflètent la réalité de ce qu’ils vivent au quotidien, peut-être même mieux que les contributions recueillies au cours du grand débat. C’est peut-être une leçon à retenir, au regard des vérités de La Palisse que nous a exposées le Premier ministre cet après-midi… (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Je voterai ces amendements. Nos concitoyens s’imaginent que le produit de leur redevance sert à financer la rénovation des réseaux et les projets d’assainissement. Ces travaux sont indispensables à la préservation de la biodiversité. Pour plus de clarté, il faut effectivement que l’eau paie l’eau.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Cette interpellation est légitime, mais le présent texte n’est pas le bon vecteur législatif. La question du financement doit être traitée dans le cadre du projet de loi de finances.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 47 rectifié bis et 49 rectifié quinquies.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 214, présenté par M. Luche, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 60
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, qui vise à supprimer un doublon.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par Mme Estrosi Sassone, MM. Cardoux, J.M. Boyer, Milon, Dufaut, Leleux et Mouiller, Mmes Morhet-Richaud, Puissat, Berthet et Deromedi, M. Sol, Mmes Chauvin et Di Folco, MM. Revet, Segouin et Lefèvre, Mmes Garriaud-Maylam, Gruny, Bruguière, Raimond-Pavero, Micouleau et Lassarade, MM. Sido, Darnaud, Bonhomme, Piednoir, Panunzi, Charon et Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, MM. B. Fournier, Chatillon et Mandelli, Mme Imbert, MM. Daubresse et Genest, Mme M. Mercier, MM. Calvet et Laménie, Mme Duranton, MM. Bouchet, Vial, Duplomb, Husson et Rapin, Mme A.M. Bertrand et MM. Pierre, Priou, Cuypers, Raison, Poniatowski, Gremillet et Perrin, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le Gouvernement remet au Parlement avant le 1er janvier 2020, un rapport sur la méthodologie de recensement et de comptage des loups. Le rapport peut émettre des propositions permettant, le cas échéant, de remédier aux difficultés constatées.
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Cet amendement vise à demander au Gouvernement de remettre au Parlement, avant le 1er janvier 2020, un rapport sur la méthodologie de recensement et de comptage des loups. Ce rapport pourra émettre des propositions de nature à permettre, le cas échéant, de remédier aux difficultés constatées.
Tout le monde s’accorde à reconnaître que la réalité de terrain ne correspond pas du tout aux résultats des multiples études réalisées par les différents acteurs au service de l’État et que le nombre de loups estimé ne reflète pas non plus le nombre d’attaques.
Je sais que, par principe, notre assemblée n’est pas favorable aux demandes de rapport. Il nous semble toutefois important, en l’espèce, de fiabiliser les méthodes de comptage eu égard à la problématique lourde que représente la présence de loups dans un certain nombre de territoires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Nous sommes d’accord sur la nécessité de connaître plus précisément le nombre de loups. Pour autant, nous ne sommes pas favorables aux demandes de rapport. Pour cette raison, la commission vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, ma chère collègue ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Madame Estrosi Sassone, l’amendement n° 4 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Dominique Estrosi Sassone. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Quand le Sénat a commencé à se préoccuper du comptage des loups, j’ai demandé au ministre de l’environnement de l’époque, M. Hulot, comment étaient comptés les loups et si les chiffres avancés par l’ONCFS – qui étaient alors de 470 ou 480 loups – étaient fiables. Il m’a répondu que les chiffres étaient parfaitement fiables et que la méthode de comptage utilisée était celle dite « capture, lâcher, capture ». J’avoue humblement que je ne savais pas de quoi il pouvait s’agir. Je me suis donc renseigné, et j’ai découvert avec stupéfaction que cette méthode consistait à capturer des loups, à les marquer, à les relâcher puis à tenter de les capturer de nouveau deux ou trois mois après, une formule savante permettant de déterminer le chiffre de la population en fonction du pourcentage de loups recapturés… J’ai alors demandé s’il était si facile de capturer des loups. On m’a répondu que la méthode était en réalité appliquée en collectant les excréments laissés par les loups sur leur trajet. En fait de méthode parfaitement fiable, c’est plutôt de l’enfumage !
Le Sénat a désigné un expert qui, de manière très objective, a évalué la population de loups en France à 800 individus, alors que l’ONCFS avance le chiffre de 480. Il semble donc que le seuil de 500 loups fixé par le Gouvernement soit largement atteint et qu’il conviendrait maintenant de prendre des initiatives pour répondre à la détresse des éleveurs, qui a bouleversé l’expert que nous avions missionné.
Je ne sais pas s’il est opportun de demander un rapport, mais je souhaitais apporter ce témoignage, car il y a urgence.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Je vois cet amendement comme un amendement d’appel, eu égard à la détresse de ceux qui pratiquent l’agropastoralisme.
Je voudrais préciser que certains des animaux qui ont été capturés ne sont pas, génétiquement, des loups à 100 %. Cela pose problème au regard de la convention de Berne, qui ne vise que les loups. Il y a déjà beaucoup trop de loups, et on se pose à mon avis beaucoup trop de questions : il faudra en venir à des méthodes de régulation plus simples, comme l’abattage, que certains pratiquent d’ailleurs déjà, sans se soucier du cadre légal…
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 27 rectifié, présenté par Mmes Micouleau, Deromedi et L. Darcos, M. Allizard, Mme Morhet-Richaud, M. Bonhomme, Mme Bruguière, MM. Grand, Kennel, D. Laurent et Mandelli, Mme M. Mercier, MM. Milon, Revet, Sido et Vogel, Mme Lassarade, MM. Saury, Henno et de Legge, Mmes Garriaud-Maylam, Billon et Lamure, MM. Laménie et Husson et Mme Duranton, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 110-3 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après la première occurrence du mot : « biodiversité », sont insérés les mots : « et de la géodiversité » ;
2° Au deuxième alinéa, après le mot : « compte », sont insérés les mots : « de l’ensemble des inventaires naturalistes portés par l’État et ».
La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. L’État a amorcé, voilà plus de dix ans, l’inventaire national du patrimoine géologique.
Le présent amendement vise à la prise en compte, dans le cadre d’une stratégie nationale en faveur de la conservation du patrimoine naturel, des résultats de cet inventaire et de tout autre inventaire géologique à venir soutenu par l’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Géodiversité et biodiversité ne se confondent pas. Nous examinons ici un projet de loi dont le périmètre se limite à l’Office français de la biodiversité et de la chasse. Je suis donc contraint d’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
La conservation et la valorisation du patrimoine géologique sont déjà assurées par deux organes particuliers, le Muséum national d’histoire naturelle et le Bureau de recherches géologiques et minières. L’ajout parmi les missions de l’OFBC d’une dimension relative à la géodiversité pourrait produire une confusion dommageable. Par ailleurs, dans un contexte de rapprochement et de financement contraint, il ne semble pas souhaitable d’étendre ces missions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Pour les raisons exposées par la commission, l’avis du Gouvernement est également défavorable.
La stratégie nationale pour la biodiversité est adoptée en application de la convention sur la diversité biologique, qui ne prévoit pas d’objectifs concernant la géodiversité. Il ne nous paraît pas souhaitable d’élargir son champ au-delà des obligations internationales ni d’ajouter une obligation juridique aux stratégies régionales pour la biodiversité, comme le prévoit le deuxième point de cet amendement. Nous avons déjà intégré la géodiversité en complément de la définition de la biodiversité dans le code de l’environnement.
M. le président. L’amendement n° 181 rectifié, présenté par MM. Dantec, Arnell, Corbisez, Gabouty, Labbé et Léonhardt, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 341-16, les mots : « de nature, » sont supprimés ;
2° Le livre III est complété par un titre … ainsi rédigé :
« Titre…
« Comité départemental de la biodiversité
« Art. L. …. – Un comité départemental de la biodiversité est créé dans chaque département. Il assure le suivi de la mise en œuvre des politiques de l’État et des collectivités territoriales en matière de biodiversité à l’échelle départementale.
« Le comité départemental de la biodiversité est présidé par le représentant de l’État dans le département. Ce comité comprend notamment des représentants des collectivités territoriales concernées et de leurs groupements, des représentants de l’État et de ses établissements publics, des organismes socioprofessionnels intéressés, des propriétaires et des usagers de la nature, des gestionnaires d’espaces naturels et des associations de protection de la nature au sens des articles L. 141-1 et L. 141-3 du présent code, de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs, de la fédération départementale ou interdépartementale pour la pêche et pour la protection des milieux aquatiques, ainsi que des scientifiques ou représentants d’organismes de recherche, d’études ou d’appui aux politiques publiques et des personnalités qualifiées.
« Art. L. …. – Son domaine de compétence, sa composition et son fonctionnement sont fixés par décret. » ;
3° La section 3 du chapitre Ier du titre II du livre IV est abrogée ;
4° À l’article L. 425-5-1, les mots : « de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage réunie dans sa formation spécialisée pour l’indemnisation des dégâts de gibier aux cultures et aux récoltes agricoles » sont remplacés par les mots : « du comité départemental de la biodiversité » ;
5° Aux articles L. 425-8 et L. 425-12, les mots : « la commission départementale compétente en matière de chasse ou de faune sauvage » sont remplacés par les mots « le comité départemental de la biodiversité » ;
6° L’article L. 426-5 est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « la commission départementale compétente en matière de chasse ou de faune sauvage » sont remplacés par les mots : « le comité départemental de la biodiversité » ;
b) À l’avant-dernière phrase du même premier alinéa, les mots : « une commission départementale », sont remplacés par les mots : « un comité départemental » ;
c) Au deuxième alinéa, les mots : « commissions départementales compétentes en matière de chasse et de faune sauvage » sont remplacés par les mots : « comités départementaux de la biodiversité ».
II. – À l’article L. 111-9, au premier alinéa de l’article L. 121-10, au deuxième alinéa de l’article L. 121-12, aux articles L. 121-27 et L. 121-29, aux premiers alinéas des articles L. 121-39 et L. 121-41, aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 122-7, à la seconde phrase du 3° de l’article L. 122-11, aux première et seconde phrases du 2° de l’article L. 122-14 et à la deuxième phrase du second alinéa de l’article L. 122-21 du code de l’urbanisme, les mots : « commission départementale de la nature, des paysages et des sites » sont remplacés par les mots : « commission départementale des paysages et des sites ».
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement porte sur la question, non encore abordée par la loi, de la présence du département dans l’organisation générale en matière de préservation de la biodiversité. Bien évidemment, il ne s’agit pas d’ajouter des structures à tous les niveaux de collectivités territoriales. Il existe déjà aujourd’hui, à l’échelle du département, au moins deux structures qui s’occupent de biodiversité : la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage, avec sa formation spécialisée dans l’indemnisation des dégâts de gibier, et la commission départementale des sites, perspectives et paysages. Il est proposé de fusionner ces deux structures. La composition de la nouvelle instance s’inspirerait de celle de l’office national de la biodiversité et de la chasse.
Dans la loi NOTRe, nous n’avons pas supprimé la TDENS, la taxe départementale des espaces naturels sensibles. De ce fait, le département reste un acteur de la biodiversité, mais il n’a pas d’interlocuteur, d’où l’idée de créer un comité départemental de la biodiversité en fusionnant les deux structures existantes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. L’évolution proposée par notre collègue ferait perdre aux commissions départementales de la nature, des sites et des paysages leur composante « nature », qui constitue un élément utile à l’appréciation des questions paysagères et patrimoniales.
Il nous semble par ailleurs que les évolutions récentes de la gouvernance territoriale en matière de biodiversité conduisent à privilégier l’échelon régional, ce qui ne plaide pas en faveur de la mise en place d’un nouvel échelon départemental.
Enfin, il ne nous paraît pas opportun de remettre en cause l’objet actuel et l’existence des commissions départementales de la chasse et de la faune sauvage, dont les missions portent majoritairement sur les questions cynégétiques et qui constituent des instances de consultation bien identifiées dans les territoires.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. En effet, l’échelon de coordination en la matière est plutôt l’échelon régional. Par ailleurs, il semblerait un peu dommage de disjoindre la thématique « nature » des thématiques « paysages » et « sites » au niveau départemental.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. J’étais bien conscient qu’un amendement d’une telle portée, dont l’adoption bouleverserait les équilibres existants, avait peu de chances de recueillir des avis favorables.
Cependant, les explications de la commission et du Gouvernement ne permettent pas de sortir des contradictions. Si l’échelon de coordination pertinent est l’échelon régional, il faut aller au bout de la logique et transférer la TDENS aux régions.
Par ailleurs, madame la secrétaire d’État, pourquoi ne pas renforcer la commission spécialisée au sein de la commission départementale des sites, perspectives et paysages ? Cela pourrait être une piste à explorer.
Quoi qu’il en soit, la situation actuelle n’est pas satisfaisante. M. le Premier ministre y a fait allusion cet après-midi, la loi NOTRe n’a pas permis d’aboutir à un système cohérent. Je suis à peu près certain que l’on en viendra un jour à constituer une structure départementale rassemblant tous les acteurs ou à transférer la TDENS à la région. Il faudra choisir entre ces deux solutions !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 181 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er bis A (nouveau)
Le III de l’article L. 334-1 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le 2° est complété par les mots : « 0, et le cas échéant, les périmètres de protection de ces réserves, prévus à l’article L. 332-16 » ;
2° Au 3°, les mots : « arrêtés de biotopes » sont remplacés par les mots : « arrêtés de protection des biotopes, des habitats naturels et des sites d’intérêt géologique » ;
3° Sont ajoutés un 10° et un 11° ainsi rédigés :
« 10° Les aires marines protégées créées en application des codes de l’environnement de Polynésie française, de Nouvelle-Calédonie, de Wallis et Futuna ;
« 11° Les aires marines ou ayant une partie marine délimitées par la France en application des instruments régionaux ou internationaux suivants :
« a) Au titre des instruments internationaux :
« – la convention relative aux zones humides d’importance internationale, particulièrement comme habitats des oiseaux d’eau, signée à Ramsar le 2 février 1971 ;
« – la convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, adoptée par la 17e conférence générale de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture le 16 novembre 1972 ;
« – la résolution n° 28C/24 adoptée par la 28e conférence générale de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture le 14 novembre 1995, approuvant la Stratégie de Séville pour les réserves de biosphère et adoptant le cadre statutaire du réseau mondial de réserves de biosphère ;
« b) Au titre des instruments régionaux :
« – pour la Méditerranée, le protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée, signé à Barcelone le 10 juin 1995 ;
« – pour l’océan Atlantique du Nord-Est, l’annexe V à la convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est sur la protection et la conservation des écosystèmes et de la diversité biologique de la zone maritime et l’appendice 3 correspondant, signée à Sintra le 23 juillet 1998 ;
« – pour l’océan Atlantique, région des Caraïbes, le protocole relatif aux zones et à la vie sauvage spécialement protégées dans la région des Caraïbes, signé à Kingston le 18 janvier 1990 ;
« – pour l’océan Indien, le protocole relatif aux zones protégées ainsi qu’à la faune et à la flore sauvages dans la région de l’Afrique orientale signé à Nairobi le 21 juin 1985 ;
« – pour l’Antarctique, l’annexe V au protocole au traité sur l’Antarctique relatif à la protection de l’environnement, la protection et la gestion des zones, signé à Madrid le 4 octobre 1991 ;
« – pour le Pacifique sud, la convention sur la protection de la nature dans le Pacifique Sud, signée à Apia le 12 juin 1976.
« Un décret en Conseil d’État définit la procédure au terme de laquelle sont identifiées d’autres catégories d’aires marines protégées. » – (Adopté.)
Article 1er bis B (nouveau)
Après l’article L. 211-5-1 du code l’environnement, il est inséré un article L. 211-5-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 211-5-2. – Dans le cadre des systèmes d’information sur la biodiversité, l’eau et les milieux aquatiques et les milieux marins, l’État peut agréer suivant une procédure qui fera l’objet d’un arrêté un ou plusieurs organismes spécialisés dans la conception, la réalisation et la promotion des spécifications d’échange de données et des services associés afin de confier des missions d’intérêt général d’expertise et d’appui aux autorités.
« Les agréments délivrés en application du présent article sont révisés régulièrement et peuvent être retirés lorsque les organismes ne satisfont plus aux conditions qui ont conduit à les délivrer. » – (Adopté.)
Article 1er bis
L’article L. 414-10 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, après le mot : « sauvage », sont insérés les mots : « , de la fonge » ;
2° Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’Office français de la biodiversité et de la chasse assure la coordination technique des conservatoires botaniques nationaux. »
M. le président. L’amendement n° 42 rectifié, présenté par MM. Bignon, Capus, Decool, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu, Malhuret et A. Marc et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, des végétations
La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. Les amendements nos 42 rectifié, 43 rectifié et 44 rectifié concernent les missions des conservatoires botaniques. Ils visent à compléter ou à préciser l’article L. 414-10 du code de l’environnement.
Concernant l’amendement n° 42 rectifié, la précision proposée est importante, notamment dans la perspective de la définition des zones humides.
M. le président. L’amendement n° 43 rectifié, présenté par MM. Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu, Malhuret et A. Marc et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :
« Ils assurent la validation et la gestion durable des données qu’ils produisent, collectent et agrègent pour le compte des pouvoirs publics. Ils contribuent ainsi à la mise en œuvre du système d’information sur la biodiversité et donnent accès aux données dans le respect des lois et règlements en vigueur. » ;
La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. La rédaction du quatrième alinéa de l’article L. 414-10 mérite d’être révisée, pour préciser le nouveau rôle des conservatoires botaniques et rappeler que les principes et règles d’accès, de diffusion et de réutilisation des données publiques qui prévalent aujourd’hui sont définis dans la loi.
M. le président. L’amendement n° 44 rectifié, présenté par MM. Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu, Malhuret et A. Marc et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce décret précise en particulier les missions d’intérêt général qui sont confiées par l’État aux conservatoires botaniques nationaux. »
La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. Il est essentiel de prévoir que le décret d’application de l’article L. 414-10 devra préciser les missions d’intérêt général assurées par les conservatoires botaniques nationaux, pour mieux les distinguer des activités qu’ils peuvent avoir par ailleurs dans le champ concurrentiel.
Ces trois amendements peuvent sembler un peu techniques et guère passionnants, mais ils sont extrêmement utiles, dans la mesure où les conservatoires botaniques nationaux jouent un rôle essentiel dans la préservation de la biodiversité. Ils seront des outils très utiles au service du nouvel office français de la biodiversité et de la chasse.
M. Jérôme Bascher. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. La commission estimant ces précisions bienvenues, elle a émis un avis favorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Le Gouvernement est également favorable à ces trois amendements. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis, modifié.
(L’article 1er bis est adopté.)
Article 2
I. – Le chapitre II du titre VII du livre Ier du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° A À la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 172-2, les mots : « dans les ressorts des tribunaux de grande instance limitrophes de la région ou du département de leur résidence administrative » sont remplacés par les mots : « sur l’étendue du territoire national » ;
1° Le premier alinéa de l’article L. 172-4 est ainsi rédigé :
« Les inspecteurs de l’environnement mentionnés à l’article L. 172-1 et les autres fonctionnaires et agents de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, habilités au titre des polices spéciales du présent code à rechercher et à constater les infractions aux dispositions du présent code et des textes pris pour son application, exercent leurs compétences dans les conditions prévues à la présente section. Lorsqu’ils sont habilités à rechercher et à constater des infractions à d’autres dispositions législatives, ils exercent leurs compétences dans ces mêmes conditions. » ;
1° bis A (nouveau) Le second alinéa de l’article L. 172-8 est ainsi modifié :
a) Les mots : « à l’article » sont remplacés par les mots : « aux articles 24 et » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Le fait, sans motif légitime, de ne pas déférer à la convocation à l’audition est constitutif de l’infraction d’obstacle aux fonctions prévue à l’article L. 173-4 du présent code. » ;
1° bis L’article L. 172-10 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les inspecteurs de l’environnement mentionnés à l’article L. 172-1 affectés à l’Office français de la biodiversité et de la chasse peuvent recevoir du juge d’instruction des commissions rogatoires. » ;
2° L’article L. 172-11 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ils peuvent également procéder aux réquisitions prévues aux articles 77-1, 77-1-1 et 77-1-2 du code de procédure pénale, dans les mêmes conditions que celles prévues pour les officiers de police judiciaire. » ;
3° L’article L. 172-12 est ainsi modifié :
a) Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Procéder à la saisie de l’objet ou du produit direct ou indirect de l’infraction, y compris les animaux, les végétaux et les minéraux, leurs parties ou leurs produits, ainsi que des armes et munitions, objets, instruments et engins ayant servi à commettre l’infraction ou y étant destinés ; »
b) Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :
« La saisie est constatée par procès-verbal établi par leurs soins. » ;
c) Le dernier alinéa est supprimé ;
4° L’article L. 172-13 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Les quatre derniers alinéas sont remplacés par des II à IV ainsi rédigés :
« II. – Sur autorisation du procureur de la République délivrée par tout moyen, les fonctionnaires et agents mentionnés à l’article L. 172-4 peuvent procéder ou faire procéder au placement des animaux et végétaux viables saisis dans un lieu de dépôt prévu à cet effet.
« Lorsque leur conservation n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité, les fonctionnaires et agents mentionnés au même article L. 172-4 peuvent procéder ou faire procéder :
« 1° À la remise des animaux non domestiques ou non apprivoisés et des végétaux non cultivés, saisis dans un état viable, dans le milieu naturel où ils ont été prélevés ou dans un milieu compatible avec leurs exigences biologiques ;
« 2° (Supprimé)
« 3° À la destruction des animaux susceptibles d’occasionner des dégâts ;
« 4° Lorsque l’animal ne relève pas des 1° et 3° du présent II, à l’application des dispositions prévues à l’article 99-1 du code de procédure pénale ;
« 5° Sur autorisation du procureur de la République, à la destruction des biens mentionnés au quatrième alinéa de l’article 41-5 du même code qui ne relèvent pas des 1°, 3° et 4° du présent II, dans les conditions prévues au cinquième alinéa de l’article 41-5 du code de procédure pénale.
« III. – (Supprimé)
« IV. – Le placement, la remise dans le milieu naturel et la destruction sont constatés par procès-verbal. » ;
5° Après l’article L. 172-16, il est inséré un article L. 172-16-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 172-16-1. – Les inspecteurs de l’environnement peuvent, sur instruction du procureur de la République :
« 1° (nouveau) Mettre en œuvre les mesures alternatives aux poursuites prévues aux 1° à 5° de l’article 41-1 du code de procédure pénale ;
« 2° (nouveau) Porter à la connaissance de l’auteur des faits la proposition de composition pénale faite par le procureur de la République en application de l’article 41-2 du même code ;
« 3° (nouveau) Notifier des convocations en justice dans les conditions prévues à l’article 390-1 dudit code. »
I bis (nouveau). – L’article L. 322-10-1 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ils sont également habilités à relever l’infraction d’obstacle aux fonctions prévue à l’article L. 173-4 du présent code. » ;
2° Au premier alinéa du II, les mots : « ayant la qualité de fonctionnaire ou d’agent public » sont supprimés.
I ter (nouveau). – La section 4 du chapitre II du titre III du livre III du code de l’environnement est ainsi modifiée :
1° Le deuxième alinéa du I de l’article L. 332-20 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils sont habilités à relever l’infraction d’obstacle aux fonctions prévue à l’article L. 173-4. » ;
2° L’article L. 332-25 est ainsi modifié :
a) Au 1°, après les mots : « la réglementation de la réserve naturelle prévue par l’article L. 332-3 », sont insérés les mots : « ou de son périmètre de protection prévu à l’article L. 332-17 » ;
b) Le 4° est abrogé.
I quater (nouveau). – À l’article L. 428-29 du code de l’environnement, après la référence « 3° », est insérée la référence : « , 4° ».
II. – Après le 5° bis du I de l’article L. 330-2 du code de la route, il est inséré un 5° ter ainsi rédigé :
« 5° ter Aux fonctionnaires et agents mentionnés à l’article L. 172-4 du code de l’environnement, aux seules fins d’identifier les auteurs des infractions qu’ils sont habilités à rechercher ; ».
III. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa de l’article 28, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la loi prévoit que ces fonctionnaires et agents peuvent être requis par commission rogatoire du juge d’instruction, ils exercent, dans les limites de la commission rogatoire, les pouvoirs qui leur sont conférés par les lois spéciales mentionnées au premier alinéa du présent article. » ;
2° (nouveau) Au début du 4° de l’article 29-1, les mots : « Les personnes membres du conseil d’administration » sont remplacés par les mots : « Le président, les vice-présidents et le trésorier » ;
3° (nouveau) Au troisième alinéa de l’article 41-5, après le mot : « gendarmerie », sont insérés les mots : « , aux inspecteurs de l’environnement lorsqu’ils interviennent dans les conditions définies à l’article L. 172-4 du code de l’environnement » ;
4° (nouveau) Au troisième alinéa de l’article 99-2, après le mot : « gendarmerie », sont insérés les mots : « , aux inspecteurs de l’environnement lorsqu’ils interviennent dans les conditions définies à l’article L. 172-4 du code de l’environnement. » ;
5° (nouveau) Le premier alinéa de l’article 230-10 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après le mot : « fiscaux », sont insérés les mots : « et les inspecteurs de l’environnement mentionnés à l’article L. 172-4 du code de l’environnement » ;
b) La dernière phrase est complétée par les mots : « et aux inspecteurs de l’environnement mentionnés au même article L. 172-4 » ;
6° (nouveau) Au premier alinéa de l’article 390-1, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « , un inspecteur de l’environnement mentionné à l’article L. 172-1 du code de l’environnement affecté à l’Office français de la biodiversité et de la chasse ».
IV (nouveau). – À l’article L. 2222-9 du code général de la propriété des personnes publiques, les mots : « ou des services de l’administration des douanes » sont remplacés par les mots : « , des services de l’administration des douanes ou de l’Office français de la biodiversité et de la chasse ».
M. le président. L’amendement n° 194 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Pellevat, Magras, Morisset et Bascher, Mme Garriaud-Maylam, MM. Longeot et Milon, Mme Morhet-Richaud, M. D. Laurent, Mme Goy-Chavent, M. Sido, Mme Deromedi, MM. de Nicolaÿ et Segouin, Mme Lassarade, MM. Meurant, Longuet, Pierre, Laménie, Duplomb et J.M. Boyer, Mme Lamure, M. Raison, Mmes de Cidrac et Deroche, M. Revet, Mme Billon et MM. Savary, Perrin, Piednoir et Pointereau, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Les inspecteurs de l’environnement jouent un rôle majeur, tant pour la connaissance des milieux naturels et des écosystèmes que pour la mise en œuvre des politiques publiques relatives à la préservation de la biodiversité et à la protection du patrimoine naturel. Une extension du périmètre de leur action à des pouvoirs coercitifs ne semble pas de nature à assurer une meilleure mise en œuvre de la police environnementale dans les territoires. Au contraire, le maintien de la distinction entre les volets prévention et répression apporte davantage de garanties en vue d’une meilleure efficacité dans la constatation et la recherche des infractions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. La commission est défavorable à la suppression de cet article, qui étoffe substantiellement les pouvoirs de police judiciaire des inspecteurs de l’environnement. Elle y a apporté plusieurs ajouts, sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir.
Nous ne sommes pas hostiles à ce que certains inspecteurs de l’environnement reçoivent, comme c’est déjà le cas, des formations spécifiques dans le cadre de conventions passées avec la gendarmerie ou la police nationale. Nous estimons cependant que ces opérations doivent rester ciblées et contrôlées par des OPJ.
Ainsi, l’ouverture d’une habilitation générale aux prérogatives des OPJ à tous les inspecteurs de l’environnement nous paraîtrait excessive. Surtout, elle couperait le lien nécessaire entre ces deux corps.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Le Gouvernement n’est pas favorable à la suppression de l’article 2, qui concerne le renforcement des pouvoirs de police judiciaire des agents du nouvel office, inspiré par un retour d’expérience : la mise en place de l’ordonnance de 2012 a conduit le Gouvernement à prévoir dans le plan Biodiversité de juillet 2018 le renforcement des prérogatives des inspecteurs de l’environnement en matière de police judiciaire. C’est un sujet qui a fait l’objet de nombreuses discussions avec toutes les parties prenantes. Les agents et les équipes de direction de l’office y sont attachés. Les travaux menés à l’Assemblée nationale puis au Sénat en commission ont permis, selon moi, de trouver un équilibre satisfaisant.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je regrette les avis défavorables émis par la commission et le Gouvernement, qui marquent une posture répressive concernant la biodiversité, tandis que cet amendement privilégie aussi l’aspect éducatif. Dans les territoires, on observe un phénomène de ras-le-bol. Cela étant dit, je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 194 rectifié est retiré.
L’amendement n° 53 rectifié, présenté par MM. Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu, Malhuret et A. Marc et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Au 3° du I de l’article L. 171-1 du code de l’environnement, les mots : « à titre professionnel » sont supprimés.
La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. L’article L. 171-1 du code de l’environnement, qui permet les contrôles administratifs de véhicules, est aujourd’hui restrictif. Il ne concerne en effet que les « véhicules, navires, bateaux, embarcations et aéronefs utilisés à titre professionnel ».
Or, en matière environnementale, les infractions peuvent être commises avec tout type de véhicules, y compris non professionnels. C’est notamment le cas en matière de chasse et, surtout, d’espèces protégées.
Afin de permettre une meilleure efficacité des contrôles, il est proposé de supprimer les mots « à titre professionnel » au 3° du I de l’article L. 171-1 du code de l’environnement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cet amendement vise à étendre de façon opportune le champ d’investigation des inspecteurs de l’environnement chargés de rechercher et de constater les infractions au code de l’environnement. La commission y est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Cet amendement me laisse un peu perplexe. En effet, aujourd’hui, la visite des véhicules, utilisés à titre professionnel ou non, lors d’opérations de recherche et de constatation d’infractions pénales, est possible pour tout ce qui concerne les contrôles de police judiciaire.
Cet amendement concerne des contrôles à vocation administrative. Je ne sais pas si la question de la visite de véhicules à usage non professionnel se pose dans de nombreux cas de figure. Je m’en remets cependant à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 195 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Pellevat, Magras, Morisset et Bascher, Mme Garriaud-Maylam, MM. Longeot et Milon, Mme Morhet-Richaud, M. D. Laurent, Mme Goy-Chavent, M. Sido, Mme Deromedi, MM. de Nicolaÿ et Segouin, Mme Lassarade, MM. Meurant, Longuet, Pierre, Laménie, Cuypers et J.M. Boyer, Mme Lamure, M. Raison, Mmes de Cidrac et Deroche, M. Revet, Mme Billon et MM. Savary, Perrin, Piednoir et Pointereau, est ainsi libellé :
Alinéas 3, 4, 30 à 34 et 56
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Mes chers collègues, il vous est proposé, par le biais de cet amendement, de revenir sur la possibilité donnée, à l’article, à tout fonctionnaire ou agent spécialement habilité à la recherche d’infractions au code de l’environnement d’être habilité à rechercher des infractions définies hors code de l’environnement. En l’état actuel du droit, seule la compétence des inspecteurs de l’environnement est explicitement désignée comme pouvant être étendue à d’autres infractions que celles prévues par ledit code.
Cet amendement vise, par ailleurs, à pérenniser le périmètre des prérogatives attribuées aux inspecteurs de l’environnement, dès lors que le renforcement des pouvoirs de police prévu par le présent projet de loi apporte déjà des garanties en vue d’une meilleure efficacité de la police de l’environnement.
M. le président. L’amendement n° 125 rectifié, présenté par Mmes Loisier et Morhet-Richaud, MM. Henno et Janssens, Mme Vullien, M. Bockel, Mme Goy-Chavent, M. de Nicolaÿ, Mme Gatel, MM. Menonville, L. Hervé, Pierre et Louault, Mme Vermeillet, MM. Cigolotti, Médevielle, Raison, Moga, Gabouty et Gremillet, Mme Sollogoub, M. Capo-Canellas, Mme Perrot, MM. Piednoir, Delcros et D. Dubois et Mme Vérien, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
, sauf s’il s’agit d’infractions forestières
La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.
Mme Anne-Catherine Loisier. Il existe une procédure pénale forestière, qui fait l’objet de dispositions spécifiques dans le code forestier. Lorsque les agents habilités constatent des infractions forestières, il convient qu’ils appliquent cette procédure. Il s’agit donc d’un amendement visant à mettre le droit en cohérence.
M. le président. L’amendement n° 126 rectifié, présenté par Mmes Loisier et Morhet-Richaud, MM. Henno et Janssens, Mme Vullien, M. Bockel, Mme Goy-Chavent, M. de Nicolaÿ, Mme Gatel, MM. Menonville, L. Hervé, Pierre et Louault, Mme Vermeillet, MM. Cigolotti, Médevielle, Raison, Moga, Gabouty et Gremillet, Mme Sollogoub et MM. Détraigne, Bonnecarrère et Delcros, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 31 à 34
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 172-16-1. – Les inspecteurs de l’environnement peuvent, sur instruction du procureur de la République, mettre en œuvre les mesures alternatives aux poursuites prévues à l’article 41-1 du code de procédure pénale. »
II. – Alinéa 56
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.
Mme Anne-Catherine Loisier. Cet amendement vise à revenir à la rédaction issue de l’Assemblée nationale en matière de prérogatives des inspecteurs de l’environnement.
M. le président. L’amendement n° 215, présenté par M. Luche, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 56
Compléter cet alinéa par les mots :
, et, après la référence « article 28 », sont insérés les mots : « du présent code »
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 195 rectifié, 125 rectifié et 126 rectifié ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Les amendements nos 195 rectifié et 125 rectifié visent à exclure certaines infractions ne relevant pas du champ du code de l’environnement, notamment celles visées par le code forestier, de la compétence de police judiciaire des inspecteurs de l’environnement.
Les dispositions de ces deux amendements vont manifestement à l’encontre de ce que l’ensemble des acteurs concernés ont jugé comme une évolution positive, à savoir l’unification des compétences de police environnementale de l’ensemble des polices spécialisées autour d’un socle commun d’infractions.
Pour favoriser l’efficacité de leur action, la commission a jugé tout à fait opportun d’habiliter les inspecteurs de l’environnement affectés à l’OFBC, où seront représentées l’ensemble des parties intéressées, dont les organisations forestières, à connaître de l’ensemble des infractions, y compris forestières.
Avis défavorable, donc, sur ces deux amendements.
Quant à l’amendement n° 126 rectifié, il vise à retirer aux inspecteurs de l’environnement les pouvoirs que le texte leur attribue lorsqu’ils agissent en qualité de délégués du procureur de la République, à savoir la possibilité de transmettre une composition pénale et de notifier une convocation en justice. Il a pourtant semblé à la commission que l’explicitation de ces pouvoirs permettrait à la police de l’environnement d’être plus efficace, plus rapide et plus proche des individus sur lesquels elle exerce ses prérogatives. Ces pouvoirs permettront notamment aux inspecteurs de l’environnement de s’épargner le recours à un officier de police judiciaire pour la commission d’actes qu’ils sont parfaitement à même d’effectuer eux-mêmes. L’avis est également défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Sur les amendements nos 195 rectifié et 125 rectifié, le Gouvernement partage l’avis de la commission et l’argument développé par M. le rapporteur : il est nécessaire que les inspecteurs puissent constater des infractions connexes à celles qui sont stricto sensu liées au code de l’environnement.
S’agissant de l’amendement n° 126 rectifié, nous avons progressé, par rapport au texte adopté par l’Assemblée nationale, dans la précision des missions ; je salue le travail qui a été fait en commission sur ce sujet. L’avis est donc défavorable.
Sur l’amendement n° 215 de la commission, l’avis du Gouvernement est favorable.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.
Mme Anne-Catherine Loisier. L’amendement n° 125 rectifié a pour objet non pas de remettre en cause la compétence des inspecteurs de l’environnement, mais de préciser que, s’agissant d’infractions forestières, ils appliqueront bien les règles de procédure pénale du code forestier.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Monsieur le président, compte tenu des avis émis, je retire mon amendement n° 195 rectifié, mais je m’inscris en faux contre l’orientation purement répressive que l’on est en train de prendre.
M. le président. L’amendement n° 195 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 125 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 101 rectifié bis, présenté par Mmes N. Delattre et M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Corbisez, Gabouty et Gold, Mme Guillotin et MM. Léonhardt, Menonville, Requier, Vall et Moga, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article L. 172-4, il est inséré un article L. 172-4-… ainsi rédigé :
« Art. L. 172-4-…. – Sont habilités à rechercher et à constater les infractions au présent code, les agents et gardes auxquels le présent code attribue certains pouvoirs de police judiciaire en matière environnementale et à exercer ces missions dans les limites et selon les modalités définies par les autres livres du présent code, à défaut fixées par le code de procédure pénale, dont la liste suit :
« 1° Les agents des services de l’État chargés des forêts, les agents en service à l’Office national des forêts ainsi que ceux de l’établissement public du domaine national de Chambord et les gardes champêtres mentionnés à l’article 22 du code de procédure pénale ;
« 2° Les fonctionnaires et agents des administrations et services publics chargés de certains pouvoirs de police judiciaire mentionnés à l’article 28 du code de procédure pénale ;
« 3° Les gardes particuliers assermentés mentionnés à l’article 29 du code de procédure pénale. » ;
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. En commission, monsieur le rapporteur, vous avez rejeté cet amendement au motif que les gardes particuliers n’auraient pas de prérogatives de puissance publique. Cela n’est pas exact : je vous invite à consulter la convention de partenariat signée en 2016 entre le ministère de l’intérieur et le président de la confédération française des gardes particuliers assermentés, qui précise ces prérogatives.
Cet amendement vise à soutenir la lutte contre les atteintes à la biodiversité en coordonnant l’ensemble des ressources à disposition en matière de police environnementale, afin de rendre immédiatement lisible l’organisation de la police judiciaire de l’environnement, et partant le rôle des agents et gardes autres que ceux qui relèvent de l’inspection de l’environnement ou des forces de police générale.
Les gardes particuliers sont des acteurs essentiels de la surveillance et de la police rurale de proximité. Plus nombreux que les inspecteurs, ils tissent un précieux maillage de surveillance et assurent une réelle présence de terrain sur nos territoires ruraux, qu’il faut protéger.
Pourtant, l’ordonnance du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l’environnement avait exclu les gardes particuliers, gardes-chasse, gardes-pêche, gardes-bois, des acteurs de la police de l’environnement. Cet amendement vise donc à remédier à cette maladresse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cet amendement présente l’inconvénient d’étendre à certaines catégories d’agents de droit privé habilités à constater des infractions au code de l’environnement dans le strict périmètre des domaines sur lesquels leur assermentation leur confère cette habilitation les pouvoirs d’investigation propres aux inspecteurs de l’environnement, qui sont des agents de droit public et qui disposent d’une compétence de police générale, avec une possibilité d’extension territoriale.
Il a semblé à la commission que l’élargissement proposé, compte tenu du périmètre défini pour les missions des agents de droit privé mentionnés, était manifestement excessif. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Le Gouvernement porte la même que la commission quant au caractère disproportionné du dispositif de cet amendement. Avis défavorable également.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 101 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 91, présenté par Mmes Noël, Morhet-Richaud, Lanfranchi Dorgal, Deromedi et Garriaud-Maylam, M. Morisset, Mmes Lavarde, Bruguière et Duranton, M. D. Laurent, Mme Lherbier, MM. Laménie, Vogel et Sido et Mme Lamure, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Après le premier alinéa de l’article L. 172-5, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Tout conducteur de moyen de transport doit se soumettre aux injonctions des inspecteurs de l’environnement.
« Ces derniers peuvent faire usage de matériels appropriés pour immobiliser les moyens de transport dans les cas prévus à l’article L. 214-2 du code de la sécurité intérieure. » ;
La parole est à Mme Sylviane Noël.
Mme Sylviane Noël. Pour lutter efficacement contre les trafics de faune ou de flore, les contrôles des moyens de transport sont très efficaces. Cet amendement vise donc à préciser le texte en matière de recherche et de constatation des infractions dans les véhicules et à prévoir la possibilité d’avoir recours à des moyens appropriés pour stopper des véhicules dont les conducteurs forceraient les contrôles malgré les sommations des inspecteurs de l’environnement, mettant ainsi délibérément la vie d’autrui en danger, ou viendraient de commettre un délit flagrant, de braconnage nocturne par exemple.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Cet amendement vise à ouvrir aux inspecteurs de l’environnement la possibilité, déjà prévue par le droit et renforcée par le texte de la commission, de contraindre les contrevenants à répondre à leurs injonctions.
Il tend à prévoir, par ailleurs, que lesdits inspecteurs puissent faire usage de dispositifs aujourd’hui réservés aux officiers de police judiciaire chargés de lutter contre les délits de fuite, notamment les dispositifs de type « hérisson ». Compte tenu des pouvoirs de police judiciaire attribués aux inspecteurs de l’environnement, la portée de cet amendement a paru excessive à la commission. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 98, présenté par Mmes Noël, Morhet-Richaud, Lanfranchi Dorgal, Deromedi et Garriaud-Maylam, M. Morisset, Mmes Lavarde, Bruguière et Duranton, MM. D. Laurent, Laménie, Vogel et Sido et Mme Lamure, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
…° Le dernier alinéa de l’article L. 172-5 est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction ou de biens dont la confiscation est prévue à l’article 131-21 du code pénal ne peuvent être effectuées sans l’assentiment exprès de la personne chez laquelle l’opération a lieu.
« Cet assentiment doit faire l’objet d’une déclaration écrite de la main de l’intéressé ou, si celui-ci ne sait écrire, il en est fait mention au procès-verbal ainsi que de son assentiment.
« Les articles 56 et 59 du code de procédure pénale sont applicables.
« Si les nécessités de l’enquête relative à un crime ou à un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à cinq ans l’exigent ou si la recherche de biens dont la confiscation est prévue à l’article 131-21 du code pénal le justifie, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, décider, par une décision écrite et motivée, que les opérations prévues au présent article sont effectuées sans l’assentiment de la personne chez qui elles ont lieu. À peine de nullité, la décision du juge des libertés et de la détention précise la qualification de l’infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l’adresse des lieux dans lesquels ces opérations peuvent être effectuées ; cette décision est motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires. Les opérations sont effectuées sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, et qui peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales. Ces opérations ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées dans la décision du juge des libertés et de la détention ou la saisie des biens dont la confiscation est prévue à l’article 131-21 du code pénal. Toutefois, le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées dans la décision ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.
« Pour l’application du précédent alinéa, est compétent le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dont le procureur de la République dirige l’enquête, quelle que soit la juridiction dans le ressort de laquelle la perquisition doit avoir lieu. Le juge des libertés et de la détention peut alors se déplacer sur les lieux quelle que soit leur localisation sur le territoire national. Le procureur de la République peut également saisir le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel la perquisition doit avoir lieu, par l’intermédiaire du procureur de la République de cette juridiction. » ;
La parole est à Mme Sylviane Noël.
Mme Sylviane Noël. L’amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 73, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 172-5, les mots : « Les domiciles et les locaux comportant des parties à usage d’habitation ne peuvent être visités qu’entre 6 heures et 21 heures » sont remplacés par les mots : « Les visites dans les domiciles et les locaux comportant des parties à usage d’habitation ne peuvent être commencées avant 6 heures et après 21 heures » ;
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Cet amendement a pour objet de préciser que les visites domiciliaires des inspecteurs de l’environnement ayant débuté avant 21 heures peuvent s’achever après cette heure. Il s’agit d’un simple alignement sur le régime prévu à l’article 59 du code de procédure pénale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Luche, rapporteur. Madame la secrétaire d’État, pour vous être agréable, ainsi qu’aux inspecteurs de l’environnement, nous émettons un avis favorable sur l’amendement n° 73.
Quant à l’amendement n° 98, son examen me donne l’occasion de rappeler la position de la commission, qu’elle a voulu la plus équilibrée possible, en matière de prérogatives de police judiciaire des agents de police environnementale. Nous nous sommes montrés attentifs à ce que leurs pouvoirs coercitifs soient utilement réaffirmés, sans pour autant entretenir de confusion dommageable entre les agents de police environnementale et les officiers de police judiciaire. Je rappelle en effet que ces derniers reçoivent une formation spécifique et disposent de locaux particuliers, nécessaires à l’exercice de leurs fonctions, qui supposent souvent des privations ponctuelles de liberté.
Autrement dit, les amendements qui tendent à calquer les attributions des fonctionnaires chargés de missions de police de l’environnement sur celles des OPJ n’ont pas été accueillis favorablement par la commission.
S’agissant de cet amendement en particulier, il a pour objet d’énoncer plusieurs règles qui sont déjà satisfaites par les articles L. 172-4 et suivants du code de l’environnement : visites domiciliaires et saisies de pièces font déjà partie des attributions des inspecteurs de l’environnement. Quant aux perquisitions, elles doivent rester de la compétence exclusive des OPJ. L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 98 ?
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 59 amendements au cours de la journée ; il en reste 114.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
13
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 11 avril 2019 :
À dix heures trente :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement (procédure accélérée ; texte de la commission n° 425, 2018-2019) et du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (procédure accélérée ; texte de la commission n° 426, 2018-2019).
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze et, éventuellement, le soir :
Suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 11 avril 2019, à une heure trente.)
nomination de membres d’une commission d’enquête
Commission d’enquête sur la souveraineté numérique (21 membres)
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, la liste des candidatures préalablement publiée est ratifiée :
Mme Viviane Artigalas, MM. Jérôme Bascher, Jérôme Bignon, Bernard Bonne, Patrick Chaize, Yvon Collin, Mme Martine Filleul, MM. Christophe-André Frassa, André Gattolin, Loïc Hervé, Laurent Lafon, Gérard Longuet, Rachel Mazuir, Franck Montaugé, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Pierre Ouzoulias, Stéphane Piednoir, Mmes Sophie Primas, Frédérique Puissat, Sylvie Robert et M. Hugues Saury.
Direction des comptes rendus
ÉTIENNE BOULENGER