M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, que je salue tout particulièrement et à qui j’adresse tous mes vœux de réussite – nous en avons besoin –, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, le dernier Conseil européen a été quelque peu mouvementé en raison des rebondissements liés au Brexit. En outre, le contexte des prochaines élections européennes conduit, par définition, à ce que les dossiers n’avancent que modérément.
Plusieurs sujets intéressant la commission des finances ont pu toutefois être abordés à l’occasion du Conseil européen du mois de mars.
Tout d’abord, celui-ci a approuvé les recommandations du Conseil sur la politique économique de la zone euro dans le cadre du semestre européen. Pour rappel, la croissance devrait malheureusement marquer le pas en 2019, en s’établissant à 1,3 % au sein de la zone euro, à la suite du ralentissement déjà observé en 2018 en raison, en particulier, de la faiblesse de la demande mondiale et des incertitudes liées au Brexit.
Dans le cadre du semestre européen, le Gouvernement devrait nous communiquer sous quinzaine le programme de stabilité et le programme national de réformes, qui feront l’objet d’un débat en séance publique.
Avec les mesures adoptées en fin d’année – nous nous en souvenons particulièrement au Sénat – et les dispositifs annoncés qui restent encore à ce jour non financés – je pense à la suppression de la taxe d’habitation –, la commission des finances sera particulièrement attentive aux orientations budgétaires prévues par le Gouvernement pour 2019 et les années suivantes.
Ensuite, pour renouer durablement avec la croissance, le Conseil européen a insisté sur le nécessaire renforcement du marché unique, invitant la Commission européenne à présenter un plan d’action d’ici à 2020.
Dans ses conclusions, le Conseil européen a lié la nécessité de supprimer les verrous du marché unique et celle d’aboutir à une fiscalité juste, appliquée au sein de l’Union européenne.
Sur ce dernier point, au-delà des simples déclarations d’intention, force est de constater que la plupart des dossiers fiscaux sont bloqués au Conseil. Je pense notamment à l’assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés.
La seule issue pourrait être le passage à la majorité qualifiée en matière fiscale, mais une telle évolution nécessite l’unanimité. À ce propos, je m’étonne que, dans le cadre du grand débat, certains, y compris au plus haut niveau, avancent l’idée d’une TVA à taux zéro, alors que c’est strictement impossible, sauf à y revenir par la règle de l’unanimité.
Certaines mesures sont carrément enterrées. Je pense notamment à la taxation des services numériques au niveau européen.
S’il est donc ambitieux, l’agenda de la Commission européenne s’annonce toutefois délicat à mettre en œuvre pour aboutir à des mesures concrètes.
Par ailleurs, le Conseil européen a posé les jalons du mandat de la prochaine Commission européenne en matière de compétitivité et de politique commerciale.
En effet, après l’échec de la fusion entre Siemens et Alstom, les États membres questionnent les fondements du droit européen de la concurrence au regard des ambitions industrielles de l’Union européenne.
Le Conseil européen a ainsi invité la Commission à présenter des « actions concrètes » d’ici à la fin de l’année, même si les ingrédients de la concurrence européenne demeurent : concurrence loyale, mais aussi protection des consommateurs et des intérêts stratégiques de long terme de l’Union européenne.
En matière de politique commerciale, le Conseil européen a proposé de relancer les discussions sur la réciprocité de l’ouverture des marchés publics. L’unité des États membres sur cette question semble toutefois mise à l’épreuve, comme le prouve l’adhésion de l’Italie au projet des « nouvelles routes de la soie » avec la Chine.
Enfin, l’interminable épisode du Brexit a encore une fois occupé le devant de la scène, en attendant, peut-être avant quelques jours, d’éventuels rebondissements de la part du Parlement britannique.
Les 27 États membres ont octroyé un court délai supplémentaire au Royaume-Uni pour adopter l’accord de retrait. Toutefois, en dépit des efforts de Theresa May, le Parlement britannique n’a pas encore réussi à s’accorder sur une voie alternative, comme le montre son vote d’hier soir. Les États membres se préparent, sans doute à regret, à une sortie possible sans accord.
Le Brexit conduirait à une perte pour le budget de l’Union européenne, si le Royaume-Uni ne respectait pas son engagement de s’acquitter des 50 milliards d’euros pour le règlement financier de ce « divorce ».
Cette situation pourrait ainsi raviver les tensions entre les États membres qui ne partagent pas les mêmes points de vue sur l’évolution du budget de l’Union.
Madame la secrétaire d’État, quelles sont les hypothèses budgétaires envisagées pour répondre à cette difficulté, alors que la participation de la France au budget de l’Union européenne s’élève déjà à plus de 20 milliards d’euros ? Comment comblerions-nous l’engagement financier du Royaume-Uni ? Quel regard porte le gouvernement français sur le Brexit et l’hypothèse de plus en plus attendue ou redoutée, malheureusement, d’une sortie sans accord de l’Union européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires européennes.
M. André Reichardt, vice-président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, m’a fait l’honneur de me confier le soin d’introduire, au nom de la commission, ce débat consécutif au Conseil européen des 21 et 22 mars dernier et de vous souhaiter, madame la secrétaire d’État, le plus grand succès dans vos nouvelles fonctions.
À une semaine de la date annoncée du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, ce Conseil européen a consacré plus de temps que prévu à ce sujet majeur. Mais, c’est heureux, le Brexit n’a pas entièrement occulté les autres questions stratégiques à l’ordre du jour : l’approche européenne face à la Chine et la situation économique de l’Union.
Concernant le Brexit, la demande de son report est arrivée très tard. Saisi la veille par Mme May d’une demande d’extension de l’article 50 jusqu’au 30 juin, le Conseil européen a réagi vite et bien : la solution retenue, qui concède une extension jusqu’au 22 mai en cas d’approbation de l’accord de retrait par la Chambre des communes, et seulement jusqu’au 12 avril dans le cas contraire, est dans l’intérêt de l’Union européenne.
Ce séquençage protège en effet le scrutin européen, ouvert du 23 au 26 mai, des risques juridiques inhérents à sa tenue au Royaume-Uni, obligatoire tant que ce pays reste membre de l’Union. En outre, cette dernière ne prend pas la responsabilité du choix de l’issue, mais la renvoie très opportunément au Royaume-Uni : celui-ci est tenu de se positionner avant le 12 avril, car, au-delà, il ne serait plus en mesure d’organiser les élections européennes.
Ce dispositif, d’inspiration française dit-on, apparaît bien conçu, même si la situation reste confuse à ce jour, avec le troisième refus de l’accord de retrait, intervenu vendredi dernier au Parlement britannique.
Deuxième motif de satisfaction : le front uni que le Conseil européen a affiché face à la Chine, à l’approche du sommet Union européenne-Chine prévu dans une semaine.
Les Vingt-Huit semblent prendre progressivement conscience de la nécessité de s’accorder sur la ligne à tenir face à la Chine, à la fois partenaire, concurrent économique et rival systémique.
Le Conseil européen a notamment fait valoir la nécessité de parvenir à un accord sur l’instrument garantissant une réciprocité dans l’accès aux marchés publics : finissons-en avec la naïveté de l’Union européenne, laquelle ouvre ses marchés à des États qui verrouillent les leurs !
Le Président de la République a tenu à conforter l’image d’une Europe unie face à la Chine, en invitant à ses côtés le Président Juncker et la Chancelière Mme Merkel à Paris, où était reçu le Président chinois mardi dernier.
Après les accrocs franco-allemands par voie de presse, cette démarche nous a paru salutaire, mais l’unité est fragile. La récente signature d’un mémorandum d’entente entre la Chine et l’Italie sur les nouvelles routes de la soie en est la preuve.
La crainte exprimée par plusieurs États membres de se priver du bénéfice des investissements chinois en est une autre. Le prochain sommet en format « 16+1 », entre la Chine et les pays d’Europe centrale et orientale, risquait d’en apporter une troisième preuve ; il a donc été convenu de se conformer aux décisions issues du sommet Union européenne-Chine, qui se tiendra juste avant.
Il y a là sans nul doute un progrès, mais la vigilance reste de mise. À cet égard, l’approche européenne concertée pour assurer la sécurité des réseaux 5G sera un prochain test.
Dernier sujet traité par le Conseil européen : la situation économique de l’Union européenne.
Le Conseil européen a conclu à la nécessité d’asseoir le rôle de l’Europe sur la scène économique mondiale par cinq leviers : l’Union économique et monétaire, le marché unique, la politique industrielle, la politique numérique et la politique commerciale. En outre, le numérique et l’intelligence artificielle sont reconnus comme des priorités.
Cette approche intégrée préfigure une stratégie qui pourrait enfin transformer l’Union en puissance. C’est notre principal motif de satisfaction après ce Conseil européen, qui n’aura finalement pas été seulement celui du Brexit. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Philippe Bonnecarrère. Madame la secrétaire d’État, permettez-moi tout d’abord de vous adresser mes félicitations pour votre nomination, comme l’ont fait mes collègues.
Il est difficile, cet après-midi, d’échapper au Brexit. Je me limiterai à quelques observations rapides.
Premièrement, sommes-nous prêts en cas de no deal ? Vous l’avez affirmé avec conviction, madame la secrétaire d’État ; pour ma part, je serai peut-être un peu plus prudent. Nous avons, certes, autorisé la prise de cinq ordonnances, mais cela ne suffit pas à garantir le caractère exhaustif et l’efficacité des mesures, d’autant qu’une frontière a, par définition, pour caractéristique d’être gérée à deux. Nous ne pourrons être prêts pour ce rendez-vous que si nos homologues britanniques le sont également.
Vous savez aussi, madame la secrétaire d’État, que le degré de préparation de nos entreprises reste aussi en discussion. Nombre d’entre elles ont d’ailleurs perdu légitimement – c’était une réussite de l’Union européenne – les savoir-faire liés à la gestion des frontières douanières.
Deuxièmement, le modèle parlementaire britannique souffre, alors que son ancienneté et sa solidité ont fait notre admiration, ainsi que celle des pères de notre Constitution.
Les commentaires sévères sur nos collègues britanniques abondent. Je ne les partage pas. D’une part, leurs difficultés montrent a contrario la force, la pertinence de ce qui a été bâti au cours des décennies par et avec l’Union européenne. D’autre part, partout en Europe, et pas simplement au Royaume-Uni, il est devenu difficile de passer des accords, de faire des concessions, de trouver des compromis. Cette idée selon laquelle le peuple souverain aurait une réponse simple à des questions complexes et que seule la déconnexion de la démocratie représentative ne lui permettrait pas de prendre les bonnes décisions est, vous le savez, ravageuse, des États-Unis à l’ensemble de l’Europe.
Nos propres difficultés, mes chers collègues, à mettre fin à la crise des « gilets jaunes », à mener nos arbitrages, à trouver des accords qui puissent être acceptés par toutes les parties de notre « archipel social » – si vous me permettez cette formule – démontrent qu’un modèle européen historique de prise de décision est attaqué.
Exprimé autrement : les difficultés des Britanniques sont le reflet de nos propres difficultés, et réciproquement.
Troisièmement, le Brexit vampirise la réflexion, l’énergie et l’action de l’Union européenne. Nous avons à préparer un nouveau mandat européen, une nouvelle Commission, nous avons relancé une dynamique européenne, une Europe de la souveraineté partagée. Aussi, madame la secrétaire d’État, à l’approche du sommet prévu le 10 avril et au regard de celui qui vient de se dérouler et dont vous nous avez rendu compte, je veux insister sur le point suivant : il y a tant de sujets passionnants à traiter, à améliorer, à construire que celui du Brexit doit-être certes traité, mais sans qu’il nous hypnotise.
Je dois dire que j’ai apprécié votre souci d’élargir le regard et que vous ayez indiqué que le travail continuait pendant le Brexit avec l’avenir du marché unique, avec les questions d’orientation stratégique sur le climat ou les progrès dans la lutte contre la désinformation. Vous avez mis également en perspective le prochain sommet, majeur, de Sibiu.
De la même manière, je remercie mes collègues pour le souffle qu’ils ont donné à ces questions : M. le président Cambon, qui a traité des questions de défense, M. le rapporteur général, qui a évoqué les perspectives financières, et M. Reichardt, qui a notamment traité de la Chine et des questions numériques. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État – à mon tour, je vous adresse mes félicitations et mes meilleurs vœux de réussite –, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, tel un feuilleton qui n’en finirait pas, les rebondissements se sont succédé depuis le Conseil européen des 21 et 22 mars dernier sur des sujets pourtant essentiels pour l’Union européenne.
Premier point tout d’abord, et surtout : le Brexit.
Les Européens n’ont pas cédé aux pressions britanniques et ont décidé de remettre la balle dans le camp de Theresa May alors qu’elle demandait un report au 30 juin. C’est une bonne chose.
Les Vingt-Sept ont proposé la date du 12 avril en cas de no deal, bien plus cohérente juridiquement, et du 22 mai en cas d’adoption de l’accord. Un choix qui protège aussi bien les intérêts européens que les intérêts britanniques.
Les parlementaires britanniques en ont, pourtant, décidé tout autrement en reprenant la main avec une série de votes indicatifs sur la forme que doit prendre le Brexit, votes qui n’ont rien donné et qui conduisent de plus en plus à ce qui ressemble à une voie sans issue, allant jusqu’à la démission désespérée de Theresa May ! Mais qui pour la remplacer ? Nous ne le savons pas.
Permettez-moi de commencer à douter du comportement de ces élus qui n’agissent pas à la hauteur de leurs responsabilités, en mettant en danger leur pays, leurs concitoyens, leurs entreprises, mais aussi leurs partenaires historiques et économiques.
Repousser la date du Brexit, sans véritable raison et sans explication donnée aux citoyens européens, n’enverra pas un bon signal et risque, au contraire, de renforcer les sentiments d’éloignement et d’incompréhension tant décriés par certains.
À quelques semaines d’une échéance électorale primordiale pour l’Europe, cela ne peut être accepté.
Les 27 États membres sont et doivent rester plus que jamais fermes et unis face à cette situation édifiante.
L’Europe doit garder la main sur ce calendrier pour qu’il ne vienne pas perturber la bonne tenue de la campagne des élections européennes, mais également l’installation du futur Parlement européen, qui aura beaucoup à faire pour l’avenir de nos territoires.
C’est maintenant aux dirigeants britanniques de s’expliquer devant leurs citoyens et électeurs. La décision du Conseil européen est donc une façon de mettre le Royaume-Uni devant ses responsabilités et doit, même si nous pouvons le regretter, s’appliquer le 12 avril en cas de no deal.
Deuxième point : les décisions concernant les relations de l’Union européenne avec la Chine, qu’il convient de saluer.
J’avais alerté Nathalie Loiseau à ce sujet lors de notre débat préalable au Conseil européen et il semble que les États membres aient pris la mesure de l’urgence de faire front uni face à cette puissance économique mondiale.
Sans céder aux sirènes du protectionnisme, le Conseil européen a décidé de multiplier les mécanismes pour répondre à la concurrence étrangère jugée déloyale.
C’est un sujet stratégique fondamental pour les États membres européens, qui doivent plus que jamais parler d’une seule voix.
C’est chose faite puisque le premier acte concret de cette nouvelle politique pourrait être l’adoption d’un nouvel instrument destiné à assurer la réciprocité entre l’Union européenne et la Chine dans l’attribution des marchés publics. Il s’agit là d’un enjeu considérable puisque ces derniers pèsent 2 400 milliards d’euros, soit plus de 16 % du produit intérieur brut européen.
Cela s’est aussi traduit, très rapidement, dans les faits, lors de la visite du Président chinois Xi Jinping la semaine dernière en France, accueilli par un front uni composé de la France, de l’Allemagne et de la Commission européenne.
C’est cette politique coordonnée et unie entre les États membres qui doit prévaloir face à des intérêts politiques de court terme. L’Europe devra rester vigilante et passer les mêmes messages lors du sommet Union européenne-Chine le 9 avril prochain.
Troisième point : la lutte contre la désinformation.
Je note l’appel du Conseil pour renforcer les efforts coordonnés visant à s’attaquer aux aspects intérieurs et extérieurs de la désinformation et à protéger les élections européennes et nationales dans l’ensemble de l’Union européenne. Le renforcement de sa résilience face aux menaces extérieures est essentiel. Les élections européennes en seront le prochain test, et j’espère qu’il sera positif.
Quatrième point, enfin : même si beaucoup reste à faire, je salue les conclusions du Conseil visant à mettre en place une véritable politique industrielle européenne. Je serai attentive au document que présentera la Commission européenne d’ici à la fin de l’année concernant sa vision à long terme pour l’avenir industriel de l’Union européenne et les mesures concrètes assorties, destinées à la mettre en œuvre.
Des pistes pour une politique industrielle modernisée ont d’ailleurs déjà été présentées par un groupe de réflexion interne à la Commission, en misant notamment sur le soutien aux projets de technologies avancées et la protection des entreprises européennes. Il faudra s’en inspirer.
Il semblerait aussi opportun de réfléchir à la pertinence d’une révision de la politique européenne de concurrence pour que des situations comme celle que nous avons connue avec Alstom et Siemens ne se reproduisent plus. Un nouvel équilibre doit être trouvé entre ouverture et protection du marché européen.
Ces décisions du Conseil européen des 21 et 22 mars dernier sont donc stratégiques pour l’avenir de l’Union européenne, pour maintenir sa cohérence et pour la protéger au mieux des potentielles menaces extérieures. Gageons que les engagements pris seront suivis d’effets concrets. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – MM. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances, et Bernard Lalande applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Claude Haut.
M. Claude Haut. Madame la secrétaire d’État, au nom du groupe La République En Marche, je vous adresse tous mes vœux de réussite, en espérant que la relance du projet européen sera portée haut et fort.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, je me réjouis de la tenue de ce débat européen en séance publique, qui tombe à point nommé. Il nous donne l’occasion de nous exprimer non seulement sur les conclusions du dernier Conseil européen, mais aussi sur les récents rebondissements intervenus dans le « feuilleton » du Brexit.
J’axerai mon propos sur trois dossiers en particulier, qui mettent à rude épreuve l’intégrité et la force du projet européen : le Brexit, bien sûr, les relations entre la Chine et l’Union européenne, ainsi que les enjeux de cybersécurité.
Le Brexit a largement occupé les esprits et les discussions de ce sommet européen.
Des conclusions spécifiques ont effectivement été adoptées, afin d’entériner un accord clair sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Cet accord est venu proroger la date de sortie effective, tout en préservant une unité infaillible entre les États membres. Il a réaffirmé notre position constante selon laquelle l’accord de retrait ordonné n’est pas renégociable.
Depuis, l’incertitude est montée d’un cran, puisque, par 344 voix, la Chambre des communes a persisté, signé et refusé ; seuls 44 députés supplémentaires ont été convaincus par Mme May – il en manque encore un certain nombre, cela a été dit, et je ne suis pas sûr que nous arrivions au résultat final espéré.
Plus marquant encore, le Parlement britannique n’est pas non plus parvenu à se mettre d’accord sur les huit options alternatives de retrait qui avaient été proposées par des parlementaires.
Par la force des choses, le débat de ce jour est devenu un débat préalable au Conseil européen extraordinaire du 10 avril prochain, qui a été convoqué par le Président du Conseil européen, Donald Tusk, en vue d’anticiper la nouvelle date fatidique du 12 avril.
Le scénario du pire, qui implique la concrétisation d’un no deal, semble plus que jamais possible. Dans une communication faite le 25 mars, la Commission européenne a indiqué avoir finalisé ses préparatifs d’un Brexit sans accord. Fort heureusement, même si tout n’est pas achevé, le gouvernement français s’est aussi préparé suffisamment tôt à cette hypothèse. Une dernière ordonnance prise sur le fondement de la loi relative aux mesures de préparation au Brexit a été présentée en Conseil des ministres le 27 mars dernier. S’en est ensuivie la publication de trois décrets et d’un arrêté, qui permettent d’avancer.
Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous nous dire si l’ensemble des mesures législatives et réglementaires ont été prises ? Comment jugez-vous désormais le niveau de préparation de nos entreprises françaises à un no deal ?
Notre pays estime que « l’idée d’une extension longue, impliquant une participation du Royaume-Uni aux élections européennes, ne pourra être examinée que si le plan alternatif est crédible, soutenu par une majorité au Parlement britannique ».
Madame la secrétaire d’État, qu’est-ce qui pourrait aujourd’hui être caractérisé de plan alternatif crédible ? Comment croire qu’un tel plan est encore possible, alors que cette dernière semaine nous a prouvé le contraire ? Ne serait-ce pas un risque de discrédit pour l’Union européenne que d’accepter un report long aux conséquences déstabilisatrices incertaines pour le fonctionnement de l’Union comme pour les élections européennes de mai ?
Le Parlement britannique a dit « non » à un no deal, « non » à une union douanière avec l’Union européenne, « non » à un maintien dans le marché unique, « non » à un second référendum sur l’accord de retrait. Tout se passe désormais comme si le bateau naviguait sans capitaine à son bord.
Madame la secrétaire d’État, quelle position adoptera la France lors de ce sommet extraordinaire du 10 avril ?
En dehors du Brexit, ce Conseil européen était aussi destiné à débattre d’une position commune face à la Chine, afin de préparer le sommet bilatéral Chine-Europe du 9 avril, sur fond de visite d’État du Président chinois à Rome, à Monaco et à Paris.
Le défi est colossal, puisque jusqu’à présent l’Europe a surtout brillé par un manque de ténacité et un manque d’unité face à la Chine. Il ne s’agit pas de nier l’importance de la coopération sino-européenne ni de défaire ces relations. En effet, comme l’a rappelé le Président de la République lors de la conférence de presse conjointe avec le Président Xi Jinping et la Chancelière Angela Merkel, le 26 mars dernier, « le dialogue entre la Chine et l’Europe est devenu incontournable pour la définition des équilibres mondiaux, pour la préservation du multilatéralisme ».
Aujourd’hui, il importe surtout que nous nous donnions les moyens d’une coopération équilibrée et exigeante, d’une coopération respectueuse des intérêts européens et adaptée aux réalités du monde.
Nous devons nous donner les moyens d’une véritable cohésion entre États européens, car ce qui s’est passé dernièrement avec l’Italie ne peut que susciter des doutes néfastes et de l’inquiétude. À ce propos, notre groupe se félicite de la démarche inédite qu’a engagée le Président de la République en invitant Jean-Claude Juncker et Angela Merkel à une réunion commune avec le Président chinois. Un tel front uni est une manière de dire : « Nous sommes un État, certes, mais un État européen. »
Aujourd’hui, une prise de conscience s’opère, et c’est plus que louable.
Il y a, d’un côté, la Commission européenne, qui, avec son récent mémorandum, donne une impulsion à une posture plus ferme et plus réaliste, en exigeant un rééquilibrage dans les relations économiques avec l’Europe, plus de réciprocité dans l’accès aux marchés publics chinois, plus de transparence et moins de distorsions concernant les subventions d’État.
Il y a, de l’autre côté, un Parlement européen inquiet des « menaces pour la sécurité liées à la présence technologique croissante de la Chine dans l’Union » et qui exhorte les États européens à se coordonner.
Cette inquiétude à l’égard de l’entreprise Huawei et de sa place dans le déploiement de la 5G en Europe n’est pas dénuée de fondement. Ce sujet appelle à beaucoup de prudence.
Sur ce point, madame la secrétaire d’État, pourriez-vous nous dire comment la France accueille la communication de la Commission européenne portant sur une approche concertée en matière de sécurité des réseaux 5G ?