M. le président. La discussion générale est close.
Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
proposition de résolution pour soutenir la lutte contre le mariage des enfants, les grossesses précoces et les mutilations sexuelles féminines
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu la Convention internationale des droits de l’enfant des Nations unies adoptée le 20 novembre 1989,
Vu la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique du Conseil de l’Europe, dite Convention d’Istanbul, adoptée le 7 avril 2011,
Vu les objectifs du développement durable adoptés par les Nations unies en 2015,
Vu la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs,
Vu la résolution 66/170 du 19 décembre 2011 de l’Assemblée générale des Nations unies instituant la Journée internationale des droits des filles (11 octobre),
Vu la résolution A/RES/67/146 du 20 décembre 2012 de l’Assemblée générale des Nations unies instituant la Journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines (6 février),
Vu la résolution 2135 (2016) du 13 octobre 2016 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur les mutilations génitales féminines en Europe,
Vu la résolution du Parlement européen du 4 octobre 2017 sur la nécessité de mettre fin au mariage d’enfants (2017/2663 (RSP)),
Vu la résolution du Parlement européen du 7 février 2018 sur la tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines (2017/2936 (RSP)),
Vu la résolution 2233 (2018) du 28 juin 2018 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur les mariages forcés en Europe,
Considérant que les mutilations sexuelles féminines font courir à leurs victimes un risque de mortalité significatif, a fortiori quand elles sont pratiquées entre la naissance et l’âge de 3 ans, qu’elles induisent de très graves dangers pour la santé physique et psychologique des fillettes et des femmes qui y sont exposées et qu’elles menacent celles-ci de complications considérables au moment de l’accouchement ;
Considérant que le mariage précoce fait une victime de moins de 15 ans toutes les 7 secondes dans le monde et que toutes les 15 secondes, une fillette ou une jeune femme subit une mutilation sexuelle ;
Considérant que 70 000 décès sont causés chaque année par les grossesses et accouchements précoces et que les complications de la grossesse et de l’accouchement sont la deuxième cause de décès pour les jeunes filles de 15 à 19 ans dans le monde ;
Considérant que, en empêchant les filles de fréquenter l’école, le mariage précoce a pour conséquences, non seulement d’aggraver la mortalité infantile, mais aussi de priver les pays concernés du potentiel de développement et de croissance que représenterait l’instruction de ces adolescentes ;
Est très préoccupé de la perpétuation des mutilations sexuelles féminines, qui concernent 200 millions de femmes et de jeunes filles dans le monde, et de la persistance du mariage précoce, dont 12 millions de filles de moins de 18 ans sont victimes chaque année ;
S’émeut du fait que 30 millions de filles risquent de subir une mutilation au cours des 10 prochaines années, en lien avec le mariage précoce et forcé dont l’excision est souvent le corollaire ;
Considère qu’aucune tradition ne saurait justifier des pratiques qui bafouent les droits fondamentaux de femmes et d’enfants ;
Déplore que le mariage précoce et les mutilations sexuelles s’appuient sur la conviction de l’infériorité des filles ;
Estime que le mariage précoce et forcé ainsi que les mutilations sexuelles féminines s’inscrivent dans un ensemble traumatique qui comprend tout le spectre des violences faites aux femmes, a fortiori pour les femmes confrontées aujourd’hui aux dangers des parcours migratoires ;
S’alarme de la multiplication de zones de crise humanitaire, qu’elles résultent de conflits ou de catastrophes naturelles et environnementales, où l’on constate une amplification des mariages précoces, y compris dans des régions où cette pratique avait diminué ;
Est convaincu de la nécessité de promouvoir partout dans le monde l’éducation des filles, non seulement en tant que vecteur de la lutte contre la mortalité maternelle et infantile, mais aussi en tant que levier de développement et de croissance ;
Considère que l’implication des hommes, partout dans le monde, est décisive pour combattre ces fléaux ;
Souligne l’intérêt de la Journée internationale de tolérance zéro contre les mutilations sexuelles féminines et de la Journée internationale des droits des filles qui, chaque année, le 6 février et le 11 octobre, permettent de sensibiliser l’opinion internationale à la nécessité d’éradiquer ces pratiques inacceptables ;
Insiste sur l’importance de la Convention d’Istanbul dans la lutte contre les violences faites aux femmes, se félicite que ce texte engage très explicitement les États à ériger les mutilations sexuelles féminines en infractions pénales et appelle tous les pays du Conseil de l’Europe qui n’y auraient pas encore procédé, à une ratification rapide de ce texte essentiel pour la protection des femmes ;
Rappelle que l’inscription à l’état civil est un droit fondamental, qui conditionne l’accès à des droits et protections essentiels tels que l’obligation scolaire ou l’âge du mariage et exprime son soutien aux pays qui mettent en œuvre une politique volontariste pour progresser dans ce domaine ;
Se félicite que la législation française ait, en 2006, à l’initiative du Sénat, interdit le mariage en dessous de l’âge de 18 ans, pour les filles comme pour les garçons, et appelle tous les pays engagés dans la lutte contre le mariage précoce à retenir une règle similaire et à promouvoir un contrôle intransigeant de son respect ;
Manifeste son soutien aux acteurs de la lutte contre le mariage des enfants et les mutilations sexuelles féminines – associations, ONG, centres d’accueil et d’hébergement, organisations internationales -, et souhaite que les moyens qui leur sont attribués soient à la hauteur des besoins ;
Salue l’engagement et l’implication des professionnels et des bénévoles qui accompagnent les victimes et leur témoigne sa profonde considération ;
Demande que les subventions attribuées par la France aux associations investies dans la lutte contre le mariage forcé et les mutilations sexuelles féminines fassent l’objet, comme celles de toutes les associations engagées contre les violences faites aux femmes, d’un effort spécifique, dans un cadre pluriannuel ;
Souhaite que tous les personnels de l’Éducation nationale, y compris les infirmières, psychologues et médecins scolaires, soient sensibilisés aux risques courus par les jeunes filles à l’occasion des congés, dans l’hypothèse d’un séjour dans le pays d’origine de leur famille, au cours duquel elles pourraient être excisées et mariées de force ;
Appelle au renforcement des moyens de la médecine scolaire, indispensable au repérage des victimes et à la protection des petites filles et des adolescentes contre l’excision et le mariage précoce ;
Demande que tous les professionnels concernés par la prévention des mariages forcés et des mutilations sexuelles féminines (personnels consulaires, services de police et de gendarmerie, magistrats, travailleurs sociaux, personnels médicaux, personnels au contact des élèves de l’enseignement primaire et secondaire – enseignants, chefs d’établissement, médecins, infirmières et psychologues scolaires) soient formés au repérage et à l’orientation des victimes vers les associations ou les structures médico-psychologiques susceptibles de leur apporter l’aide dont elles ont besoin ;
Condamne la participation de professionnels de santé, dans certains pays, aux mutilations sexuelles féminines et soutient l’engagement de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) contre ce qu’il considère comme un dévoiement de la médecine ;
Souhaite que la France continue à opposer une réponse pénale rigoureuse aux mutilations sexuelles féminines et au mariage des enfants ;
Forme des vœux pour que la diplomatie française continue à mettre l’accent sur le caractère crucial de l’accès à l’éducation pour toutes les filles, soit particulièrement attentive au sort des fillettes, des adolescentes et des femmes dans les régions en crise et mette à profit la présidence française du G7 pour faire avancer cette cause décisive.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix la proposition de résolution, je donne la parole à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Faisons en sorte que cette proposition de résolution de la délégation aux droits des femmes devienne une résolution du Sénat en l’adoptant à l’unanimité. C’est un appel ! Nous nous devons d’envoyer un message fort à toutes ces victimes et à tous ceux qui s’engagent pour la lutte contre les mariages forcés, les grossesses précoces et les mutilations génitales.
Le travail de Marta de Cidrac et de Maryvonne Blondin doit être souligné. Il a largement précédé les annonces de Mme la secrétaire d’État. Souhaitons qu’elle s’inspire du travail de notre délégation et, plus généralement, de celui du Sénat, souvent en avance sur les sujets, l’actualité sénatoriale de cette semaine l’a encore démontré. Souhaitons qu’aujourd’hui nous soyons entendus !
Donnons-nous enfin les moyens de nos ambitions, monsieur le secrétaire d’État. Déclarer aujourd’hui une grande cause nationale n’est pas suffisant. S’en donner les moyens, c’est mieux ! (Applaudissements.)
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je tiens sincèrement à remercier notre délégation aux droits des femmes, sa présidente, Annick Billon, et l’ensemble de nos collègues. Ces remerciements s’adressent également au personnel de la délégation et de notre institution.
Le groupe Les Républicains s’associe bien évidemment au vote de cette proposition de résolution et à la mobilisation qui l’accompagne. En effet, il est essentiel de se mobiliser face à ce fléau de l’asservissement de fillettes à des règles ancestrales, toujours dictées par des hommes. Les mariages précoces et forcés, les excisions, qui se pratiquent encore dans une trentaine de pays, ne sont pas tolérables.
Ni la culture ni la religion ne sauraient justifier la violence faite aux victimes. C’est justement parce que la barbarie est entrée, il y a des siècles, dans les traditions familiales, parce qu’elle se transmet même de mère en fille, que notre société doit la rejeter avec la plus grande fermeté et tout faire pour entraver ces pratiques.
Les chiffres qui ont été évoqués – une fillette de moins de 15 ans mariée toutes les sept secondes dans le monde, une fillette excisée toutes les quinze secondes – montrent l’ampleur du désastre et, donc, l’intérêt de toute pierre apportée à l’édifice.
Cette proposition de résolution rend hommage aux bénévoles et professionnels qui œuvrent au quotidien dans le monde entier. Elle dresse un bilan des actions déjà menées aux niveaux international et européen. Mais cette proposition de résolution n’est pas qu’une déclaration de principes. En mettant en œuvre plusieurs recommandations du rapport de nos collègues Maryvonne Blondin et Marta de Cidrac, elle appelle le Gouvernement à approfondir son action.
L’accueil de populations immigrées implique en effet une vigilance accrue. Ainsi, nous demandons un effort financier renforcé et pluriannuel vers les associations et la sensibilisation de tous les acteurs de la vie quotidienne qui pourraient être amenés à repérer, signaler ou orienter une victime. Comme il a été souligné, l’éducation nationale joue un rôle majeur dans la prévention et le signalement de cas. Il faut donc assurer une meilleure formation des personnels et renforcer les moyens de la médecine scolaire.
Monsieur le secrétaire d’État, nous comptons également sur l’influence française et sa présidence à la tête du G7 pour que soit encore amplifiée la lutte internationale en faveur de la cause féminine afin de faire cesser ces violences d’un autre âge. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.
Mme Hélène Conway-Mouret. Je voudrais à mon tour féliciter la délégation aux droits des femmes et sa présidente et saluer l’engagement de certains et certaines de nos collègues parlementaires. Je crois que ce travail parlementaire est essentiel. Il doit soutenir et accompagner celui des associations, qui restent très engagées, très attentives.
Ce parcours est jalonné d’étapes : déjà, en 2014, la loi portée par Najat Vallaud-Belkacem, comportait un signal très fort, prévoyant que ces actes soient punissables par la loi. La proposition de résolution qui nous est aujourd’hui soumise s’inscrit dans ce mouvement.
Félicitations à toutes et à tous ! Je soutiens vraiment de tout cœur cette proposition de résolution. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix la proposition de résolution.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 66 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 343 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 19 mars 2019 :
À neuf heures trente : trente-six questions orales.
À quatorze heures trente et le soir : projet de loi, modifié par lettre rectificative, d’orientation des mobilités (procédure accélérée) (texte de la commission n° 369, 2018-2019).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures quarante.)
nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale
Le groupe La République En Marche a présenté une candidature pour la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Françoise Cartron est membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de M. Martin Lévrier.
Direction des comptes rendus
ÉTIENNE BOULENGER