M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, vous m’avez interrogée sur la manière dont on peut accompagner les ménages les plus vulnérables. Il s’agit effectivement de l’un de nos objectifs de politique publique en matière de lutte contre la précarité énergétique.
C’est bien la raison pour laquelle nous avons mis en place le chèque énergie, qui remplace les tarifs sociaux de l’électricité et du gaz, ce chèque énergie étant à la fois plus juste et plus simple d’utilisation.
D’abord, les ménages éligibles le sont sur la base de leurs revenus, donc indépendamment de la réalité de leur effort, pour tenir compte du fait que, comme vous le signalez, certains ont simplement abandonné leur capacité à se chauffer et donc à consommer. Mais ce sont bien tous les ménages modestes qui sont accompagnés. Nous avons augmenté le seuil de revenus pour l’éligibilité à ce chèque énergie, ce qui nous permet de viser près de 6 millions de ménages cette année, contre moins de 4 millions de ménages l’année précédente.
Le montant moyen de l’aide était de 150 euros environ jusqu’en 2018. Il passera à 200 euros environ cette année.
Par ailleurs, nous n’avons pas revu nos ambitions à la baisse dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie, pas plus que dans la loi Énergie qui vient d’être citée, puisque nous maintenons notre ambition de 500 000 rénovations par an. Nous maintenons également notre ambition d’une baisse globale de la consommation d’énergie de 20 % sur la durée de la PPE. Notre ambition est donc inchangée en matière de rénovation et d’accompagnement des ménages les plus modestes.
M. le président. La parole est à Mme Denise Saint-Pé, pour la réplique.
Mme Denise Saint-Pé. Madame la secrétaire d’État, le chèque énergie doit faire mieux, dans la mesure où seulement 70,57 % des bénéficiaires potentiels – 69,70 % dans mon département – en font aujourd’hui usage.
Par ailleurs, comment se fait-il que les personnes bénéficiant du chèque énergie ne puissent pas bénéficier des autres services ? Vous ne m’avez pas répondu sur ce point ! En effet, on leur demande de renvoyer à leur fournisseur d’électricité ou de gaz des documents, alors que, nous le savons tous, ces personnes sont, face à une situation complexe, plus vulnérables que la moyenne des Français. (Mmes Nassimah Dindar et Jocelyne Guidez applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Mouiller. Le traitement de la précarité énergétique par le biais du tarif de première nécessité, le TPN, alloué à une catégorie de clientèle définie par décret du 8 avril 2004 a fonctionné de 2005 à 2017. Cette disposition permettait d’accorder une déduction forfaitaire pouvant aller jusqu’à 140 euros par an, selon la puissance souscrite et la composition familiale. Ce dispositif était entièrement automatisé.
Les charges induites par la mise en œuvre du dispositif TPN pour les fournisseurs d’énergie faisaient l’objet d’une déclaration au régulateur, la CRE, et étaient financièrement compensées. Des champs spécifiques étaient prévus dans la déclaration à cet effet.
Depuis janvier 2018, un nouveau dispositif appelé chèque énergie, institué par décret du 6 mai 2016, a été mis en place et s’est substitué au TPN après deux années d’expérimentation. Il s’agit d’un moyen de paiement qui est distribué aux bénéficiaires par l’Agence de services et de paiement, l’ASP, suivant un calendrier prédéfini par la région.
Ce dispositif n’est pour l’instant pas entièrement automatisé, car les bénéficiaires adressent leur chèque énergie au format papier, ce qui entraîne pour les fournisseurs des charges de gestion administrative et de traitement des appels téléphoniques.
Pour ce nouveau dispositif, aucune rubrique n’est prévue dans le formulaire de déclaration de la CSPE au régulateur, pour se faire compenser ces charges supplémentaires.
Madame la secrétaire d’État, comment comptez-vous remédier à cette situation, qui nécessite une compensation des charges induites ? Ces dernières seront amplifiées en 2019 par l’augmentation du nombre de bénéficiaires du chèque énergie, qui devrait passer de 3,6 millions à 5,8 millions au niveau national ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, vous avez raison, le chèque énergie s’est substitué au dispositif précédent des tarifs sociaux de l’énergie à compter de 2018.
Vous l’avez mentionné dans votre question, ce chèque a d’abord été expérimenté dans plusieurs départements pendant deux campagnes, ce qui me paraît intéressant. Il s’agissait de trouver le dispositif le plus opérationnel possible. Son taux de recours est aujourd’hui, comme je le disais, d’un peu moins de 83 %. Néanmoins, il est perfectible, vous avez raison, les uns et les autres, de le rappeler.
Nous travaillons dans trois directions pour l’amélioration de ce dispositif, certaines actions ayant déjà été mises en place.
D’abord, il s’agit de la possibilité d’utiliser le chèque énergie pour payer en ligne. Le chèque devient donc un moyen de paiement pour 30 % de ses utilisations, pour les fournisseurs qui ont déjà réalisé les développements nécessaires.
Ensuite, nous organisons également la possibilité de préaffecter le chèque directement au fournisseur. Environ 600 000 demandes ont eu lieu au titre de la campagne de 2018. Dans ce cas, le bénéficiaire reçoit non plus directement son chèque, mais simplement un courrier lui rappelant son choix de préaffectation, accompagné des attestations nécessaires.
Enfin, nous prévoyons la possibilité, à compter de la campagne de 2019, de préaffecter également l’attestation, afin que la personne dont la situation n’évolue pas d’une année sur l’autre n’ait plus aucune action à réaliser et bénéficie automatiquement du chèque et de ses droits associés. Pour les fournisseurs, le remboursement du montant du chèque sera donc dématérialisé. Les flux sont signés pour les fournisseurs les plus importants et la remise dématérialisée sera disponible dans les prochaines semaines pour les plus petits.
Nous sommes donc attentifs à faire évoluer le dispositif, pour répondre au mieux aux attentes et aux enjeux des personnes les plus démunies, pour un coût le plus juste possible.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. On calfeutre son habitat, on vit dans une pièce unique ou on s’endette pour payer son électricité, c’est devenu une réalité dans notre pays.
Aujourd’hui, le fait d’être locataire est de plus en plus un indice de situation financière délicate. Parmi les ménages concernés, certains n’accéderont jamais à la propriété ; ils sont et seront toujours captifs d’un marché insuffisamment réglementé.
Ce débat est donc l’occasion de se pencher sur le cas particulier des locataires en situation de précarité énergétique. Les difficultés financières conduisent ces personnes à se tourner vers les loyers les moins onéreux, les moins-disants du marché, c’est-à-dire vers les habitats qui ont une mauvaise performance énergétique, ceux qui correspondent souvent aux classes F et G du diagnostic de performance énergétique, le DPE. Mal isolées, humides, voire dégradées, ces résidences font exploser la part du budget de ces ménages consacrée aux factures énergétiques. Ainsi, vous n’êtes pas sans le savoir, en ce moment même, des familles ne se chauffent pas et renoncent à l’eau chaude.
Certes, le système actuel apporte des réponses – chèque énergie, aides sociales, obligation du DPE, qui est opposable au bailleur depuis la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN –, mais ce modèle est largement perfectible. À terme, pour éradiquer cette précarité, il faudra rendre obligatoire la rénovation de ces passoires énergétiques.
Nous le savons parfaitement, les propriétaires peuvent rester sourds aux demandes des locataires, qui n’ont ni le choix de changer d’habitat ni les moyens légaux de contraindre leur bailleur à engager les travaux nécessaires.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Angèle Préville. Face à ce défi majeur pour notre société, en proie à une crise profonde et dans laquelle la justice sociale est plus que jamais au cœur du débat, que comptez-vous mettre en place, madame la secrétaire d’État, pour résoudre cette épineuse équation ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Vous avez raison, madame la sénatrice, la question des locataires est particulièrement délicate pour les politiques de rénovation énergétique.
Bien évidemment, nous en avons parlé, nous aidons les locataires à payer leurs factures – au moyen du soutien général au pouvoir d’achat via la prime d’activité, du chèque énergie, que vous avez mentionné, ou du Fonds de solidarité pour le logement. Néanmoins, il est vrai que la porte d’entrée des aides aux travaux de rénovation demeure plutôt, vous l’avez souligné, le bailleur que le locataire. Or il est particulièrement difficile d’atteindre, au travers de ces politiques publiques, les propriétaires bailleurs, qui financent les travaux, mais n’en tirent pas de bénéfice immédiat dans leur facture énergétique, alors même que leurs locataires sont très souvent dans une situation de précarité énergétique.
Pour agir, nous passons d’abord par une phase incitative ; ainsi, en 2020, le bénéfice du CITE sera étendu aux propriétaires bailleurs. Cela permettra de les inciter, au moyen d’une aide fiscale, à réaliser des travaux pour leurs locataires.
Ensuite, nous travaillons sur une obligation, applicable dès 2021, de réaliser un audit sur les logements énergétivores, ayant un DPE de classe F ou G, qu’ils soient mis en location ou vendus.
Enfin, à plus long terme, si ces mesures ne s’avèrent pas suffisantes, la question d’une éventuelle interdiction de location des passoires énergétiques, que vous avez mentionnée, pourra se poser.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour la réplique.
Mme Angèle Préville. La France a adopté le programme de développement durable dans le cadre des objectifs de développement durable de l’ONU, dont le premier concerne la fin de la pauvreté, le septième le coût abordable de l’énergie, et le dixième la réduction des inégalités. Notre débat rejoint pleinement ces questions ; cela nous oblige.
Ne faudrait-il pas anticiper les problèmes plutôt que de mal panser les plaies ? Ne pensez-vous pas qu’il serait plus juste de faire, plutôt que du curatif, du préventif et surtout du normatif ? Ainsi, pourquoi ne pas avoir préconisé le plafonnement des loyers des habitations classées F ou G, sur un modèle similaire à celui de l’encadrement des loyers ?
Nous sommes dans une triple problématique d’urgence sociale, climatique et énergétique ; nous serons très attentifs à la future loi relative à l’énergie.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
Mme Nicole Duranton. Selon l’Institut français d’opinion publique, l’IFOP, six Français sur dix ont confirmé, au cours du grand débat national, leur attachement à la transition énergétique, pour eux-mêmes, pour leurs enfants et pour la survie de notre planète. Il n’en demeure pas moins que les travaux liés au logement ont un coût substantiel, et que les prêts consentis pour financer, par exemple, des travaux d’économie d’énergie restent des prêts à rembourser, fussent-ils à taux zéro, comme l’éco-PTZ.
Ce dispositif, prorogé récemment jusqu’en 2021, s’adresse à tous les propriétaires, occupants ou bailleurs, sans condition de ressources, et il est plafonné à 30 000 euros. Les emprunteurs disposent de trois ans, à partir de l’émission de l’offre de prêt, pour effectuer les travaux. Il s’agit donc, a priori, d’un dispositif incitatif.
Cela dit, le problème réside dans le risque d’explosion des défaillances, à cause de l’endettement élevé des ménages en France. Les ménages peuvent avoir contracté des crédits à taux fixe, mais l’assouplissement, relevé par les économistes, des conditions d’obtention des prêts n’est pas sans danger. La Banque de France recommande donc aux autorités d’exercer une vigilance accrue, sachant que le nombre de dossiers de surendettement a augmenté de 8,5 % entre janvier et février 2019.
Faute de pouvoir négocier des prêts supplémentaires auprès des banques, les ménages devront, pour alléger leurs mensualités et retrouver un peu de pouvoir d’achat, se tourner vers des solutions telles que le rachat de crédit.
Il est bon de rappeler que, pour un revenu de 1 500 euros, le taux maximal d’endettement autorisé est de 33 %, ce qui correspond à 495 euros de remboursement d’emprunt par mois. Un emprunt à taux zéro de 30 000 euros, à rembourser sur quinze ans, correspond à une dépense de 166 euros par mois, hors assurance et garantie bancaire ; c’est énorme pour des ménages en situation de précarité !
In fine, la bonne volonté des ménages, conjuguée aux facilités octroyées par le Gouvernement, se trouve réduite à néant, faute d’avoir un reste à vivre digne et de pouvoir emprunter, même à taux zéro.
J’en arrive à ma question : pour optimiser encore le système en faveur des ménages les plus précaires, l’État pourrait-il se substituer au débiteur pour ce qui concerne son assurance de prêt et la garantie demandée par les organismes de crédits ? (Mme Nassimah Dindar applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Vous avez raison, madame la sénatrice, il ne faut pas que la politique de développement de la rénovation se traduise par une augmentation des risques de surendettement. C’est la raison pour laquelle le premier objectif de nos politiques publiques est de réduire le reste à charge, en particulier pour les ménages modestes.
D’où deux mesures, dont je parlais. La première consiste en la concentration des certificats d’économies d’énergie, afin d’avoir des offres à un euro – chaudière à un euro, combles à un euro –, qui font masse de financements publics de natures différentes. Sans faire appel à l’endettement, ces offres permettent l’achat ou le remplacement d’un matériel sans avoir de reste à charge. Ce dispositif est bien évidemment proposé sous condition de ressources, afin de cibler les ménages les plus modestes.
La seconde mesure consiste à transformer le CITE en prime pour les ménages modestes, en fusionnant cette prime avec les aides de l’ANAH. Cela conduira ainsi à des mécanismes plus simples, sans avance de frais. L’aide de l’ANAH ainsi renforcée permettra de financer l’essentiel des travaux qui sont accompagnés.
Du côté du secteur bancaire, nous avons cherché à simplifier l’éco-PTZ et à mieux sensibiliser les banques.
Nous simplifions l’éco-PTZ de différentes manières : d’abord, nous supprimons l’obligation de bouquet de travaux – cela veut dire que ce prêt pourra être utilisé pour des travaux simples, donc avec un reste à charge moins élevé, ce qui réduit le risque de surendettement –, et, ensuite, nous allongeons la durée des prêts.
Quant au programme de sensibilisation des banques que nous menons au travers du certificat d’économie d’énergie, il sert à mieux faire connaître les aides aux banquiers, afin que ceux-ci puissent les faire connaître à leurs clients, et à les alerter sur le risque de surendettement, afin d’éviter la validation de dossiers qui poseront ensuite problème.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Je souhaite évoquer l’autre précarité énergétique, celle qui est issue de l’enjeu de la mobilité.
Plus de 6,7 millions de nos compatriotes se sont trouvés en situation de précarité énergétique au cours de l’hiver 2017-2018. Or les disparités au sein de la société continuent de se creuser inexorablement et, en la matière, la France, qui se veut pourtant leader de l’Europe, fait figure de mauvais élève. Ainsi, dans son étude publiée voilà quelques jours, le cercle de réflexion OpenEXP classait la France au dixième rang pour la précarité énergétique liée au logement, et au onzième rang pour la précarité énergétique liée aux transports. Dans ses recommandations, cette organisation enjoignait aux États membres de l’Union européenne d’agir en faveur de l’allégement de la précarité énergétique dans les transports.
Cette vulnérabilité énergétique est donc une réalité, à l’heure où 40 % des dépenses énergétiques des Français sont consacrées à l’achat de carburant.
Dans la région Occitanie, l’une des plus vastes de France, la politique ferroviaire doit être un levier pour lutter contre la vulnérabilité liée à la mobilité. Le maintien des petites lignes et l’investissement dans les transports en commun du quotidien répondent aussi à la précarité énergétique dans les transports, en permettant à une part croissante de la population de se déplacer. Les collectivités doivent être pleinement associées à cet objectif.
L’examen imminent du projet de loi d’orientation des mobilités est une occasion importante pour rendre aux territoires leur rôle d’acteurs dans la lutte contre la précarité énergétique. J’ajoute que s’en remettre aux résultats du grand débat est inutile, car cette situation est déjà parfaitement connue.
À titre d’exemple, il serait intéressant d’ouvrir la gestion de certaines lignes du réseau ferré national aux collectivités locales ou de permettre aux communes et à leurs groupements de mettre en place une tarification de stationnement spécifique pour les personnes en situation de vulnérabilité économique, sur le modèle des tarifications solidaires pouvant être prévues pour l’usage des transports publics.
Ma question est double, madame la secrétaire d’État. En premier lieu, quels outils, quelles politiques publiques, entendez-vous mettre en œuvre pour lutter, de manière réelle et efficace, contre la précarité énergétique dans les transports ? En second lieu, quel rôle entendez-vous donner aux collectivités locales pour atteindre cet objectif ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Vous m’avez interrogé, monsieur le sénateur, sur la précarité énergétique dans le champ de la mobilité, et, vous avez raison, on a jusqu’à présent beaucoup parlé de rénovation, mais, je le disais dans mon propos introductif, la mobilité est également très importante.
En la matière, nous renforçons notre action selon plusieurs axes.
Le premier consiste à penser une mobilité plus durable et accessible à tous. Pour ce faire, nous avons tenu les assises de la mobilité, auxquelles les collectivités ont été très largement associées, sous l’égide de Mme Élisabeth Borne, dont le projet de loi d’orientation des mobilités sera bientôt discuté au Sénat. Ce projet de loi pose le principe de la généralisation des autorités organisatrices de la mobilité sur tous les territoires, pour développer de façon homogène les offres de mobilité, et il prévoit des mesures favorisant des mobilités actives, telles que le vélo, le covoiturage ou les véhicules en autopartage.
Dans le cadre du grand débat, nous avons également sollicité les organisations syndicales salariales et patronales pour discuter d’un élargissement possible de la contribution des entreprises aux mobilités alternatives que je viens de citer.
Nous avons aussi beaucoup travaillé pour renforcer les actions concrètes et soutenir les personnes dans leur choix de mobilité. Je veux à cet égard redire un mot de la prime à la conversion, dispositif qui a été sensiblement renforcé en 2018, notamment au travers des véhicules éligibles et du montant des primes.
Ce dispositif a connu un grand succès, avec près de 300 000 demandes et 255 000 dossiers déposés en 2018. En outre, 71 % des bénéficiaires sont non imposables, ce qui montre bien que la cible de nos concitoyens les plus modestes est atteinte. Nous allons encore renforcer ce dispositif en 2019, afin d’accroître la capacité de renouvellement de leur véhicule pour les ménages modestes, au moyen d’une prime doublée pour les 20 % des ménages les plus modestes et pour les actifs non imposables qui habitent à plus de trente kilomètres de leur lieu de travail. Il est encore un peu trop tôt pour avoir un bilan de ce dispositif, cette « super-prime à la conversion », mais son démarrage est extrêmement encourageant.
Enfin, nous mobilisons là encore les programmes de C2E, pour accompagner les ménages en précarité vers des solutions de mobilité. Je veux citer, à cet égard, le programme Wimoov – quarante-trois plateformes tournées vers les personnes en insertion. En outre, un nouvel appel à projets de C2E mobilité sera lancé en 2019.
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Je souhaite appeler votre attention sur les C2E, qui constituent un dispositif sensiblement efficace pour déclencher des travaux d’économie d’énergie, et ainsi contribuer aux objectifs fixés par le Gouvernement en ce domaine.
Si ce dispositif est vertueux dans son modèle, il reste en pratique vicié et, par conséquent, peu efficace. Il souffre tout d’abord de lourdeurs administratives et d’un manque de transparence, car le recours aux C2E doit être signifié très en amont, avant d’avoir signé le devis, mais c’est une fois les travaux réalisés que le consommateur saura s’il est ou non éligible à la prime. Or, pour gagner en efficacité et éviter tout refus a posteriori, ne faudrait-il pas que le fournisseur se charge lui-même du contrôle de l’éligibilité du consommateur ?
En outre, du fait d’une information peu claire, les ménages peuvent difficilement faire jouer la concurrence ; on a d’ailleurs pu constater sur le territoire dont je suis élu jusqu’à 900 euros d’écart pour une même opération.
De plus, le montant de la prime est calculé sur la base d’un gain moyen d’énergie, estimé par l’administration, et non sur le gain réellement obtenu grâce à une action d’économie d’énergie. Il faut donc renforcer la transparence sur les prix, en demandant notamment aux acheteurs de C2E de publier le prix du mégawattheure d’énergie finale cumulée et actualisée sur la durée de vie du produit, ou mégawattheure cumac.
Ensuite, le dispositif des C2E pèche encore du point de vue de l’efficacité et de l’équité, car, étant payés par les vendeurs d’énergie qui les rachètent, ces coûts sont répercutés sur les factures d’énergie des consommateurs. Comme trop souvent avec les aides à la rénovation énergétique, les locataires sont les grands perdants, car ils sont contributeurs, mais non bénéficiaires. Aussi, ne faudrait-il pas plutôt inciter les bailleurs aux travaux, via un système de bonus-malus ?
Enfin, après dix ans, le C2E reste un dispositif encore peu connu et donc peu utilisé, les pouvoirs publics faisant davantage la promotion des aides publiques – TVA à taux réduit ou CITE –, alors même qu’ils sont cumulables.
M. le président. Veuillez conclure.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Vous arguez sans cesse de la nécessité d’une rénovation énergétique efficace, mais les moyens offerts restent peu lisibles et trop contraignants à mettre en place. Comment comptez-vous pallier cette difficulté ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur le dispositif des C2E.
Quelques chiffres, tout d’abord : entre le début de 2016 et mars 2018, les C2E ont permis de financer 146 000 interventions sur les combles ou toitures, 40 000 interventions sur les murs ou le plancher, 46 000 interventions sur des chaudières collectives, 43 000 changements de chaudière à condensation et 250 000 fenêtres. Il s’agit donc d’un dispositif massif, vous avez raison de le souligner, et il est financé de façon extensive.
Bien évidemment, ce dispositif peut toujours être amélioré, et nous y travaillons – d’ailleurs de nombreux rapports ont été récemment remis pour savoir comment augmenter son efficacité.
En ce qui concerne le contrôle, je vous rassure, les fournisseurs ont l’obligation de faire des contrôles ; ils en font sur 5 % à 10 % des programmes, et nous y veillons.
Pour ce qui touche à la transparence, le travail que nous menons actuellement sur les « coups de pouce » consiste à mettre en place une offre forfaitisée, au travers de laquelle les fournisseurs « obligés de C2E » informent les particuliers des tarifs auxquels le certificat permet de financer un changement de chaudière ou une autre opération énergétique.
Nous allons continuer de travailler à la lisibilité des C2E, et, vous avez raison, il faut rendre ce dispositif plus clair pour nos concitoyens, afin que ceux-ci puissent faire jouer le mieux possible la concurrence.
M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin.
M. Vincent Segouin. La précarité énergétique des ménages nous touche au quotidien, surtout lorsque nous sommes maires et en contact avec les ménages en détresse. Nous devons faciliter la rénovation ; nous avons donc mis en place des opérations programmées d’amélioration de l’habitat, des OPAH, avec l’espoir d’avoir enfin un guichet unique, d’avoir une personne qui prenne en charge les dossiers des ménages.
Au sein des communautés de communes, plus de 100 000 euros ont été engagés – pour des études, des audits et j’en passe – avant d’instruire le premier dossier, et cent trente dossiers ont été réalisés sur une période de trois ans. Le résultat est décevant, non en raison d’un manque de moyens, mais simplement à cause d’une gestion administrative inadaptée. Prime énergie, crédit d’impôt, ANAH, éco-PTZ, aides locales ; impossible de s’y retrouver…
Je me suis donc replongé hier dans cet exercice en tant que particulier, pour étudier les aides disponibles.
Naturellement, je commence par me diriger vers le site de l’ANAH ; celui-ci me demande mon numéro fiscal. « Intéressant », me dis-je, mais, malgré une dizaine de tentatives, le site ne reconnaît pas mon numéro fiscal. Je contacte alors l’assistance par courriel ; j’attends encore que l’on me rappelle. Je contacte alors le numéro vert, qui me dirige vers le service de l’Orne ; j’ai beaucoup de chance, celui-ci tient une permanence une fois par semaine, le jeudi jusqu’à midi et il est onze heures trente. Je tombe pourtant sur un message vocal me précisant que la permanence est fermée parce que le conseiller est absent et m’orientant vers le site de l’ANAH, lequel ne reconnaît toujours pas mon numéro fiscal… (Sourires.) Bref, rien n’a changé ! (M. Roger Karoutchi lève les bras au ciel. – M. Fabien Gay s’esclaffe.)
L’argent, il y en a, mais il est très mal utilisé ; il passe principalement dans les frais de fonctionnement et peu dans l’investissement.
Aussi, madame la secrétaire d’État, quand allez-vous vous simplifier et améliorer le fonctionnement des services de l’État ? Quand allez-vous uniformiser les critères d’éligibilité en fonction des financeurs ? Et quand allez-vous avoir un système stable permettant aux ménages de programmer leurs travaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)