Mme la présidente. L’amendement n° 625 rectifié bis, présenté par MM. Bérit-Débat et Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Kanner, Cabanel, Courteau, Devinaz et Féraud, Mmes Grelet-Certenais, Guillemot, Jasmin et Lubin, MM. Lalande et Lurel, Mme Monier, MM. Montaugé, Raynal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rapport annexé, après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Afin d’assurer le financement des investissements de l’État dans les infrastructures de transport pour la période 2019-2037 prévus par la présente loi, le Gouvernement lève un emprunt à moyen et long termes pour couvrir à due concurrence l’écart entre les dépenses prévues par la trajectoire fixée par la présente loi et les ressources actuellement identifiées pour les financer.
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Au travers de cet amendement, nous proposons que l’État lève un emprunt à moyen et long terme afin de financer les investissements dans les infrastructures prévus par le projet de loi.
Madame la ministre, vous avez fait le choix de ne pas financer de nouvelles infrastructures sans avoir, au préalable, identifié les nouvelles ressources nécessaires, taxes ou impôts. Dont acte, mais il est déjà largement douteux que ces ressources soient au niveau envisagé, puisqu’il manquera 500 millions d’euros par an à l’Afitf à partir de 2020. La commission du développement durable du Sénat a dû sanctuariser l’affectation à l’Afitf du produit de l’augmentation de la TICPE prévue par la loi de finances pour 2015.
Malgré cela, les ressources pérennes et assurées sont encore largement insuffisantes pour que puissent être atteints les objectifs fixés par la programmation du scénario n° 2 proposé par le Conseil d’orientation des infrastructures. Et que dire des projets prévus dans le cadre du scénario n° 3, désormais pris en compte dans le rapport annexé ?
Parmi les solutions envisagées figurait la création d’une vignette pour les poids lourds, mais les amendements que nous avions déposés en vue de la mise en place d’une telle taxe ont subi le couperet de l’article 40. Nous trouvons des recettes pour que l’État puisse financer sa politique de transports, et l’on nous reproche de créer des charges nouvelles pour l’État… C’est à n’y rien comprendre !
Plusieurs raisons militent donc en faveur de la levée d’un emprunt à long terme pour financer les infrastructures dans un contexte particulièrement difficile, sur fond de crise des « gilets jaunes » et de montée de l’intolérance à l’impôt.
Madame la ministre, comme vous le savez, les taux d’intérêt des obligations d’État sont aujourd’hui extrêmement bas : ils sont d’environ 0,5 % à dix ans, de moins de 1 % à vingt ans et de quelque 1,5 % à trente ans. Ils n’ont jamais été aussi bas. Ils demeurent inférieurs à l’inflation, qui devrait d’ailleurs augmenter un peu et rendre encore plus faible, en termes réels, le coût des emprunts, y compris à moyen et long terme. Tous les indicateurs sont aujourd’hui au vert. Selon la Banque de France, la charge de la dette devrait baisser, en 2021, de près de 10 milliards d’euros.
Notre amendement s’inscrit bien dans une logique de « déficit sans pleurs », pour reprendre la belle expression d’un grand économiste, Jacques Rueff. Cet emprunt serait quasiment indolore pour le budget de l’État et pourrait avoir un effet de relance de l’économie, ce qui, dans le contexte actuel de ralentissement de la croissance, serait appréciable. C’est précisément dans ce contexte de ralentissement que l’on observe, aux dires de certains économistes, que les mesures prises pour répondre à la crise des « gilets jaunes » auraient permis un léger effet de relance de l’économie. Il faut continuer dans cette voie. Il est particulièrement utile, dans une conjoncture de croissance atone, de relancer l’investissement, notamment dans les infrastructures de transports, qui ont un effet structurant sur les territoires et font sens pour la société.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, sur lequel vous avez beaucoup travaillé, mon cher collègue.
Sur la question du financement, nous avons eu l’occasion d’exprimer notre déception devant le manque de ressources pour mettre en œuvre les ambitions affichées par ce projet de loi. Nous avons souhaité rétablir une part de TICPE affectée à l’Afitf acceptable, en la fixant à 1,2 milliard d’euros, et nous ne désespérons pas que cette part croisse dans les années à venir, afin de tendre, au-delà du scénario n° 2, vers le scénario n° 3.
Beaucoup de propositions ont été faites en matière de financement. Nous ne sommes pas favorables à un emprunt, même si les taux d’intérêt sont faibles. Nous espérons que, demain, le Gouvernement pourra nous proposer des financements suffisants pour faire face aux enjeux sur l’ensemble de notre territoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je comprends votre souhait que le financement soit bouclé. Je confirme l’engagement du Gouvernement de dégager une ressource supplémentaire, à hauteur de 500 millions d’euros par an à partir de 2020. Nous allons prendre le temps d’examiner toutes les propositions issues du grand débat avant de trancher.
Ce que vous proposez, monsieur le sénateur, revient finalement à financer les projets par un endettement de l’Afitf. Or on a déjà trop eu recours à cette méthode consistant à prendre des décisions d’investissement sans en assurer le financement. Ainsi, comme je l’ai déjà indiqué, à ma prise de fonctions, j’ai trouvé 10 milliards d’euros d’engagements non financés. Je ne pense pas que ce soit une bonne solution d’aller dans ce sens. Je redis la détermination du Gouvernement à répondre à la nécessité de trouver une ressource supplémentaire à hauteur de 500 millions d’euros par an. L’avis est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Le Grand Paris Express est l’exemple type du projet financé par l’emprunt. On a chargé la Société du Grand Paris d’emprunter sur le marché bancaire les 20, 25 ou 30 milliards d’euros nécessaires, étant entendu que les emprunts sont adossés à des taxes supplémentaires supportées par les Franciliens et les entreprises franciliennes, probablement pour une durée de cinquante ans.
Ce qui me gêne avec cet amendement, c’est que l’emprunt en question sera de fait adossé à du déficit budgétaire supplémentaire. Même si je déplore les dérives du financement du Grand Paris Express, le modèle est plus équilibré : ce sont les Franciliens, futurs bénéficiaires de l’infrastructure, qui paient. Je préférerais qu’ils paient moins, mais le schéma assez logique ! En revanche, demander la levée d’un emprunt sans préciser comment il sera remboursé revient en réalité à alourdir encore la dette de la France, qui est déjà considérable. Mieux vaut cesser d’ajouter des dettes aux dettes.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dagbert, pour explication de vote.
M. Michel Dagbert. J’entends bien les arguments qui viennent d’être avancés par notre collègue Karoutchi, mais, en l’occurrence, il s’agit d’une dette que je qualifierai de vertueuse, dans la mesure où elle a vocation à permettre l’accélération de la réalisation d’un certain nombre d’infrastructures, dont chacun, ici, s’accorde à reconnaître qu’elles n’ont que trop tardé à voir le jour.
J’insiste sur les effets positifs qu’aurait cet emprunt, y compris sur l’économie réelle, qui a souffert de la baisse du rythme des investissements d’un certain nombre de collectivités territoriales. Compte tenu des éléments avancés par notre collègue Claude Bérit-Débat, notamment sur la base de constats faits par des économistes, il nous apparaît que cette solution d’un recours à l’emprunt est crédible dans la perspective de favoriser une accélération de la réalisation d’infrastructures.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. Nous apprécions tous, je crois, l’esprit de concorde qui prévaut pour l’examen de ce texte.
Mme la ministre le reconnaît elle-même, on manque de financements. M. le rapporteur a proposé, en commission, d’affecter une part plus grande de TICPE à l’Afitf, ce qui nous a tous enthousiasmés. Néanmoins, il manque toujours des financements. Nous sommes confrontés au défi du réchauffement climatique : comment ne pas évoquer des mécanismes simples et sains, que de très nombreux pays ont mis en œuvre tranquillement, dans un esprit de justice fiscale, pour faire en sorte que ce qui pollue soit plus coûteux que ce qui ne pollue pas ?
C’est une question de bon sens et de fonctionnement économique vertueux. Par exemple, tenir compte des externalités négatives permettrait de corriger un certain nombre de dysfonctionnements. Il n’est pas normal qu’il coûte moins cher de traverser la France en avion qu’en train, sachant que le bilan carbone du transport aérien est exécrable et que personne ne comprend que ce mode de transport ne soit pas davantage fiscalisé. Dans le même ordre d’idées, demeurant à proximité du Luxembourg, je subis le passage de cohortes de camions étrangers qui vont s’approvisionner en carburant de l’autre côté de la frontière, avant de traverser la France et de refaire le plein en Espagne… Cette situation est tout à fait injuste ! Il faudrait, monsieur le rapporteur, trouver le bon mécanisme pour discriminer négativement la circulation de ces poids lourds.
Monsieur Karoutchi, vous avez évoqué le Grand Paris Express. Nous proposerons ultérieurement un amendement tendant à ouvrir aux collectivités territoriales la faculté de lever un complément soit de taxe d’aménagement, soit de droits d’enregistrement pour contribuer au financement des grandes infrastructures : il s’agit de viser les plus-values immobilières privées réalisées autour d’infrastructures telles que les gares. Cette proposition va, elle aussi, dans le sens de la justice fiscale.
Le grand emprunt que nous proposons de lever servirait à financer non pas des dépenses de fonctionnement, mais la transition écologique, au travers d’investissements de long terme. Cela me paraît relever du bon sens.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Houllegatte. Nous sommes dans une société du mouvement, de l’accélération des flux, matériels ou immatériels. On parle beaucoup, à l’heure actuelle, du désenclavement numérique et de la circulation des flux immatériels à propos du plan très haut débit. N’oublions pas que notre économie moderne, issue de la révolution industrielle, est fondée sur l’échange, avec le célèbre « laisser faire, laisser passer ». La France du XIXe siècle a investi dans un réseau ferré qui a complètement dynamisé l’économie à l’époque. Au XXIe siècle, la mobilité est asphyxiée à tous égards, congestionnée. Je suis persuadé qu’investir dans la mobilité, c’est investir dans la croissance.
Pour réaliser le canal Seine-Nord Europe, il faudra aussi, à un moment donné, recourir à l’emprunt, gagé sur les redevances versées par ceux qui bénéficieront de ce nouvel axe structurant. N’ayons donc pas peur de l’emprunt à partir du moment où il permet de stimuler la croissance et assure un retour sur investissement.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Dans sa lettre où il explicite sa vision de l’Europe, le Président de la République évoque la création d’une banque européenne du climat. S’il veut une banque, c’est, logiquement, qu’il veut pouvoir emprunter. On peut lire entre les lignes que le Président de la République a, comme nous tous, bien compris que, si l’on veut tenir les engagements sur le climat, on ne pourra rester dans le cadre de l’orthodoxie financière. C’est aussi ce que nous a dit Pierre Larrouturou, à l’occasion d’un exposé qui a beaucoup impressionné les sénateurs présents, de toutes sensibilités politiques.
Une difficulté tient au fait que l’amendement ne précise pas que l’emprunt devra servir à financer uniquement des infrastructures permettant de lutter contre le changement climatique. Or Dieu sait que certaines infrastructures ont un impact négatif à cet égard ! Dans cette perspective, ce sont principalement des infrastructures ferroviaires qu’il convient de financer, et l’on ne pourra le faire que par l’emprunt. On n’y arrivera pas en restant dans le cadre de l’orthodoxie financière !
Le dispositif de l’amendement est peut-être trop large, mais il a le mérite de poser une question politique. On a le sentiment que le Président de la République, dans le cadre des conclusions du grand débat et de la préparation de la campagne pour les élections européennes, est en train de faire un pas dans ce sens. Y reviendrons-nous lors de la discussion du projet de loi de finances ? En tout cas, il est bon de lancer dès maintenant le débat. C’est une évidence, nous ne pourrons pas tenir nos objectifs en matière de climat sans procéder à des investissements massifs.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Je voudrais appeler en renfort un économiste, Jean Pisani-Ferry, qui a exercé une certaine influence auprès du Président de la République. Permettez-moi de le citer :
« On regardera sans doute demain comme un grand paradoxe que, par manque de crédibilité et de confiance mutuelle, des États qui empruntaient à 0,7 % dans un contexte de croissance nominale de 3 % n’aient pas davantage tiré parti d’une fenêtre aussi exceptionnelle. […] La dette publique française frôle aujourd’hui 100 % du produit intérieur brut du pays. Il est inévitable et salutaire que l’approche de ce seuil suscite un débat. Sommes-nous en danger ? Quelles stratégies adopter pour réduire la dette ? Commençons par l’évidence : il n’y a pas de risque immédiat. Nous sommes toujours dans une période de déficits sans pleurs parce que l’État français emprunte sur dix ans à un taux nettement inférieur à 1 %, qui ne compense même pas l’inflation. Tendanciellement, si cela continue, la charge des intérêts représentera moins de 1 point de PIB, comme à la fin des années 1970, lorsque la dette ne pesait que 20 % du PIB. Certes, les taux vont remonter, mais sans doute lentement et, surtout, la maturité moyenne de la dette est de plus de sept ans. Quand bien même la normalisation serait brutale, l’impact sur la charge annuelle d’intérêts demeurera graduel. »
Merci à Jean Pisani-Ferry ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Les auteurs de cet amendement relatif aux infrastructures de transport nous proposent de contracter un emprunt à moyen et long terme, ce qui ouvre un débat légitime sur l’opportunité d’un tel emprunt. Comment se fait-il, mes chers collègues, que lorsque nous proposons de nationaliser les autoroutes, on nous réponde, sur à peu près toutes les travées, que lever un emprunt à long ou moyen terme pour ce faire était impossible ? Il y a là une légère contradiction, pour ne pas dire plus, chers collègues de gauche !
Roger Karoutchi a évoqué l’emprunt sous l’angle de l’alourdissement de la dette, avec l’esprit de responsabilité que nous lui connaissons tous et que nous partageons. Mais la nationalisation des autoroutes aurait aussi procuré des recettes ! Chers collègues de gauche, il y a une leçon politique à tirer de cette discussion. Il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures suivant les sujets ! Il faut aller jusqu’au bout du raisonnement, de la logique : on ne doit pas craindre davantage d’emprunter à moyen et long terme pour la nationalisation des autoroutes que pour le financement d’infrastructures.
Cela étant dit, je voterai l’amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 625 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 603 rectifié, présenté par MM. Jacquin, Dagbert et Bérit-Débat, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Kanner, Cabanel, Courteau, Devinaz et Féraud, Mmes Grelet-Certenais, Guillemot, Jasmin et Lubin, MM. Lalande et Lurel, Mme Monier, MM. Montaugé, Raynal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rapport annexé, après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Dans l’année suivant la promulgation de la présente loi, les contrats prévus aux articles L. 2102-5, L. 2111-10 et L. 2141-3 du code des transports sont actualisés pour tenir compte notamment de cette programmation. Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le rapport stratégique d’orientation mentionné à l’article L. 2100-3 du même code est amendé pour préciser les conditions techniques et financières de réalisation des investissements ferroviaires jusqu’en 2026, notamment les contributions publiques correspondantes.
La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Il s’agit de préciser la notion d’investissement dans le ferroviaire.
Le rapport annexé vise à définir « de manière opérationnelle » la stratégie établie par la loi. Pour gagner en précision, cet amendement tend à mettre en cohérence ce document avec les fameux contrats de performance du groupe SNCF, censés « garantir la cohérence des objectifs et des moyens assignés au groupe public ferroviaire ». Ainsi, nous serons beaucoup plus précis quant aux moyens dont sera ensuite doté SNCF Réseau pour mettre en œuvre son plan d’investissement à dix ans.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Ces contrats qui lient l’État aux établissements publics cités sont conclus pour dix ans et réactualisés tous les trois ans. De fait, il ne paraît pas utile de préciser au tout début de la programmation, qui porte sur l’ensemble des réseaux d’infrastructures, que ces contrats devront être amendés. Le rapport annexé et la trajectoire fixée par la loi que nous aurons votée s’imposeront naturellement à eux. Ils devront être actualisés en conséquence. La commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. À la suite du nouveau pacte ferroviaire, nous allons ajuster le dispositif contractuel, puisqu’il y aura désormais un contrat entre l’État et SNCF Réseau et un contrat entre l’État et Gares & Connexions. Un nouveau contrat sera préparé au moment de la mise en place de la nouvelle organisation, qui interviendra au 1er janvier 2020. Ces contrats tiendront naturellement compte de la programmation des infrastructures.
Cet amendement étant satisfait, j’en demande le retrait. Sinon, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. Je voudrais apporter une précision. La situation de SNCF Réseau s’aggrave, dans la mesure où le début du désendettement n’est prévu que pour 2020. Pour l’heure, l’endettement tend à s’alourdir. Le ministère de l’économie et des finances est extrêmement sévère à l’égard de SNCF Réseau, peut-être parce qu’il trouve cet endettement trop important. Un certain nombre de mesures de détail viennent pénaliser SNCF Réseau. Pour conforter sa situation et ne pas défavoriser le ferroviaire, nous proposons de préciser ce contrat, afin d’éviter tout dévoiement ou dérive. Cela sécuriserait tout le monde.
Mme la présidente. L’amendement n° 112, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rapport annexé, alinéa 12
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
Elle suppose l’affectation à l’AFITF de ressources complémentaires. Parmi ces ressources, est étudiée prioritairement la mise en place d’une taxe poids lourds afin de revenir sur l’avantage concurrentiel de la route dont les usagers ne paient pas les infrastructures. La possibilité de mise en œuvre d’une taxe sur les transactions financières ainsi que les places de stationnements annexés aux locaux commerciaux est également étudiée.
Afin d’encourager le report modal et le financement des infrastructures, les exonérations fiscales et sociales au bénéfice des poids lourds sont réévaluées et progressivement supprimées.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Je le redis, nous sommes très satisfaits de l’évolution du texte en ce qui concerne les financements de l’Afitf. Cependant, le texte de la commission ne mentionne qu’un seul financement nouveau, sans plus de précisions.
Notre amendement vise donc à préciser que plusieurs sources nouvelles de financement sont nécessaires. Nous proposons ainsi de rétablir la taxe poids lourds, pour en finir avec l’avantage concurrentiel déloyal dont bénéficie la route par rapport au rail pour le transport de marchandises. Comment réorienter le transit vers les voies de transport les plus vertueuses écologiquement si les usagers de la route continuent de ne pas financer les infrastructures, contrairement à ceux des autres modes de transport ? Il s’agit simplement, conformément au droit européen, de mettre en place une fiscalité juste socialement et écologiquement, une fiscalité qui nous semble bien plus juste que l’augmentation des prix à la pompe et de la TICPE.
Le précédent gouvernement, empêtré dans un montage juridique et financier intenable, avait reculé, mais nous considérons que la question est toujours posée et qu’emprunter cette voie permettrait d’apporter à l’Afitf des subsides complémentaires intéressants.
Nous évoquons aussi d’autres pistes de financement, telle la création d’une taxe additionnelle sur les transactions financières ou d’une taxe sur les parkings des supermarchés, qui participent d’un modèle d’aménagement urbain gourmand en terres et source de besoins de mobilité.
Enfin, nous souhaitons que soient réévaluées, dans le cadre d’une réforme globale de la fiscalité des transports, les exonérations fiscales dont bénéficie le secteur routier, qui coûtent extrêmement cher – l’exonération de TICPE coûte ainsi 1,6 milliard d’euros par an –, pour tendre vers un usage des deniers publics plus utile socialement et écologiquement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Nous avons déjà eu l’occasion de nous exprimer sur le manque de financements ; je n’y reviendrai pas.
Les taxes que vous proposez d’instituer donneraient quitus à l’État de ne pas mobiliser, via la TICPE, dont le produit s’élève à 17 milliards d’euros, les ressources existantes. Je le rappelle, il suffirait de porter à 1,5 milliard ou 1,8 milliard d’euros, contre 1,2 milliard d’euros actuellement, la part du produit de la TICPE affectée à l’Afitf pour résoudre la question du financement.
Je soulignerai que les sociétés d’autoroutes contribuent au financement de l’Afitf à hauteur de 52 %, au travers de la redevance domaniale et de la taxe d’aménagement du territoire.
Concernant les ressources, j’ai moi aussi de très bonnes idées, que je soumets au Gouvernement. Sans me lancer dans un concours Lépine de la taxe ou de l’imposition, je signale qu’il y aura bientôt une taxation des GAFA : pourquoi ne pas affecter une partie de la recette au financement des mobilités ? De même, pourquoi ne consacrerait-on pas une part du produit de la privatisation annoncée d’Aéroports de Paris au financement des infrastructures ?
Mme Éliane Assassi. Arrêtez la construction du Charles de Gaulle Express ! (Sourires.)
M. Didier Mandelli, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. On peut en effet lancer un concours de créativité fiscale, mais, vous l’aurez compris, le Gouvernement ne souhaite pas trancher avant d’avoir pris connaissance les propositions issues du grand débat.
Madame Assassi, le transport routier emploie 400 000 salariés. Il faut avoir conscience que nous ne vivons pas dans un monde fermé. Si l’on supprimait les exonérations fiscales dont bénéficie le transport routier en France, on créerait une distorsion de concurrence au profit de ces fameux poids lourds étrangers qui traversent notre pays sans y faire le plein ni acquitter aucune fiscalité.
J’ajoute que la rédaction de cet amendement pourrait laisser penser que le fret ferroviaire, lui, paie les infrastructures qu’il utilise. Je confirme qu’il en paie à peine le coût marginal, compte tenu de la subvention versée par l’État. Il n’y a donc pas non plus de distorsion en ce sens.
Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur l’amendement n° 112.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. La suppression de l’exonération de TICPE provoquerait la faillite d’une grande partie de nos entreprises de transport, qui sont soumises à des charges beaucoup plus fortes que leurs concurrentes étrangères et doivent composer avec un prix du gazole nettement supérieur à ce qu’il est en Espagne, au Luxembourg ou même en Allemagne.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Madame la ministre, si vous voulez que nous parlions des niches fiscales, il nous faudra plus de deux minutes ! Cela étant, le sujet est intéressant. J’avais dit à votre collègue Gérald Darmanin qu’il serait beaucoup plus juste de parler de dépenses fiscales, plutôt que de niches fiscales.
En commission des finances, nous sommes tombés d’accord, toutes sensibilités politiques confondues, pour examiner l’ensemble de ces dépenses fiscales : on trouvera de l’argent, celui qui a été aveuglément dépensé au cours des quinquennats précédents, avec par exemple le CICE, la niche Copé pour les cessions de titres ou le régime d’intégration, qui a coûté 16,4 milliards d’euros pour 120 000 entreprises…
Au sortir du grand débat, cela intéressera nos concitoyens de connaître la nature et le volume de ces dépenses fiscales au bénéfice des particuliers et des entreprises, en faisant la distinction entre les TPE et PME, d’une part, et les grands groupes, d’autre part, y compris les GAFA. Vraiment, nous sommes tout disposés à faire une revue de l’ensemble de ces niches fiscales, qui représentent de fait des recettes soustraites à l’État ! Nous nous inscrivons ainsi dans une démarche constructive.
Mme la présidente. L’amendement n° 113 rectifié, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rapport annexé, alinéa 15
Après le mot :
modal
insérer le mot :
prioritairement
et après le mot :
autopartage…)
insérer les mots :
lorsqu’il n’existe pas d’alternative dans des conditions satisfaisantes par les transports collectifs
La parole est à Mme Éliane Assassi.