Mme la présidente. L’amendement n° 403 rectifié, présenté par Mme Vullien, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les dispositions du treizième alinéa du présent I ne sont alors pas applicables.
La parole est à Mme Michèle Vullien.
Mme Michèle Vullien. Il ne faut pas toujours raisonner en termes d’impôts et de charges ; il faut aussi raisonner en termes d’organisation des transports pour les salariés, afin de faciliter la vie de ceux qui vont au travail.
L’objet de cet amendement est de maintenir la possibilité offerte aux AOM, les autorités organisatrices de mobilité, qui ne souhaitent pas organiser de services réguliers de transport de personnes d’instaurer un versement mobilité à taux réduit de 0,3 % pour financer des services de mobilités actives ou relatifs aux usages partagés de véhicules terrestres à moteur.
Il est cependant important – sur ce point, nous allons, me semble-t-il, tous nous rejoindre – de veiller à ce que le taux réduit ne puisse pas être supérieur à 0,3 %.
Or l’article 2 prévoit, dans ses alinéas 12 et 13, que les communautés de communes qui n’organisent pas de services réguliers de transport public de personnes peuvent instaurer ce versement. Mais, tel que placé dans le texte, il leur serait également possible de bénéficier du bonus « communes touristiques », lequel permet de majorer de 0,2 % le taux applicable. Elles pourraient donc, sans organiser de services réguliers, instaurer un taux de versement mobilité de 0,5 %, beaucoup trop proche de celui d’une AOM de moins de 100 000 habitants, qui organiserait, elle, un service régulier de transport public de personnes.
C’est pourquoi nous demandons, par cet amendement, que le taux de versement ne puisse pas excéder 0,3 % et que les autorités organisatrices ne puissent pas bénéficier d’un bonus quelconque.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. De façon générale, avant d’aborder dans le détail chacun des amendements, permettez-moi de rappeler la philosophie de la commission ou, à tous le moins, les orientations que nous avons prises très en amont de l’examen de ce projet de loi. Nous ne voulions pas créer, dans la mesure du possible, de taxe supplémentaire qui pèserait sur les ménages ou sur les entreprises.
Cela étant dit, les propos tenus par les uns ou les autres traduisent avant tout les lacunes de ce texte à son arrivée, ici, au Sénat. On peut vouloir décréter la fin des zones blanches de la mobilité, mais, si l’on n’a pas de financements pour la mise en œuvre des moyens nécessaires pour le faire et si l’on délègue ces décisions aux intercommunalités ou aux régions, cela paraît un peu compliqué.
C’est pourquoi nous avons essayé de trouver les ressources permettant aux collectivités qui le souhaiteraient d’exercer ces compétences. À cet égard, je reviendrai dans le détail sur l’amendement concernant les régions, mais j’indique d’ores et déjà que celles-ci n’ont pas demandé à bénéficier du versement. C’est pour cette raison que nous n’avons pas prévu de versement mobilité au bénéfice des régions.
Nous avons maintenu le caractère facultatif. Certaines collectivités – je pense à l’une d’entre elles située dans la région rennaise où je me suis rendu à l’invitation de Françoise Gatel – n’ont pas mis en place le versement transport. C’est un choix des collectivités : ce n’est donc pas obligatoire.
Nous avons prévu un taux minoré. Effectivement, à Paris, le taux est de 3 %, mais on parle ici d’un taux minoré à 0,3 % ; ce n’est pas la même chose. Philippe Dominati l’a évoqué, en citant quelques exemples de pays étrangers où le taux de 0,3 % est appliqué.
De plus, nous maintenons le verrou des onze salariés, alors que certains amendements avaient pour objet d’abaisser le seuil et de faire cotiser les entreprises à partir du premier salarié.
Surtout, nous considérons qu’il n’est pas de la responsabilité ou, en tout cas, de la seule responsabilité des entreprises de financer toutes ces actions en matière de mobilité. Nous avons donc intégré un mécanisme supplémentaire pour ce qui concerne l’affectation de la TICPE dans les territoires peu denses notamment, y compris sur le plan économique, ce qui permettra à chaque collectivité de mettre éventuellement en œuvre des actions de mobilité. Si une collectivité n’a pas de financements, l’intercommunalité pourra se saisir de la compétence, au détriment d’autres actions publiques. De la même façon, si les régions voulaient l’exercer, ce serait a priori moins problématique, car les budgets consacrés à la mobilité y sont beaucoup plus importants. Mais, je le répète, les régions n’ont pas exprimé cette demande.
Nous avons essayé de trouver un équilibre subtil ; ce n’est pas parfait, je le reconnais, mais j’aurais préféré que les financements existent à l’origine, quand le texte nous est parvenu, ce qui ne fut pas le cas. Nous avons donc essayé, je le répète, de trouver un équilibre, en concertation avec les différents acteurs concernés, et en liaison d’ailleurs avec les entreprises et leurs représentants, afin d’intégrer des financements, en les limitant, en les encadrant et en les canalisant. Ce n’est pas forcément parfait, je le redis, mais tel est le projet que nous vous proposons.
Concernant l’amendement n° 140, comme je l’ai indiqué, les régions n’ont pas exprimé la demande de bénéficier du versement transport. Un prélèvement additionnel entraînerait une hausse importante de la pression fiscale puisqu’il affecterait toutes les entreprises sur l’ensemble des territoires. Il est illusoire de considérer qu’une entreprise installée dans un secteur peu dense finance une mobilité à l’autre bout de la France.
En conséquence, l’avis est défavorable.
Concernant l’amendement n° 925 présenté par le Gouvernement, je suis prêt à entendre toutes les propositions de financement des services d’où qu’elles viennent, notamment si elles émanent du Gouvernement. Mais, en l’occurrence, ce n’est pas le cas.
S’agissant des services non réguliers, nous avons considéré que ce sont les territoires peu denses, les collectivités les moins dotées sur le plan économique et en termes de services publics qui ont le plus besoin de mobilité. Dans ces cas-là, les distances ont une dimension beaucoup plus contraignante pour nos concitoyens. C’est pour cette raison que nous avons fait sauter le verrou du versement régulier. On ne va pas mettre des autocars et des trains dans les territoires que nous avons évoqués hier, des territoires insulaires, de montagne, etc. Il faut être au plus près des besoins de chacun de nos concitoyens. De fait, le verrou du service non régulier était un frein à la mise en œuvre de ces dispositions.
En conséquence, l’avis est défavorable.
Concernant l’amendement n° 632 rectifié, il n’est pas opportun de rétablir à cet article une condition relative aux catégories de services organisés par l’AOM. L’avis est donc également défavorable.
J’ai eu l’occasion de répondre sur l’amendement de notre collègue Philippe Dominati au travers de mon propos liminaire. Pour les mêmes raisons que pour l’amendement n° 925 du Gouvernement, l’avis est également défavorable, même si je peux partager l’esprit de l’amendement et l’objectif visé.
Toujours pour les mêmes raisons que pour l’amendement n° 925 du Gouvernement, l’avis est défavorable sur l’amendement n° 837 rectifié quinquies.
Enfin, l’avis est favorable sur l’amendement n° 403 rectifié de Mme Vullien visant à préciser qu’il ne faut pas créer d’écart excessif au regard des services à organiser. Il s’agit d’une remarque pertinente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je veux dire aux auteurs de l’amendement n° 140 qu’ils se trompent de quinquennat : il n’y a pas de baisse des dotations aux collectivités ! (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Vous allez mettre tout le monde en colère ! Il ne faut pas mentir, ce n’est pas vrai, madame la ministre !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Mais si, c’est vrai ! C’est tout simplement factuel.
Il faut effectivement se préoccuper de trouver des ressources pour financer les services de mobilité, mais il faut aussi prendre en compte l’impact sur nos entreprises. Les régions n’ayant rien demandé, ce n’est donc pas la peine de créer une taxe sur les entreprises.
Je veux vous donner quelques ordres de grandeur : les régions dépensent aujourd’hui quelque 6 milliards d’euros par an pour les services ferroviaires ou routiers, auxquels s’ajoutent 1 à 2 milliards d’euros pour les investissements. Or il s’agit de quelques dizaines de millions d’euros pour les ressources dont nous parlons, sachant que nous sommes, par ailleurs, en train de régler avec les régions des problèmes de remboursement de la TVA. Cela explique que les régions n’aient rien demandé. Prévoir des taxes sur les entreprises pour des régions qui n’ont rien demandé ne me semble pas une bonne idée.
En conséquence, l’avis est défavorable.
Pour ce qui concerne les autres amendements, je propose leur retrait au profit de l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Pour ma part, je pense qu’il faut soutenir l’amendement de M. Paccaud, qui va dans le sens de la suppression de la taxe de 0,3 % pour les zones économiquement peu denses. Pourquoi ?
C’est, me semble-t-il, la double peine. Il s’agit de territoires qui rencontrent les plus grandes difficultés à maintenir une activité économique et industrielle. Cet argent n’accroîtra pas leur capacité à investir pour maintenir leur activité dans ces territoires. Qui plus est, 0,3 % de la masse salariale des entreprises n’apportera pas suffisamment d’argent aux collectivités pour organiser la mobilité des territoires où les habitants sont hyperdispersés, où le temps et la distance de trajet sont relativement longs. C’est donc, à mon avis, la double peine pour ces territoires.
On ferait mieux de réfléchir à la possibilité de mettre en place une péréquation entre les territoires où il est très facile de se mouvoir et les autres, plutôt que d’appliquer encore une pénalité supplémentaire à des territoires qui n’en ont absolument pas besoin.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je soutiens l’amendement de Mme Vullien et, bien sûr, celui de mon groupe.
Il est important de donner aux collectivités où il y a de petites structures et où se posent justement des problèmes de mobilité les moyens d’y répondre.
Je suis bien sûr sensible aux difficultés rencontrées par les entreprises dans ces territoires. Mais l’une d’entre elles tient justement au fait d’avoir des infrastructures qui consolident leur présence ; sinon, c’est une spirale sans fin. Ce n’est pas le taux de 0,3 % ou je ne sais quel chiffre qui sera déterminant pour leur activité ! Sans infrastructures, qu’elles concernent le transport ou qu’il s’agisse d’infrastructures technologiques, les activités ne pourront être maintenues dans ces territoires.
Par ailleurs, quant au ras-le-bol fiscal évoqué par nos collègues, il est presque, dirai-je, chromosomique.
Dès Philippe le Bel, qui a créé l’impôt pour transformer la contribution croisade en impôt, les trésoriers-payeurs généraux avaient fait remonter du terrain que les gens estimaient que c’était trop cher, qu’il y avait trop d’impôts. Philippe le Bel, non sans sagesse, leur avait alors répondu par édit : je vous autorise à négocier le niveau, mais pas le principe ; quand le principe sera installé, nous reverrons le niveau.
Depuis le début, les Français sont allergiques à l’impôt et, pour autant, cela n’a pas empêché la France d’être un grand pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Je veux dire, à mon tour, que notre groupe votera contre les amendements proposés, à l’exception de celui de Mme Vullien. Nous sommes particulièrement opposés à l’amendement de suppression du Gouvernement, qui souhaite rallier à sa cause l’ensemble des sénatrices et des sénateurs.
Notre rapporteur a bien posé le problème. Il existe des zones blanches de mobilité, auxquelles nous voulons répondre, ce qui est très bien, et c’est inscrit dans la loi. Mais le péché originel de ce projet de loi, c’est que ce dernier ne prévoit pas de financement pour aider les collectivités qui le souhaitent à se saisir de cette problématique, notamment en milieu rural. C’est aussi vrai ailleurs, mais cela l’est surtout en milieu rural.
Demain, des communautés de communes se verront confier l’autorité organisatrice de mobilité, ex-autorité organisatrice de transport, sans moyens. Il est donc normal de leur donner un minimum – 0,3 % du versement transport. Cela a été indiqué par ailleurs, ce pourcentage peut s’élever à 2 % dans l’ensemble du territoire, sauf à Paris où le taux est de 3 %. Ce versement de 0,3 % à celles qui mettront en place des dispositifs, qui ne seront pas forcément complets, leur permettra de répondre aux besoins des citoyens.
Les manifestations successives des « gilets jaunes » – les premières, surtout – montraient bien que les territoires ruraux subissent une double peine. Sur le plan de la mobilité, l’absence de transports collectifs rend obligatoire l’utilisation de la voiture et un certain nombre de conséquences en découlent, dont celles qui sont liées à l’augmentation du prix de l’essence et du gasoil.
Je soutiens donc, tout comme les autres membres du groupe socialiste et républicain, les propositions avancées par M. le rapporteur, qui, pourtant, ne partage pas du tout nos convictions. Ces propositions sont de bon sens et je m’oppose à la suppression du dispositif envisagé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Françoise Gatel, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la ministre, je voudrais tout de même répéter, d’une manière assez simple et respectueuse, ce que j’ai dit l’autre jour.
Je salue votre intention : vous promettez, à chaque citoyen, à chaque habitant de n’importe quelle partie du territoire, que ce texte réglera, demain, la question de son déclassement. J’y souscris, et je reconnais que certaines mesures sont extrêmement intelligentes.
Sauf que, madame la ministre, votre projet est aussi intelligent qu’indigent !
Si nous sommes rendus à user d’« imagination fiscale », c’est parce que – je vous le dis avec sincérité et respect – le texte que vous nous proposez est un rêve. C’est le père Noël, cette affaire ! On ne sait pas qui va payer, ni comment tout cela sera financé !
Je ne suis pas spontanément favorable à l’idée de prélever de la fiscalité sur des entreprises implantées dans des territoires où elles ne sont pas forcément très nombreuses et au titre d’un service qui ne bénéficie pas forcément à leurs salariés. Prenez donc notre interpellation comme une provocation intelligente, pour vous obliger à revenir vers nous, ou à vous présenter à nos collègues de l’Assemblée nationale, avec la réponse à la question que vous posez.
Vous nous expliquez, madame la ministre, que le grand débat apportera des solutions. C’est très bien le grand débat, mais, franchement, cela relèverait du miracle si une seule personne, à l’occasion de l’une de ces réunions, pouvait proposer la solution à la problématique abordée aujourd’hui !
C’est au Gouvernement qu’il revient de nous proposer des solutions, reposant sur la solidarité nationale et en lien avec les objectifs en matière d’écologie.
Au titre de la commission des lois, je ferai cette observation concernant les propositions de nos collègues, qui sont, d’une certaine manière, le fruit de ce que vous ne nous apportez pas : ce qui nous sauve, si je puis dire, c’est l’absence de toute obligation pour les collectivités. Nous parlons effectivement d’une liberté qui leur est accordée, même si cette dernière peut être conditionnelle.
Pardonnez-moi de le dire, madame la ministre, mais c’est votre faute si nous en arrivons à ce genre de discussion ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. La comparaison internationale qui nous a été livrée entre New York et la France m’a paru extrêmement intéressante. Je trouve ça génial ! Il faut retourner à New York, monsieur Dominati, parce que, si quelque chose est indigent dans cette ville, c’est bien les transports publics, en particulier le métro ! Ce dernier est dans un tel état que les New-Yorkais craignent de le prendre !
La question – et elle se pose de manière très forte aujourd’hui aux États-Unis –, c’est effectivement de savoir comment l’on va refinancer les transports publics.
Ainsi, au travers de la comparaison internationale que vous avez bien voulu nous livrer, vous avez finalement démontré, à votre corps défendant, que le système français fonctionnait plutôt bien.
S’agissant maintenant de la comparaison entre les territoires, il me semble toujours important de s’interroger sur ce point : pourquoi certains territoires ont-ils des avantages compétitifs par rapport à d’autres ?
Je voudrais notamment évoquer le cas des territoires ruraux des aires urbaines rattachées aux métropoles – ce n’est pas vrai pour les grands territoires ruraux.
On trouve, dans le périmètre des métropoles, des territoires assujettis au versement transport, à des niveaux élevés – 1,8 % ou 2 % selon les cas –, et d’autres dans lesquels les employeurs n’ont rien à payer. Cette taxe est donc parfois mentionnée par les cabinets conseillant les entreprises dans leur choix d’installation. On leur signalera qu’à tel endroit, en s’installant un peu en dehors des territoires concernés par le versement transport, elles paieront moins. Cela dessert la politique de transports et, en ce sens, n’est pas souhaitable.
Par ailleurs, toujours dans ces territoires ruraux des aires urbaines – j’ai bien précisé que je ne parlais pas des territoires ruraux en général –, il y a un intérêt majeur à ce que les structures portées par les métropoles ou les régions soient améliorées, par exemple avec un meilleur cadencement des trains. Pour ce faire, il faut des recettes !
Je ne trouve pas anormal de travailler sur ces possibilités de transports publics supplémentaires au niveau régional. Dans notre agglomération de Toulouse – une collègue élue du même territoire ici présente pourrait aussi le dire –, de nombreuses personnes se déplacent en voiture et viennent s’agréger à la circulation dans la métropole, alors qu’avec un meilleur cadencement des trains elles pourraient utiliser le rail.
C’est dans ce cadre que le versement de 0,3 % pourrait s’avérer utile, et tout à fait normal pour les entreprises de ces territoires.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. En fait, nous sommes face à un dilemme – pour ma part, en tout cas, je me sens très partagé entre la proposition du rapporteur et les considérations évoquées par mes collègues ici présents. Il s’agit de savoir si l’on se donne des moyens pour assumer la politique en termes de mobilité, alors que le financement nécessaire ne figure pas dans le présent texte, ce que, évidemment, nous regrettons tous collectivement.
Ce double aspect nous pose problème, et nous place dans une vraie difficulté.
Néanmoins, si j’entends les arguments des uns et des autres, je suis particulièrement sensible à ceux du rapporteur, qui s’arrête sur les moyens nécessaires pour permettre aux collectivités d’assumer leur rôle dans la politique de mobilité, notamment dans les territoires ruraux.
Il faut se donner les moyens de ses ambitions, et c’est le choix que notre rapporteur fait aujourd’hui ! J’insiste également sur le caractère facultatif de la mesure, en l’état actuel de la rédaction du projet de loi.
Entre deux maux, mes chers collègues, il faut choisir le moindre ! Je vous invite donc à suivre les positions de la commission et de nos rapporteurs, leurs travaux étant cohérents avec l’ensemble de ce texte.
M. Jean-Marc Boyer. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Si, madame la ministre, il y a eu une réaction de mon groupe et de sa présidente quand vous avez évoqué les relations entre l’État et les collectivités territoriales – la bronca, d’ailleurs, a dépassé nos rangs –, c’est parce que l’on ne peut pas dire ça !
En même temps, vous avez raison, il faut faire preuve de rigueur politique. Je n’ai pas décidé, ni d’autres sur ces travées, la trajectoire visant à réduire la dépense publique de 3 points de PIB d’ici à 2022 et à prendre, sur les 60 milliards d’euros d’économies envisagées, 13 milliards d’euros sur le dos des collectivités territoriales.
Ce sont des faits, madame la ministre, et ils ne peuvent pas nous diviser dans cette enceinte. C’est une réalité, un choix politique qui affecte tous les niveaux de collectivités, de la commune à la région.
Par ailleurs, vous avez aussi raison, il faut être exact. Je reconnais que cette difficulté dans les rapports entre l’État et les collectivités territoriales n’est pas nouvelle. Il ne s’agit évidemment pas de se lancer dans des polémiques sur ce qui dépend, ou non, de ce quinquennat. Dans mon département du Val-de-Marne, je peux vous dire que nous avons perdu, au cours du précédent quinquennat, de 2013 à 2017, 299 millions d’euros de dotation globale de fonctionnement.
Nous devons avoir cette rigueur politique dans les décisions que nous prenons.
D’autres représentants départementaux sont présents ici… Dans mon département, les allocations d’insertion et de solidarité sont passées de 144 à 152 millions d’euros. Une augmentation de près de 9 millions d’euros !
Cette question des relations entre l’État et les collectivités territoriales doit donc être traitée avec attention.
Par ailleurs, 9 500 réunions ont été organisées en France, sur l’initiative de votre gouvernement, madame la ministre, et d’un parti politique qui s’appelle La République En Marche. Or il me semble que, depuis le début de l’examen de ce projet de loi d’orientation des mobilités et, en particulier, dans la discussion que nous venons d’avoir sur nos amendements, nous sommes assez éloignés de ce qui émane de ce grand débat. Mme Françoise Gatel l’a dit à sa façon, et je partage ses propos.
On ne peut pas s’inventer des débats ici, alors que 9 500 réunions, qu’on le veuille ou non, ont été organisées dans tout le pays, rassemblant un grand nombre de citoyennes et de citoyens. D’ailleurs, madame la ministre, je ne sais pas si, quand vous avez participé à ces débats, vous avez avancé les mêmes propositions que celles que vous nous faites aujourd’hui – cette observation vaut autant pour les membres de la majorité que pour ceux qui se disent dans l’opposition.
Enfin, nous allons maintenir notre amendement n° 140, mais il y a débat et nous avons pu voir qu’un autre amendement, défendu par Mme Michèle Vullien, permet aussi aux régions de disposer d’une dotation transport.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Pascal Savoldelli. Nous ferons les comptes ultérieurement, nous verrons quelles sont les conséquences de l’exonération du télétravail et si cela ne crée pas une inégalité entre territoires ruraux et territoires denses. Cela étant, nous voterons l’amendement n° 403 rectifié de Mme Vullien.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Houllegatte. En milieu rural, la performance des entreprises est souvent en adéquation avec celle du territoire sur lequel elles sont implantées.
Par ailleurs, on le sait bien, les entreprises vont puiser, dans leur environnement, les ressources qui sont, parfois, indispensables à leur fonctionnement. Parmi ces ressources, on trouve, bien évidemment, les ressources humaines. C’est une bonne nouvelle, mais il y a un revers à la médaille : il est parfois difficile de recruter des salariés dans nos territoires ruraux.
D’où la nécessité d’un dialogue avec les élus locaux pour renforcer l’attractivité des territoires. Pour cela, il existe un certain nombre de leviers : les services publics, l’habitat et le logement, la formation – je pense notamment à la formation professionnelle de proximité, avec les centres de formation d’apprentis. S’y ajoutent logiquement l’accessibilité du territoire et, au-delà, l’organisation des déplacements sur ces petits bassins de mobilité.
Le versement transport de 0,3 % donne aux autorités organisatrices de mobilité de taille réduite la possibilité de mettre en place des services indispensables, notamment au bon fonctionnement des entreprises.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Une des grandes forces de votre projet de loi, madame la ministre, et nous le soutenons très résolument sur ce point, c’est l’idée que tous les territoires doivent se saisir de la question de la mobilité, avec ce couple formé de la région et de l’intercommunalité, en écho aux dispositifs de la loi NOTRe et de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte qui orientent ce couple vers les questions climatiques. Demain, ces deux niveaux devront travailler en synergie.
Le travail mené par le rapporteur pour essayer de trouver un équilibre, difficile, conforte l’esprit de votre projet de loi, et même très largement. En effet, pour que des territoires puissent se saisir de la question de la mobilité, y compris en imaginant des solutions souples, adaptées à leur taille réduite, il leur faut une capacité en termes de recettes. Et un versement de 0,3 %, c’est une petite capacité de recettes…
La proposition du rapporteur va tout à fait dans le sens du texte. Je dirai même que c’est une des mesures qui soutient le plus son esprit, d’où mon incompréhension face à l’amendement du Gouvernement.
Je crois, au contraire, qu’il faut maintenir cette capacité de recettes. C’est aussi par les projets, y compris les petits projets, que l’on créera une culture de mobilité dans un certain nombre de territoires. Pour ces petits projets, il faut un petit financement : c’est le versement de 0,3 %, qui, j’y insiste, conforte l’esprit de ce projet de loi !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. On peut difficilement dire que l’on souhaite aider les territoires ruraux et, dans le même temps, leur enlever les faibles avantages qu’ils peuvent avoir par rapport aux zones denses. Toutes choses égales par ailleurs, une entreprise choisira de s’implanter dans une zone dense, car elle y trouvera un bassin d’emploi et bien d’autres services.
Je le vois dans mon département, le seul petit atout dont disposent les zones rurales, c’est leur fiscalité relativement basse, et donc attractive pour les entreprises. Nous avons une métropole en Moselle et, en limite de cette métropole, nous voyons de temps en temps des entreprises choisir de s’installer de l’autre côté de la limite. Certes, l’implantation en zone rurale est moins bonne, du fait, notamment, de la moindre présence de services publics, mais les entreprises échappent ainsi au versement transport.
J’admets tout à fait que l’on puisse choisir d’instaurer un versement transport dans les zones rurales profondes. Mais alors, qu’on ne prétende pas aider les zones rurales !
À un moment donné, il faut faire un choix ! Pour ma part, j’estime que les zones urbaines – ce que certains ici appellent les « zones denses » – sont très avantagées par rapport aux zones rurales et qu’il ne faut pas enlever à ces dernières le faible avantage qui leur reste encore en termes d’attractivité.
En outre, mes chers collègues, vous savez très bien que le versement transport de 0,3 % que l’on instaurerait aujourd’hui deviendrait, dans cinq ans, un versement de 1 % ou 1,5 %. Dès lors qu’on le crée, on ouvre la pompe et, automatiquement, le système a tendance à s’aggraver. C’est pourquoi je suis radicalement opposé à ce versement de 0,3 %.