M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour la réplique.
M. Marc-Philippe Daubresse. Monsieur le ministre, vous l’aurez compris au vu de ce que j’ai lu, nous préférons les preuves d’amour aux déclarations d’amour.
Nous attendons une grande conférence territoriale et une grande conférence sociale après le grand débat. Nous attendons une loi de décentralisation et nous attendons que vous mettiez en pratique les choses en respectant le Sénat, qui est tout de même la première assemblée désignée par la Constitution pour représenter les collectivités territoriales ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)
hausse des tarifs autoroutiers
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Vincent Delahaye. Les Français regardent les sociétés d’autoroutes avec suspicion, et pour cause ! Si la qualité de service y est globalement élevée, les tarifs le sont aussi, ce qui est inversement proportionnel à la transparence financière qui régit cet oligopole.
Depuis les conditions de privatisation très discutables de 2005, ces sociétés prétendent ne pas gagner beaucoup d’argent. Elles nous en feraient presque pleurer ! Pourtant, elles ne savent pas quoi inventer pour demander aux gouvernements successifs d’allonger les durées des concessions. Malheureusement, l’État désargenté cède à chaque fois aux mirages de travaux plus ou moins utiles – réalisés par les propres filiales des opérateurs –, contre quelques années encore de punition tarifaire pour les automobilistes. Et ne parlons même pas des turpitudes électoralistes d’une ministre du précédent quinquennat qui vont conduire à alourdir de nouveau la facture dès le 1er février !
À l’heure où les Français veulent retrouver du pouvoir d’achat et exigent plus de transparence, il est temps de faire la lumière sur cette situation.
Ces sociétés seraient prêtes, prétendument, à faire un geste, mais nous n’en connaissons pas les conditions financières et nous ne sommes donc pas capables d’apprécier si l’effort envisagé est réel ou s’il s’agit d’une aumône presque insultante.
Le Gouvernement étudie actuellement ces propositions. À partir de quel niveau les jugera-t-il acceptables ? Les sociétés d’autoroutes abandonneront-elles 20 %, 30 % ou 50 % des augmentations prévues ?
Il semble aussi que leur lobbying soit intense pour prendre en charge de nouvelles sections d’autoroute, contre un allégement de la durée des concessions. Qu’en est-il ? Pouvez-vous nous assurer que les discussions seront menées sans opacité et en prenant en compte la réelle situation financière de ces sociétés ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Éliane Assassi. Il faut les renationaliser !
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Delahaye, nous partageons globalement votre analyse. (Mme Éliane Assassi s’esclaffe.) Comme vous le savez, les tarifs des péages sont fixés selon des règles qui figurent dans les contrats de concession d’autoroutes. Ce principe ne date pas d’aujourd’hui : la première concession a été accordée par une loi de 1955, à la société Escota, qui gère notamment des autoroutes dans le sud de la France.
En 2005, les sociétés d’autoroutes, qui appartenaient majoritairement à l’État, ont été privatisées. Cette mesure a rapporté de l’argent à l’État à l’époque, mais ne nous laisse plus aucune marge de manœuvre pour renégocier les contrats avec ces sociétés.
Si, par démagogie, nous promettions aux Français des baisses de tarifs, les conséquences en seraient répercutées sur les années suivantes. C’est ainsi que nous payons, cette année encore, la promesse démagogique faite en 2015 de baisser les tarifs.
Un sénateur du groupe Les Républicains. Une promesse Royal !
Mme Sophie Taillé-Polian. Vous l’aviez soutenue !
M. François de Rugy, ministre d’État. Ce ne sont pas ceux qui promettent qui paient, mais les automobilistes !
Mme Éliane Assassi. Où étiez-vous à l’époque ?
M. François de Rugy, ministre d’État. Nous avons demandé aux sociétés d’autoroutes de faire des efforts sur la base de leurs tarifs et de leurs recettes. Élisabeth Borne, ministre chargée des transports auprès de moi,…
Mme Sophie Taillé-Polian. La ministre des transports était au cabinet de son prédécesseur…
M. François de Rugy, ministre d’État. … négocie en ce moment même avec elles, s’agissant notamment des abonnements, pour que les automobilistes qui empruntent les autoroutes tous les jours pour aller travailler bénéficient de fortes réductions. Voilà qui sera un gain concret pour un certain nombre de nos compatriotes.
Par ailleurs, nous sommes tout à fait opposés à une prolongation supplémentaire de ces contrats, que nous trouvons trop avantageux pour les sociétés d’autoroutes. (Mme Éliane Assassi ironise.) Celles-ci proposaient de faire un geste en échange d’un allongement des contrats : nous l’avons refusé ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour la réplique.
M. Vincent Delahaye. J’aurais aimé une réponse sur ce que le Gouvernement considérera comme raisonnablement acceptable. Pour notre part, nous disons « stop » à la rentabilité maximale et à la transparence minimale pour les sociétés d’autoroutes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Éric Bocquet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Karam, pour le groupe La République En Marche.
M. Antoine Karam. Dimanche dernier, 19 kilos de cocaïne ont été retrouvés dans les bagages d’une mère et de ses enfants à l’aéroport Félix-Éboué de Cayenne. Voilà le quotidien des Guyanais ! (L’orateur brandit le fac-similé de la une d’un journal.)
En quelques années seulement, la Guyane, terre d’Amérique du Sud, est devenue un espace majeur de transit vers l’Europe. Imaginez que, entre 2014 et 2018, les saisies ont augmenté de 335 %, passant de 145 à 631 kilogrammes ! Si bien que, selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, près de 30 % du marché français, évalué entre 25 et 30 tonnes, proviendrait de la Guyane.
Concrètement, on compterait de 20 à 30 « mules » par avion, soit plus de 3 000 personnes par an, dont seulement 10 % sont interpellées.
À l’origine de ce trafic, un ennemi sans visage, qui se cache derrière le destin tragique de ces « mules », qui transportent la drogue dans leurs bagages, quand elles ne l’ingurgitent pas au péril de leur vie. Moi-même, j’ai vu une jeune femme mourir d’overdose en plein vol, sous les yeux de son fils.
Ces « mules » sont toutes nos enfants : elles sont les proies faciles de trafiquants sans scrupule, qui puisent dans le vivier des jeunes inactifs. Parce que la société n’est aujourd’hui pas en mesure de leur proposer un emploi, de leur offrir un avenir, ces jeunes risquent volontiers leur vie contre le mirage de quelques milliers d’euros.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous sais préoccupé par ce problème. Je sais aussi que les autorités sont mobilisées et conscientes de l’ampleur du phénomène. Néanmoins, force est de constater que les moyens de lutte sont insuffisants et que les tribunaux sont aujourd’hui saturés, tandis que le trafic s’accroît considérablement et, avec lui, le nombre de ses victimes. C’est pourquoi je vous le demande solennellement : le Gouvernement entend-il déployer un plan ambitieux de prévention et de lutte contre le trafic de stupéfiants en provenance de Guyane ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Karam, vous avez raison sur le constat : le trafic de stupéfiants en provenance de la Guyane est en forte augmentation. Ce département est une des voies d’acheminement vers la métropole de la cocaïne d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud, transportée in corpore, soit par ingestion, par des personnes qui exposent ainsi leur vie.
Compte tenu de cette augmentation exponentielle et après qu’un groupe interministériel s’est réuni impliquant les ministères de l’intérieur, de la justice et des solidarités et de la santé, nous avons pris trois mesures.
D’abord, nous avons décidé de renforcer de manière importante les contrôles au départ, à Cayenne, et à l’arrivée, à Orly. Ce renforcement des contrôles s’est accompagné d’un renforcement des effectifs. Cette première mesure s’applique dès à présent.
Ensuite, nous avons renforcé tout au long de 2017-2018 les effectifs chargés de la lutte contre les trafics de stupéfiants sur le territoire guyanais. Ces agents de la gendarmerie nationale, de la police nationale et des douanes mènent un travail en profondeur pour lutter contre les réseaux de trafic de stupéfiants.
Enfin, plus généralement, nous mettons en œuvre, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, un plan global de lutte contre les trafics de stupéfiants, qui inclut un partenariat avec les pays de provenance de la cocaïne, pour une meilleure efficacité.
Monsieur le sénateur, vous pouvez compter sur la détermination du ministre de l’intérieur et de l’ensemble du Gouvernement pour lutter contre le fléau qu’est le trafic de stupéfiants, notamment en provenance de la Guyane. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
décret relatif aux droits et aux obligations des demandeurs d’emploi
M. le président. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Nadine Grelet-Certenais. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail.
Le 30 décembre dernier, pour les fêtes de fin d’année, est paru un décret d’application de la loi joliment intitulée « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », un décret visant à renforcer le contrôle des chômeurs, dans l’idée que les Français les plus fragiles seraient responsables de leur exclusion.
Voici donc comment ce décret entend responsabiliser « ceux qui déconnent », qui « n’ont pas le sens de l’effort », selon les termes choquants employés sans vergogne par le Président de la République : dès le premier refus d’une offre, le chercheur d’emploi pourra être radié des listes de Pôle emploi ; l’offre raisonnable d’emploi est redéfinie, le salaire précédent n’étant plus un motif de refus ; dès le premier manquement, l’allocation sera non plus suspendue, mais supprimée, et le chercheur d’emploi ne conservera donc plus ses droits ; enfin, la surveillance sera assurée par un journal de bord numérique permettant le contrôle des chômeurs en temps réel.
Bien sûr, les syndicats ont fortement réagi contre ce nouveau caporalisme déshumanisé visant les demandeurs d’emploi. On ne peut pas vouloir baisser le chômage en radiant les allocataires ou en accroissant la précarité des exclus de l’emploi.
En raison de la masse des dossiers suivis et de l’explosion des CDD de moins d’un mois, les agents de Pôle emploi estiment que ce climat de suspicion dénature leur mission. Sans compter que vous avez supprimé 800 postes dans la dernière loi de finances…
Ne serait-il pas temps, madame la ministre, à l’heure où vous semblez vouloir adopter une autre attitude à l’égard des syndicats et en vue du grand débat, de modifier votre analyse de la situation de l’emploi, de privilégier enfin l’accompagnement des précaires plutôt que leur sanction et de questionner non seulement l’employabilité des personnes, mais aussi le nombre et la qualité des emplois proposés par les entreprises ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la sénatrice Grelet-Certenais, vous m’interrogez sur le décret du 30 décembre dernier pris en application de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Le sens du contrôle est double : d’une part, dans tout système de solidarité collective, il faut un équilibre de droits et de devoirs ; d’autre part, il a été empiriquement constaté, par les équipes de Pôle emploi, que le contrôle permet parfois de remobiliser. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Sur les 300 000 demandeurs d’emploi contrôlés aléatoirement par Pôle emploi au cours de la dernière vague, 66 % cherchaient activement un emploi et 20 % étaient découragés. On peut comprendre que, après avoir entrepris de très nombreuses démarches, on baisse un jour les bras, parce que la situation paraît un peu désespérante. Dans ces cas, le contrôle a permis une remobilisation du demandeur et des équipes de Pôle emploi, avec à la clé de très beaux succès.
Restaient 14 % qui ne cherchaient pas activement un emploi, sans avoir de difficultés particulières de santé, de logement ou d’éloignement, difficultés compréhensibles dont le contrôle tient compte. Pour ceux-là, oui, le contrôle a été revu.
Il l’a été aussi parce qu’il était injuste et inéquitable. En effet, dans le cadre de l’offre raisonnable d’emploi, un dispositif que les gouvernements précédents n’ont jamais supprimé et que vous avez donc également soutenu, madame la sénatrice, une femme seule habitant en zone rurale et contrainte par les horaires de crèches pour pouvoir travailler pouvait être sanctionnée parce qu’elle avait refusé un emploi, alors qu’un cadre vivant dans une métropole et exerçant un métier pour lequel il n’y a pas de chômage n’était pas forcément sanctionné.
Nous avons simplement instauré un dispositif plus équitable, fruit de l’expérience de terrain des agents de Pôle emploi, dans lequel on ne pourra plus être sanctionné pour une raison sur laquelle on n’a pas prise.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Concrètement, le demandeur d’emploi et son conseiller définiront dès le premier jour sur quelles bases l’emploi sera recherché et contrôlé. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais, pour la réplique.
Mme Nadine Grelet-Certenais. Avec ce décret, madame la ministre, vous poursuivez une logique technocratique et ajoutez de la culpabilité à la précarité. Vous mettez en danger une population déjà affectée par le sentiment d’injustice.
M. François Patriat. Vous n’avez pas écouté la réponse !
Mme Nadine Grelet-Certenais. Ce décret est de très mauvais augure en vue de la réforme systémique de l’assurance chômage actuellement sur la table des négociations.
Vous parlez d’équilibre des droits et des devoirs, mais quid des fraudeurs fiscaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Éliane Assassi applaudit également.)
politique fiscale
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et porte sur la politique fiscale.
Depuis plusieurs mois, nous assistons à des atermoiements successifs du Gouvernement. Songeons à la taxe sur les carburants, à l’impôt sur les sociétés, à l’exit tax, aux charges sur les heures supplémentaires et à la CSG, entre autres sujets. La liste est très longue…
Récemment, nous avons entendu des déclarations contradictoires sur la taxe d’habitation, l’impôt sur les successions et l’impôt sur la fortune.
Mardi dernier, le Président de la République a encore ajouté au catalogue les 80 kilomètres par heure et les pensions de réversion…
Le Gouvernement peut-il tenter d’éclairer le Sénat sur sa feuille de route en matière de politique fiscale pour répondre aux exigences fixées par le Président de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice, je vais vous rassurer : notre feuille de route, c’est baisser les impôts, pour les ménages comme pour les entreprises.
M. Pierre-Yves Collombat. Vous les baissez surtout pour les spéculateurs !
M. Bruno Le Maire, ministre. Pour les ménages, nous baissons la taxe d’habitation. Vous connaissez ma conviction sur le sujet : j’estime que cet impôt doit être supprimé pour l’ensemble des ménages. (M. Olivier Henno applaudit.) Cela n’exclut pas que la question soit posée aux Français, mais je vous rappelle ma position.
M. François Patriat. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. S’agissant de l’impôt sur la fortune et du prélèvement forfaitaire unique, je réaffirme cette conviction forte : il faut baisser l’impôt sur le capital pour que nos entreprises puissent investir, innover et créer des emplois. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Pierre-Yves Collombat. Quelle blague !
Mme Éliane Assassi. Plus personne n’y croit !
M. Bruno Le Maire, ministre. C’est pourquoi je suis favorable au maintien de la suppression de l’impôt sur la fortune et à celui du prélèvement forfaitaire unique.
Tous, je pense, vous souhaitez la réindustrialisation de notre pays. Eh bien, il n’y aura pas de reconquête industrielle en France si nous ne baissons pas les impôts et les taxes sur le capital et les impôts de production sur l’industrie ! (Marques de dénégation sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Voilà vingt ans que l’on fait croire aux Français qu’on peut avoir une industrie forte avec des impôts élevés. Le million d’emplois supprimés dans l’industrie montre que ce n’est pas la bonne voie.
Nous poursuivrons donc la baisse des impôts sur l’industrie et sur l’ensemble des entreprises françaises, en ramenant le taux de l’impôt sur les sociétés de 33 % à 25 % d’ici à 2022.
Baisser les impôts pour tous les Français et pour notre économie de 1 point au minimum sur cinq ans n’empêche pas d’aller chercher l’argent là où il se trouve (Rires et exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.) en mettant en place, comme nous allons le faire, une juste taxe sur les géants du numérique, qui s’appliquera à compter du 1er janvier 2019, pour que tous les géants du numérique payent en France le même montant d’impôt que nos PME ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique.
Mme Catherine Deroche. Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous avoir exposé vos convictions. Seulement, certains de vos collègues ministres ont fait de nombreuses déclarations contraires…
Après vingt mois d’une politique péremptoire, vingt mois sans aucun écho à nos propositions, nous voilà dans l’incertitude jusqu’à la fin du grand débat. Que de temps perdu ! Que le Gouvernement n’a-t-il écouté les sénateurs, qui sont au plus près du terrain et connaissent la vraie vie !
Ces pas de tango permanents dans les déclarations sont terriblement anxiogènes pour les chefs d’entreprise, les agriculteurs et les particuliers, pour les classes moyennes et les familles, bref pour tous nos concitoyens. Les règles changent tout le temps, et chacun voit bien que ce qui est donné d’une main est repris de l’autre doublement, voire plus…
Comme l’a dit un économiste pourtant modéré, la politique fiscale du Gouvernement n’est plus une usine à gaz, mais toute une zone industrielle ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
retenue collinaire de caussade
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Jean-Pierre Moga. Monsieur le ministre de la transition écologique et solidaire, j’appelle votre attention sur la création et l’exploitation d’une retenue d’eau collective, le lac de Caussade, en Lot-et-Garonne. Il s’agit d’un lac collinaire de moins de un million de mètres cubes, destiné à l’irrigation. La réalisation de ce lac serait pour les agriculteurs un espoir : une partie des eaux de pluie hivernales pourrait être stockée pour être utilisée en période estivale. Ce serait aussi une opportunité de maintenir un étiage convenable du petit ruisseau en aval de la retenue pendant l’été.
Les porteurs de projets dans le monde agricole, comme d’ailleurs dans d’autres secteurs, se heurtent à des textes qui rendent quasiment impossible la réalisation de telles opérations. C’est peut-être cette complexité des lois et des normes qui a poussé les agriculteurs à enfreindre la loi et à entreprendre la construction de l’ouvrage, solution que je déplore mais qui est une réalité. Dans ce contexte, nous risquons de vivre un nouveau Sivens, avec des agriculteurs à la place de zadistes.
Monsieur le ministre d’État, maintenir la paix sociale avec le monde agricole avant qu’il ne soit trop tard est une priorité absolue. Les agriculteurs sont des gens respectables qui doivent irriguer leurs cultures pour nourrir la population. Confrontés aujourd’hui comme jamais à d’importantes mutations, ils sont à bout. Je vous demande donc quelles mesures vous envisagez de prendre pour résoudre ce problème et permettre une sortie par le haut.
Vous le savez comme moi, le changement climatique est malheureusement en marche, et le monde rural va connaître des sécheresses de plus en plus graves. Aussi, envisagez-vous d’adapter la loi sur l’eau afin de mieux répondre aux défis majeurs qui nous attendent ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Moga, vous avez raison : l’accès à l’eau est l’un des enjeux clés liés aux effets du dérèglement climatique, en particulier dans la grande région Sud-Ouest, où, aujourd’hui déjà, de graves déficits en eau sont constatés tous les ans. C’est pourquoi nous en avons fait la priorité de la deuxième phase des Assises de l’eau. Tous les acteurs, élus locaux, représentants des agriculteurs, des industriels et des consommateurs, réfléchissent à la réforme de notre politique de l’eau pour l’adapter au dérèglement climatique, notamment à la question du stockage de l’eau – il faut bien appeler les choses par leur nom.
S’agissant de la situation à Caussade, je tiens à rappeler que les défenseurs de ce projet n’ont jamais pu apporter la preuve de sa compatibilité avec le schéma d’aménagement et de gestion de l’eau, le fameux SAGE que tous les élus locaux connaissent bien, et avec les directives européennes en vigueur, cela malgré plusieurs alertes. J’ai donc demandé, avec Stéphane Travert, alors ministre de l’agriculture, le retrait de l’arrêté préfectoral de juin 2018, pris contre l’avis de deux préfets de région. Nous en avons d’ailleurs tiré les conséquences en ce qui concerne la préfecture de département.
Malgré ce retrait, le projet a été lancé illégalement par son porteur, un peu, comme vous l’avez dit, dans une situation inversée par rapport à celle de Sivens, de triste mémoire. J’ai immédiatement donné des instructions pour que l’ensemble des démarches soient engagées, notamment par la justice, afin de constater l’illégalité des travaux, ce qui a été fait. Des systèmes d’astreinte financière pour non-respect d’une décision de justice existent ; ils vont être enclenchés par l’État.
Cet exemple négatif ne doit pas nous détourner de l’objectif que Didier Guillaume, ministre de l’agriculture, et moi-même partageons : trouver des solutions concrètes pour le stockage de l’eau et la gestion de la ressource en eau, entre fortes pluies et périodes de sécheresse. L’exemple des Deux-Sèvres est à cet égard très instructif. Nous allons continuer d’agir en ce sens ! (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
liberté de la presse
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour le groupe La République En Marche.
M. Julien Bargeton. « La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c’est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. Attenter à l’une, c’est attenter à l’autre. » Ainsi parlait Victor Hugo, l’un de nos éminents devanciers.
Or cet édifice commun est aujourd’hui trop souvent attaqué. Inadmissibles, les agressions répétées de journalistes mettent en danger le pacte républicain ! En s’attaquant à la presse, en bloquant la diffusion de journaux, en menaçant une journaliste de viol, comme à Toulouse, en lançant en permanence des insultes sur les réseaux sociaux, c’est la République que l’on agresse. Mais personne ne tordra le bras à la République. La France n’acceptera jamais de banaliser le bâillon !
Ailleurs, la liberté de la presse est peut-être un luxe ou une chimère. En France, c’est un droit fondamental d’informer, de créer le débat, de divertir. N’oublions pas que, dans le monde, des journalistes ont payé cette liberté de leur vie. N’oublions pas non plus les victimes de l’attentat du 7 janvier 2015 contre Charlie Hebdo : elles aussi ont payé du prix de leur vie cette liberté fondamentale.
Alors que les Français gardent en mémoire ce souvenir, la meilleure façon d’honorer nos morts est de défendre, sur le terrain comme en ligne, la liberté de la presse et le travail des journalistes.
À l’heure où toute la France s’apprête à débattre, quelles mesures le Gouvernement prend-il pour défendre cette liberté et sanctionner ceux qui souhaiteraient y attenter ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)