compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaire :
Mme Mireille Jouve.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je renouvelle à chacune et à chacun d’entre vous mes meilleurs vœux pour cette année qui commence. Je tiens aussi à vous remercier de ceux que vous m’avez adressés, nombreux et chaleureux, qui sont en cours de lecture.
L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
Je suggère, en ces temps de vœux, que nous prenions pour 2019 la bonne résolution de rester attachés aux valeurs essentielles du Sénat que sont le respect des uns et des autres ainsi que le respect du temps de parole, plus prosaïque certes, mais également important.
grand débat national (i)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le Premier ministre, l’année 2018 aura été marquée par l’irruption des « gilets jaunes », mouvement social inédit et, au départ, spontané, qui témoigne d’un profond malaise de notre société.
Qu’elles soient légitimes et généreuses, souvent contradictoires ou irréalistes et parfois provocatrices, les revendications exprimées doivent être écoutées. Toutefois, elles ne sauraient en aucun cas justifier le déferlement de violences, de menaces, d’invectives et de dégradations que subit notre pays depuis mi-novembre. Le bilan humain dramatique – 10 morts et plus de 2 500 blessés – devrait un peu plus interroger les acteurs de ce mouvement et ceux qui l’ont soutenu avec parfois un objectif malsain de récupération.
Je tiens ici, au nom du groupe du RDSE, à renouveler tous nos remerciements et notre soutien aux forces de l’ordre, aux personnels de santé et aux services d’urgence, très sollicités pendant cette période.
Sur le plan économique et social, cet épisode a flétri l’image, et donc l’attractivité, de notre pays et a été destructeur d’activités et d’emplois.
Au-delà des mesures très significatives – 10 milliards d’euros – que vous avez annoncées et qui ont été votées courant décembre par l’Assemblée nationale et le Sénat, le débat national, engagé avant-hier, va s’enrichir de propositions concernant, en particulier, la démocratie de proximité, les services publics, la fiscalité et le pouvoir d’achat. Ce grand débat va susciter beaucoup d’espoirs, qu’il ne faudra pas décevoir.
À côté de réformes structurelles plus longues à mettre en place, des mesures concrètes d’application immédiate seront attendues par nos concitoyens. Comment envisagez-vous d’y répondre, dans quels domaines et selon quel calendrier ? Pensez-vous associer le Parlement, en particulier le Sénat, représentant des territoires, à l’élaboration de ces mesures et de ces réformes, en amont d’un examen strictement législatif des projets de loi ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Gabouty, je vous remercie de votre question, qui va me permettre d’apporter certains éclairages.
Vous posez la question de l’association des parlementaires, singulièrement des sénateurs, au grand débat national qui va s’ouvrir. Tout d’abord, vous avez raison de dire que ce débat va sans doute susciter de grands espoirs auxquels il va falloir répondre.
Je vous répondrai en trois temps.
Premier temps : le débat est en train de s’ouvrir. Je tiens, à ce sujet, à saluer les parlementaires et les responsables de groupe, au Sénat et à l’Assemblée nationale, qui ont annoncé qu’ils s’y associeraient, en dépit des divergences, afin de faire en sorte que les Français puissent se saisir des questions qui leur sont soumises, voire d’autres questions. Les parlementaires pourront ainsi être des témoins vigilants et, d’une certaine façon, des porte-parole de ce qui va se dire.
Deuxième temps : le Premier ministre a adressé un courrier aux présidents des deux assemblées pour créer un comité de suivi afin de permettre à chaque groupe politique – il s’agit bien de politique ! – de suivre les débats et de se les approprier.
Troisième temps : la traduction législative, ce qui est le fond de votre question.
Alors que la démocratie représentative est parfois mise en cause par ceux qui manifestent, il est bon que ce travail préalable, ce débat, trouve une issue législative. Certains textes sont déjà sur la table, même si nous avons décidé d’en aménager le calendrier, comme c’est le cas pour la révision constitutionnelle – ces projets pourront être enrichis grâce aux débats qui ont lieu. D’autres naîtront du débat qui est en train de se nouer dans les territoires. Ainsi se jouera l’articulation entre le débat et notre capacité à traduire les questions évoquées.
Vous avez raison : certaines solutions devront être de long terme – il faudra alors le dire – et d’autres de court terme. C’est bien dans ce cadre que se déroulera le débat. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
violences policières lors des manifestations de « gilets jaunes »
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Esther Benbassa. Ma question s’adresse au ministre de l’intérieur.
Mutilés, éborgnés, défigurés, subissant quotidiennement la violence symbolique et sociale imposée par les politiques gouvernementales, c’est désormais dans leur chair que sont frappés de nombreux « gilets jaunes ». (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Face à cette crise majeure et à des rassemblements protestataires, qui ne sont certes pas exempts, parfois, de violences, l’unique réponse apportée par l’exécutif est une répression disproportionnée : plus de 5 600 interpellations et gardes à vue, plus de 1 000 condamnations ; on recense 3 000 blessés, dont 94 graves.
Les violences policières vont crescendo, avec l’usage d’armes toujours plus dangereuses : grenades de désencerclement, flash-ball et autres LBD 40, sans oublier le tabassage et le gazage quasi systématique. (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
C’est bien parce que c’est vrai que ça vous énerve ! Maintenant, vous pouvez vous taire ! (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Dernier cas en date : Olivier, un père de famille de quarante-sept ans, pompier volontaire, qui manifestait pacifiquement avec son épouse le 12 janvier à Bordeaux, a été touché à la tête par un tir de flash-ball. Il est dans le coma. En principe, seuls le torse et les membres inférieurs peuvent être visés par les policiers !
Mme Sophie Taillé-Polian. Il ne faudrait pas l’oublier !
Mme Esther Benbassa. Depuis l’acte I du mouvement des « gilets jaunes », l’IGPN a été saisie de 200 cas de violences policières, dont 78 font actuellement l’objet d’une enquête interne.
Ma question est simple : n’est-il pas temps de mettre un terme à cette répression d’une brutalité intolérable (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) et d’interdire, comme le préconise le Défenseur des droits, l’utilisation d’armes non létales par les forces de l’ordre ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice Benbassa, je tiens à rappeler le contexte dans lequel se déroulent les manifestations auxquelles vous faites allusion : des manifestations jamais déclarées, jamais encadrées, avec des manifestants qui s’en prennent, non pas parfois, mais très souvent, de manière extrêmement violente et agressive, en leur jetant divers projectiles, aux policiers, dont beaucoup nous disent avoir le sentiment qu’on cherche à les tuer.
C’est donc dans ce contexte que s’organise la riposte policière, madame la sénatrice, et uniquement dans ce contexte, c’est-à-dire quand se produisent des agressions ou quand il s’agit de disperser des attroupements violents. Cette riposte est extrêmement encadrée et, vous le savez très bien, elle est toujours proportionnée. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Elle se fait à l’aide de ce qu’on appelle des armes intermédiaires, dont les conditions d’utilisation sont très surveillées.
Ce ne sont pas 200 plaintes dont a été saisie l’IGPN, mais 81 enquêtes judiciaires qui ont été ouvertes pour des suspicions de violences policières. Il y a donc bien un contrôle qui s’exerce sur la riposte, laquelle s’effectue de manière proportionnée face au comportement extrêmement violent des manifestants et aux véritables agressions dont font l’objet les forces de l’ordre, alors même que celles-ci sont là pour nous protéger et pour protéger ces manifestations.
Vous évoquez les moyens intermédiaires de défense. Effectivement, les policiers utilisent des grenades lacrymogènes, des grenades de désencerclement et parfois, quand ils sont vraiment acculés, le lanceur de balles de défense. Cette utilisation, encore une fois, se fait dans des conditions d’emplois très strictes, que nous avons rappelées, avec Christophe Castaner, à l’ensemble des policiers.
Si les forces de l’ordre ne faisaient pas usage de ces moyens de défense, certains de leurs membres auraient peut-être été lynchés, comme le montrent les nombreuses tentatives de lynchage auxquelles nous avons assisté. (Protestations sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Ce n’est pas acceptable, et c’est cela que nous voulons que vous condamniez ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
grand débat national (ii)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, nous allons entrer dans le grand débat lancé par le Président de la République. Comme nous l’avons déjà dit publiquement, les parlementaires socialistes en prendront toute leur part sur le terrain, dans les communes.
Nous sommes de fervents défenseurs du dialogue et du débat politique avec les Français. Nous répéterons, à cette occasion, les propositions que nous avons déjà faites et que vous n’avez malheureusement pas suivies. Il en est une, toutefois, dont nous ne savons plus si nous aurons le droit de la formuler. Je veux parler, bien sûr, du rétablissement de l’ISF.
Le Président de la République a soufflé le chaud et le froid sur ce point. Qui devons-nous croire ? Le Président de La Lettre aux Français, qui exclut toute remise en cause de sa ligne économique et sociale, ou celui du débat en Normandie, qui ouvre le droit à parler de l’ISF ?
Ce sujet pose plus largement la question de la prise en compte de la parole des Français dans ce débat, à l’image de vos reculs contraints sur une partie de l’augmentation de la CSG pour les retraités, sur la taxe carbone, sur le coup de pouce au SMIC via la prime d’activité et, désormais, sur vos 80 kilomètres par heure. Entendez-vous infléchir votre politique économique et sociale si contestée ou ce débat ne sera-t-il qu’un exercice de communication sans suite ?
Enfin, monsieur le Premier ministre, permettez-moi une dernière question : comment envisagez-vous la conclusion de ce grand débat ? Accepterez-vous, comme vous l’ont demandé certains syndicats, qu’elle prenne la forme d’une vraie négociation avec les partenaires sociaux, que vous avez négligés jusqu’ici ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Kanner, vous m’interrogez sur le grand débat, son organisation, le sens et la portée qu’il aura, ainsi que sur ses conclusions ou, plus exactement, sur la méthode qui sera retenue à son terme. Vous posez un certain nombre d’autres questions auxquelles je peux parfaitement répondre.
Ce débat va se tenir pendant les deux mois qui viennent pour faire en sorte que tous les Français, où qu’ils vivent – ça compte ! –, quels que soient leur âge, leur situation professionnelle, leur statut, puissent s’exprimer. Vous le savez comme moi, il serait déraisonnable d’imaginer interdire aux Français de discuter d’un sujet. Ils ont toute latitude pour s’emparer de tous les sujets qu’ils souhaitent évoquer. C’est pour cela que le Président de la République a souhaité « cadrer » le débat, non pas pour faire de tel ou tel sujet un tabou, mais pour dire quel est le cadre dans lequel nous allons prendre en compte ce que diront les Français. Je vais vous donner un exemple, qui, parce qu’il est évident, illustrera cette logique.
Imaginez – j’espère que ce ne sera pas le cas, évidemment – que les Français veuillent remettre en cause la forme républicaine de nos institutions. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Je ne crois pas qu’ils le feront, même si nous devons faire attention à préserver ce qui nous semble parfois acquis. Cependant, si tel était le cas, il est évident que nous ne nous engagerions pas dans cette logique. Je prends cet exemple, car il est tellement excessif qu’il vous indique clairement les choses.
M. David Assouline. Quel est le rapport avec l’ISF ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Les éléments qui constituent le socle de l’engagement du Président de la République comme de celui des parlementaires de la majorité ont été posés au moment d’une élection. Vous reconnaîtrez, comme moi, qu’ils ne peuvent pas être écartés, qu’ils constituent des points qui fondent la confiance et sur lesquels cette majorité – que vous avez parfaitement le droit de critiquer – s’est engagée. La légitimité qui découle de l’élection doit, elle aussi, être respectée.
Beaucoup de questions – trente-cinq ou trente-six – ont été posées directement aux Français par le Président de la République dans la lettre qu’il leur a adressée. En répondant à ces questions, en s’exprimant sur ces sujets, les Français vont nous donner un certain nombre d’indications. Il appartiendra ensuite au Gouvernement, au Parlement, à l’ensemble de ceux qui concourent au débat public, d’en faire leur miel, de s’en inspirer, dans la réponse qu’ils apporteront aux questions profondes et anciennes qui taraudent notre société. C’est dans cet esprit que nous nous engageons.
Vous évoquez la proposition formulée par certaines organisations syndicales – pas toutes – et reprise, d’ailleurs, par certaines associations d’élus d’organiser, au terme de l’exercice, une grande conférence territoriale et sociale qui permettrait à l’ensemble des acteurs d’échanger sur ce qui ressort du grand débat et de le transformer, le cas échéant, en propositions. C’est une bonne idée, et je l’entends.
À mon sens, le débat devra vivre après que nous l’aurons lancé et, au fur et à mesure qu’il avancera, nous pourrons répondre à certaines questions et à certaines propositions, comme celle-ci. Il me semble, toutefois, que, si nous voulons être logiques, il faut que ceux qui ont l’ambition de participer au terme du débat, à la définition des solutions, choisissent, d’une façon ou d’une autre, de participer au débat lui-même pendant qu’il a lieu. À défaut, il serait curieux de demander de participer à la fin sans pour autant participer au déroulé.
M. Patrick Kanner. C’est vrai !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Si ce débat prospère, comme nous le souhaitons et comme, à mon sens, un très grand nombre de Français l’espère, alors peut-être faudra-t-il faire droit à cette proposition. Je crois qu’il est un peu tôt pour répondre à cette question, car il faut laisser au débat le temps de commencer, en garantissant aux Français, ainsi que nous l’avons fait, que le Président de la République l’a dit et que je le redis ici, devant les sénateurs, que nous tiendrons compte des éléments qui seront formulés à l’intérieur du cadre proposé par le Président de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, j’entends votre réponse et je vous confirme que les parlementaires socialistes participeront au grand débat national qui a été lancé par le Président de la République.
La démocratie participative peut enrichir la démocratie représentative, mais elle ne peut pas s’y substituer. Je tiens ainsi à insister sur le fait que nous défendrons bec et ongles le bicamérisme. (Vifs applaudissements.) Le Sénat, comme lanceur d’alerte, doit être respecté, et vous seriez parfois bien inspiré d’écouter ses conclusions ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
migrations sur l’île de la réunion
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Jean-Louis Lagourgue. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Le 15 décembre dernier, un navire de pêche était intercepté au large de La Réunion avec, à son bord, près de soixante-dix personnes, dont des femmes et des enfants, originaires du Sri Lanka.
Quelques jours plus tard, un autre bateau accostait, transportant cette fois sept passagers et portant à cinq le nombre de navires ayant rejoint, en 2018, les côtes réunionnaises en provenance de cette île voisine de l’Inde, située à 4 200 kilomètres.
Ces faits laissent penser qu’une nouvelle filière est en train de se structurer pour fuir la crise politique, ethnique et religieuse qui divise l’ancien Ceylan. Dix ans après la fin de la guerre civile, qui causa la mort de près de 100 000 personnes, les minorités tamoule et chrétienne restent en proie aux persécutions.
La Réunion représente une porte d’entrée vers la France, pays des droits de l’homme, où la diaspora sri-lankaise est évaluée à environ 150 000 personnes.
Sur les quelque quatre-vingts migrants qui ont rejoint notre île en l’espace de dix mois, certains ont formulé des demandes d’asile, d’autres ont déjà été reconduits chez eux, avec les conséquences que l’on peut imaginer.
En plus de nous alerter sur le drame humain que vit cette population, l’ouverture de cette nouvelle voie migratoire vers La Réunion suscite de vives inquiétudes dans la population.
Monsieur le ministre, les autorités disposent-elles de moyens adéquats pour assurer la surveillance des côtes réunionnaises ? Quelle position le Gouvernement compte-t-il adopter face à ce phénomène aussi soudain qu’inattendu qui touche La Réunion ? Comment accompagner cette population sans risquer une amplification du flux migratoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, je vous confirme que, depuis le mois de mars de l’année dernière, nous avons enregistré l’arrivée de quatre navires sur les côtes réunionnaises, transportant un certain nombre de personnes qui auront donc fait un périple de plus de 4 000 kilomètres en mer.
Les autorités françaises à La Réunion ont mis en place un dispositif d’accueil et de prise en charge, d’abord sanitaire, puis administratif, lequel a conduit à considérer certaines des demandes d’asile. Nous avons également pris des décisions de non-admission et procédé à des éloignements effectifs.
Les mesures mises en œuvre ont visé, d’abord, à renforcer la surveillance des côtes réunionnaises, comme vous le souhaitez, mais aussi, bien en amont de cela, à prendre contact avec les autorités du Sri Lanka afin de définir ensemble une politique susceptible de les inciter à détecter les départs. Ces échanges ont été positifs, dans la mesure où plusieurs navires ont été empêchés de quitter le Sri Lanka pour se rendre à La Réunion. Nous allons poursuivre ces discussions : une réunion se tiendra le 25 janvier avec les autorités du Sri Lanka à la direction générale des étrangers en France pour aborder précisément ce thème.
Vous le voyez, notre ambition est de respecter le droit légitime de certaines personnes à être protégées, mais également de faire preuve de fermeté afin d’éviter que ne se reconstitue une filière d’immigration clandestine du Sri Lanka vers La Réunion, qui serait, au final, une nouvelle filière de traite des êtres humains. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
grand débat national (iii)
M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Monsieur le Premier ministre, dans le livre Révolution, qu’il a publié juste avant d’être élu Président de la République, Emmanuel Macron écrivait : « Aujourd’hui, les Français ont l’impression que leurs gouvernements ne gouvernent plus. L’Europe, les partis, les marchés, les sondages, la rue, il existe une confusion sur le détenteur du pouvoir. Quand il n’y a pas de clarté du Gouvernement, le peuple se cabre. Il faut savoir expliquer plutôt que de faire de la communication. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.) Une nouvelle étape de la déconcentration de l’État est nécessaire. Je crois dans un nouveau partage démocratique. C’est le fondement de la République contractuelle dont nous avons besoin, la République qui fait confiance aux territoires, à la société et aux acteurs pour se transformer. Les collectivités locales et leurs élus doivent jouer un rôle accru. C’est une nouvelle étape de transfert des pouvoirs vers ces collectivités que nous devons décider. »
M. André Gattolin. Excellent texte !
M. Marc-Philippe Daubresse. Nous ne saurions mieux dire, monsieur le Premier ministre ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Au moment où la crise des « gilets jaunes » se traduit par une rupture brutale du lien de confiance entre le peuple, le Président et son gouvernement, pouvez-vous nous expliquer pourquoi, depuis deux ans, le Président de la République fait très exactement le contraire de ce que préconisait le candidat Macron, en recentralisant à outrance et toujours plus, en rejetant le rôle prééminent des maires, que vous prenez subitement en considération ?
Êtes-vous enfin prêt à mettre en œuvre les conditions d’une déconcentration de l’État, comme vous le disiez, ainsi qu’une nouvelle étape de décentralisation massive et d’expérimentation en faisant confiance aux élus locaux et aux partenaires sociaux, comme vous le demande, dans les conférences, le président du Sénat, garant, aux termes de la Constitution, de l’équilibre des pouvoirs et des territoires ? Bref, êtes-vous prêt à changer radicalement de méthode en agissant du bas vers le haut et non plus du haut vers le bas, pour éviter que votre grand débat ne se transforme en grande débâcle ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Daubresse, je vous remercie de votre question, parce qu’elle me permet, outre le fait de souligner vos saines lectures, de préciser de nouveau ce qu’est la politique du Gouvernement, notamment en ce qui concerne le grand débat. À cet égard, nous avons assisté mardi dernier à un exercice entre le Président de la République et les maires qui a démontré, à ceux qui pouvaient en douter, notamment parmi les manifestants, le rôle des maires, leur capacité à saisir la situation de leur territoire et à en être les représentants. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le Gouvernement, depuis qu’il est installé, a envoyé un certain nombre de messages, mais ils n’ont peut-être pas été assez entendus. (M. Marc-Philippe Daubresse s’exclame.)
Monsieur Daubresse, vous avez été maire d’une grande commune, Lambersart ; j’ai été maire d’une commune située un peu plus au sud du même département.
M. Marc-Philippe Daubresse. C’est vrai !
M. Marc Fesneau, ministre. Nous partageons donc cette connaissance et cet amour des territoires et des collectivités locales.
Alors que, durant les cinq années précédentes, les dotations avaient fortement baissé, le Gouvernement a décidé de les stabiliser.
M. Jean-François Husson. Ce n’est pas la question !
M. Marc Fesneau, ministre. Ce n’est peut-être pas la question, mais cela montre le signal de confiance envoyé aux collectivités. Il en va de même de la contractualisation, même si cela a peut-être été mal perçu.
Le Président de la République avait indiqué devant le congrès des maires en 2017…
Un sénateur du groupe Les Républicains. Cette année, il n’est même pas venu !
M. Marc Fesneau, ministre. … qu’il souhaitait entamer une nouvelle étape de la décentralisation avec le droit à la différenciation. Nous aurons un débat sur ce texte, même s’il a été reporté. Quoi de mieux, en effet, que le droit à la différenciation pour permettre aux collectivités de se saisir des sujets ?
Enfin – le Président de la République en avait également parlé aux maires –, nous souhaitions collectivement, y compris les associations d’élus, faire une pause en matière de grandes réformes territoriales, car les précédentes avaient donné aux uns et aux autres le sentiment d’un tourbillon. Cependant, au vu du constat que nous faisons tous, il apparaît qu’une question se pose, s’agissant de la loi NOTRe, autour des périmètres et des compétences. Le Président de la République s’est déclaré ouvert à des ajustements, non pas pour tout refonder une fois de plus, mais pour répondre aux exigences pratiques des maires. Cela sera également l’enjeu du grand débat. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)