Mme Françoise Laborde. « Dès que le froid arrive, c’est le casse-tête qui recommence. On sait qu’il va falloir dormir tous dans la même pièce. J’ai acheté un radiateur à roulettes que je mets en route le soir quand les enfants rentrent de l’école. En journée, je me débrouille comme je peux, je vais dans des endroits chauffés, comme les galeries marchandes. Dans le salon il fait à peine 12 degrés, pour avoir chaud on dort ensemble ». Voilà l’extrait d’un témoignage du rapport de la Fondation Abbé Pierre, publié en février dernier.
Face à ces situations de détresse, je tiens à souligner, avec l’ensemble de mes collègues du groupe du RDSE, le rôle central des collectivités territoriales pour soutenir, sur le terrain, les ménages en difficulté : les centres communaux et intercommunaux d’action sociale, les CCAS et les CIAS, les conseils départementaux, les régions et les métropoles sont des tiers de confiance, en première ligne, impliqués dans la conduite de politiques de prévention avec, par exemple, la construction ou la rénovation du parc de logements sociaux à basse consommation énergétique.
Selon une enquête conduite en 2017 par l’Union nationale des centres communaux d’action sociale, l’Unccas, l’aide au paiement des factures d’énergie est le second motif d’aide financière, après l’alimentation, mais avant l’aide au logement.
Un impayé d’énergie est un facteur aggravant pour les ménages les plus fragiles. Commence alors le cercle vicieux des arbitrages impossibles de la vie quotidienne tels que choisir entre manger ou se chauffer.
Il faut dire que la part du logement dans le budget des ménages est passée de 9,3 % en 1959 à plus de 22 % aujourd’hui.
En outre, 60 % des ménages les plus pauvres sont contraints par les dépenses fixes, contre 35 % pour les classes moyennes et aisées. La vulnérabilité énergétique des classes populaires est désormais posée dans l’agenda social.
Sans préfigurer les conclusions du grand débat national, quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour alléger la charge financière des millions de ménages les plus précaires énergétiquement ? Comment comptez-vous renforcer la lutte contre la fracture sociale et territoriale qui s’exprime dans la rue depuis plusieurs mois déjà ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Je vous remercie, madame la sénatrice, d’avoir cité ce témoignage tiré du rapport de la Fondation Abbé Pierre. Nous devons garder à l’esprit la situation de tous ces hommes, de toutes ces femmes, de toutes ces familles qui sont dans la difficulté. C’est pour eux que nous travaillons tous les jours à améliorer les politiques publiques.
Je vous remercie aussi d’avoir souligné le rôle central des collectivités territoriales. Je partage votre point de vue : les communes et les intercommunalités notamment sont en première ligne.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous favorisons la contractualisation entre l’ANAH et les collectivités territoriales. L’Agence contractualise aujourd’hui avec environ 70 % des collectivités territoriales – communes ou intercommunalités – pour accompagner ces politiques, les démultiplier et favoriser l’accès des ménages les plus modestes, à des aides à la fois au paiement des factures et à la rénovation.
En ce qui concerne le chauffage, nous avons concentré des certificats d’économie d’énergie dans le dispositif Coup de pouce qui permet de changer des chaudières, au fioul ou au gaz, pour un euro. La famille n’a donc aucun investissement à faire. Le changement de chaudière permet aussi un gain vraiment significatif sur la facture d’énergie.
Le drame, tel qu’il ressort du témoignage que vous nous avez rapporté, c’est qu’il est très probable que cette famille, qui ne se chauffe pas ou très mal, ait néanmoins une facture énergétique élevée, du fait d’un radiateur électrique d’appoint qui n’est ni aux normes de qualité ni aux normes de consommation.
Nous devons promouvoir ensemble ces dispositifs auprès des ménages les plus modestes. Ce sujet devrait bien évidemment faire partie du grand débat. Nous serons à l’écoute de nos concitoyens pour compléter les solutions.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Prince.
M. Jean-Paul Prince. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur la forte augmentation, ces dernières années, des tarifs de l’abonnement « effacement jour de pointe », ou EJP, proposé par EDF.
Cet abonnement, je le rappelle, permet aux consommateurs de bénéficier d’un tarif d’électricité avantageux la majorité de l’année, hormis certains jours en automne et en hiver, où ce tarif augmente fortement. Cet abonnement est profitable tant aux consommateurs, qui allègent leur facture, qu’au fournisseur d’électricité, qui profite de leur consommation réduite au cours des 22 « jours de pointe ».
L’abonnement « effacement jour de pointe » n’est plus disponible à la vente depuis 1998, et seules les personnes l’ayant souscrit antérieurement à cette date ont encore le droit d’en bénéficier. Toutefois, pas moins de 450 000 foyers l’utilisent encore, et c’est d’ailleurs par des abonnés que j’ai été alerté d’une augmentation des tarifs.
En effet, on assiste depuis plusieurs années à une augmentation continue de l’option EJP pour les « jours classiques ». En 2017, elle a été de 6,5 %. Parallèlement, on constate une baisse du prix des tarifs les « jours de pointe ».
Le tarif de l’électricité pour les « jours classiques » ayant quasiment rejoint celui d’autres abonnements, l’option EJP est de plus en plus dénuée d’intérêt.
Plusieurs arguments plaident en faveur de la préservation d’un tarif EJP distinct du tarif de base. Premièrement, il est à craindre qu’une telle augmentation mette certains abonnés en situation de précarité énergétique. Deuxièmement, le tarif EJP permet de baisser la demande d’énergie pendant les « jours de pointe », où la consommation est la plus forte et où l’offre peine parfois à suivre la demande. Enfin, troisièmement, ce système s’inscrit pleinement dans les engagements pris par notre pays en matière de réduction de sa consommation d’énergie.
Par conséquent, ne pensez-vous pas, madame la secrétaire d’État, qu’il serait pertinent de ne pas priver d’effet l’option EJP, à moins d’offrir une alternative aux abonnés ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, vous m’avez posé une question sur le tarif EJP. L’option EJP, ou « effacement des jours de pointe », a été mise en place en 1982. Il s’agit d’un tarif à effacement destiné à faire baisser la consommation lors des jours de pointe, soit vingt-deux jours par an, avec dix-huit heures de pointe dans chacune de ces journées, choisies la veille pour le lendemain en fonction des prévisions de court terme de la demande et de la disponibilité des moyens de production.
Pendant ces jours de pointe, le prix de l’électricité est plus cher, pour inciter à une diminution, voire à un effacement, de la consommation. Les autres jours, le prix de l’électricité est plus faible que la moyenne.
La création de l’option Tempo en 1996 poursuivait la même logique que l’option EJP, en offrant des prix contrastés selon un découpage en trois types de jours. Cette option a permis une avancée dans le domaine de la flexibilité, en permettant une gestion plus fine des incitations, mieux à même de s’adapter aux variations de prix sur toute l’année, alors qu’EJP propose une approche plus simple, sur vingt-deux jours de pointe.
En 1997, EDF et l’État ont considéré qu’il n’était pas nécessaire de faire coexister ces deux offres à effacement dans l’option des tarifs réglementés de vente, et l’option EJP, comme vous l’avez signalé, a été mise en extinction. Aucune nouvelle souscription n’est donc plus possible depuis 1997.
Il faut savoir que ces deux options, EJP comme Tempo, ne sont pas des outils de lutte contre la précarité énergétique. Ce sont des outils permettant de limiter la consommation les jours de grande tension sur le système électrique. Ils peuvent néanmoins permettre aux ménages de réduire leur facture, si ces derniers sont prêts à faire des efforts significatifs de flexibilité sur leur consommation. Ces efforts sont facilités par le développement des équipements connectés et pilotables à distance.
Vous m’alertez sur l’évolution des tarifs EJP, à laquelle je porterai une attention particulière. En attendant, le ministère conduit des études avec l’Ademe et la CRE, pour voir s’il y a un intérêt à développer davantage ces types d’effacement dits tarifaires et définir les outils à développer pour ce faire.
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, 6,7 millions de Français dépensent plus de 8 % de leurs revenus dans l’énergie. Ma collègue Françoise Laborde l’a dit, il faut calfeutrer portes et fenêtres, dormir habillé, vivre dans une seule pièce l’hiver ou s’endetter pour payer les factures. En effet, 10 % des Français éprouvent des difficultés à chauffer leur logement.
La pauvreté et l’accès à un logement décent font partie depuis longtemps des politiques publiques, mais la question de l’énergie est plus récente et trouve sa définition officielle dans la loi Grenelle II de 2010.
Cette précarité est un facteur aggravant de la pauvreté, qui va bien au-delà du mal-logement. Elle pousse les ménages au surendettement, sans compter que le manque de chauffage est également dangereux pour la santé physique et psychologique.
Certes, des dispositifs existent pour limiter cette précarité et des fonds européens dédiés aux collectivités locales permettent de financer l’isolation des appartements HLM anciens, mais également des propriétés dégradées.
Pour exemple, la communauté d’agglomération Melun Val de Seine a permis à l’office public départemental de recevoir un million d’euros, soit 50 % du coût de la rénovation thermique de 234 logements. Cela devrait représenter 30 % d’économies sur les charges de chauffage des locataires.
La précarité énergétique est l’un des sujets sur lesquels l’écologie s’accorde le mieux avec l’économie. Parvenir à mieux utiliser l’énergie, pour en consommer moins, voilà qui serait bon pour le pouvoir d’achat et l’environnement.
Madame la secrétaire d’État, m’appuyant sur une recommandation formulée le 29 janvier dernier dans un rapport d’information parlementaire, je voudrais savoir si le Gouvernement compte augmenter les aides aux opérateurs et les contraindre, pour ce qui concerne les opérateurs privés, pour en finir avec les passoires énergétiques. De quelle manière et à quelle échéance ? (Mme Nassimah Dindar applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, vous rappelez dans votre intervention la difficulté des familles, évoquée également par votre collègue, qui font face, dans des situations de pauvreté, à la précarité énergétique et, plus généralement, au mal-logement.
Vous avez raison, cette notion a été définie dans la loi Grenelle II. C’est important, parce que cela permet de nommer la difficulté et, donc, de la traiter.
Vous avez évoqué les situations de surendettement. C’est la raison pour laquelle nous insistons aujourd’hui sur le travail avec les banques, à la fois pour qu’elles soient en état de repérer ces situations, mais aussi de proposer des solutions à leurs clients, solutions financées par la puissance publique au travers du CITE ou des programmes d’économie d’énergie, et cofinancées par elles-mêmes au travers d’un prêt à taux zéro amélioré.
L’exemple de Melun Val de Seine montre qu’il est effectivement possible de concilier écologie et économie. La politique de rénovation bénéficie à la fois à la planète et à la solidarité.
S’agissant des bailleurs sociaux, nous avons un objectif annuel de 100 000 rénovations de logements sociaux chaque année, financées à hauteur de 3 milliards d’euros par la Caisse des dépôts et consignations et le grand plan d’investissement. Elles font l’objet d’une très large contractualisation avec les bailleurs sociaux. Nous atteignons d’ailleurs ces résultats annuellement depuis quelques années. Peut-être sera-t-il temps, un jour, d’augmenter notre ambition.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Aujourd’hui, en France, la précarité énergétique est un enjeu social, sanitaire et environnemental préoccupant. Elle touche 5,1 millions de ménages. Ce sont des jeunes, des retraités, des inactifs, qui vivent dans de véritables passoires thermiques et consacrent plus de 10 % de leurs revenus aux dépenses d’énergie. Dans les territoires ruraux, ils sont aussi les premières victimes de la hausse des prix du carburant.
Depuis de nombreuses années, les pouvoirs publics se sont pourtant mobilisés et ont mis en place un certain nombre de dispositifs pour aider au paiement des factures.
Certains d’entre eux, notamment le chèque énergie, s’inscrivent en prévention des situations d’impayés, alors que d’autres, par exemple le Fonds de solidarité pour le logement, le FSL, interviennent directement. Il y a aussi les aides de l’Agence nationale de l’habitat, qui ciblent les ménages les plus modestes.
J’ai échangé avec l’Agence départementale pour l’information sur le logement de la Mayenne à ce propos. Elle m’a fait part du manque de lisibilité, pour les locataires, les propriétaires et les artisans, de ces dispositifs, ainsi que de l’émiettement des aides au niveau local, régional et national, qui freine leur efficacité.
Mon collègue Vincent Segouin le dira tout à l’heure, il rencontre le même problème avec les aides versées en amont pour la rénovation énergétique.
J’ajoute que le démarchage téléphonique frauduleux dans ce secteur est exponentiel et abuse la confiance des consommateurs.
Madame la secrétaire d’État, comment optimiser les aides dans le parc privé, au bénéfice des habitants, mais aussi des entreprises du secteur ?
J’aimerais également vous alerter sur le fait que certains bailleurs n’investissent pas dans la rénovation énergétique de leur bien, profitant de la pauvreté de leurs locataires. Comment remédier à une telle situation ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, vous avez raison, il existe de nombreuses aides, que vous avez citées. Pourtant, elles ne sont pas toutes lisibles ni suffisamment connues et garanties. Ainsi, le Fonds de solidarité pour le logement aide chaque année 300 000 ménages à hauteur de 250 euros environ. Ces fonds sont gérés par les conseils départementaux. J’ai également cité le chèque énergie, qui concernera bientôt 5,8 millions de ménages, pour une moyenne d’environ 200 euros par ménage, et le CITE, qui sera, l’année prochaine, transformé en prime pour les ménages les plus modestes et fusionné avec les aides de l’ANAH.
La question posée est bien celle de la lisibilité, de la transparence et de la garantie données à toutes ces aides. C’est la raison pour laquelle nous massifions les programmes de rénovation financés par les certificats d’économie d’énergie, désormais portés par les grands énergéticiens eux-mêmes, qui sont en mesure de convaincre leurs clients du sérieux et de la réalité de ces aides.
C’est également la raison pour laquelle nous développons le programme Faire, qui est une plateforme destinée à tous les acteurs. Il doit permettre de créer un label reconnu par nos concitoyens et par les professionnels, pour porter des offres garanties par l’État et de qualité.
C’est enfin la raison pour laquelle nous travaillons, depuis la loi de 2015, en reprenant cette réflexion avec Régions de France, sur la mise en place d’un service public de l’efficacité énergétique, qui nécessite la simplification des guichets, voire le passage à un guichet unique, mais aussi la capacité à certifier l’existence de tiers de confiance, qui sont seuls capables de convaincre nos concitoyens de mener des actions de rénovation.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour la réplique.
M. Guillaume Chevrollier. Madame la secrétaire d’État, effectivement, dans le domaine du logement, comme dans beaucoup d’autres d’ailleurs, les dispositifs doivent être simples, lisibles et stables, pour permettre une appréhension globale du sujet, à la fois par les clients et les opérateurs économiques – je pense aux artisans qui sont mobilisés sur le terrain.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.
Mme Françoise Cartron. Ma question s’inscrit bien évidemment, madame la secrétaire d’État, dans le prolongement des questions qui viennent de vous être posées.
La précarité énergétique s’est imposée, en France, comme un sujet de préoccupation majeur.
Selon l’Observatoire national de la précarité énergétique, 6,7 millions de Françaises et Français dépensent plus de 8 % de leurs revenus dans l’énergie. Au cours de l’hiver dernier, 15 % des ménages ont affirmé avoir souffert du froid dans leur domicile.
Les raisons évoquées ? Des défauts d’isolation dans 40 % des cas et/ou un manque de chauffage. Un ménage sur quatre est en situation de vulnérabilité énergétique, avec une surreprésentation des ruraux, des agriculteurs et des retraités.
Afin de limiter les effets de la précarité énergétique, un certain nombre de dispositifs ont été mis en place par le législateur. Les tarifs sociaux de l’énergie ont été remplacés en 2018 par un chèque énergie d’un montant moyen de 150 euros. Il a été perçu par 3,6 millions de ménages. Cette année, il passera à 200 euros en moyenne et sera largement étendu. D’autres organismes – le FSL, les CCAS, les CIAS et des associations – aident au paiement des factures d’énergie.
À long terme, la meilleure façon d’éradiquer la précarité énergétique reste la rénovation des logements. L’ANAH a ainsi mis en place un programme « Habiter mieux », qui permet de subventionner, pour les ménages modestes, jusqu’à 50 % des travaux. Des éco-prêts à taux zéro peuvent aussi être alloués. Mais tous n’y ont pas recours, parfois par manque d’information.
Ma question est donc la suivante : quels sont les moyens développés aujourd’hui afin de mieux informer les ménages en situation de précarité énergétique sur tous ces dispositifs ? Je veux parler de celles et ceux qui se perçoivent aujourd’hui comme « invisibles ».
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, je vous rejoins pour ce qui concerne une meilleure prise en compte de ceux qui ont parfois l’impression d’être « invisibles ». L’enjeu est de réussir à atteindre chacun d’entre eux pour leur permettre d’améliorer leur situation.
Les questions du non-recours et de l’information sont donc extrêmement importantes dans cette politique, à la fois de lutte contre la précarité énergétique par le soutien du pouvoir d’achat, mais aussi de rénovation.
Le chèque énergie a fait l’objet de nombreux travaux. Pour la campagne de 2017, son taux de recours a été de 82,5 %, ce qui est plutôt encourageant, si l’on considère le taux de recours aux aides sociales traditionnelles. Nous devons néanmoins faire mieux. Nous continuons donc à simplifier ce dispositif et à relancer les personnes n’ayant pas activé leur chèque énergie. Toutefois, 93 % des bénéficiaires affirment qu’ils ont compris le dispositif et qu’ils savent s’en servir.
Au-delà du chèque énergie, il y a l’accès au programme de rénovation de l’ANAH. Dans la mesure où 65 000 rénovations ont lieu chaque année dans ce cadre, l’objectif de 75 000 rénovations n’est pas atteint. Nous pouvons donc aller plus loin, en sensibilisant les ménages modestes au fait qu’ils peuvent avoir accès à ce programme. Tel est l’objectif de la plateforme FAIRE, que je citais dans mon propos précédent.
Enfin, nous mettons une partie de l’argent des certificats d’économie d’énergie dans des programmes d’accompagnement. Je vous ai cité celui qui concerne les banques, mais il existe d’autres programmes d’accompagnement à la rénovation énergétique, par exemple un programme porté par le collectif CLER-Réseau pour la transition énergétique, nommé Slime, pour service local d’intervention pour la maîtrise de l’énergie. Ce programme d’information permet de sensibiliser les ménages en situation de précarité énergétique, pour qu’ils puissent avoir accès à la rénovation.
La Poste mène également un travail de proximité, pour permettre à tous ses clients de connaître les aides et d’avoir accès à ce type de travaux. Nous poursuivrons nos démarches en ce sens.
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot.
M. Joël Bigot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la veille du dépôt du projet de loi Énergie, le Gouvernement a décidé de revoir sa copie, jugeant le texte trop peu ambitieux sur le climat. Ce report intervient alors qu’est déposé aujourd’hui un recours au tribunal administratif pour inaction climatique, dans un contexte de mobilisation citoyenne sans précédent en faveur du climat, lancée par la jeune Suédoise Greta Thunberg.
L’avis du Conseil national de la transition écologique, le CNTE, dont j’ai l’honneur d’être membre, était pour le moins réservé sur ce projet de loi qui entérine des reculs importants par rapport à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
En effet, le texte n’aborde pas la question centrale qui nous réunit ici, à savoir la lutte contre la précarité énergétique, laquelle est au cœur du nouveau contrat social et écologique à mettre en place. Madame la secrétaire d’État, les deux questions sont intimement liées.
Nous sommes heureux de constater que le Gouvernement, après avoir développé pléthore d’éléments de langage, considère maintenant qu’il lui faut revoir sa copie.
J’espère que cette révision vous permettra, madame la secrétaire d’État, de prendre en compte les remarques du CNTE, qui vous invitait à « instaurer le service public de performance énergétique de l’habitat prévu par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ».
La programmation pluriannuelle de l’énergie prévoit 500 000 rénovations par an. Alors que nous sommes encore très loin de cet objectif, vous annoncez aujourd’hui 350 000 rénovations par an.
L’Autorité environnementale vient de rendre un avis acerbe sur le manque d’ambition du Gouvernement s’agissant du plan de rénovation thermique. Selon cette instance, 15 milliards à 30 milliards d’euros devraient être dépensés chaque année pendant trente ans pour rattraper le retard pris.
Au-delà du manque de financement, l’absence de structuration du service public de performance énergétique fait courir un très grand risque aux ménages, qui peuvent être confrontés à des maîtres d’ouvrage indélicats, que les associations de consommateurs ne cessent de dénoncer.
Madame la secrétaire d’État, allez-vous prendre à bras-le-corps la lutte contre les passoires thermiques ? Des outils simples, fondés sur les données de consommation, peuvent permettre de les identifier. Ils existent chez nos voisins belges ou scandinaves et peuvent être mis en place rapidement.
S’il est utile d’informer et de coordonner, il faut surtout être lisible !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, vous m’avez interrogée sur l’ambition de la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie. J’aimerais vous rassurer, cette dernière ne témoigne pas d’un retrait de notre ambition, bien au contraire ! Elle porte la volonté d’atteindre la neutralité carbone en 2050. C’est plus que l’objectif précédent, à savoir une division par quatre de nos émissions de gaz à effet de serre.
Je sais que ce sujet a pu donner lieu à certaines incompréhensions. C’est la raison pour laquelle nous allons clarifier ce point. La neutralité carbone en 2050 suppose une réduction de nos émissions par un facteur plus élevé que le facteur précédent, c’est-à-dire la division par quatre de nos émissions de gaz à effet de serre. Par ailleurs, nous conservons la même ambition en matière de réduction de la consommation d’énergie.
S’agissant du service public de l’efficacité énergétique, comme j’ai eu l’occasion de le dire dans mon propos introductif, il doit maintenant être mis en œuvre. Pour ce faire, nous devons travailler avec les collectivités territoriales, en particulier avec les régions.
Il est exact que nous faisons face à un empilement important d’aides. Il est donc nécessaire d’aller vers plus de simplicité et de lisibilité. En outre, de nombreux niveaux de collectivités locales interviennent. Il convient donc d’instaurer une meilleure coordination entre les régions, les départements, les communes, les intercommunalités et l’État. Tel est l’objet du travail qui commence dans trois régions pilotes. Il doit nous permettre de trouver la meilleure organisation possible au service de nos concitoyens.
M. le président. La parole est à Mme Denise Saint-Pé.
Mme Denise Saint-Pé. La précarité énergétique des ménages est un sujet de préoccupation majeur. Un seul chiffre en témoigne : entre 5,8 millions et 6,7 millions de ménages sont concernés en France, dans tous les territoires.
Trois problèmes se posent. Il convient tout d’abord de renforcer les moyens de toutes les parties prenantes s’agissant de la mauvaise qualité énergétique des bâtiments.
Ensuite, face à l’augmentation progressive du prix de l’énergie, ne faudrait-il pas, madame la secrétaire d’État, s’interroger sur les méthodes de calcul des tarifs ?
Enfin, dans un contexte de vulnérabilité financière des ménages aux plus faibles revenus, l’indicateur du « taux d’effort énergétique » par rapport aux revenus exclut de l’analyse ceux qui ont froid parce qu’ils ne se chauffent pas. Or ils sont nombreux.
Le Gouvernement ne doit pas, dans le cadre du projet de loi sur la programmation pluriannuelle de l’énergie, revoir ses ambitions à la baisse. Sinon, nous laisserons davantage de pauvres au bord de la route.
Quant au chèque énergie, son taux d’utilisation atteignait, à la fin de 2018, 70,57 % en moyenne sur le territoire national. Des textes réglementaires ont été publiés pour en améliorer le fonctionnement.
Néanmoins, très concrètement, que comptez-vous faire, madame la secrétaire d’État, pour combler les failles du dispositif s’agissant de la non-utilisation par les bénéficiaires des attestations leur permettant d’avoir recours à des droits protecteurs complémentaires ?