Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les dispositions que nous allons maintenant examiner sont tirées du rapport commandé par M. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche du précédent gouvernement, et vous les reprenez quasiment in extenso

Devant l’Assemblée nationale, la ministre chargée de la recherche a déclaré que cet article « était un élément fondamental de ce projet de loi ».

Néanmoins, depuis vendredi dernier, le contexte politique de l’examen de cet article a radicalement changé. En effet, à l’occasion d’une grande réunion publique organisée pour célébrer les 80 ans du CNRS, le Premier ministre a lancé, de façon très solennelle, un grand débat national sur la science. Il le souhaite le plus large et le plus libre possible et demande aux scientifiques de répondre à trois questions : « Comment garantir que les projets les plus novateurs soient financés au bon niveau ? Comment rester compétitifs à l’échelle internationale ? Comment convertir les découvertes scientifiques en innovations ? »

Le Premier ministre a fixé un calendrier à cette consultation : elle devra être achevée avant la fin de ce semestre pour permettre à la ministre de déposer un projet de loi, ce qui devrait être fait à la fin de l’année 2019 ou au début de l’année 2020.

En s’adressant à la communauté scientifique, le Premier ministre a ajouté : « Nous avons besoin du doute et du raisonnement scientifique. »

Il me semble, dans ce contexte, qu’il serait de bonne politique de surseoir à la discussion des dispositions du projet de loi qui concernent ces questions pour laisser aux scientifiques la liberté de débattre, pleinement et sans restriction, de tous les sujets proposés par le Premier ministre.

Mme la présidente. L’amendement n° 642, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. En présentant cet amendement et en l’absence de réaction du ministre, je poursuis mon argumentaire pour vous montrer en quoi il est plus légitime que nos discussions se déroulent dans un cadre plus large.

Comme cela est indiqué dans le rapport, les dispositions de la loi du 12 juillet 1999 sur l’innovation et la recherche, dite loi Allègre, concernent moins de 1 % des chercheurs. Vous considérez qu’en simplifiant encore les modalités de ces dispositifs cette proportion pourrait progresser.

Ce n’est pas l’avis de la Cour des comptes, qui a montré dans un récent rapport – il a été publié en mars 2018 – que le seul outil de l’intéressement n’était pas suffisant pour développer les interactions entre la recherche et la valorisation. Selon ce rapport, « l’incitation des chercheurs à se préoccuper de la valorisation est un enjeu essentiel. À cette fin, l’État a privilégié l’outil de l’intéressement et l’a rendu de plus en plus favorable au fil du temps. Néanmoins, d’autres outils non financiers pourraient être mis en place pour lever les freins à l’implication des chercheurs publics dans la valorisation ».

La démarche doit donc être plus systémique et il convient d’associer les chercheuses et les chercheurs à cette réflexion globale. C’est l’objet du grand débat national sur la science lancé par le Premier ministre.

Je crains que les corrections que vous nous proposez d’apporter ne concernent finalement que l’infime proportion – moins de 1 % – des chercheurs qui les utilisent déjà, sans inciter les autres à les rejoindre.

Il serait plus sage d’avoir une vision globale de cette question et de rendre la parole aux chercheurs, comme le Premier ministre s’y est engagé vendredi dernier.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. La loi Allègre a permis un premier rapprochement entre la recherche et l’innovation, mais le bilan concret reste assez mitigé. Il paraît donc opportun, vingt après le vote de cette loi, de la réformer afin de permettre à la recherche de soutenir l’innovation, qui est la pierre angulaire de la compétitivité des entreprises. C’est pourquoi la commission spéciale est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Même avis que la commission spéciale.

Je rappelle que cette question n’entre pas dans le cadre du grand débat, qui contient quatre chapitres. Il me semble donc que nous pouvons avancer sur ce sujet sans attendre ses conclusions.

Par ailleurs, je crois qu’il est de l’intérêt de la France de permettre aux chercheurs d’avoir un lien plus étroit avec le monde de l’entreprise. Limiter la capacité d’un chercheur à travailler dans une entreprise revient à limiter la capacité de nos entreprises elles-mêmes à se développer, à innover et à gagner la bataille des nouvelles technologies.

J’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises dans cet hémicycle : l’avenir de la France, en particulier sur le plan industriel et économique, repose sur notre capacité à investir dans les technologies de rupture. Si nous continuons à séparer et à cloisonner le monde de la recherche et celui de l’entreprise, notre économie ne réussira pas.

Nous avons des concurrents asiatiques, par exemple chinois, et américains qui permettent aux chercheurs et aux entreprises de travailler main dans la main pour le plus grand bénéfice de ces nations. Je vous propose simplement de faire de même, en rehaussant la possibilité pour les chercheurs de passer plus de temps dans une entreprise.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, je discute non pas du fond de cette mesure, mais de la méthode. Le Premier ministre a engagé, vendredi dernier, un grand débat national sur la recherche qui devrait durer six mois. J’étais au premier rang et je crois avoir correctement compris… Or, parmi les questions posées aux chercheurs, l’une – par ailleurs fondamentale – concerne exactement ce dont nous débattons : comment convertir les découvertes scientifiques en innovations ?

Je pense qu’il serait de mauvaise politique que votre gouvernement referme maintenant un grand débat à peine ouvert. Il faut laisser la parole aux scientifiques sans restreindre a priori la portée du débat, sinon, mes chers collègues, nous pourrions douter de la sincérité du grand débat national (M. Roger Karoutchi sexclame.), qui porte en effet sur d’autres thèmes. Le Gouvernement va peut-être nous expliquer que le grand débat non plus ne doit pas aborder toutes les questions qui se posent…

Il faut aujourd’hui laisser la parole aux chercheurs et je vous demande finalement, mes chers collègues, de respecter la science française, en laissant à chacun la possibilité de s’exprimer librement sur ces problèmes qui sont fondamentaux. C’est d’ailleurs ce à quoi le Gouvernement s’est engagé !

Je le répète, je parle non pas du fond, mais de la méthode. Nous devons respecter l’engagement pris par le Premier ministre vendredi dernier à l’égard des chercheurs. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Mme Sylvie Robert. Il s’est effectivement passé un événement important en fin de semaine dernière : l’annonce par le Premier ministre, en présence de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, du lancement d’une large concertation. L’ensemble du monde scientifique, notamment les chercheurs, et nous-mêmes ne pouvons que nous féliciter de cette annonce.

La question des liens entre le monde de l’entreprise et celui de la recherche est réelle et faciliter leur rapprochement et leur collaboration me semble aller dans la bonne direction, mais les articles de ce projet de loi qui portent sur ces sujets pourraient laisser penser que nous refermons le débat, qui n’a pourtant été ouvert que vendredi dernier.

Sans prendre position sur le fond de ces questions, il me semble effectivement plus sage de les renvoyer à ce grand débat, aux chercheurs et à l’ensemble des partenaires qui vont justement être rassemblés dans cet objectif. Il leur revient de trouver les meilleurs outils et leviers pour, entre autres choses, approfondir les liens entre le monde de l’entreprise et celui de la recherche.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 642.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 643, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 9

Remplacer les mots :

est tenue informée

par les mots :

ainsi que la commission mentionnée à l’article 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 décembre 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires sont tenues informées

II. – Alinéa 15

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le contrat est transmis pour avis à la commission mentionnée à l’article 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 décembre 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

III. – Alinéa 23

Supprimer cet alinéa.

IV. – Alinéa 32

Supprimer cet alinéa.

V. – Alinéa 36

Après le mot :

fonctionnaire

insérer les mots :

après avis de la commission mentionnée à l’article 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 décembre 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires

VI. – Alinéa 42

Supprimer cet alinéa.

VII. – Alinéa 44, seconde phrase

Après le mot :

autorité

insérer les mots :

ainsi que la commission mentionnée à l’article 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 décembre 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires

VIII. – Alinéa 45

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Je suis opiniâtre, madame la présidente, je poursuis donc mon argumentaire…

Dans son rapport, la commission spéciale de l’Assemblée nationale a reconnu que les mesures dont nous débattons « créaient davantage de situations, dans lesquelles les chercheurs partagent leur temps entre l’entreprise privée et leurs fonctions publiques, augmentant ainsi le risque de conflits d’intérêts ».

L’article L. 531-3 du code de la recherche rendait obligatoire l’avis de la commission de déontologie instituée par la loi de 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires. Le Gouvernement a décidé d’abroger cet article et de remplacer cet avis obligatoire par une information facultative.

Le statut de la fonction publique impose aux fonctionnaires des droits et des devoirs. Ces devoirs sont essentiels et permettent à l’État de disposer des compétences et du travail de ses fonctionnaires pour mener à bien ses missions au service de l’intérêt général, sous le contrôle du Parlement.

Dans le cadre d’une mission de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, notre estimé collègue Pierre Médevielle et votre serviteur, pour le Sénat, ont rencontré la direction de l’Autorité européenne de sécurité des aliments à Parme. Elle nous a expliqué que, à la suite des crises que vous connaissez – glyphosate… –, elle avait été obligée d’écarter de son panel presque la moitié des scientifiques qui travaillaient pour l’agence en raison de leurs conflits d’intérêts. Elle demandait donc aux États membres, dont la France, de veiller à maintenir un corps de scientifiques qui en soit totalement préservé.

C’est une nécessité absolue pour conserver la crédibilité scientifique et politique des avis rendus par les agences d’évaluation.

L’État en tant que tel, et non ses établissements, doit donc veiller, par le biais d’une commission de déontologie, à disposer d’une expertise scientifique totalement indépendante. C’est pourquoi nous proposons dans le présent amendement de rétablir les prérogatives de cette commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Je voudrais rappeler que les organismes de recherche gardent toujours la possibilité de saisir la commission de déontologie, s’ils estiment qu’ils ne sont pas en mesure d’apprécier si le fonctionnaire se trouve en situation de conflit d’intérêts. Sur les 1 571 dossiers soumis à la commission de déontologie entre 2000 et 2015, 1 426 ont reçu un avis favorable, soit 91 % des cas.

Il me semble important de faire confiance aux organismes de recherche qui connaissent bien les travaux de leurs chercheurs, ainsi que les entreprises avec lesquelles ils passent des contrats. Les organismes peuvent par conséquent juger, au plus près du terrain, s’il y a ou non un risque de conflit d’intérêts.

La commission spéciale est donc défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Je suis désolé, mais la pratique m’amène à distinguer l’intérêt des établissements publics de celui de l’État, que j’estime supérieur. Si vous considérez que les avis de la commission de déontologie sont systématiquement favorables, je ne vois pas pourquoi ils constitueraient des freins aux déplacements et à la mobilité des chercheurs. Au contraire, je pense que c’est aujourd’hui pour l’État un pare-feu essentiel, de nature à éviter les conflits d’intérêts tels que ceux que nous avons pu voir sur différents dossiers.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 643.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 86 rectifié, présenté par M. Adnot, Mme Imbert, MM. Savary, Cuypers et Rapin et Mme Lavarde, est ainsi libellé :

Alinéa 27, première phrase

Remplacer, deux fois, le taux :

20 %

par le taux :

32 %

La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Comme vous le savez peut-être, mes chers collègues, je suis rapporteur spécial de la commission des finances pour les crédits budgétaires de l’enseignement supérieur et de la recherche. J’ai fait des rapports, notamment, sur la valorisation de la recherche, sur le financement de la maturation, ainsi que sur les organismes de valorisation de la recherche que sont les SATT, les sociétés d’accélération du transfert de technologies. J’ai également animé au Sénat, pendant quinze ans, les Tremplins Entreprises, manifestation qui nous permettait de présenter des start-up à la communauté des financeurs. C’est donc un sujet qui me tient particulièrement à cœur.

Nous avons aujourd’hui un problème : la participation des chercheurs en matière de droits de vote et de capital est plafonnée à 20 %. Ainsi, chaque fois qu’un nouveau financement arrive dans la start-up, la part du chercheur est diluée. Mon amendement a donc pour objet de rehausser à 32 % la participation autorisée aux chercheurs dans les start-up, de manière à ce qu’ils puissent être fortement intéressés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Je demande l’avis du Gouvernement sur cette question de plafonnement.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Je comprends parfaitement le raisonnement de M. le sénateur, qui souhaite permettre à un chercheur de participer plus activement à la gouvernance d’une société. Je rappelle néanmoins que cette participation d’un chercheur public, donc d’un agent public, au capital social d’une entreprise est dérogatoire du droit commun. À l’origine, le plafond avait été fixé à 5 %. Il est aujourd’hui rehaussé à 20 %, ce qui me paraît raisonnable. Le taux de 32 %, lui, me semble élevé. Je m’en remets cependant à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission spéciale ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Sagesse également.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 86 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 833 rectifié, présenté par MM. Gabouty, Artano et Collin, Mmes N. Delattre et Guillotin et MM. Menonville, Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 44, première phrase

Supprimer les mots :

dans la limite de 49 % du capital

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

M. Jean-Marc Gabouty. Cet amendement aborde un problème un peu de même nature que le précédent. Dans la mesure où le principe de détention de capital et de fonctions au sein des organes de direction par le chercheur est admis, la limitation à 49 % est relativement théorique. En effet, elle peut être aisément contournée, pour arriver à 50 % ou 51 %, par exemple, des membres de la famille, des amis ou d’autres personnes de confiance pouvant détenir des actions complémentaires. C’est pourquoi nous proposons de supprimer cette limite, dans un souci de simplification.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Vous l’avez dit, mon cher collègue, la loi fixe une limite à la détention du capital de l’entreprise nouvellement créée par le chercheur, ou dans laquelle il a réalisé un concours scientifique. Cette limitation à 49 % a pour but d’éviter qu’il soit actionnaire majoritaire, ce qui pourrait l’amener, de fait, à diriger la société et à être en conflit avec les organes dirigeants de la société. Autrement dit, il doit renoncer à son implication dans l’entreprise.

L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Je m’en suis remis à la sagesse du Sénat sur l’amendement précédent, car j’estime que l’on doit pouvoir envisager que le chercheur ait une participation plus importante dans l’entreprise. En revanche, sur cet amendement, j’ai un avis clairement défavorable, parce qu’il pose un problème de principe. Le chercheur a participé à la création d’une entreprise et investi – tant mieux, c’est très bon pour le pays ! –, puis il revient dans la fonction publique. En votant cet amendement, vous lui permettriez d’être actionnaire majoritaire d’une entreprise privée, ce qui est, à mon sens, tout à fait déraisonnable.

Si le chercheur veut absolument maintenir sa participation majoritaire dans l’entreprise dans laquelle il a investi, il a toute latitude pour se mettre en position de disponibilité, mais lui laisser la possibilité d’être fonctionnaire et, en même temps, actionnaire majoritaire, l’expose à des conflits d’intérêts évidents.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Gabouty. Je ne porte pas un jugement sur le fond ou sur l’opportunité d’une telle limitation, mais j’en pointe le côté théorique. À moins de réglementer comme dans d’autres domaines, tels que les activités parlementaires (M. Roger Karoutchi sesclaffe.), et de prévoir l’impossibilité, pour des membres de la famille – jusqu’à quel degré ? – ou des amis proches, d’être également coactionnaires, on reste dans la théorie, car la règle est très facilement contournable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 833 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 85 rectifié, présenté par M. Adnot, Mme Imbert, MM. Savary, Cuypers et Rapin et Mme Lavarde, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 49

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Le I est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette dernière dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de ladite déclaration, pour lui faire part de son intention ou non de valoriser l’invention déclarée, son silence gardé à l’issue de ce délai valant renonciation. » ;

La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Nous le savons bien, tout est question de rapidité. Quand une bonne idée émerge, qu’un brevet peut être envisagé, l’essentiel est d’aller très vite pour obtenir un certain nombre de réponses. Cet amendement a pour objet de limiter les délais, de manière à gagner le plus d’efficacité possible.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Je souscris tout à fait à votre souhait, mon cher collègue, de raccourcir les délais administratifs pour encourager l’innovation, mais, face à des dossiers complexes, une instruction plus détaillée est nécessaire, notamment pour analyser la brevetabilité de l’invention, ce qui nécessite un délai supérieur à un mois.

Par ailleurs, vous souhaitez imposer un délai qui serait incompatible avec le droit de préemption des copropriétaires de l’invention.

Enfin, l’introduction de ce type de contrainte dans la loi risque de fragiliser une valorisation efficace des titres de propriété intellectuelle, qui sont plus complexes.

Je demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Même avis. C’est un vrai problème, monsieur le sénateur, mais vous n’y apportez pas la bonne réponse. Nous allons travailler à cette accélération des délais. D’autres propositions seront faites, et j’espère que nous pourrons travailler dessus avec vous. Je propose également le retrait.

Mme la présidente. Monsieur Adnot, retirez-vous votre amendement ?

M. Philippe Adnot. Pour imaginer cet amendement, ainsi qu’un autre qui va suivre, je me suis appuyé sur un rapport commandé par le Gouvernement (Lorateur brandit le document), auquel a notamment contribué M. Jacques Lewiner, qui est un des chercheurs les plus pertinents en France, l’un des plus grands créateurs de start-up et le premier déposant de brevets à titre privé. Ma proposition s’inspire ainsi d’une des suggestions du rapport, qui porte sur les aides à l’innovation.

Cependant, j’ai bien entendu la réponse de M. le ministre : si l’on peut continuer à travailler pour améliorer les délais, je veux bien retirer mon amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 85 rectifié est retiré.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 898 rectifié, présenté par MM. Mézard, Artano et A. Bertrand, Mmes M. Carrère et N. Delattre et MM. Gabouty, Gold, Guérini, Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 51

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

« V.- En cas de copropriété entre personnes publiques investies d’une mission de recherche sur une ou plusieurs inventions, connaissances techniques, logiciels, bases de données protégeables par le code de la propriété intellectuelle, ou savoir-faire protégés, une convention détermine l’organisation de la copropriété, dont la répartition des droits.

« Un mandataire unique est désigné pour exercer des missions de gestion et d’exploitation des droits co-détenus. La convention de copropriété mentionnée au premier alinéa du présent V lui est notifiée.

« Les règles de gestion de la copropriété, les modalités de désignation du mandataire unique, ses missions et ses pouvoirs sont définis par décret. Ces dispositions réglementaires valent règlement de copropriété au sens de l’article L. 613-32 du code de la propriété intellectuelle. » ;

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Cet amendement a pour objet d’étendre le champ d’action du mandataire unique à d’autres actifs de propriété intellectuelle que les inventions. En effet, les établissements publics de recherche concernés peuvent valoriser d’autres résultats de recherche que les inventions, par exemple, un logiciel, une obtention végétale ou un savoir-faire.

La conclusion d’un règlement de copropriété, réglant notamment la répartition des droits de copropriété, est nécessaire pour procéder au dépôt et à la valorisation des résultats de la recherche. Cette information doit être portée à la connaissance du mandataire unique pour mener à bien ses missions, dans des délais compatibles avec la valorisation des inventions et leur exploitation par des industriels. Nous sommes bien dans le concret.

Nous proposons que les dispositions qui seront prévues par voie réglementaire vaillent règlement de copropriété au sens de l’article L. 613-32 du code de la propriété intellectuelle, afin de permettre de déroger au régime de copropriété des brevets prévu par l’article L. 613-29 du même code, qui, lui, ne permet pas une valorisation efficace des brevets issus de la recherche publique. Ces dispositions pourront être complétées par convention.

Mme la présidente. L’amendement n° 84 rectifié, présenté par M. Adnot, Mme Imbert, MM. Savary, Cuypers et Rapin et Mme Lavarde, est ainsi libellé :

Alinéa 51

Compléter cet alinéa par les mots :

, en s’attachant à la réduction des délais de décision des personnes publiques susvisées

La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Je l’avais annoncé, cet amendement a aussi pour objet de raccourcir les délais. Si M. le ministre est toujours dans le même état d’esprit que lors de sa réponse précédente, par laquelle il proposait de travailler sur le sujet, je retire mon amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 84 rectifié est retiré.

Quel est l’avis de la commission spéciale sur l’amendement n° 898 rectifié ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Je suis d’accord avec le principe d’étendre le champ d’action du mandataire unique à d’autres actifs de propriété intellectuelle que les inventions. Toutefois, je n’ai pas vraiment eu le temps d’expertiser le sujet, notamment en rencontrant les représentants des organismes de recherche. Je sollicite donc l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. C’est un avis très favorable, monsieur Mézard. (Exclamations sur plusieurs travées.)

Mme Sophie Primas. Quelle surprise !

M. Bruno Le Maire, ministre. Cette extension du champ du mandataire unique répond à l’objectif d’accélérer la valorisation des technologies, à l’instar du projet de loi.

Mme Sophie Primas. Bravo ! (Sourires.)

Mme la présidente. La commission spéciale suit-elle cet avis ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Oui, madame la présidente, avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 898 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 645, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 57 à 59

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Notre amendement vise à revenir sur l’amendement n° 358 de Mme la rapporteur, dont l’adoption en commission a conduit à ajouter aux critères objectifs de l’évaluation définis par le code de la recherche, aujourd’hui limités aux « contributions au développement de la culture scientifique et aux actions en faveur de la participation du public à la prospection, à la collecte de données et au progrès de la connaissance scientifique » les contributions au développement de l’innovation.

Cette innovation est comprise uniquement dans le cadre d’opérations industrielles et commerciales. Une telle acception du terme est très restrictive, trop restrictive à notre goût. En latin, le mot innovatio désigne le changement, le renouvellement non seulement scientifique, mais aussi politique et philosophique.

De plus en plus nombreux sont mes collègues qui viennent exposer devant nos commissions leurs recherches sur des dossiers que nous traitons, et je m’en réjouis vivement, car nous avons collectivement beaucoup à apprendre de leur expertise. Parfois, les échanges que nous avons avec eux constituent de véritables innovations, parce qu’elles changent notre façon d’appréhender le monde. J’aimerais aussi que cet apport fondamental, plutôt d’ordre philosophique, politique, culturel, soit également reconnu dans leur carrière, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Enfin, cum grano salis (Exclamations amusées.), je ne suis pas opposé à ce que les relations entre les chercheurs et le monde qui les entoure soient encouragées. Les dérogations consenties à leur statut sont peut-être nécessaires. J’aimerais alors comprendre pourquoi, quand il s’agit d’un parlementaire, il est indispensable d’établir une paroi totalement étanche entre sa carrière scientifique et son mandat. Je suis chercheur au CNRS en position de disponibilité pour la durée de mon mandat. Il n’y a pas de problème quand vous faites une mobilité vers le privé, mais il est beaucoup plus préjudiciable pour votre carrière de faire une mobilité vers le Sénat. Pourquoi cet hémicycle est-il frappé d’indignité ? (Exclamations amusées sur plusieurs travées.) J’aimerais avoir une explication ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)