M. Julien Bargeton. Tout à fait !
M. Bruno Le Maire, ministre. Vraiment, on ne peut pas dire que nous considérons le salariat comme une charge. Cette idée ne me viendrait jamais à l’esprit !
En revanche, oui, je pense que notre politique est la bonne pour faire baisser le chômage. D’ailleurs, il baisse ! (M. Fabien Gay rit. – Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pourvu que cela dure !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je le redis, à l’aune de l’environnement de la zone euro, j’estime que les résultats obtenus en matière de croissance sont solides et que nous obtenons des résultats. Peut-on faire mieux ? Oui ! Faut-il libérer encore plus la croissance française ? Oui ! C’est ce que nous faisons avec ce projet de loi PACTE ! (M. Laurent Duplomb s’exclame.)
Mais, très franchement, les résultats de la croissance française m’apparaissent solides dans un environnement difficile, avec, partout, un ralentissement de la croissance.
C’est bien la preuve que la politique économique que nous menons, avec le Président de la République, avec le Premier ministre, avec la majorité, donne des résultats.
En la matière, seuls les chiffres comptent (M. Didier Mandelli s’exclame.) : au cours des trente dernières années, les niveaux de chômage les plus bas ont été atteints vers les années 2000 et 2001, à la fin des années Jospin (M. Laurent Duplomb s’exclame.), et en 2007, où le chômage – le sujet était au cœur du travail que nous avions mené avec le Premier ministre de l’époque, Dominique de Villepin – était descendu juste en dessous du taux de 8 %. Nous avions justement commencé à alléger certaines contraintes pesant sur les entreprises (Mme Cécile Cukierman s’exclame.), accentué les efforts en matière de formation et réduit les charges sur l’emploi.
Au bout du compte, les Français ne s’intéresseront qu’à une chose : est-ce qu’il y a de l’emploi pour eux et pour leurs enfants ? Et je suis convaincu que ces mesures relatives aux seuils permettront de créer de l’emploi pour les Français et pour leurs enfants. Elles seules ne suffiront pas, bien entendu, il n’y a pas de potion magique, et il faut développer la formation, les qualifications, continuer à améliorer la compétitivité. Mais c’est cet ensemble de mesures qui permettra d’obtenir des résultats et de mener une politique économique efficace.
S’agissant de la sécurité sociale, le montant de 600 millions d’euros que vous citez, monsieur Gay, est exact, mais cette somme correspond uniquement à la contribution au Fonds national d’aide au logement, le FNAL, et à la participation des employeurs à l’effort de construction, la PEEC, et celle-ci est intégralement compensée, je vous rassure, à la fois par une taxe affectée et par des dotations budgétaires.
Quant au FNAL, et je reviens vers Jacques Mézard, nous avons fait le choix d’une taxe affectée pour créer ce dynamisme nécessaire dont Action Logement avait besoin. Je le répète : cela ne coûtera pas le moindre euro à la sécurité sociale, la compensation étant intégrale.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Non, la compensation n’est pas intégrale !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 201 rectifié et 347 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 840 rectifié, présenté par MM. Gabouty, Artano et Collin, Mmes Guillotin et Jouve et MM. Menonville, Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L’effectif est calculé en équivalent temps plein et inclut les personnels en contrat d’intérim. Un décret en Conseil d’État précise les catégories de personnes incluses dans l’effectif et les modalités de leur décompte.
La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Cet amendement vise à préciser que le calcul de l’effectif des entreprises prend en compte les postes en équivalent temps plein en excluant bien les personnes en contrat d’intérim.
Cette disposition serait de nature à faciliter la vie des chefs d’entreprise et des responsables du personnel, lesquels ont besoin de règles explicites pour calculer les effectifs. La rédaction actuelle de l’alinéa concerné semble trop vague.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Cet amendement me semble satisfait par les dispositions réglementaires en vigueur. Notamment, l’article R130–1 du code de la sécurité sociale dispose, d’une part, que les salariés à temps partiel sont pris en compte en divisant la somme totale des horaires inscrits dans leur contrat de travail par la durée légale du travail – cela revient à avoir un raisonnement équivalent au temps plein –, d’autre part, que les salariés titulaires d’un CDD ou qui sont mis à disposition par une entreprise extérieure, y compris les salariés temporaires, sont exclus du décompte des effectifs lorsqu’ils remplacent un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu. A contrario, dans les autres cas, ces salariés sont comptabilisés.
Ces dispositions ont vocation à demeurer et sont plus précises que ce qui est proposé par le biais du présent amendement. Aussi, je demande le retrait de ce dernier.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Bernard Lalande, pour explication de vote.
M. Bernard Lalande. Je crois qu’il n’est quelquefois pas inutile d’apporter des précisions. En l’occurrence, il n’est pas inutile de préciser, s’agissant des CDD, des temps partiels, etc., que l’élasticité présente quand même un intérêt, d’autant qu’on vient de supprimer certains seuils. Les contrats d’intérim peuvent parfois, dans un certain nombre d’entreprises, durer douze, dix-huit, vingt-quatre mois, ces contrats étant reconduits systématiquement sur des périodes extrêmement longues. Cela montre à l’évidence que les personnels en cause sont attachés à l’entreprise.
Pour ce qui nous concerne, nous soutiendrons cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 656, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 9 et 10
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« II. – Le franchissement à la hausse d’un seuil d’effectif salarié est pris en compte lorsque ce seuil a été atteint pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois précédentes années.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. L’article 6 établit une règle de prise en compte du franchissement des seuils qui nous paraît déraisonnable. Il est en effet prévu que le passage au seuil supérieur ne soit pris en considération qu’à condition que l’augmentation des effectifs se maintienne pendant cinq années consécutives. Et chaque année où l’effectif repasserait en dessous du seuil entraînerait le redémarrage du décompte.
Cette règle donne une marge de manœuvre assez importante aux entreprises et leur laisse la possibilité de développer des stratégies sur plusieurs années. En jouant avec les effectifs, elles pourraient parfaitement s’assurer de remettre le décompte à zéro, afin de ne jamais dépasser un seuil et, par conséquent, de ne pas avoir à respecter leurs obligations légales.
Non seulement une telle mesure laisse la porte ouverte à des abus, mais elle a des conséquences fiscales et sociales de plus en plus importantes. Ce délai de cinq ans repousse en effet l’assujettissement des entreprises à leur obligation fiscale, pour un coût estimé par l’étude d’impact à 500 millions d’euros par an. Encore une fois, le Gouvernement fait peser sur la sécurité sociale le coût des politiques en faveur de l’entreprise. Nous ne pouvons l’accepter !
C’est pourquoi nous présentons cet amendement, qui tend à modifier la règle de prise en compte du franchissement d’un seuil. Nous proposons que le passage au seuil supérieur soit pris en considération lorsque celui-ci est dépassé pendant douze mois, consécutifs ou non, sur une durée de trois ans. Cette période de douze mois permet de s’assurer que la hausse d’effectifs est pérenne, mais ces douze mois n’ont pas à être consécutifs et sont étalés sur trois ans, ce qui permet aussi d’empêcher les éventuelles stratégies d’évitement que pourraient mettre en place les entreprises.
De plus, et enfin, le lissage sur trois ans limite l’incidence fiscale de cette mesure.
M. le président. L’amendement n° 364, présenté par MM. Tourenne et Temal, Mme Espagnac, MM. M. Bourquin et Lalande, Mme Artigalas, MM. Durain et Lurel, Mme Tocqueville, M. Kanner, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Courteau, Duran, Fichet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 9
Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
trois
II. – Alinéa 10
Remplacer les mots :
une année civile
par les mots :
trois années consécutives
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Je n’ai pas grand-chose à ajouter à ce qui vient d’être dit. Simplement, monsieur le ministre, nous partageons votre point de vue selon lequel il est nécessaire de considérer que les salariés sont parties constituantes de l’entreprise et que c’est grâce à eux que se créent des richesses. Vous nous le dites assez souvent. Hélas, si l’on en juge par les propositions concrètes que vous nous faites, il apparaît que cela tient plutôt du discours !
J’ajoute qu’un certain nombre d’études montrent que lorsque les salariés sont directement intéressés soit à la gouvernance de l’entreprise, soit aux conséquences financières de son développement, soit aux deux à la fois, on assiste à une augmentation indéniable de la productivité. Contrairement à ce que vous disiez, ce n’est pas la modification des seuils qui permettra d’améliorer considérablement la croissance dans notre pays ; c’est d’abord l’existence ou non d’un marché, c’est aussi la capacité des entreprises à investir.
Au cours de l’année 2017, sur les 93 milliards d’euros de bénéfices réalisés par les entreprises du CAC 40, 57 milliards sont retournés aux actionnaires sous forme soit de dividendes, soit de rachats d’actions, et très peu est allé à l’investissement. C’est là un vrai problème sur lequel vous auriez pu vous pencher, ce qui aurait été certainement beaucoup plus profitable.
En tout état de cause, ce délai de cinq ans est beaucoup trop long, délai sur lequel il est possible de jouer de manière à le prolonger extrêmement longtemps, ce dont les salariés feront les frais, étant alors écartés des mécanismes obligatoires de participation. Il n’est pas sûr que les mesures d’incitation qui figurent dans le projet de loi PACTE produiront tous leurs effets dans les prochaines années.
Si vous aviez vraiment voulu marquer de la considération pour les employés, plutôt que d’en faire des victimes, vous auriez pu mettre un certain nombre de conditions à la suppression des seuils, en vous assurant que la participation restera obligatoire à partir de 50 salariés, quelle que soit la durée pendant laquelle cet effectif est atteint.
En tout état de cause, nous considérons que la durée de trois années civiles est largement suffisante pour apporter la preuve du caractère porteur d’un marché et pour fixer officiellement l’effectif des entreprises concernées à plus de 50 salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. L’amendement n° 656 vise à supprimer la règle de franchissement à la hausse du seuil en cinq ans et à appliquer à l’ensemble des seuils visés par l’article 6 la règle de franchissement du seuil qui s’appliquait aux IRP, les instances représentatives du personnel, avant les ordonnances Travail de 2017.
Je suis d’autant plus défavorable à cet amendement que je pense que le risque d’abus de la part d’entreprises jouant sur leurs effectifs pour échapper aux obligations est très limité.
Au contraire, la souplesse permise par le délai de cinq ans doit éviter que des entreprises ne refusent durablement de recruter au-delà de 49 salariés.
L’avis de la commission spéciale est donc défavorable, ainsi que, pour les mêmes raisons, sur l’amendement n° 364.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. La mesure relative aux seuils que nous venons d’adopter n’est quand même pas anodine. Vous en conviendrez, monsieur le ministre. Nous nous y sommes opposés, la majorité a voté pour. Dont acte. Maintenant, on nous dit qu’il sera possible de dépasser un seuil d’effectif salarié pendant cinq ans sans que cela entraîne la moindre obligation. Il ne s’agit plus de libérer les entreprises : c’est le western ! Je veux bien débattre sur ce point avec vous, mes chers collègues, mais de là à prévoir cette durée de cinq ans ! En plus, si un mois avant le terme du délai l’effectif de l’entreprise repasse sous la barre du seuil considéré, on repart sur une même durée de cinq ans ! C’est le jackpot ! On nous dit la main sur le cœur : « Ne vous inquiétez pas, les abus seront très limités. » Mais à un moment donné, il faut prévoir un encadrement.
On peut avoir un débat sur le code du travail, qui serait trop épais. D’ailleurs, depuis que vous êtes en poste, monsieur le ministre, vous vous appliquez à le détricoter. Mais en l’espèce, il n’y a plus de limite. Sans compter tout le reste : le 1 % logement, la sécurité sociale, les questions sociales, notamment les obligations à l’égard des personnels et de leurs syndicats. Après les ordonnances Travail, on continue à déréglementer toute la vie sociale au sein de l’entreprise.
Notre amendement n’a rien d’abominable : nous proposons juste de fixer ce délai de franchissement de seuil à douze mois, consécutifs ou non. Si, au bout d’un an, l’entreprise a effectivement dépassé ce seuil, elle devra alors s’acquitter de ses nouvelles obligations. Or cette proposition est balayée sans débat, au motif que ce ne serait pas possible, M. le ministre, quant à lui, ne nous répondant même pas.
En l’espace d’une demi-heure, nous venons de prendre deux décisions assez graves qui auraient mérité à elles seules d’ailleurs un seul projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc Laménie. De nombreux amendements ont été déposés par mes collègues sur l’article 6 – on peut le comprendre – qui concernent les salariés. Si ceux-ci méritent respect et reconnaissance – nous partageons toutes et tous cette position –, cela vaut tout autant pour les chefs d’entreprise. Et la confiance est indispensable entre eux et leurs salariés.
S’agissant des seuils, il ne faut pas avoir une vision trop technique ou technocratique. Partout, il est question d’assouplissements. Monsieur le ministre, vous insistez sur les normes, sur les contraintes en vigueur depuis des années. Il faut certes les assouplir, mais il faut aussi se poser les bonnes questions. Ainsi, tout le monde le dit, il faut s’interroger sur le poids des charges, quelle que soit la taille de l’entreprise – je vous renvoie à ce que disent les chefs d’entreprise lors des assemblées générales des chambres consulaires, auxquelles nous assistons régulièrement. De même, les difficultés d’embauche sont, malheureusement, particulièrement d’actualité : nombre d’artisans, de chefs de petite entreprise ont du mal à recruter. C’est réellement un problème de société qu’il faut comprendre.
Sur ces deux amendements, je suivrai l’avis de Mme la rapporteur.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Cette question mérite quand même qu’on s’y attarde un peu parce qu’on change totalement les règles. Finalement, les entreprises auront tous les droits et les salariés n’auront que des devoirs ! En plus, on met dans le même sac, excusez-moi du peu, monsieur le ministre, des entreprises de 25 salariés et de 250 salariés ! Or elles ne jouent quand même pas dans la même cour !
En réponse à mon collègue Fabien Gay, qui s’inquiète à juste titre de la baisse des cotisations au bénéfice de la sécurité sociale, vous nous dites qu’il y aura une compensation à l’euro près. Et vos propos font suite au vote de la dernière loi de financement de la sécurité sociale, qui contenait des mesures extrêmement inquiétantes venant grever les budgets des hôpitaux publics, tant et si bien que les personnels de santé n’en peuvent plus.
En tout cas, j’aimerais bien avoir des garanties. Parce que, pour l’instant, dans cet hémicycle, alors qu’on est en train de tout défaire, on nous répond : « Circulez braves gens, parlementaires, sénatrices et sénateurs, il n’y a rien à craindre : tout est sous contrôle du Gouvernement ! » Vous continuez dans la même logique visant à tout détricoter, notamment le code du travail, en empirant les choses. C’est grave ce que vous êtes en train de faire. Vous essayez de faire passer cela en nous disant : « Ne vous inquiétez pas, c’est pour simplifier, c’est pour faciliter l’emploi. » Or on sait très bien que ces recettes sont éculées et ne règlent en rien les problèmes d’emploi. Vous le savez, ce sont de mauvais prétextes.
Il faut donc bien avoir conscience de ce que nous allons voter, mes chers collègues, à savoir des mesures qui mettent à mal toutes les garanties qui s’appliquaient aux salariés, mais aussi aux entreprises. C’est très grave !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Fabien Gay. C’est chaque fois le même discours !
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Gay, disons-nous les choses sereinement. Non, ce n’est pas un western et ce n’est pas Règlement de comptes à O.K. Corral. Soit nous pouvons nous expliquer correctement et simplement, soit ce n’est pas la peine que nous ayons un débat.
Ce que vous dites est faux, et je me permets de le corriger. Ce n’est pas vrai, ces dispositions n’auront pas de conséquences pour la sécurité sociale!
M. Fabien Gay. On en reparlera !
M. Fabien Gay. Moi aussi !
M. Bruno Le Maire, ministre. Regardons très concrètement ce qu’il en est de ce seuil de 50 salariés, de ce délai de cinq ans. S’il faut faire des explications pendant vingt-cinq minutes, au risque d’endormir une partie de l’assemblée, je le ferai, mais je ne laisserai pas dire des contre-vérités sur notre texte.
Le franchissement de ce seuil de 50 salariés entraîne des obligations en termes de représentation du personnel, notamment la mise en place du comité social et économique. Nous ne touchons pas à cette obligation.
M. Jean-Louis Tourenne. Mensonge !
M. Bruno Le Maire, ministre. Vous dites que nous attaquons le droit syndical, la représentation des salariés,…
M. Fabien Gay. Vous l’avez déjà fait !
M. Bruno Le Maire, ministre. … vous pouvez monter sur vos grands chevaux, mais ce n’est pas la vérité. Or je veux rétablir la vérité.
Je revendique la politique économique que nous menons, mais je ne veux pas qu’on nous fasse porter le chapeau d’une politique économique qui ne serait pas la nôtre. Avec la modification des seuils, nous ne touchons pas à la représentation des salariés. (M. Fabien Gay s’exclame.)
Monsieur Gay, je vous ai écouté sans hurler ; aussi, je vous serai reconnaissant de faire de même !
Je le répète, nous ne touchons pas à la représentation du personnel. Comment puis-je m’exprimer encore plus clairement ? Le franchissement du seuil de 50 salariés entraîne des obligations en matière syndicale, notamment donc la création d’un CSE. Nous avons décidé de ne pas revenir, dans le projet de loi PACTE, sur les accords portant sur les instances représentatives du personnel. Ce n’est par conséquent pas le sujet : ce texte n’apporte aucune modification, aucun changement, aucune évolution, aucun assouplissement dans ce domaine. Rien ! Nada ! Voilà la réalité !
Mme Laurence Cohen. Pourquoi ce délai de cinq ans ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Ce délai de cinq est prévu pour remplir des obligations fiscales ou sociales liées à la PEEC et au FNAL. Vous me dites qu’il n’y a pas de garanties. Mais ces garanties, vous les avez votées, puisqu’elles figurent dans la loi de finances : l’attribution d’une taxe affectée et la compensation budgétaire à l’euro près. Soit vous avez participé au débat budgétaire et vous savez ce que vous avez voté, soit vous ne savez pas ce que vous avez voté !
Concernant les cotisations accidents du travail et maladies professionnelles, jusqu’à 50 salariés, l’entreprise a le choix entre une contribution individuelle ou une contribution collective au titre de la branche. Dès lors que le seuil de 50 salariés est franchi, cette dernière devient obligatoire, ce qui implique de refaire tous les calculs, qui sont extraordinairement complexes. Avec la mesure proposée, pendant cinq ans, cette obligation n’existera plus et la cotisation AT-MP pourra continuer à être individuelle.
Voilà la stricte réalité de ce que nous vous proposons. Ni plus ni moins ! Votez sur la réalité, et non pas sur les peurs que peuvent susciter certains propos. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. On peut tout entendre, mais il y a tout de même des limites. Nous dire que la modification des seuils n’aura pas de conséquences sur la constitution des CSE, c’est une contre-vérité.
M. Jean-Louis Tourenne. Jusqu’à présent, le CSE doit être mis en place un an après le franchissement du seuil. Voilà ce que prévoit la loi, le code du travail – nous ne l’avons d’ailleurs pas forcément approuvé ; c’est ainsi. Désormais, il faudra attendre cinq ans, peut-être dix, voire même quinze, en fonction de la réalité des effectifs et des flux.
Vous nous dites également qu’il n’y aura aucune conséquence pour la sécurité sociale. Mais si ! Non pas en l’espèce précisément, mais à d’autres articles de ce projet de loi. Ainsi, on peut discuter de l’opportunité d’abandonner le forfait social, mais ne nous dites pas que cette mesure sera sans conséquence. Par vos décisions, vous faites supporter 600 millions d’euros par la sécurité sociale. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois. Et vous faites la même chose avec les heures supplémentaires.
Tant et si bien que vos collègues, dans cette assemblée et à tous les carrefours, proclament urbi et orbi : « Grâce à nous, la sécurité sociale est à l’équilibre ! » La réalité, c’est qu’elle enregistrera un déficit de 3 milliards d’euros et que cet argent dont elle sera privée ne pourra pas servir aux hôpitaux, qui sont dans une situation déplorable, aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, pour lesquels vous aviez tellement de compassion lorsqu’il y a eu des manifestations. Là, vous auriez pu créer des emplois.
Ne nous racontez pas d’histoires, s’il vous plaît !
M. le président. La parole est à M. le ministre. Nous sommes dans un débat de politique générale !
M. Bruno Le Maire, ministre. Pardon, monsieur le président, nous ne sommes pas dans un débat de politique générale ; je réponds à des arguments qui sont erronés.
Ce que vous venez de dire, monsieur le sénateur, sur la représentation du personnel est tout simplement faux ! Alors, de deux choses l’une : soit vous n’avez pas lu le texte, soit vous voulez induire les Français en erreur. Dans les deux cas, ce n’est pas recommandable !
S’agissant des représentants du personnel, tout a été décidé dans le cadre des ordonnances, qui prévoient un délai de douze mois consécutifs pour que les obligations liées au franchissement des seuils s’appliquent. En l’occurrence, quand une PME franchira le seuil de 50 salariés pendant douze mois consécutifs, elle devra mettre en place un comité social d’entreprise. Cela n’a rien à voir avec le projet de loi PACTE, dont aucune disposition ne touche aux instances représentatives du personnel. Et je ne laisserai jamais dire dans cette enceinte des mensonges qui peuvent inquiéter légitimement les représentants des salariés !
Monsieur le sénateur, si vous me cherchez sur mon texte que défend l’actuelle majorité, vous me trouverez. Mais je ne laisserai jamais affirmer des contre-vérités sur un texte soumis au vote du législateur, parce que ce n’est pas ma conception de la démocratie. J’admets parfaitement que, dans nos discussions, M. Gay et moi-même ayons des conceptions radicalement différentes de l’économie, de l’entreprise, des PME, des chefs d’entreprise, de la place des salariés, des syndicats, des instances représentatives du personnel.
M. Fabien Gay. C’est trop ! (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Bruno Le Maire, ministre. Mais que vous décriviez mal le texte qui est soumis à votre examen et à votre vote, je ne laisserai pas passer cela ! S’il faut des dizaines d’heures de discussions et de négociations entre nous jusqu’à faire émerger la vérité, nous en passerons par là. J’ai tout mon temps et j’ai toute la patience nécessaire.
Même chose s’agissant de la sécurité sociale : vous nous dites qu’elle est affectée. Mais non, désolé ! Vous évoquez la suppression du forfait social à 20 % sur l’intéressement. C’est vrai, cette mesure touche la sécurité sociale, mais il me semble qu’il n’en est question ni à cet amendement ni à cet article : cette mesure a été inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale, que vous avez déjà votée. C’était une autre discussion ; je vous propose d’en rester à la nôtre ce soir. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° 909, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au premier alinéa du V de l’article L. 752-3-2, les mots : « les articles L. 1111-2 et L. 1251-54 du code du travail. » sont remplacés par les mots : « le présent code. » ;
La parole est à M. le ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 277 rectifié est présenté par M. D. Laurent, Mme Imbert, M. Allizard, Mme Deromedi et MM. Lefèvre, Cuypers, de Nicolaÿ, Bonhomme, Babary, Regnard, Brisson, Grand, Laménie, Morisset, Revet, Chatillon, Poniatowski, Bouchet, Genest, Magras, Paul, Duplomb, J.M. Boyer, Karoutchi et Pierre.
L’amendement n° 434 rectifié est présenté par Mme N. Delattre et MM. Artano, Gabouty, Guérini, Menonville, Requier et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 21
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Corinne Imbert, pour présenter l’amendement n° 277 rectifié.