Mme Fabienne Keller, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. La Réunion est un département jeune, mais qui vieillit rapidement : 132 400 personnes ont plus de cent ans. Il faut donc anticiper les besoins et les anticiper rapidement.
La vulnérabilité des personnes seules – plus 23 % en 2013 – est accentuée par la précarité et le manque de confort liés à la vétusté des logements. En outre, 75 % des bénéficiaires de l’APA sont très dépendants, contre 20 % en métropole.
Le choix du maintien à domicile est privilégié dans les territoires d’outre-mer. L’aide de l’entourage y est forte, supérieure à ce que l’on constate en métropole.
L’hébergement collectif alternatif, mais de petite taille, pour répondre au modèle culturel des îles et des territoires outre-mer, est une solution. Il faut aussi bien évidemment favoriser un accueil familial, augmenter le nombre de services d’aide à domicile, avec un meilleur dépistage de la maladie d’Alzheimer. Toutes ces solutions doivent se développer. Elles figurent dans la feuille de route liée au Livre bleu, qui fait suite aux Assises des outre-mer.
Madame la sénatrice, une convention vient d’être signée entre le département et le ministère des solidarités et de la santé pour que 800 logements en résidence senior puissent être construits sur trois ans.
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.
M. Jean-Raymond Hugonet. La question des solidarités entre générations est aujourd’hui un enjeu essentiel. L’allongement considérable de l’espérance de vie entraîne, de fait, la cohabitation de plus en plus fréquente de trois, voire de quatre générations au sein d’une même famille. C’est bien la famille qui reste le lieu privilégié où se joue précisément la solidarité entre générations. Or ces liens se sont transformés, parallèlement aux évolutions de la famille.
Je souhaite axer mon intervention sur le rôle d’une génération que l’on passe trop souvent sous silence et qui est pourtant devenue le maillon fort de la solidarité, non seulement de la solidarité familiale, mais aussi de la solidarité entre Français : la génération des cinquante-cinq–soixante-dix ans. Cela tombe bien, me direz-vous, la moyenne d’âge de la Haute Assemblée est de soixante et un ans, et je viens de franchir ce cap il y a six jours. (Sourires.) Ce maillon fort est incarné par des personnes qui ont, à la fois, la charge de parents plus âgés et de jeunes qui, pour différentes raisons, tardent à s’insérer.
Avoir la charge de parents plus âgés, cela peut vouloir dire accompagner les souffrances de la grande dépendance ou de la maladie d’Alzheimer, dont 220 000 nouveaux cas apparaissent chaque année. Jusqu’à présent, nous n’avons pas suffisamment pris en compte la nécessité d’aider les aidants. Or ceux-ci continuent d’avoir, en même temps, la charge de leurs enfants, qui tardent à entrer dans la vie active et qui ont du mal à trouver un logement et à fonder un foyer.
Nous le constatons : beaucoup repose sur la solidarité familiale. Pourtant, celle-ci est mal prise en compte par les politiques publiques, quand elle n’est pas purement et simplement ignorée. Notre objectif doit être de chercher comment la renforcer, mais aussi de se poser d’autres questions et d’y apporter des réponses concrètes. Comment faire pour que cette solidarité puisse continuer à se développer ? Comment lui trouver des substituts lorsqu’elle n’est pas présente ? Comment faire renaître de l’entraide de proximité là où elle n’existe plus ?
Vaste débat, me direz-vous ! Nous l’ouvrons aujourd’hui, et je remercie mes collègues membres de la délégation sénatoriale à la prospective, sous la bienveillante autorité de son président, Roger Karoutchi, de nous en donner l’occasion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. L’entraide familiale représente plus de 32,4 milliards d’euros annuels et 90 % des transferts entre ménages. Elle est principalement à destination des jeunes, qu’ils soient ou non issus de familles aisées. Ces aides permettent d’amoindrir les disparités de niveau de vie selon l’âge. En revanche, c’est une source d’inégalités fortes entre les catégories sociales.
La génération « pivot » dont vous avez parlé est celle des personnes âgées de cinquante à soixante-quatre ans. C’est une notion apparue relativement récemment dans le paysage social. Ces personnes donnent principalement à leurs enfants, mais aussi de plus en plus à leurs parents. Les personnes de cinquante ans sont celles qui contribuent le plus.
Du fait, d’une part, du retrait du monde social occasionné par le retrait d’une vie majoritairement professionnelle et, d’autre part, de l’allongement de la durée de vie, la solitude des seniors a eu tendance à se développer ces dernières années.
La fonction de grands-parents s’est beaucoup affirmée ces dernières années et elle a permis l’accroissement du temps disponible avant la grande vieillesse. C’est une tendance lourde de l’évolution des structures familiales aujourd’hui qu’il convient de valoriser.
Le rôle des aidants constitue l’un des enjeux importants et principaux qui donneront lieu à des mesures spécifiques dans le cadre de la concertation « grand âge et autonomie ».
La volonté d’engagement des jeunes est concomitante avec un besoin d’attention et de soins de la part de leurs aînés. Il convient donc d’appréhender ces deux phénomènes de façon conjointe.
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Cet échange sur les solidarités de demain arrive à un moment de crise démocratique et sociale majeure tout autant qu’inédite. Or les solidarités de demain, même s’il s’agit de la nouvelle donne générationnelle, s’inscrivent à l’évidence au cœur des nécessaires solidarités d’aujourd’hui, raison supplémentaire pour laquelle ce sujet est d’une grande actualité.
Je veux tout d’abord remercier nos trois rapporteurs de la qualité de leur travail et de l’ambition de leurs propositions.
Mes chers collègues, dans notre pays, 10 % de nos habitants possèdent 55 % du patrimoine national. C’est une première et forte inégalité. Dès lors se pose la question de la transmission de ce patrimoine ainsi que de sa taxation, pour permettre la mise en œuvre d’une véritable solidarité, autant globale qu’intergénérationnelle.
Je partage totalement le triple objectif affiché par nos trois rapporteurs, à savoir la mobilisation du patrimoine des seniors, l’accélération des transmissions, la réduction des inégalités de patrimoine. Qu’en pense le Gouvernement ?
Par ailleurs, multiplier les incitations juridiques et fiscales pour transmettre ce patrimoine de son vivant est indispensable : c’est le cœur des solidarités intergénérationnelles.
En outre, notre démocratie doit se pencher sereinement sur la question des droits de succession. Lorsqu’elle est posée, elle l’est de façon globale. C’est une erreur ou un calcul politique ! En effet, un couple ayant acheté une maison ou un appartement, fruit du labeur de toute une vie, espère logiquement en faire profiter ses enfants. Cependant, le parallèle avec une famille au patrimoine de plusieurs millions ou de dizaines de millions d’euros doit être fait, tout comme avec les enfants d’une famille sans bien patrimonial.
Dès lors, la question centrale de la solidarité se pose et je vous la pose, madame la secrétaire d’État : il est nécessaire, voire indispensable de revoir les droits de succession pour les patrimoines importants et très importants, et non pas pour tous les patrimoines. C’est une question de bon sens, mais aussi de justice, tout autant fiscale que sociale !
Mme Michelle Meunier. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Depuis les années quatre-vingt, du fait du vieillissement de la population et de la croissance des patrimoines, les flux annuels de transmission augmentent plus rapidement que la croissance économique et représentent désormais 10 % du PIB.
En France, les recettes fiscales liées à la transmission du patrimoine ont été multipliées par cinq, en euros constants, depuis trente-cinq ans. Le taux d’imposition effectif moyen sur les actifs transmis s’élevait, en 2016, à 5 %, ce taux étant resté relativement stable depuis les années quatre-vingt.
Une immense majorité des Français sont profondément attachés à cette idée simple et juste que, quand on a travaillé toute sa vie, on veut pouvoir transmettre le fruit de son travail à ses enfants, avec le moins de taxation possible. Le Gouvernement partage ce sentiment. En situation de crise et d’incertitude, la possibilité de transmettre du patrimoine au sein de sa famille peut faire figure de protection. Sur la question de la taxation notamment, on sent bien que les Français trouvent cette mesure parfois juste, mais ils sont relativement frileux. Je prendrai l’exemple de l’allocation sociale à l’hébergement et du minimum vieillesse, qu’on appelle l’ASPA, pour laquelle existe un recours sur droits de succession. Le taux de non-recours de cette prestation est le plus important de toutes les prestations sociales.
Les mesures que vous avez évoquées dans le rapport sur la donation de son vivant doivent être en effet développées et regardées différemment, me semble-t-il.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. Je souhaite aborder la question de l’accueil des personnes âgées devenant dépendantes.
Comme nous l’avons vu ces derniers mois – je vous renvoie à l’avis du Comité consultatif national d’éthique du mois de février 2018 –, le modèle du tout-EHPAD présente des limites attestées. Au-delà du coût pour les familles, la question de la prise en charge et de la qualité de vie des personnes âgées doit être la préoccupation de tous. Nous devons envisager des solutions de rechange, parmi lesquelles se trouve la maison d’accueil familial regroupé, qui a été évoquée voilà quelques minutes.
L’agrément des accueillants familiaux est encadré par le code de l’action sociale et des familles et peut être délivré par le président du conseil départemental pour un maximum de trois personnes âgées accueillies et jusqu’à quatre personnes si un couple est accueilli. Le métier d’accueillant familial n’est pas facile, mais cette solution d’accueil pour personnes âgées présente de nombreuses vertus. Elle permet souvent à la personne âgée de rester dans son village ou à proximité.
Comme son nom l’indique, l’accueil doit être familial. L’entrée en famille d’accueil est moins traumatisante que l’entrée en EHPAD, la rupture moins brutale et la personne âgée, si elle conserve un certain degré d’autonomie, peut conserver quelques habitudes et rencontrer des personnes qu’elle connaît. Les accueillants familiaux ont parfois des enfants. Cette cohabitation devient alors un exemple d’intergénérationnel au quotidien.
Si nous souhaitons que l’accueil familial regroupé se développe, il faut que son modèle économique soit viable et moins onéreux qu’une place en EHPAD. Il est nécessaire de donner plus de souplesse aux conditions d’agrément afin de permettre un développement plus important de cette solution vertueuse. Aussi, madame la secrétaire d’État, je souhaite connaître votre position concernant la possibilité d’étendre ces agréments à quatre personnes pour des accueillants familiaux exerçant en maison d’accueil familial regroupé, sans tenir compte de la notion de couple. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et au banc de la délégation.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. L’accueil familial est une solution intermédiaire entre le maintien à domicile d’une personne en perte d’autonomie ou en situation de handicap et l’hébergement collectif en établissement. Il permet de répondre à des situations nécessitant parfois une prise en charge temporaire. Il s’agit donc d’un dispositif qui répond à une attente forte des personnes accueillies, mais aussi de leurs familles, de leurs aidants.
Le Gouvernement soutient ce mécanisme d’accueil solidaire et intergénérationnel, dont la souplesse est l’un des avantages, tout en obéissant à des règles particulières garantissant le droit des accueillants familiaux et une prise en charge de qualité pour les personnes accueillies.
L’ouverture depuis 2010 de la possibilité de salariat des accueillants familiaux par des personnes morales a permis le développement des maisons d’accueil familial.
Plus récemment, la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement a permis des avancées notables, notamment par la mise en place d’un référentiel d’agrément et le renforcement de la formation des accueillants.
Ces mesures ont, sans conteste, permis de consolider l’accueil familial comme une réelle solution parmi la palette d’offres de services développées à l’attention des personnes en perte d’autonomie.
Le Gouvernement soutient les initiatives permettant de diversifier l’offre d’accueil des personnes en perte d’autonomie, notamment grâce au développement de formes d’habitat alternatif et inclusif ou de la cohabitation intergénérationnelle solidaire. Cette question est aussi le sujet de l’atelier Offre de demain pour les personnes âgées en perte d’autonomie de la concertation « grand âge et autonomie ».
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la réplique.
Mme Corinne Imbert. Même si je comprends que vous ne puissiez pas répondre instantanément à ma question, qui était pourtant simple, madame la secrétaire d’État, j’aimerais néanmoins obtenir une réponse : est-il possible de délivrer un agrément aux accueillants familiaux exerçant de façon regroupée et prenant en charge jusqu’à quatre personnes, qu’il y ait un couple ou non ? Cela permettrait d’instaurer un modèle économique plus viable. Cette solution d’accueil familial, qui est moins traumatisante pour les personnes accueillies, intéresse les familles.
Le premier niveau de solidarité intergénérationnelle est bien la famille, comme l’a dit notre collègue précédemment. Reste que les évolutions sociétales font que les enfants et petits-enfants sont souvent éloignés de leurs parents et de leurs grands-parents.
Je le répète, l’accueil familial doit se développer. L’agrément pour quatre personnes est important. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Nous savons que la prise en charge de la perte d’autonomie est l’une des problématiques les plus susceptibles de mettre à l’épreuve le pacte intergénérationnel, parce qu’elle a un coût financier, lequel se traduit notamment par un reste à charge très élevé pour les familles, et parce qu’elle impacte profondément la vie des aidants familiaux qui, faute d’une aide professionnelle suffisante, affrontent trop souvent des situations très éprouvantes.
Le rapport d’information qui nous donne l’occasion du présent débat pointe, pour le financement de la dépendance, la piste de la « séniorité active ». Le risque dépendance serait ainsi un risque assurable, dans une logique intragénérationnelle. Il s’agirait d’une alternative à l’instauration d’une seconde journée de solidarité.
Pour ma part, je considère que l’assurance obligatoire n’est pas la bonne réponse pour financer la dépendance, car le système assurantiel est porteur d’inégalités. Les plus modestes n’auront pas plus les moyens de financer des assurances performantes que de financer leur dépendance au moment où celle-ci surviendra. L’option la plus pertinente me paraît donc être l’instauration d’un cinquième risque, qui garantirait la prise en charge intergénérationnelle de la dépendance. Il s’agit en effet d’un défi majeur qui justifie de mettre en œuvre les mécanismes de la solidarité nationale, comme c’est le cas pour les risques « retraite » et « maladie ».
Ce cinquième risque est évoqué depuis de nombreuses années sans que les discussions le concernant aboutissent. Ont-elles d’ailleurs un jour commencé ? Le Président de la République a lui-même évoqué cette option : quid de cet engagement dans le cadre du grand débat national lancé hier ? Est-ce aussi au cinquième risque que pense le Président de la République quand, dans sa Lettre aux Français, il affirme qu’il faut « rebâtir un système social rénové », quand il leur demande « comment mieux organiser notre pacte social » et « quels objectifs définir en priorité ? »
Madame la secrétaire d’État, aurons-nous l’occasion de débattre de ce sujet ? Avez-vous l’intention d’avancer dans cette direction ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. La solidarité nationale est une aide que nous devons de manière inconditionnelle aux plus fragiles. Il s’agit de faire face à l’émergence d’un nouveau risque social, auquel nous serons tous confrontés demain.
Une concertation sur le grand âge et l’autonomie, pilotée par Dominique Libault, a été lancée. Plusieurs débats parlementaires seront bien évidemment organisés. Ils permettront d’élaborer un plan de financement afin de faire face à ce nouveau risque social et de prévoir une organisation.
Je rappelle que ce cinquième risque doit articuler la solidarité collective et la solidarité individuelle, dont feront partie les assurances. Les assurances doivent en effet être parties prenantes à la réflexion sur le financement. Tout sera mis sur la table. Sur ce sujet, nous sommes face à une feuille blanche. L’Assemblée nationale et le Sénat seront évidemment amenés à débattre de l’ensemble des réflexions sur ce sujet.
Dans le cadre de cette concertation, on distingue trois enjeux particuliers : il s’agit d’instaurer un dispositif d’aide moins hétérogène en fonction des territoires, en particulier en cas de maintien à domicile de la personne âgée, un reste à charge plus faible, accessible pour les familles, et un système viable financièrement, compte tenu notamment des défis démographiques. En effet, en 2030, plus de 1,6 million de personnes connaîtront une perte d’autonomie. Il faudra donc trouver les voies d’un accompagnement équilibré et de qualité afin de répondre à l’ensemble des besoins des Français.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer.
M. Jean-Marc Boyer. Un chiffre du rapport dont nous débattons aujourd’hui et dont je tiens à féliciter les auteurs pour leur excellent travail est éloquent : les seniors représenteront un tiers de la population en 2050, contre moins d’un cinquième en 1990. Le vieillissement de la population entraîne désormais une hausse mécanique de la dépendance.
Cette nouvelle donne générationnelle pose une véritable problématique en termes de solidarité. Il est nécessaire de développer ce qu’on peut appeler le « soutien familial », qui constitue une solidarité intergénérationnelle, en faveur de la cinquième, voire de la quatrième génération, laquelle entre dans un cycle de dépendance. Il me semble essentiel, compte tenu de la hausse de la population qui est aujourd’hui concernée, d’envisager des solutions afin de faire face à cette problématique.
Promouvoir des initiatives telles que le soutien familial consiste à développer la pratique de l’accueil familial. Il s’agit d’accueillir chez soi une personne âgée isolée ou, pour une personne âgée, de louer une partie de son logement à un jeune. Ces initiatives doivent d’autant plus être valorisées qu’elles font appel à l’entraide privée. Cette composante de la solidarité intergénérationnelle étant essentielle, sa place devrait être mieux reconnue, comme le suggère le rapport sénatorial. Cette entraide permet en effet de renouer le lien entre les générations et de repousser les logiques de concurrence et de conflit entre les classes d’âges.
Le soutien familial permet aussi le maintien à domicile de personnes âgées, ce qui favorise le bien-vivre de cette génération, qui ne veut pas être une charge pour ses enfants, qui souhaite rester chez elle et entrer dans un EHPAD le plus tard possible.
Ici, le rôle des aidants est fondamental, comme cela est souligné dans le rapport, qui promeut une meilleure reconnaissance des aidants et le développement d’un statut protecteur et facilitateur de leur action.
Enfin, il me paraît essentiel, afin de soutenir cette nouvelle donne générationnelle et de favoriser les solidarités, que les CLIC, les centres locaux d’information et de coordination, soient continuellement soutenus, compte tenu du rôle primordial qu’ils jouent auprès des familles et des générations âgées.
Madame la secrétaire d’État, quel est votre point de vue sur l’entraide privée et sur le soutien familial ? Que comptez-vous faire pour permettre une meilleure reconnaissance des aidants et soutenir les CLIC ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Le Gouvernement et le Parlement ont le même objectif : répondre aux besoins des aidants. Je sais le Sénat particulièrement vigilant sur ce sujet.
On compte entre 6 millions et 11 millions d’aidants de personnes âgées, handicapées, de malades chroniques ou d’enfants. Rappelons que les premiers jalons ont d’ores et déjà été posés.
Depuis le début de l’année 2018, un salarié peut, en accord avec son employeur, renoncer anonymement et sans contrepartie à tout ou partie de ses jours de repos non pris au bénéfice d’un collègue qui vient en aide à un proche souffrant d’une perte d’autonomie.
La loi ESSOC prévoit également d’expérimenter le relayage, qui permet d’offrir un véritable répit à l’aidant tout en rassurant la personne âgée. Le décret est en cours de finalisation et l’appel à projets pour trouver une dizaine de territoires expérimentateurs a été lancé au début de l’année 2019.
Un nouveau service d’information et de réservation en ligne d’une place de répit, d’un hébergement ou d’un accueil temporaire pour les personnes âgées, les adultes et les enfants handicapés vient d’ouvrir. SOS Répit recense plus de 4 000 structures en France qui peuvent soulager un peu les aidants, tout en accueillant leurs proches dans les meilleures conditions.
Enfin, l’habitat intergénérationnel est reconnu dans la loi ÉLAN. Nous en avons parlé précédemment. Des mesures pourront être prises, au plus tard dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, afin de renforcer le soutien et l’accompagnement des aidants, de manière globale et cohérente. Un mécanisme d’indemnisation du congé aidant sera prévu.
Je rappelle également qu’un quart des 400 000 personnes ayant participé à la concertation numérique sur le grand âge et l’autonomie sont âgées de plus de soixante-cinq ans et qu’un quart d’entre elles ont moins de vingt-cinq ans. Ces chiffres montrent que les jeunes générations se préoccupent de l’avenir de leurs parents et de leurs grands-parents.
Nous allons également devoir répondre aux questions d’attractivité de ces métiers et de formation – nous y répondons par l’apprentissage –, mais aussi à celles que pose la féminisation, 60 % des personnes ayant participé à la concertation étant des femmes.
M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Je veux tout d’abord saluer la qualité du travail réalisé par la délégation sénatoriale à la prospective et son président, notre collègue Roger Karoutchi. Leur rapport permet de poser un diagnostic étayé sur un sentiment connu par de nombreux Français : l’affaiblissement du lien intergénérationnel.
La famille est au cœur de cette préoccupation. L’entraide familiale concernait 60 % des Français en 2018, contre 51 % en 2016. De plus, comme le soulignent nos collègues dans leur rapport, « il s’avère que les échanges matériels et symboliques entre grands-parents, parents et enfants se sont intensifiés. Il est clair désormais que l’aide des proches, et tout particulièrement l’entraide familiale, joue un rôle important dans la solidarité intergénérationnelle. »
Or, madame la secrétaire d’État, depuis plusieurs années, nous assistons à un affaiblissement de notre politique familiale : baisse des plafonds du quotient familial ; modulation des allocations en fonction des revenus ; plus récemment, remise en cause du principe d’universalité, piste de travail heureusement évacuée. Ces choix, sur lesquels vous n’êtes pas revenue, contribuent à la baisse de notre taux de natalité. La France s’éloigne chaque année du seuil de renouvellement de sa population. À long terme, cette tendance aura un impact sur le lien intergénérationnel et sur l’exercice de la solidarité au cœur de la famille. Les familles seront de moins en moins nombreuses et de moins en moins aidées financièrement par la solidarité nationale.
La politique familiale semble incohérente : alors que la population vieillit, que le maintien à domicile se généralise et qu’il nécessite idéalement un soutien familial, elle est de moins en moins ambitieuse. Notre politique familiale n’est pas à la hauteur des enjeux, ce qui est inquiétant.
Madame la secrétaire d’État, ne pensez-vous pas que le développement de la solidarité intergénérationnelle doit nécessairement s’accompagner d’une politique familiale ambitieuse, politique familiale à laquelle le Président Macron a dit hier être très attaché ?
M. Michel Savin. Il en a dit des choses…
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Le soutien des aidants familiaux est important et doit être accompagné par les politiques publiques. C’est tout l’enjeu du plan d’aide, qui fait l’objet d’un groupe de travail spécifique, de la concertation « grand âge et autonomie », mais aussi de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, laquelle prévoit des moyens supplémentaires.
Nous apportons également des moyens pour accompagner la parentalité, car, le rôle de l’intergénérationnel, c’est aussi d’aider une famille dont le préadolescent ou l’adolescent est en difficulté. Les aidants familiaux, ce sont aussi ceux qui gardent les enfants. On l’a vu, 50 % des enfants sont gardés par des membres de la famille.
Les politiques familiales que porte le Gouvernement prévoient la création de places supplémentaires de crèches, le développement de relais d’assistantes maternelles, mais également l’augmentation de plus de 200 euros du complément de libre choix du mode de garde, en fonction de la situation familiale. Il s’agit de permettre aux familles les plus en difficulté, notamment les familles monoparentales, d’accéder à un mode de garde. Lorsqu’elles n’ont personne autour d’elles pour garder leurs enfants, les femmes ne peuvent aller travailler et font parfois le choix de rester à domicile.
Telle est la politique familiale que nous développons. Nous accompagnons l’ensemble des familles afin qu’elles puissent accéder aux différents services auxquels elles peuvent prétendre, en fonction de l’âge des enfants, des parents, qu’ils soient adultes ou âgés, handicapés ou dépendants.