Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice Maryse Carrère, nous savons que le département des Hautes-Pyrénées a subi en 2018, comme d’autres départements, des intempéries d’une violence exceptionnelle.
La récurrence de ces événements depuis 2013 a fragilisé les milieux, ouvrages et infrastructures, et pèse sur les collectivités et sur les populations soumises à rude épreuve.
Comme vous le savez, l’État s’est fortement mobilisé pour trouver des solutions opérationnelles. Et ce d’autant plus que ces intempéries ont frappé des communes rurales dont les budgets, comme vous l’avez souligné, ne leur permettent pas de faire face aux dégâts subis sur leurs biens.
La solidarité nationale, au travers du fonds de solidarité, a donc un rôle très important. Le montant débloqué cette année a atteint 40 millions d’euros, compte non tenu du plan spécifique en faveur de l’Aude.
Ainsi, pour les biens non assurables des collectivités, des subventions peuvent être versées en soutien. Le taux de subventionnement varie de 30 % à 80 % selon la charge que les dégâts font peser sur le budget de la collectivité.
Toutefois, ce dispositif nécessite une évaluation précise des dommages à réparer, réalisée obligatoirement par le Conseil général de l’environnement et du développement durable, le CGEDD, lorsque les dégâts dépassent le million d’euros. Cette expertise est indispensable.
Sur le fondement de cette évaluation, le montant de l’aide est ensuite arrêté par mes services, avant d’être versé aux collectivités.
Dans le cas précis qui vous intéresse, la mission du CGEDD s’est rendue sur place la semaine dernière. Elle travaille en ce moment même à l’évaluation des dégâts éligibles à un soutien de l’État.
Dès que ses conclusions seront connues, nous pourrons très rapidement prendre une décision afin d’arrêter le taux de concours adéquat. Je veillerai avec la plus grande attention à ce que les montants attribués puissent être versés aux collectivités concernées dans les meilleurs délais.
Enfin, je tenais à porter à votre attention le fait que la préfecture du département, consciente des délais d’instruction que je viens d’évoquer, a déjà mobilisé en cours d’année les moyens « classiques » à sa disposition : un peu plus de 374 000 euros au titre de la DETR – dotation d’équipement des territoires ruraux – ont ainsi été débloqués pour aider 23 des collectivités impactées par des intempéries graves, couvrant ainsi 42 % des premiers travaux à réaliser en urgence.
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour répondre à Mme la ministre.
Mme Maryse Carrère. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
Plus que sur les moyens mis en œuvre systématiquement par l’État au nom de la solidarité nationale, c’est sur la lenteur des procédures que je souhaite insister : devoir attendre un an est compliqué.
Faire confiance à l’État « local », au travers des préfectures, pourrait peut-être constituer une avancée.
Mme Maryse Carrère. Ce sont d’ailleurs les services des préfectures qui font les premières évaluations sur le terrain, car ils sont les plus à même de les faire.
Comme vous l’avez vous-même souligné, le fait que l’État soit tenu d’apporter une compensation via la DETR est bien la preuve que ce système est complexe et doit encore être amélioré.
jumelage avec des villes du haut-karabagh
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, auteur de la question n° 534, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une circulaire prise par les ministères de l’intérieur et de l’Europe et des affaires étrangères, le 24 mai 2018, vient de donner un cadre à l’action extérieure des collectivités territoriales françaises.
Selon une de ses dispositions, « les collectivités ne peuvent se lier, par convention ou non, sous quelque forme que ce soit, à des autorités locales étrangères établies dans un cadre institutionnel non reconnu par la France ».
Monsieur le ministre, je souhaiterais savoir dans quelles conditions votre ministère pourrait mettre en œuvre cette interdiction en ce qui concerne les chartes d’amitié signées par les collectivités territoriales de la France et de l’Artsakh.
Sauf meilleure appréciation juridique – que je suis prêt à entendre –, il me semble que ces chartes d’amitié constituent non pas des actes juridiques susceptibles d’être soumis à un contrôle de légalité, mais, en quelque sorte, des déclarations d’ordre politique par lesquelles ces collectivités proclament leur attachement à l’amitié entre les peuples et aux droits de ces derniers à disposer d’eux-mêmes.
Elles agissent ainsi dans le strict respect des engagements de la France et du droit international, qui reconnaît à chaque peuple le choix libre et souverain de déterminer la forme de son régime politique.
Je pense donc, pour conclure, qu’il est discutable d’assimiler toutes les déclarations d’une collectivité, même sans aucune portée juridique, et donc ces chartes d’amitié, à des actes contractuels engageant la collectivité.
Aussi, je souhaiterais vivement que cette disposition très restrictive de votre circulaire soit appliquée sur le terrain avec discernement et circonspection.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, cette question aurait aussi pu être posée à Jacqueline Gourault, au regard des attributions de son ministère.
Toujours est-il que ni elle ni moi ne pouvons vous donner une réponse juridique précise sur votre analyse, que je ne conteste pas.
L’action extérieure des collectivités territoriales est régie par les articles L. 1115-1 et suivants du code général des collectivités territoriales.
Il s’agit, tout d’abord, de permettre au ministère de l’Europe et des affaires étrangères d’organiser une politique internationale – notamment en ce qui concerne la reconnaissance de pays étrangers – au nom de la République française et, ensuite, de laisser les collectivités locales faire vivre ces coopérations, ces actions diverses, parfois au travers de documents pouvant emporter, selon l’interprétation qui en est faite, engagement juridique.
Sur ce dernier point, je ne suis, hélas, pas en mesure de répondre en termes d’analyse juridique. Je peux toutefois vous faire part de l’état d’esprit qui nous anime.
Cette circulaire, portée par le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, dans ce cadre d’organisation de la coopération décentralisée, précise que les collectivités territoriales ne peuvent se lier, sous quelque forme que ce soit, à des autorités locales étrangères établies dans un cadre institutionnel non reconnu par la France, ce qui est le cas de la république autoproclamée du Haut-Karabagh, dite aussi république d’Artsakh, qui n’est ainsi reconnue ni par la France ni par aucun autre État.
Tout acte présentant un caractère d’engagement juridique pris par une collectivité locale fait ainsi l’objet dans un premier temps, dans le cadre du contrôle de légalité des préfets, d’un recours gracieux. Si cet acte n’est pas retiré, il est alors soumis au contrôle du juge.
Vous nous demandez si une charte d’amitié constitue un acte juridique pouvant faire l’objet d’un recours devant le tribunal au titre de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités locales.
Il s’agit aujourd’hui d’un problème d’interprétation juridique. Les préfets, en application de cette circulaire, procèdent à des recours gracieux. Si jamais la collectivité concernée ne souhaitait pas donner suite, elle pourrait saisir le juge administratif, sur le fondement de l’article que je viens d’évoquer.
Aujourd’hui, nous ne disposons pas d’une jurisprudence sur cette question. Je ne suis donc pas en mesure de vous dire le droit. En l’espèce, cette compétence relève du juge administratif. Je ne puis que vous faire part des instructions données aux préfets pour appliquer cette circulaire. Seule une jurisprudence pourrait nous éclairer davantage.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour répondre à M. le ministre.
M. Pierre Ouzoulias. Vous vous en doutez, monsieur le ministre, je ne suis pas entièrement satisfait par votre réponse.
Vous reportez votre responsabilité sur une jurisprudence à venir. J’ai senti, dans la première partie de votre propos, une forme de mansuétude à l’égard de ces actes qui constituent plutôt des déclarations d’amitié.
J’aimerais simplement que les préfets, sur le terrain, regardent ces déclarations comme des actes qui n’engagent absolument pas la France. Je respecte, tout à fait, sur ce point précis, les engagements internationaux de la France.
J’aimerais donc que les préfets fassent preuve d’une certaine mansuétude, d’une certaine ouverture par rapport à des actes relevant de la tradition française – liberté et droit des peuples à décider d’eux-mêmes –, que nous portons depuis la Révolution de 1848.
devenir des sapeurs-pompiers volontaires
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron, auteur de la question n° 583, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
Mme Françoise Cartron. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord rendre hommage et saluer la mémoire des deux pompiers qui ont trouvé la mort en intervention, voilà un peu plus d’une semaine, rue de Trévise, à Paris.
Monsieur le ministre, je souhaiterais appeler votre attention sur la préservation de notre modèle français, à la fois singulier et reconnu pour son efficacité, qui allie sapeurs-pompiers volontaires et professionnels au service de la sécurité de tous nos concitoyens.
Ce modèle repose sur la complémentarité des actions de ces deux corps. Or la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France s’inquiète d’un texte qui viendrait transposer en droit interne une directive européenne relative à l’aménagement du temps de travail.
Je me suis entretenue, voilà quelques jours, avec le président de l’Union départementale des sapeurs-pompiers de Gironde, lequel m’a relayé un certain nombre d’inquiétudes.
Ainsi, toute assimilation des sapeurs-pompiers volontaires à des travailleurs pourrait, semble-t-il, altérer profondément le cadre juridique qui les concerne en intervention, passant d’une logique de disponibilité à une logique de cumul d’emplois, ce qui occasionnerait de multiples difficultés tant pour les sapeurs-pompiers volontaires que pour leurs employeurs.
À terme, ils s’inquiètent de la diminution, voire du tarissement, du recrutement des pompiers volontaires, pourtant indispensables. Pour cette raison, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France demande aux pouvoirs publics de solutionner directement cette question en menant une initiative auprès de l’Union européenne, pour permettre à notre modèle de secours de bénéficier d’un cadre plus sécurisant et de voir sa pérennité garantie.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Merci, madame la sénatrice, d’avoir cette pensée pour les deux pompiers décédés voilà une dizaine de jours, dans l’explosion d’un immeuble, situé 6 rue de Trévise, et qui ont sauvé, avec leurs camarades, une vingtaine de vies.
Simon Cartannaz et Nathanaël Josselin ont été salués par un hommage national, puis local. Je voudrais aussi évoquer la mobilisation touchante des habitants de Paris qui se sont retrouvés spontanément, dimanche après-midi, devant la caserne Château-d’Eau pour saluer leur mémoire et saluer l’ensemble des hommes et des femmes sapeurs-pompiers, quel que soit leur statut, militaires, professionnels ou volontaires.
Votre question porte sur la jurisprudence dite « Matzak », qui assimile le volontariat à des conditions de travail et qui fait appliquer la directive Temps de travail aux pompiers.
Il s’agit d’une bonne directive en ce qu’elle permet d’encadrer les conditions et le temps de travail de l’ensemble des salariés et des professionnels. Toutefois, c’est vrai, elle menace l’équilibre même de notre protection civile dans la mesure où elle assimile le volontariat à du temps de travail. Son application fragiliserait la totalité de l’édifice sur lequel notre modèle, assez unique, est construit.
Je suis élu d’un département rural dont 1 % de la population est engagée dans le volontariat. J’étais le maire d’une sous-préfecture, troisième centre du département, avec un seul professionnel : la totalité des engagements y est assurée, comme dans beaucoup des territoires que vous représentez, mesdames, messieurs les sénateurs, par le volontariat.
Il s’agit donc d’une préoccupation majeure. Nous allons agir sur deux niveaux : d’une part, en travaillant avec la Commission européenne pour faire entendre le caractère spécifique de l’activité de sapeur-pompier volontaire sans avoir nécessairement besoin de modifier la directive, ce qui serait un combat extrêmement long ; d’autre part, en nous appuyant notamment sur les articles 17 et 22 de la directive, qui visent toute une série de dérogations possibles, lesquelles, exploitées au maximum, devraient nous permettre, nous avons bon espoir, d’aboutir.
Il n’existe pas aujourd’hui de sanction possible ou de mise en cause de la France. Nous avons le temps. Je tiens ici à rassurer l’ensemble des sapeurs-pompiers volontaires de ce pays : il n’y a pas de menace sur leur engagement aujourd’hui et nous veillerons à ce qu’il n’y en ait pas demain.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour répondre à M. le ministre.
Mme Françoise Cartron. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Il y a une réelle inquiétude.
En Gironde, les pompiers volontaires jouent un rôle extrêmement important et sont très mobilisés. Je salue la démarche citoyenne de jeunes de moins de 16 ans qui se mobilisent, qui se dévouent, pour apprendre à devenir pompiers volontaires.
Il me semble donc très important de les rassurer et de leur dire de continuer leur engagement avec la même force.
délivrance du permis de conduire
Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la question n° 529, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Rémy Pointereau. Monsieur le ministre, ma question porte sur un sujet qui agace un certain nombre de nos concitoyens, à savoir la délivrance du permis de conduire.
Mme Catherine Procaccia. Absolument !
M. Rémy Pointereau. Depuis le 6 novembre 2017, les démarches concernant la délivrance du permis de conduire se font uniquement en ligne.
L’idée était d’étendre la procédure dématérialisée au permis de conduire pour, selon le communiqué de presse émis par les services de votre prédécesseur à l’époque, « un gain de temps très significatif pour les usagers ».
Malheureusement, en pratique, ce « gain » s’est transformé en perte de temps très significative, notamment en raison des dysfonctionnements du site de l’Agence nationale des titres sécurisés, l’ANTS, point de passage obligé pour obtenir son permis de conduire : bugs à répétition, messages d’erreurs, pages bloquées, disparitions de documents, pertes de e-photos dans la nature, demandes de justificatifs qui n’existent pas, voici un florilège des difficultés auxquelles sont confrontés nos concitoyens et qui apportent leur lot de temps perdu.
Une personne qui avait perdu son permis de conduire et qui avait fait une demande en novembre 2017 a dû attendre dix mois pour l’obtenir. Il y a de quoi s’arracher les cheveux !
Les réseaux sociaux sont devenus le défouloir des propriétaires de voitures ou des nouveaux conducteurs qui perdent patience. Certains assument publiquement prendre le risque d’encourir une amende délictuelle en circulant sans carte grise ou sans permis, parce que leur feuillet de permis temporaire n’est plus valable.
Malgré tout, certains conservent un brin d’humour. J’ai ainsi pu lire sur Twitter que le plus difficile n’est plus de passer le code ou la conduite, mais de réussir la demande en ligne ! (Sourires.)
M. Laurent Duplomb. Incroyable !
M. Rémy Pointereau. Ma question est simple : comment faciliter la vie de nos concitoyens ? Ne serait-il pas pertinent de conserver un service en préfecture a minima pour ce type de problèmes ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, l’usage des téléprocédures, c’est génial… quand ça marche !
Les mises en œuvre montrent souvent de grandes difficultés. Devant les décalages entre la théorie et le vécu que vous évoquez, et dont je ne doute pas – les sénateurs, qui sont les élus des territoires, se trouvent confrontés suffisamment souvent à ces récriminations –, il est nécessaire d’assurer une vraie fluidité.
Le premier problème posé par les téléprocédures est celui de la rupture numérique. Plusieurs de nos concitoyens n’ont pas accès au numérique. Pour y remédier, nous avons procédé à l’ouverture d’un grand nombre de centres – 300 dans toute la France –, qui doivent permettre à chacun de se connecter. Nous allons étendre ce dispositif aux maisons de services au public, bien réparties sur l’ensemble du territoire et souvent portées par des collectivités locales ou des EPCI, des établissements publics de coopération intercommunale. Cela nous permettra d’améliorer encore le système.
Se pose aussi la question de l’accessibilité numérique par rapport à l’outil et à sa complexité.
En ce qui concerne les bugs, il faut savoir que près de 4 millions de demandes en ligne ont été instruites – et plutôt bien instruites – depuis le 6 novembre 2017. Toutefois, il y a aussi eu de très nombreux dysfonctionnements.
Le ministère de l’intérieur – sur l’initiative d’un autre que moi, je n’en tire donc aucune gloire – a mis en place un certain nombre de procédures d’urgence pour résoudre ces difficultés et doter l’ANTS des moyens d’avancer sur cette question.
Nous avons ainsi ouvert un numéro d’appel spécifique. De même, le fait de pouvoir s’adosser à un mandat « papier » signé de l’élève permet à son école de conduite de valider les démarches en son nom.
Par ailleurs, la validation par l’usager de la création de son compte ANTS a été portée de vingt-quatre heures à sept jours.
En ce qui concerne les amendes délictuelles, des consignes très strictes ont été données pour que tous ceux qui ont effectué les démarches et qui peuvent l’établir ne soient pas inquiétés. Il serait anormal de les sanctionner pour un dysfonctionnement dont ils ne sont pas responsables.
Enfin, en 2018, de nombreux outils et de nouveaux moyens ont été développés. Il ressort, au-delà d’anomalies ponctuelles qui peuvent encore survenir, que le traitement médian d’une inscription au permis de conduire est aujourd’hui de 1 jour et celui d’une demande de titre de 2,7 jours.
Il peut encore exister des anomalies. Si les sous-préfets et les préfets doivent en faciliter le traitement, n’hésitez pas non plus à les faire remonter. La téléprocédure doit encore s’améliorer et toutes les alertes que vous pourrez nous faire parvenir nous permettront de perfectionner le dispositif.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour répondre à M. le ministre.
M. Rémy Pointereau. Merci de votre réponse, monsieur le ministre, qui me semble aller dans mon sens.
Vous reconnaissez en effet qu’un certain nombre de problèmes se posent. Il en va de même également des cartes grises.
Rien ne vaut le contact physique quand les choses se compliquent. Comme vous, je considère que la dématérialisation peut être utile dans certains domaines – je pense, par exemple, aux bulletins de salaire. Mais encore faut-il que les usagers soient égaux face au numérique. Or nombre de territoires ne sont pas alimentés par la fibre et ne disposent pas d’un débit suffisant.
Il me semblerait judicieux de conserver des services physiques, de faire en sorte qu’il y ait au moins un référent par département pour ces problèmes spécifiques.
contrats de travail à temps partiel et étudiants
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 451, adressée à Mme la ministre du travail.
Mme Catherine Procaccia. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaitais attirer l’attention de Mme la ministre du travail sur l’application des dispositions de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi sur les contrats à temps partiel des étudiants.
Tous les contrats de travail à temps partiel conclus depuis le 1er juillet 2014 doivent prévoir une durée minimale d’activité d’au moins vingt-quatre heures par semaine.
Toutefois, une dérogation spécifique pour les étudiants âgés de moins de 26 ans qui poursuivent leurs études avait été votée, afin de leur permettre de bénéficier d’une durée de travail inférieure à ces vingt-quatre heures – qui représentent tout de même trois jours et demi de travail –, plus compatible avec la poursuite de leurs études, et selon une application très souple en cours de semaine.
Il s’agissait d’améliorer le niveau de vie des étudiants tout en leur permettant de poursuivre leurs études.
Cependant, certaines entreprises ou collectivités ont décidé d’aligner le temps minimal pour embaucher un étudiant sur la durée d’un mi-temps dérogatoire, soit dix-sept heures trente.
Cette durée impose à l’étudiant de travailler deux jours et demi par semaine, ce qui paraît difficilement compatible avec une scolarité sereine. Or il ne me semble pas que tel était l’esprit de la loi que nous avons votée.
Je souhaiterais donc savoir si la fixation d’une durée minimale excédant une journée ou deux jours de travail est conforme à la loi.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, vous avez tout dit de la réalité, notamment de l’engagement d’un étudiant à la fois dans ses études et dans le monde professionnel.
L’obligation qu’ont certains étudiants de travailler est une première inégalité avec ceux qui n’ont pas besoin de le faire. Il s’agit non pas de les opposer, mais de constater cette inégalité dont témoigne l’analyse des résultats universitaires entre ceux qui se consacrent entièrement à leurs études et aux loisirs et ceux qui doivent travailler deux jours et demi ou trois par semaine pour financer leurs études. Il s’agit d’une injustice de fait.
Le texte que vous avez évoqué prévoit une règle, celle de la discussion par branche pour définir la durée minimale de travail des emplois à temps partiel. C’est aux partenaires sociaux qu’il revient de définir cette durée minimale applicable, qui peut se révéler très variable d’une branche à l’autre : la réalité peut être très différente dans une activité commerciale par rapport à une activité de services à la personne, par exemple.
S’il n’y a pas d’accord de branche, la loi prévoit l’application de la règle des vingt-quatre heures. Une dérogation de principe – que vous avez rappelée – est prévue pour les étudiants.
Ainsi, l’article L.3123-7 du code du travail prévoit qu’une durée de travail inférieure à la durée minimale applicable compatible avec ses études est fixée de droit, à sa demande, au bénéfice du salarié âgé de moins de 26 ans poursuivant ses études.
Pour faire simple, il suffit d’un accord conventionnel entre l’employeur et l’étudiant pour considérer que neuf ou douze heures, par exemple, est un bon temps de travail.
Les entreprises ou collectivités qui appliquent la règle des dix-sept heures trente comme une règle à laquelle elles refusent de déroger ne respectent pas la dimension conventionnelle de la discussion qui doit exister entre l’employeur et le salarié.
Ces employeurs peuvent avoir un schéma d’organisation qui leur est propre, considérer que la durée de travail minimale normale est de dix-sept heures trente et exclure ceux qui veulent travailler moins. Mais il ne s’agit en aucun cas d’une obligation.
Les entreprises et collectivités concernées ont une totale liberté. Je veux être très clair : la liberté repose dans la discussion entre l’employeur et le salarié étudiant. Le régime horaire peut être différent de ces dix-sept heures trente.
Votre question et la réponse que j’y apporte au nom de Muriel Pénicaud pourront permettre d’opposer ce principe de liberté conventionnelle pour les étudiants de moins de 26 ans.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour répondre à M. le ministre.
Mme Catherine Procaccia. Je vous remercie de cette réponse claire, monsieur le ministre.
La plupart du temps, il n’y a effectivement pas d’accord. Un certain nombre d’entreprises imposent de travailler dix-sept heures trente ou quinze heures.
J’ai contacté différentes directions des ressources humaines et j’ai pu constater que les durées minimales de travail pouvaient être très variables, même en cas d’accord de branche. Certains employeurs acceptent une durée minimale de douze heures, par exemple, ce qui est déjà bien par rapport à d’autres.
Cette réponse, qui sera publiée au Journal officiel, pourra servir aux entreprises et aux collectivités.
nomenclature des appareils orthopédiques
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, auteur de la question n° 150, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
M. Yannick Vaugrenard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en mai 2016, l’Union française des orthoprothésistes a lancé une mission d’audit sur le système réglementaire du grand appareillage orthopédique, le GAO.
Les conclusions de cet audit, paru en juin 2017, présentent le GAO comme un secteur à part dans les dispositifs médicaux pour la prise en charge du handicap lourd.
Le GAO offre en effet un large spectre de fonctions pour une pluralité de pathologies, avec des parcours de soins pluridisciplinaires. Il est également fortement encadré, puisque la prise en charge relève quasi exclusivement de la liste des produits et prestations remboursables par l’assurance maladie, avec l’obligation d’une entente préalable à l’obtention de l’appareillage.
Dans ce contexte, l’audit relève que le système réglementaire encadrant le GAO est parvenu à ses limites. Il est devenu obsolète pour les professionnels et pour les projets de vie des patients. Ce système de prise en charge ne permet plus de répondre aux besoins de l’ensemble des parties prenantes. Le constat a été unanimement confirmé en juin 2017, lors du congrès annuel de l’Union française des orthoprothésistes.
Une refonte de la nomenclature est donc indispensable, afin de mettre en place un outil de prise en charge médicalisé et évolutif, qui comprendrait à la fois la prescription médicale, la méthodologie tarifaire et le processus d’inscription.
Les professionnels ont approuvé la proposition de réaliser la refonte de la nomenclature en quatre étapes. Il s’agit, tout d’abord, de la redéfinir pour créer un guide à la prescription, en fonction du projet de vie du patient. Il convient, ensuite, de fixer une nouvelle grille tarifaire, puis de définir un modèle dynamique de réactualisation des lignes, afin de pérenniser l’équité de la nomenclature et, enfin, de redéfinir le processus d’inscription des innovations, pour l’adapter aux caractéristiques du GAO et aux besoins de compensation du handicap.
Je souhaiterais donc savoir, madame la secrétaire d’État, si le Gouvernement envisage la refonte de la nomenclature des appareils orthopédiques. Le cas échéant, pouvez-vous préciser le calendrier et les modalités envisagées, notamment concernant la prise en charge des patients ?