M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Bernard Buis. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
Comme l’avait annoncé le Premier ministre en septembre dernier, l’impôt sur le revenu est prélevé à la source depuis le 1er janvier 2019.
Réforme longtemps annoncée, demandée et attendue par les contribuables mais jamais mise en œuvre, le prélèvement à la source est aujourd’hui soutenu par les trois quarts des Françaises et des Français.
Vous avez fait, monsieur le secrétaire d’État, le pari de l’intelligence collective.
Le pari que les Français comprendraient les avantages pour leur quotidien et la gestion de leur budget d’un paiement en temps réel de l’impôt sur leurs revenus.
Le pari que les entreprises françaises s’organiseraient en temps et en heure pour que ce prélèvement soit effectif et bien compris sur les fiches de paye de leurs salariés, mentionnant, par exemple, à titre d’information sur les dernières fiches de paye 2018 quel serait le salaire versé après le prélèvement à la source.
Le pari que les cinq millions de foyers bénéficiant d’un crédit d’impôt pour service à la personne ou pour frais de garde d’enfant percevraient ce crédit d’impôt sous forme d’avance de 60 % versée dès le 15 janvier et correspondant au crédit ou à la réduction d’impôt de l’année précédente, avant le versement de la totalité à l’été 2019.
Enfin, le pari que votre ministère et les fonctionnaires de votre administration déploieraient, pendant plusieurs mois et le temps nécessaire, des moyens de communication, d’information et d’accompagnement à la hauteur de cet enjeu.
Ce succès montre la préparation de la réforme. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Avant l’été dernier, un sondage montrait que les deux tiers des Français payant l’impôt sur le revenu se sentaient bien informés. Ce succès montre aussi que les Cassandre en tout genre, prompts à souhaiter l’échec du Gouvernement plutôt que la réussite collective, se sont trompés. On a parlé au Sénat d’usine à gaz.
M. Philippe Dallier. C’est une usine à gaz !
M. Bernard Buis. Une proposition de loi pour retarder encore la réforme a même été déposée.
M. le président. Votre question !
M. Bernard Buis. Alors, monsieur le secrétaire d’État, si la mise en œuvre du prélèvement à la source est d’ores et déjà un succès, ce succès, nous le devons à la fois aux entreprises et collecteurs. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.) Il faut maintenant transformer définitivement l’essai. Pouvez-vous nous expliquer les mesures qui sont prises pour assurer, durant cette année 2019, l’accompagnement des entreprises ? Quels sont les moyens (Nouvelles marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)…
M. le président. Terminez !
M. Bernard Buis. … mis en œuvre dans votre administration pour répondre aux questions que les contribuables ne manqueront pas de se poser et de vous poser avant qu’un rythme de croisière ne soit trouvé en 2020 ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Buis, vous avez raison, le prélèvement à la source est une bonne réforme…
MM. Rachid Temal et Jean-Marc Todeschini. Merci Hollande !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. … et sa mise en œuvre est réussie. Les chiffres sont éloquents : plusieurs dizaines de millions de titres de revenus ont été traités. Il n’y a eu aucun bug systémique et l’ensemble des contribuables paient désormais un impôt contemporain, ce qui est l’objectif principal. En effet, 7 millions de contribuables français voient leurs revenus varier de plus ou moins 30 % chaque année. Dans le système ancien, ils étaient obligés de payer un impôt dont le montant ne correspondait plus au niveau réel de leurs revenus. Aujourd’hui, le montant de l’impôt payé chaque mois sera juste et plus soutenable, car il s’adaptera aux revenus des contribuables et des foyers fiscaux.
Nous avons mené cette réforme pour les contribuables et avec les agents des finances publiques, dont 40 000 ont été formés pour la mise en œuvre du prélèvement à la source. Nous avons souhaité qu’ils soient en mesure d’apporter des réponses aux particuliers, comme aux entreprises, soit dans les perceptions, soit via internet, soit avec la mise en place d’une plateforme téléphonique comportant quatorze centres d’appels et réunissant environ 1 000 agents des finances publiques.
Nous avons aussi travaillé, tout au long de l’année 2018, avec les sociétés éditrices de bulletins de paye pour faire en sorte que la mise en œuvre soit techniquement réussie. Nous avons souhaité que, dans l’immense majorité des cas, elle se limite pour les entreprises à une opération de maintenance des logiciels de déclarations sociales nominatives. Nous nous sommes attachés à leur éviter un investissement nouveau de manière à diminuer aussi fortement que possible le coût de la réforme chaque fois que nous le pouvions.
Tout au long de l’année qui vient, nos équipes vont rester mobilisées pour répondre aux contribuables et travailler pour faire en sorte de rendre les crédits d’impôt contemporains. Nous allons évidemment, comme nous nous y étions engagés devant le Sénat…
M. le président. Il faut conclure !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. … à l’occasion de l’examen du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance, faire preuve de la plus grande bienveillance à l’égard les entreprises, de manière à ne pas sanctionner celles qui sont de bonne foi. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
profanation du mémorial d’ilan halimi
M. le président. La parole est à M. Olivier Léonhardt, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Olivier Léonhardt. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Lundi 11 février, les arbres plantés à Sainte-Geneviève-des-Bois à la mémoire d’Ilan Halimi ont été coupés, profanés. J’étais maire de cette commune en 2006 quand Ilan a été retrouvé agonisant, le long de cette voie ferrée, après vingt-quatre jours de terribles tortures.
Enlevé, frappé, brûlé, torturé, Ilan est mort simplement parce qu’il était juif. Personne ne pouvait plus ignorer qu’on pouvait de nouveau s’en prendre à un juif en France en pensant s’en prendre à une famille, à une communauté privilégiée, qui n’aurait aucun mal à payer une forte somme d’argent pour obtenir sa libération.
L’assassinat d’Ilan avait malheureusement un caractère annonciateur. Car, il faut le dire, depuis ce 13 février 2006, mourir en France parce qu’on est juif n’est malheureusement plus si exceptionnel que cela. Il faut le dire aussi, les condamnations de principe ne sont plus suffisantes, les cérémonies commémoratives et les minutes de silence ne peuvent plus être les seules réponses à l’intolérable.
Alors, je sais que vous allez me dire, à raison, que beaucoup de choses sont initiées pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme. J’étais d’ailleurs avec vous, monsieur le Premier ministre, à Matignon, mardi, pour la remise du prix Ilan Halimi à des jeunes engagés contre ce fléau.
Je sais que vous allez me dire, à raison, que des actions sont engagées pour la formation des personnels, des enseignants, des policiers, des magistrats.
Je sais que vous allez me dire, à raison, qu’il faut adapter la loi pour agir plus sévèrement face aux messages haineux sur les réseaux sociaux.
Mais, monsieur le Premier ministre, ne pensez-vous pas que l’enjeu de la fraternité dans notre pays mérite une action encore plus résolue, des actions encore plus rapides et encore plus fortes ?
Nous savons le rôle de l’éducation pour répondre à ce défi et nous savons aussi qu’aujourd’hui, en 2019, des projets pédagogiques, associatifs ou institutionnels auprès de la jeunesse ne sont pas menés, faute de moyens. Ne pensez-vous pas que la gravité de la situation impose que notre pays consacre plus que 6 millions d’euros par an à la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, qui dispose des seuls crédits…
M. le président. Il faut conclure !
M. Olivier Léonhardt. … dédiés strictement à cet enjeu vital pour l’avenir de notre République ? (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, lundi dernier, les arbres plantés à la mémoire d’Ilan Halimi à Sainte-Geneviève-des-Bois ont été profanés, coupés, ce qui a donné lieu à une immense émotion partout en France, une émotion sans doute encore plus forte chez tous ceux qui étaient présents au moment du drame – vous en étiez puisque, comme vous l’avez dit, vous étiez maire au moment des faits.
Je veux commencer par dire que je comprends parfaitement l’émotion que vous éprouvez depuis lundi et que vous avez exprimée dans votre question.
Mardi – la date avait été fixée depuis longtemps –, il nous appartenait de remettre, pour la première fois, le prix Ilan Halimi. Nous reprenions en cela une initiative lancée par le conseil général de l’Essonne et portée par son président, Jérôme Guedj, pour récompenser des projets pédagogiques organisés dans les collèges ou lycées destinés à faire comprendre la réalité de l’antisémitisme et à offrir un certain nombre d’instruments pour lutter contre ce fléau.
J’ai eu l’occasion de le dire – vous vous en souvenez peut-être – face à tous ces coups terribles que nous prenons, face à tous ces actes antisémites, face non pas au découragement mais à la menace de lassitude qui gagne parfois, ces initiatives qui mobilisent les jeunes et portées, ici, par une scène nationale, là, par un collège ou par une association, sont aussi des messages d’espoir.
Je crois que nous pourrons nous retrouver sur le fait que les quatre projets qui ont reçu un prix, projets retenus parmi la centaine de ceux qui avaient été réceptionnés, étaient absolument remarquables.
Oui, il faut former ! Oui, il faut éduquer ! Oui, il faut dénoncer ! Oui, il ne faut jamais renoncer ! Mais c’est un combat long, je le sais.
Les phrases que je prononce ont été dites avant moi, peut-être avec plus de talent mais pas avec moins de détermination, par des Premiers ministres qui se sont pleinement engagés dans la lutte contre l’antisémitisme.
Monsieur le sénateur, ce combat est un art d’exécution, c’est aussi un art de détermination. Il doit être mené de façon systématique. J’ai insisté sur le soutien que nous devons apporter à ceux qui proposent l’éducation dans nos écoles, collèges et lycées. Nous avons ainsi apporté un soutien matériel aux équipes de laïcité qui viennent épauler les personnes qui constatent de tels actes. Des personnes qui, malgré leur bonne foi et leur détermination, ne savent pas toujours y répondre. Nous devons continuer de les aider et les accompagner.
Est-ce suffisant ? Cela ne sera sans doute jamais suffisant pour mener ce combat difficile qui m’apparaît malheureusement éternel.
Monsieur le sénateur, si vous avez des pistes – vous en avez tracé quelques-unes – pour nous donner de nouveaux instruments dans ce combat, alors, je suis tout à fait prêt à en discuter avec vous, car nous avons besoin de l’engagement et de l’intelligence de chacun pour gagner ce combat. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
augmentations du tarif de l’électricité
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologique.
Mme Cécile Cukierman. En décembre dernier, le ministre de la transition écologique nous disait qu’il y aurait plus qu’un « gel » des tarifs de l’électricité, que le Gouvernement travaillait sur des mesures qui permettraient de ne pas avoir de hausse. Il nous disait même : « Dans un mois, les tarifs de l’énergie vont baisser, je peux le garantir aux Français, de 2 % à 3 %. »
Aujourd’hui, c’est une hausse de 6 % des tarifs qui est annoncée, la hausse pouvant même être plus importante pour le mois de juin. Après la mobilité, vous allez créer de nouvelles fractures territoriales et vous prenez le risque de faire basculer dans la précarité énergétique de nouveaux ménages, alors qu’ils sont déjà près de 6 millions dans notre pays !
Vous demandez encore une fois à nos concitoyens de payer plus. Vous leur demandez de payer, alors que ces hausses successives ne sont que le reflet de l’échec de la libéralisation du marché de l’électricité.
Vous leur demandez de se résoudre à accepter une répercussion sur leurs factures de plus de 100 euros par an, alors que toutes les demandes de revalorisation du SMIC, de véritable négociation sur les salaires sont balayées d’un revers de main en ce moment même.
Hausse des prix du carburant, hausse des prix alimentaires, hausse des prix de l’énergie, gaz et électricité : c’est une véritable politique assumée de paupérisation de nos concitoyens que vous menez actuellement.
Monsieur le ministre, quelles dispositions pérennes allez-vous prendre pour endiguer ce phénomène continu d’augmentation artificielle du prix de l’électricité ? Quand accepterez-vous de baisser les taxes sur ce bien de première nécessité ? CTA, TFCE, TVA, CSPE : autant de taxes qui pèsent pour près d’un tiers dans la facture des ménages de notre pays ! Vous l’avez fait pour ADP et pour les data centers dans le cadre de la préparation du Brexit, pourquoi ne pas le faire, une bonne fois pour toutes, au profit de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Laurent Duplomb et Jackie Pierre applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Cukierman, vous avez évoqué trois types d’énergie et leurs tarifs.
Concernant les carburants, vous savez qu’ils avaient connu une forte hausse de prix au mois d’octobre, liée à l’augmentation des prix du pétrole sur le marché mondial.
M. Philippe Dallier. Et ça va revenir !
M. Bruno Sido. Contraints !
M. François de Rugy, ministre d’État. … alors que, par ailleurs, un mouvement de protestation important s’était levé à l’occasion de cette hausse. Je crois toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous pourrions tomber d’accord pour reconnaître que les revendications de ce mouvement allaient bien au-delà de cette question. D’ailleurs, les prix des carburants ont entre-temps baissé de nouveau, en conséquence de la baisse des prix du pétrole sur le marché mondial.
Nous avons pris d’autres mesures, mais nous avons tenu notre engagement sur ce point : stopper la trajectoire de la taxe carbone et du rattrapage entre le diesel et l’essence – rattrapage motivé par des considérations de santé publique –, ainsi que la hausse de la taxation du gazole non routier. Cet engagement a été pris à la fin de l’année 2018 ; même si les prix du pétrole ont baissé entre-temps, il a été tenu.
M. Albéric de Montgolfier. Grâce au Sénat !
M. François de Rugy, ministre d’État. Vous avez également évoqué, madame la sénatrice, les tarifs du gaz. Pour ma part, j’avais annoncé que ces tarifs baisseraient au 1er janvier 2019. Cette baisse a bien eu lieu, à hauteur de 2 % au 1er janvier 2019, pour ce qui concerne les tarifs régulés.
Enfin, vous avez mentionné les tarifs de l’électricité. Vous savez sans doute que le mode de calcul des tarifs régulés est fixé par la loi. Nous appliquons la législation, qui dispose que les tarifs doivent recouper les coûts de production. Ceux-ci ont augmenté ; les tarifs augmentent donc. Si nous ne procédions pas à une telle augmentation cette année, alors, vous le savez très bien, cela serait répercuté encore plus fort l’année prochaine.
Nous avons pris un engagement : pas de hausse des tarifs de l’électricité pendant l’hiver. Nous tenons cet engagement pour que cette hausse ne s’applique pas pendant les périodes où nos compatriotes se chauffent. (M. François Patriat applaudit.)
M. Pierre Laurent. Vous répondez à côté !
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour la réplique.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre d’État, je vous interrogeais sur la suppression de taxes ; vous me répondez sur les prix de l’électricité. Vous me dites augmenter les prix l’été plutôt que l’hiver, mais je crois qu’au mois de novembre prochain l’hiver sera quand même rude, et l’augmentation de cet été sera répercutée sur les factures de nos concitoyens l’hiver prochain. Vous ne réglez pas la question du pouvoir d’achat dans notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
recrudescence des actes antisémites
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Yves Daudigny. À mon tour, monsieur le Premier ministre, d’insister sur ce sujet grave !
Rues de Paris noircies d’expressions antisémites, croix gammées sur les portraits de Simone Veil, « Juden » badigeonné sur la devanture d’un restaurant, arbres plantés en hommage à Ilan Halimi, ce jeune homme enlevé, séquestré et torturé à mort parce qu’il était juif, sciés : l’hydre toujours renaît !
Ces actes, d’une singulière lâcheté, révèlent un antisémitisme qui ne s’estompe pas, qui reste, qui mute ; un antisémitisme qui porte atteinte à la communauté nationale, qui percute nos valeurs républicaines, qui questionne notre devoir de mémoire ; un antisémitisme désinhibé par internet et les réseaux sociaux, sur lesquels prospèrent les mythes complotistes, des slogans tout droit sortis des poubelles de l’histoire, une insondable passion pour la haine.
Les actes et les menaces antisémites ont crû de 74 % l’an dernier. Ils traduisent une réalité vécue et ressentie tous les jours par de nombreux Français qui subissent des injures, des violences, en raison de leur kippa ou de leur patronyme, que ce soit dans la rue, dans les transports, sur internet, à l’école ou devant leur lieu de culte.
Nous ne pouvons accepter que nos compatriotes de religion ou de culture juives ne puissent vivre en sécurité simplement du fait de ce qu’ils sont. À ceux qui se croient imperméables, rappelons les mots de Frantz Fanon : « Quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l’oreille, on parle de vous. »
Monsieur le Premier ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour lutter contre cet antisémitisme qui sème la honte et l’horreur dans la République, au pays des droits de l’homme ?
Cette lutte nécessite l’engagement de toutes et de tous, et nous serons aux côtés de toutes celles et de tous ceux qui s’y engageront. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, le Premier ministre a expliqué le contexte du plan de lutte contre l’antisémitisme et, de manière générale, contre le racisme que nous mettons en œuvre sur la période 2018-2020. Ce plan comporte toute une série de mesures ; permettez-moi d’en développer une plus précisément.
Vous avez cité les propos haineux qu’on trouve sur les réseaux sociaux. Je veux dire ici que nous y sommes extrêmement attentifs ; c’est une politique forte que nous menons. Nous avons mis en place une plateforme, PHAROS, qui nous permet de les détecter et de demander aux fournisseurs d’accès à internet de procéder à des retraits. Nous procédons également à de longues investigations judiciaires qui nous permettent de confondre leurs auteurs ; de ce fait, de nombreuses condamnations ont été prononcées.
Le Premier ministre citait précédemment une expérimentation très intéressante menée à Marseille, qui permet de former des enquêteurs et des magistrats afin de pouvoir mieux caractériser cette circonstance aggravante et odieuse qu’est le caractère antisémite d’une infraction.
Nous poursuivons la mise en œuvre de l’ensemble de ces mesures, soit toute une panoplie d’actions menées avec beaucoup de détermination. Certaines de ces mesures touchent aussi au champ éducatif ; bien évidemment, nous allons les poursuivre.
Je voudrais aussi vous rassurer quant au travail que mène le ministère de l’intérieur en liaison très étroite avec l’ensemble des cultes, y compris le culte catholique.
Depuis 2015, nous avons des relations étroites avec les responsables des cultes et, notamment, ceux des lieux de culte, de manière à pouvoir sécuriser physiquement les cérémonies, les lieux de manifestation et les fêtes les plus importants. Nous menons là encore cette action de manière extrêmement résolue et déterminée ; l’ensemble des fonctionnaires de police et de gendarmerie y sont sensibilisés dans ce pays, comme le rappelait à l’instant le Premier ministre.
Enfin, comme vous le savez, nous engageons une politique d’aide à l’investissement en faveur de tous les dispositifs de sécurisation mis en place pour tous les cultes, y compris le culte juif et le culte catholique. Nous avons, au travers du Fonds interministériel de prévention de la délinquance,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. … une politique très active de soutien à la sécurisation de ces lieux qu’il convient de protéger à tout prix. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
décrets d’application (utilisation des caméras mobiles)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Jean-Pierre Decool. À titre liminaire, je tiens à préciser qu’il n’y a ni provocation ni perfidie dans ma question. Un simple coup de téléphone informel aurait peut-être suffi. Si je la pose officiellement, c’est parce qu’elle est, me semble-t-il, révélatrice d’un malaise.
À tort ou à raison, la psychologie collective française veut condamner la classe politique, réduite à son impuissance.
Emmanuel Macron a lancé des pistes de réflexion sur les réformes constitutionnelles. Je veux rebondir sur l’une d’entre elles : l’amélioration de la qualité de la loi. La nécessité de simplifier la procédure parlementaire et d’accélérer le temps législatif a en effet été évoquée.
Le temps démocratique est légitimement long, mais parfois trop long à l’heure du numérique. Certes, nous sommes réticents lorsqu’il s’agit de toucher à nos droits parlementaires. Néanmoins, à l’instar d’autres pays, le Sénat a déjà expérimenté des procédures d’adoption simplifiées.
Tancés pour notre lenteur, permettez-nous, monsieur le ministre, à notre tour, de vous tancer sur la vôtre, celle de l’exécutif.
Le Sénat a examiné et adopté, le 13 juin 2018, une proposition de loi relative à l’harmonisation de l’utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique. Cette loi a été adoptée définitivement, le 30 juillet dernier, par l’Assemblée nationale. La procédure a donc été rondement menée.
Des décrets d’application sont prévus, après avis de la CNIL et du Conseil d’État. Nous sommes le 14 février 2019 ! Déjà sept mois d’attente, et les caméras sont toujours sagement rangées dans les tiroirs !
Monsieur le ministre, par votre action, ce dispositif des caméras-piétons a démontré son efficacité. À l’heure où les violences s’inscrivent désormais dans le rituel du samedi, pourriez-vous réfléchir également à accélérer le temps réglementaire ? Je ne mets pas en cause la qualité du travail fourni par vos services, mais je veux dénoncer ce décalage, incompris par l’opinion publique, entre la décision politique et sa concrétisation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, vous évoquez un décalage, une incompréhension. Je vais essayer de la lever, le plus simplement possible.
Vous avez raison de souligner que ces caméras-piétons sont un outil précieux pour les policiers et les gendarmes ; nous souhaitons qu’elles le soient pour les policiers municipaux. Une loi a effectivement généralisé ce dispositif à l’ensemble du territoire national après deux ans d’une expérimentation qui a porté ses fruits et s’est avérée extrêmement positive.
En effet, d’abord, ces caméras permettent de réduire les tensions lorsque des policiers municipaux interviennent. Ensuite, elles leur permettent de réunir des preuves judiciaires quand ils sont agressés. Enfin, comme vous le savez très bien, elles sont très utiles pour la formation des policiers municipaux.
M. François Grosdidier. On le sait depuis dix ans !
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. La loi en question a généralisé ce dispositif ; un décret d’application est en cours de préparation.
M. François Grosdidier. Ça fait six mois !
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Il a reçu des avis de la CNIL et du Conseil national d’évaluation des normes ; le Conseil d’État en est saisi depuis janvier 2019. Ce texte est donc à l’étude.
Je rappelle que ce dispositif est extrêmement contraignant. Comme vous le savez, quand les policiers rentrent au service, ils ne peuvent pas visionner eux-mêmes les images, mais doivent les stocker dans des conditions de sécurité optimales.
M. Simon Sutour. C’est Courteline !
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Dès lors, si ces dispositions réglementaires méritent d’être étudiées avant d’être adoptées, c’est d’abord pour protéger ces fonctionnaires de police municipale, tout comme nous protégeons les fonctionnaires de la police et de la gendarmerie nationales dans l’utilisation de ce dispositif.
Je peux en tout cas vous assurer qu’il n’y a aucune volonté du Gouvernement de ne pas mettre en œuvre ces dispositions. Bien au contraire, puisque nous travaillons main dans la main avec les polices municipales dans le cadre de la police de sécurité du quotidien et du continuum de sécurité que nous souhaitons.
À l’évidence, y compris dans le cadre de patrouilles communes, il est tout à fait indispensable, pour nous aussi, que les fonctionnaires de police municipale soient dotés de ces caméras-piétons. Tout sera donc mis en œuvre pour que ce décret soit publié le plus rapidement possible.
financement du logement social