M. Dominique Théophile. Il s’agit d’abaisser, en outre-mer, le seuil d’habitants imposé pour la création d’une zone à faibles émissions, afin de tenir compte de la taille démographique de ces territoires.
Rappelons que la Guadeloupe est la première région émettrice de CO2 par personne et par kilomètre parcouru : cette quantité s’élève à 264 grammes, contre 130 grammes dans l’Hexagone.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Il est vrai que la mise en place de seuils est toujours nécessaire pour fixer le cadre de ce type de projets. Cela dit, nous considérons qu’il faut laisser aux collectivités qui le souhaiteraient la liberté de s’engager dans cette démarche de mise en place de zones à faibles émissions, étant entendu que le présent projet de loi, tel qu’il a été présenté par Mme la ministre, est une boîte à outils.
Laissons donc cet outil à la disposition des collectivités, même dans des agglomérations comptant moins de 100 000 habitants. Si elles le souhaitent, elles doivent pouvoir mettre en œuvre une zone de ce type, en fonction de la politique qu’elles auront adoptée.
La commission a donc émis un avis favorable sur l’amendement n° 493 rectifié. Les trois autres seront satisfaits ; je souhaite donc leur retrait.
M. Victorin Lurel. Ils ne le seront pas tous !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Le présent dispositif, tel qu’il a été étudié, visait davantage les EPCI de plus de 100 000 habitants, compte tenu, notamment, de leur capacité à mener les études nécessaires et à contrôler les mesures mises en place. Pour autant, le Gouvernement n’identifie pas de raison de s’opposer à l’extension de ce qui n’est qu’une faculté.
Je m’en remets donc à la sagesse de la Haute Assemblée sur l’amendement n° 493 rectifié ; le Gouvernement souhaite le retrait des amendements nos 170 et 523 rectifié au profit de celui-ci.
Mme la présidente. Qu’en est-il de l’amendement n° 748 rectifié ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je comprends bien la préoccupation de ses auteurs, qui souhaitent le report du trafic de poids lourds. J’estime toutefois qu’une ZFE ne constitue pas, en la matière, un outil approprié.
En effet, en tout état de cause, tous les poids lourds qui disposeraient des catégories les plus récentes de vignettes Crit’Air pourraient continuer à circuler dans ces zones. Rappelons que les poids lourds se renouvellent beaucoup plus vite que les véhicules des particuliers ; par conséquent, en leur sein, les véhicules ayant reçu une vignette Crit’Air au chiffre élevé ne sont qu’une petite minorité. Dès lors, non seulement le dispositif que vous proposez ne correspond pas aux objectifs d’une ZFE, mais il serait inopérant.
C’est pourquoi je vous invite, madame la sénatrice, à retirer cet amendement, faute de quoi l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Mme la présidente. Madame Bonnefoy, l’amendement n° 748 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nicole Bonnefoy. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 748 rectifié est retiré.
La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je n’ai pas l’impression que l’adoption de l’amendement n° 493 rectifié satisferait la demande de mon collègue Dominique Théophile au travers de l’amendement n° 523 rectifié. Je peux comprendre la souplesse de l’amendement n° 493 rectifié, qui tend à faire disparaître le seuil de 100 000 habitants et à laisser la création des ZFE à la discrétion des collectivités. Cela dit, dans le texte de la commission, il ne s’agit que d’une faculté, et non d’une obligation.
Simplement, ce seuil de 100 000 habitants interdit aux petites agglomérations des outre-mer de faire jouer cette faculté. C’est pourquoi M. Théophile a déposé cet amendement ; d’ailleurs, ce n’est pas la première fois qu’il fait une telle proposition : seulement, il y a deux jours, la présidence de séance a été un peu rapide dans la gestion de la parole, et notre collègue n’a donc pas pu faire prospérer son amendement.
J’avoue que cette proposition n’est pas une innovation, puisque le seuil de 50 000 habitants pour les agglomérations existe déjà dans les outre-mer, notamment en matière de perception de la taxe spéciale sur les carburants. Toute agglomération comptant au moins 50 000 habitants peut percevoir cette taxe. La région en sait quelque chose. Pourquoi, d’ailleurs, ne pas le fixer à 30 000 habitants, puisque cela reste une simple faculté ?
En revanche, si l’amendement de M. Dantec, tendant à faire disparaître le seuil, était adopté, toute ville pourrait s’emparer de cette compétence et dresser des plans de zones à faibles émissions. J’aimerais pouvoir être rassuré sur ce point. Si tel n’est pas le cas, puisque mes collègues ont retiré l’amendement défendu par notre groupe, je soutiendrai l’amendement de mon collègue Dominique Théophile ; en revanche, si l’amendement n° 493 rectifié devait bien répondre à la demande de mon collègue, je me rallierais à lui.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Didier Mandelli, rapporteur. De fait, la rédaction de l’amendement n° 493 rectifié n’impose aucun seuil : même au-dessous de 100 000 habitants, chaque agglomération pourra se saisir du problème et mettre en place une ZFE, sans restriction particulière. C’est applicable partout de la même façon, quel que soit le nombre d’habitants de l’agglomération.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Théophile, pour explication de vote.
M. Dominique Théophile. Dans ces conditions, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 523 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 493 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 170 n’a plus d’objet.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 346 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 494 rectifié, présenté par MM. Dantec, Artano, Gold, Arnell et Corbisez, Mme Guillotin et MM. Labbé, Castelli, Gabouty, Guérini, Menonville et Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les modalités de la zone à faibles émissions, à l’instar du périmètre choisi et du type de véhicules intégrés, visent une amélioration nette sur la qualité de l’air de manière à répondre à terme à la nécessité de réduire les taux de concentration en deçà des seuils de pollution de l’air indiqués par l’Organisation mondiale de la santé.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Je profite de cette occasion pour remercier M. le rapporteur du soutien qu’il a bien voulu apporter à l’amendement n° 493 rectifié.
Cet amendement-ci vise à inciter les collectivités territoriales à renforcer leurs actions en faveur de la qualité de l’air au travers de la mise en place d’une zone à faibles émissions. Cela se ferait en s’assurant que les modalités choisies, en particulier le périmètre d’application et les types de véhicules intégrés, sont assez ambitieuses et progressives, notamment du point de vue de l’étendue géographique, pour éradiquer à moyen terme la pollution de l’air.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. J’ai eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet. L’avis de la commission sur cet amendement est défavorable ; nous étions d’ailleurs du même avis sur l’amendement n° 346 rectifié, qui n’a pas pu être soutenu.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Dantec, l’amendement n° 494 rectifié est-il maintenu ?
M. Ronan Dantec. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 494 rectifié est retiré.
L’amendement n° 677 rectifié, présenté par MM. Jacquin, Bérit-Débat et Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Kanner, Cabanel, Courteau, Devinaz et Féraud, Mmes Grelet-Certenais, Guillemot, Jasmin et Lubin, MM. Lalande et Lurel, Mme Monier, MM. Montaugé, Raynal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans les zones à faibles émissions, si des moyens de transport de substitution et des capacités de stationnement suffisantes ne sont pas mis en place par l’autorité compétente, les autorités organisatrices des mobilités peuvent accorder des dérogations de libre circulation. La liste des véhicules concernés par ces dérogations est établie par les autorités organisatrices des mobilités après consultation du comité des partenaires de son bassin de mobilité.
« La mise en place d’une zone à faibles émissions s’accompagne d’un plan d’action comportant des mesures d’accompagnement pour les personnes qui n’ont pas d’autres choix que d’utiliser un véhicule concerné par les restrictions de circulation. » ;
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement a pour objet d’adapter les restrictions propres aux zones à faibles émissions à certains types de publics, y compris aux plus fragiles.
Nous souhaitons ne pas sanctionner davantage des individus ne disposant pas des ressources nécessaires pour l’acquisition d’un véhicule propre ; par ailleurs, si les moyens de transport de substitution sont insuffisants ou inadaptés, des dérogations de libre circulation doivent pouvoir être mises en place. Elles concerneraient notamment les travailleurs se rendant sur leur lieu de travail avec un véhicule traditionnel, ainsi que les véhicules de livraison et de travaux.
Cet amendement a également pour objet – c’est important – de faire en sorte que la mise en place des ZFE soit complétée par un plan d’action comportant des mesures d’accompagnement. En effet, une étude de l’Ademe de mars 2018 sur les zones à faibles émissions à travers l’Europe souligne que les coûts sociaux de ces zones sont mal documentés et que leurs impacts sur la qualité de l’air sont disparates.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Je serais tenté de répondre par l’injonction suivante : souplesse et liberté pour les AOM et les collectivités !
Je comprends l’intention des auteurs de cet amendement. Je tiens à rappeler que les collectivités qui créent des ZFE disposent de larges marges de manœuvre pour définir les voies de circulation et les catégories de véhicules concernées, ainsi que les horaires et les jours pendant lesquels les restrictions de circulation s’appliquent. Une vraie liberté est donc laissée aux collectivités pour adapter ces ZFE aux spécificités de leur territoire, ce qui leur permet notamment de tenir compte de l’offre de mobilité disponible. À ce titre, d’ailleurs, les collectivités peuvent accorder des dérogations individuelles pour permettre à certaines personnes de circuler dans ces zones.
Par ailleurs, donner aux AOM la possibilité d’accorder des dérogations s’agissant de la circulation dans les ZFE, alors que ces autorités ne sont, le plus souvent, pas compétentes pour mettre en place ces zones, puisque cela relève du pouvoir de police de la circulation du maire, ne paraît pas opportun.
Pour ces deux raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; sinon, son avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je veux confirmer que l’étude préalable à la création d’une ZFE doit déjà s’accompagner d’une analyse des populations concernées par le risque de dépassement des normes de qualité de l’air, mais aussi de la proportion de véhicules concernés.
Le projet d’arrêté, assorti de l’étude, est soumis pour avis à l’autorité compétente, aux autorités organisatrices de la mobilité, aux conseils municipaux des communes limitrophes, aux gestionnaires de voirie, ainsi qu’aux chambres consulaires concernées. Il est d’ores et déjà possible d’accorder des dérogations, soit individuelles, soit portant sur des types de véhicules donnés.
Je ne voudrais pas que l’on voie dans les ZFE une mesure visant à interdire les voitures. Elles visent simplement à interdire les véhicules les plus polluants. À ce titre, il y a bien des alternatives, telles que l’usage de modes partagés ou actifs, mais aussi celui de véhicules plus récents. De nombreux dispositifs d’aide ont été mis en place à cette fin par le Gouvernement.
Enfin, comme l’a rappelé M. le rapporteur, le détenteur du pouvoir de police peut ne pas être l’autorité organisatrice de la mobilité ; dès lors, celle-ci ne pourrait pas être compétente pour délivrer des dérogations.
Je vous propose donc le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. Nous pourrions éventuellement modifier le dispositif de cet amendement et, notamment, la phrase précisant que l’autorité organisatrice octroierait les dérogations, si cette décision relève du pouvoir de police du maire.
Nous souhaitons attirer l’attention de toutes et tous sur le risque que représentent, pour la cohésion sociale, les zones à faibles émissions. Lorsque vous nous dites, madame la ministre, que notre amendement est satisfait, car les possibilités de dérogation existantes sont suffisantes, je m’interroge : ces dérogations pourront-elles être du même type que celles qui peuvent exister pour le stationnement ? Pourrait-on obtenir une tarification solidaire, ou bien seulement des dérogations portant sur certains types de véhicules ou sur certaines activités ? Peut-on véritablement entrer dans ce champ ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Des dérogations peuvent absolument porter sur certaines activités, et les études qui doivent être menées doivent permettre de déterminer quelles peuvent être les activités et les personnes concernées et d’adapter les dispositifs en fonction.
Si je ne me trompe, quinze métropoles s’engagent aujourd’hui dans cette démarche ; je peux vous assurer qu’elles sont attentives à la nécessité d’adopter une démarche progressive et de ne pas mettre nos concitoyens en difficulté ; elles ciblent donc leurs dispositifs sur des activités faisant l’objet d’un accompagnement, notamment les activités de livraison. J’estime donc, monsieur le sénateur, que vos préoccupations sont satisfaites.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Madame la ministre, vous parlez d’activités, quand nous parlons de personnes et, notamment, de celles de condition modeste, qui n’ont pas les moyens de faire l’acquisition d’un véhicule propre. Nous ne sommes pas convaincus par vos propos, et nous maintenons donc notre amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 446 rectifié bis, présenté par MM. Léonhardt et Artano, Mme Laborde, MM. Arnell, A. Bertrand, Corbisez, Collin, Castelli, Gabouty, Guérini, Menonville, Requier, Vall, de Belenet, Cuypers et Delahaye, Mme Guidez, MM. Hugonet, Laugier et Lévrier, Mme Primas et M. Temal, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans la région Île-de-France, la mise en place d’une zone à faibles émissions à l’année N est conditionnée au respect d’un taux de régularité annuel moyen des RER et TER franciliens supérieur à 90 % à l’année N-1. Les modalités techniques d’application de cette mesure sont définies par un décret en Conseil d’État. » ;
La parole est à M. Olivier Léonhardt.
M. Olivier Léonhardt. En 2030, dans onze ans, seuls les véhicules dits « propres » pourront circuler dans la zone à faibles émissions de la métropole du Grand Paris.
Je m’en réjouis, d’abord, parce que l’enjeu climatique et environnemental constitue le défi à relever pour notre génération.
Je m’en réjouis, aussi, parce que la mise en place de cette ZFE implique obligatoirement que le Gouvernement offre des alternatives sérieuses aux habitants de grande banlieue, qui sont aujourd’hui contraints de prendre leur voiture pour aller travailler.
Je m’en réjouis, enfin, parce que je me préoccupe depuis vingt ans de la situation déplorable du réseau RER en Île-de-France.
La mise en place de la ZFE obligera le Gouvernement à débloquer de gros moyens en très peu de temps pour les RER.
M. Philippe Dallier. Eh oui !
M. Olivier Léonhardt. Pour que la ZFE fonctionne vraiment et pour lutter vraiment contre la pollution, il faut augmenter vraiment la fiabilité et la régularité des RER, mais il est également obligatoire d’augmenter la capacité de ces trains pour qu’ils puissent accueillir les centaines de milliers de nouveaux voyageurs qui auront alors, fort heureusement, abandonné leur véhicule à moteur thermique.
Madame la ministre, peut-on imaginer mettre en place la ZFE sans offrir d’alternatives aux Franciliens ?
Va-t-on abandonner davantage les habitants de grande couronne, en les privant purement et simplement d’accès à Paris ? C’est pourquoi cet amendement a recueilli les signatures de dix sénateurs issus de cinq groupes politiques et représentant les quatre départements de la grande couronne.
Alors, de deux choses l’une, madame la ministre : soit on veut que les RER fonctionnent en 2030 de manière à permettre à la ZFE d’exister et aux habitants de la grande couronne de se rendre à leur travail dans de bonnes conditions, auquel cas nous comptons sur vous pour soutenir cet amendement, soit on sait d’ores et déjà qu’il ne sera pas possible d’offrir des alternatives sérieuses aux habitants les plus éloignés de Paris, et on se moquera totalement de ces habitants, de leur santé, du climat et de la pollution !
Dans ce cas-là, en effet, il vous faut émettre un avis défavorable sur cet amendement, en utilisant un prétexte technique pour balayer en un instant les préoccupations de 5,5 millions de Franciliens qui vivent en grande couronne.
Mes chers collègues, les habitants de grande banlieue subissent les mêmes difficultés de déplacement que les habitants des zones périurbaines de province. Le quotidien d’un habitant de Sainte-Geneviève-des-Bois, dans l’Essonne, est plus proche de celui d’un habitant de la périphérie d’Angers, de Nîmes, ou de Tourcoing, que de celui d’un Parisien.
L’objet de cet amendement dépasse largement le cadre strict de l’Île-de-France. Nous demandons simplement que les habitants des zones périurbaines soient respectés. J’en appelle donc à la solidarité et à la responsabilité de tous nos collègues issus de territoires de plus en plus ignorés !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. C’est le cri du cœur d’un Francilien, qui dénonce le manque de régularité des transports et leur saturation, avec tous les problèmes que cela engendre pour les habitants.
Toutefois, l’avis de la commission ne s’appuiera pas, contrairement à ce que vous disiez, sur un argument technique. Si la solution proposée ne paraît pas viable, c’est pour une raison simple : cela obligerait à décider chaque année la mise en place d’une ZFE. En réalité, ce n’est pas possible : on ne peut attendre que les critères de l’année n-1 soient connus pour décider ou non la mise en place d’une ZFE ! Tout cela paraît très compliqué à mettre en œuvre.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je ne peux pas laisser dire que l’on ne se préoccuperait pas des habitants des zones périurbaines. Vous avez eu l’occasion de le voter, un titre entier du projet de loi concerne la programmation des infrastructures : les priorités, pour ce qui concerne les investissements, ont été fortement réorientées. Il s’agit de cesser de consacrer toutes les ressources à la réalisation de lignes à grande vitesse, pour s’occuper des transports du quotidien. Je ne peux donc pas laisser dire que l’on ignore les habitants de ces zones.
Tout ce que vous êtes en train de voter dans le cadre de ce projet de loi vise précisément à prendre en compte les transports du quotidien, ceux des habitants des centres-villes, des zones périurbaines, des villes moyennes, des petites villes et des zones rurales, que l’on a pendant trop longtemps ignorés. S’agissant en particulier de l’Île-de-France, j’ai émis un avis défavorable sur l’amendement visant à faire remonter la compétence d’instauration d’une ZFE au niveau de la métropole du Grand Paris. Je souhaite en effet que les communes et les établissements publics territoriaux concernés soient bel et bien associés à la mise en place d’une ZFE. On ne va pas mettre en place brutalement une zone à faibles émissions sur un grand périmètre sans avoir mené une concertation avec les élus concernés.
Vous nous dites par ailleurs qu’il faudrait investir massivement dans les transports pour améliorer la qualité de l’air, objectif que nous partageons tous ici. Nous prévoyons 6,7 milliards d’euros dans le contrat de plan, et c’est du jamais vu. Vous le savez comme moi, notre ambition et le rythme des investissements réalisés aujourd’hui pour remettre en état des réseaux qui ont souffert de décennies de sous-investissement est source de difficultés. En effet, les travaux, destinés à l’avenir, sont susceptibles de créer des perturbations. Selon moi, on « met le paquet » sur les transports en commun, y compris ferrés, en Île-de-France, comme je souhaite qu’on le fasse dans toutes les grandes métropoles, qui ont pris un retard considérable en matière de capacités d’offre ferroviaire.
Tel est le sens de l’action que nous menons. N’essayez pas de donner l’impression que nous souhaitons mettre en place brutalement des zones à faibles émissions, sans aucune mesure d’accompagnement ! C’est tout le contraire qui est proposé ! Non seulement les études menées sur ces zones seront, je le rappelle, accompagnées par l’Ademe, mais leur mise en œuvre sera progressive. Par ailleurs, un accompagnement pour l’étude de solutions alternatives est prévu. Il s’agit de ne mettre en difficulté ni les entreprises ni les habitants de ces zones ou ceux qui ont besoin de s’y rendre.
Bien évidemment, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Nous l’avons bien compris, il s’agit d’un amendement d’appel quelque peu provocateur. Notre collègue a raison de le souligner, il existe un risque réel d’assister, demain, par le biais des ZFE, à une accélération des ségrégations sociales, comme l’ont souligné les auteurs de l’amendement précédent. Au demeurant, votre réponse, madame la ministre, va dans le bon sens.
Il est important de se poser la question au bon moment. Sans vouloir être pénible, je rappelle que nous nous sommes posé un certain nombre de questions, voilà un an, sur la contribution climat-énergie. Pour les avoir insuffisamment prises en compte, nous avons pu déplorer ce qui a suivi ! Aujourd’hui, le moment est venu de poser la question soulevée par cet amendement. On connaît votre engagement, madame la ministre, et ce projet de loi d’orientation des mobilités en témoigne. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous le soutenons, même s’il subsiste bien évidemment, sur certains points, quelques désaccords entre nous.
Nous devons tous en être conscients, si les investissements ne sont pas au rendez-vous, si les primes à la mutation en faveur de véhicules propres pour les ménages modestes ne sont pas à la hauteur, le risque de ségrégation s’amplifiera.
Au demeurant, nous partageons tous le même objectif. L’important est de ne pas refaire les erreurs du passé.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour explication de vote.
M. Jean-Raymond Hugonet. Je remercie Olivier Léonhardt d’avoir déposé cet amendement, que j’ai cosigné, avec des collègues d’autres sensibilités politiques.
Madame la ministre, je sais à quel point vous êtes investie en la matière. Je ne l’oublie pas, vous étiez présente l’année dernière et vous le serez encore cette année, le 12 juillet, à la gare de Brétigny-sur-Orge. Si ce sujet est aussi sensible dans l’Essonne, c’est parce que nous n’oublions pas que la mort de sept personnes est due à un défaut d’entretien des lignes. Cela s’est passé à une encablure de Paris, sur un territoire qui est véritablement considéré comme un territoire de relégation. Pourtant, on nous impose d’y construire, alors qu’il est totalement sous-équipé en matière de transports.
J’ai bien noté votre réponse, madame la ministre, et je sais que vous mettez toute votre énergie pour résoudre le problème. Quoi qu’il en soit, je remercie encore une fois notre collègue Olivier Léonhardt d’avoir déposé cet amendement qui met en lumière un problème particulièrement sensible que nous vivons au quotidien. La situation ne peut plus durer bien longtemps ! Vous l’avez dit, on ne pourra pas rattraper en deux ans le retard pris. Pour la grande couronne, le sujet est vital.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je n’ai pas pour habitude de faire des flatteries ou de dire du bien du Gouvernement… C’est ainsi, la vie démocratique fait que chacun doit tenir son rôle. Cependant, mes chers collègues, nous sommes en train de faire porter au gouvernement actuel, que je ne soutiens pas, la responsabilité de vingt-cinq ans de décisions successives.
M. Michel Dagbert. Absolument !
M. Roger Karoutchi. Combien de fois ai-je dénoncé, avec Laurence Cohen, au conseil d’administration du Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, le manque d’investissements ? À l’époque, la SNCF reprenait même l’argent de l’amortissement du matériel pour le consacrer au TGV. Elle ne le réinvestissait pas en Île-de-France.
On revient donc de loin ! Toutefois, depuis quatre ou cinq ans, l’État et la région consacrent énormément de moyens non seulement au Grand Paris Express, qui est payé par les Franciliens et les entreprises franciliennes, mais aussi à l’amélioration du réseau existant et du contrat de plan. Si l’on considère l’ensemble des actions portées de manière conjuguée par l’État et la région, les moyens d’investissement consacrés à l’amélioration du réseau ont triplé en cinq ans.
Bien évidemment, les résultats ne seront pas là immédiatement. Quand rien n’a été fait pendant vingt ans, ce n’est pas en quatre ou cinq ans que l’on change la donne. Quoi qu’il en soit, les choses bougent. On peut déjà voir sur un certain nombre de lignes de RER ou de métro des transformations, qu’il s’agisse du matériel ou des voies.
Si je comprends les intentions des auteurs de l’amendement, il me semble qu’ils critiquent le passé et non pas forcément l’actualité.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Léonhardt, pour explication de vote.
M. Olivier Léonhardt. Je suis tout à fait d’accord avec M. Karoutchi et Mme la ministre, c’est une bonne stratégie. Je l’ai d’ailleurs dit. Je souhaite que nous puissions mettre en œuvre la ZFE. La vérité, c’est que les gens n’auront pas d’autre solution que de monter dans des trains d’ores et déjà bondés, dans lesquels plus personne ne peut monter. Certes, on peut les empêcher d’aller à Paris en voiture, mais à condition de leur donner d’autres moyens pour s’y rendre.
Bravo, madame la ministre, pour cette ZFE ! Simplement, il faut insister auprès de la SNCF et de tous les partenaires susceptibles de faire avancer ce projet, pour que, dans dix ans, nous ayons amélioré très sérieusement la situation des Franciliens, en particulier de ceux qui habitent en grande couronne.
À Sainte-Geneviève-des-Bois, on met trois heures par jour pour aller travailler : une heure et demie à l’aller ; une heure et demie au retour. J’en parlais avec des collègues, il est plus rapide de venir du Mans que du sud ou du nord de la région parisienne ! Je le dis à mes collègues de province, nous ne sommes pas des Parisiens en matière de transports. Nous vivons à l’extérieur de la zone dense, à l’extérieur du territoire protégé. C’est la raison pour laquelle un aussi grand nombre de mes collègues ont cosigné cet amendement.