M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur le sénateur, vous avez raison de le rappeler, ce sujet avait été ouvert lors de l’examen d’un amendement au moment de la discussion du projet de loi ORE. J’avais alors répondu qu’il relevait du domaine réglementaire et non législatif. C’est en effet par voie réglementaire que les droits d’inscription des étudiants communautaires ou extracommunautaires sont fixés.
Cela étant, il me paraît important de rappeler que de nombreuses universités se sont emparées de la question des droits différenciés, mais pour des diplômes d’établissements, et non pour des diplômes nationaux. Ces droits peuvent être extrêmement élevés et osciller entre 15 000 et 20 000 euros pour des MBA ou des DBA. Les conditions d’accueil des quelques étudiants inscrits dans ces formations sont très largement supérieures à celles de l’ensemble des étudiants internationaux, y compris l’accompagnement dans la recherche d’un logement ou les formalités administratives à l’arrivée des étudiants.
Le plan Bienvenue en France a pour objet de faire en sorte que cette qualité d’accueil puisse être généralisée via la contribution d’une partie des étudiants.
Vous avez aussi raison de signaler que cela représente des ressources propres importantes pour les établissements ; au moment où nous parlons, plus de 50 millions d’euros sont perçus directement par les établissements dans le cadre de ces diplômes d’établissements, lesquels ne sont pas, je le rappelle, des diplômes nationaux.
Il est donc important que nous étendions la qualité de l’accueil dont les universités savent faire preuve, lorsque les étudiants paient, à l’ensemble des étudiants internationaux, que ceux-ci paient ou non.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lorsque j’ai pris connaissance de cette stratégie du Gouvernement, ma première pensée a été pour les bacheliers du réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, qui forme chaque année seize mille bacheliers étrangers. Ceux-ci seront, après avoir étudié en français et obtenu le baccalauréat, soumis, selon votre stratégie, madame la ministre, aux mêmes augmentations de tarif.
Je vous pose donc cette question : comment se traduira, pour les bacheliers du réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et pour les étrangers qui vivent déjà en France, votre hausse des frais de scolarité ?
Seconde question : si je veux bien croire que, dans certaines zones du monde, la politique d’augmentation des frais de scolarité et d’offre de bourses significatives peut être attractive, en particulier en Chine et en Inde, il se trouve que nous attirons beaucoup d’étrangers d’une zone qui a un potentiel de croissance important au cours des prochaines années, mais qui est aussi très sensible au prix. Aussi, si vous maintenez cette politique, je vous inviterai à revenir, au minimum dans un cadre bilatéral, à une politique d’égalité, de non-discrimination pour les ressortissants d’un certain nombre de pays, afin que ceux-ci puissent venir en France aux tarifs applicables aux ressortissants communautaires et que les étudiants français puissent étudier dans ces pays à des tarifs non discriminatoires.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur le sénateur, la question des lycées français à l’étranger a évidemment été débattue avec le ministère des affaires étrangères. Tous ces établissements sont des structures payantes pour les personnes qui y inscrivent leurs enfants.
La question qui s’est posée a donc été celle de la présence possible, parmi les étudiants inscrits dans les lycées français à l’étranger, d’étudiants qui ne soient pas en capacité d’acquitter les droits d’inscription, et il est normal que ce cas de figure soit examiné. Cela dit, je le répète, si l’on considère ce qui se passe à Sciences Po ou à l’université Paris-Dauphine, on constate que ces établissements sont parfaitement capables d’établir des droits différenciés variant en fonction des revenus des étudiants. Cela fait partie des sujets dont les universités doivent s’emparer.
De façon plus générale, il existe aussi de très nombreux accords entre les écoles et les lycées français à l’étranger. En effet, les élèves inscrits dans ces derniers sont souvent d’excellents élèves, et les écoles ont ainsi un mode de recrutement particulier d’étudiants internationaux, au travers de conventions. Mais de tels accords peuvent tout à fait être conclus par des universités, dans le cadre d’une stratégie d’attractivité.
Mettre en place une stratégie internationale, c’est aussi permettre aux établissements, je le disais, de faire un choix relatif aux disciplines, aux formations dans lesquelles ils souhaitent construire des relations internationales profondes avec des partenaires très forts. On le sait, cela dépend de l’existence de deux éléments : des flux réguliers d’étudiants au travers de conventions et des échanges à l’échelon des chercheurs et enseignants-chercheurs, afin de pérenniser de manière institutionnelle ces relations internationales qui ne doivent pas uniquement s’établir de personne à personne.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour la réplique.
M. Jean-Yves Leconte. Madame la ministre, je regrette profondément votre réponse. Il aurait quand même été très simple et logique de nous dire que tous les bacheliers seront accueillis au tarif français. C’est d’ailleurs la seule solution qui permette de tenir la promesse du Président de la République de doubler le nombre d’élèves dans l’enseignement français à l’étranger. Vous auriez pu faire cette réponse simple, mais vous ne la faites pas… (M. Jacques Grosperrin s’exclame.)
On constate aussi qu’un certain nombre d’étudiants français seront discriminés.
Par ailleurs, vous ne nous avez même pas apporté de réponse sur les jeunes étrangers qui vivent aujourd’hui en France : connaîtront-ils une discrimination concernant leurs frais de scolarité ? En République, tous ceux qui vivent sur le territoire doivent payer les mêmes tarifs. Vous ne nous faites pas cette réponse ; c’est un peu dommage.
Il est également dommage que vous confondiez l’attractivité et la multiplication par quinze des frais de scolarité. En effet, quand on vous pose une question sur l’augmentation des frais d’inscription, vous nous répondez « attractivité » ! Or ce n’est pas si évident ; interrogez les Suédois sur ce point ! Ils ont fait l’expérience, et ils ont vu le résultat…
Le drame, c’est que, au cours des cinq dernières années, nous avons régressé, en proportion, par rapport aux autres pays.
M. le président. Veuillez conclure !
M. Jean-Yves Leconte. Nous sommes talonnés par l’Allemagne et par la Russie.
On nous dit que l’on va multiplier par trois le nombre de bourses, mais il suffit de regarder le budget : c’est, à l’euro près, le même montant en 2018 et en 2020. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Cher collègue, le temps qui vous était imparti est écoulé !
M. Jean-Yves Leconte. Voilà, madame la ministre, des éléments qui méritent d’être soulignés. Il aurait été tellement simple de faire une bonne réponse ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jacques Grosperrin. Qu’avez-vous fait, sous la présidence Hollande ?
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Il fallait le faire avant !
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard.
M. Pascal Allizard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’image de ce qu’elle réalise dans de nombreux autres domaines, la Chine avance à grands pas en matière d’attractivité des étudiants internationaux. Cette stratégie globale, inscrite dans le temps long, devrait inciter Français et Occidentaux en général à davantage de réactions.
Une telle politique doit être mise en perspective avec l’essor des nouvelles routes de la soie ; la Chine mise sur le développement de l’apprentissage des langues utilisées le long de leur tracé et de l’accueil des étudiants des pays considérés.
Nul n’ignore l’intérêt porté par la Chine à l’Afrique, notamment francophone. La France, plus que toute autre puissance, est particulièrement concernée par l’émergence de ce nouvel acteur économique et stratégique sur le continent africain, dont la présence se renforce d’année en année. À l’appui de ses ambitions, la Chine mobilise des moyens significatifs pour attirer les étudiants étrangers et asseoir son rayonnement à travers le monde.
L’espace francophone africain est naturellement ciblé, au moment où la France est un peu à la peine pour maintenir sa présence militaire et attirer des élites francophones dans ses universités. La Chine, porteuse d’une offre alternative, devient la destination phare des étudiants africains ; la croissance des inscriptions ne s’y dément pas depuis plusieurs années.
Par ailleurs, si l’essor de l’enseignement du français en Chine progresse, il ne faut pas y voir qu’un heureux développement de la francophonie dans l’Empire du Milieu. En effet, avec ces deux axes d’effort conjugués, les Chinois préparent déjà les conditions d’une implication toujours plus grande sur le continent africain, faisant sauter les derniers obstacles culturels et linguistiques pour faciliter leur dessein global.
Madame la ministre, dans l’espace africain francophone, dont nous souhaitons tous la pérennité, quelle politique réaliste et financée la France mettra-t-elle en œuvre pour attirer les meilleurs étudiants de ces pays ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Je le rappelle, les droits d’inscription différenciés pour les étudiants extracommunautaires n’ont rien à voir avec la nationalité. En effet, les étudiants résidant en France sont considérés comme des résidents et ne sont donc pas soumis à ces droits différenciés.
De même, je rappelle que les étudiants qui ont démarré leur cycle d’études dans les conditions antérieures ne sont absolument pas concernés par la mesure qui vient d’être annoncée.
Les mots ont un sens, et le terme « résident » a une signification précise. Je n’ai même pas pensé à évoquer ce point, tellement il me semblait évident que le sens de ce mot pouvait être compris par tous…
La question d’une attractivité particulière, d’un travail singulier pour ce qui concerne les pays de la francophonie s’envisage de plusieurs façons. Lorsque je discute avec mes homologues en Côte d’Ivoire, au Sénégal ou en Tunisie, ceux-ci m’indiquent que, pour eux, la difficulté est de voir leurs étudiants faire des études en France dans des champs d’activité dont la valeur ajoutée des diplômes, en termes d’employabilité dans leur pays, n’est pas évidente.
Ainsi, il existe une véritable demande de ces gouvernements de formation des jeunes permettant d’assurer le développement économique de leur pays. Par exemple, au Sénégal, une demande particulière vise l’agriculture et les sciences agronomiques. Il ne s’agit pas de dire que tous les étudiants venant du Sénégal doivent étudier ces disciplines, mais il s’agit de coconstruire une vraie politique de développement, passant par l’amélioration de la formation dans un certain nombre de disciplines. Cette formation peut parfaitement être de qualité. Nous devons aider ces pays à construire les cursus leur permettant de former leurs étudiants dans ces disciplines prioritaires.
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour la réplique.
M. Pascal Allizard. Au cours d’un déplacement récent en Chine, j’ai pu visiter une université de province. Dans le département de français de celle-ci, les étudiants chinois sont présentés comme les futurs cadres expatriés vers l’Afrique francophone. Les frais d’inscription universitaires demeurent modérés et le niveau est très bon ; le système de bourse fonctionne bien.
Il se trouve par ailleurs que je reviens de Djibouti, où les Chinois sont omniprésents – ils font même tourner le centre culturel français. Une fois les compétences acquises, ils se débrouilleront sans nous, en français, directement avec les Djiboutiens ; voilà la réalité… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. Pierre Ouzoulias. Bravo !
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Madame la ministre, depuis le début, vous nous faites des réponses dignes d’un dialogue de sourds. Certains d’entre nous contestent l’augmentation des tarifs et vous nous répondez que c’est pour assurer un meilleur accueil. Nous aimerions donc que, à un moment donné, vous puissiez démontrer ce lien.
Vous nous dites que le fait de bien accueillir les étudiants extracommunautaires coûtera plus cher, en raison, par exemple, de la mise en place de cours de français, puisqu’il s’agit de l’un des obstacles. Or, je vous le signale, les principaux pénalisés, les étudiants d’Afrique et d’Afrique du Nord, sont francophones, et ils paieront pour ceux qui ont les moyens – les Asiatiques –, mais qui ont besoin de ces cours. Vous produisez donc, concrètement, exactement l’inverse de ce que vous dites, de façon d’ailleurs assez hypocrite. J’ai l’impression de dire quelque chose de logique et qui a à voir avec la réalité…
D’ailleurs, ce que vous faites n’a pas grand-chose à voir avec la réalité, parce que vous n’avez pas fait d’étude d’impact. Or l’incidence de votre mesure peut être très surprenante ; il y aurait vraiment besoin d’une telle étude.
On a précédemment ironisé sur la multiplication par quinze des tarifs ; pourquoi ce coefficient ?
En outre, très franchement, dans un film ou dans un bouquin, nous sommes tous heureux d’admirer ce petit Africain, se trouvant dans une situation très difficile, dans un village reculé, dont le talent a été repéré et qui pourra, un jour, parce qu’il a étudié en France, se révéler complètement et s’accomplir. Vous aimez cela, dans un roman, mais, dans la réalité, vous rendez cette situation absolument impossible !
Ainsi, aujourd’hui, un étudiant marocain doit, pour avoir un visa de longue durée et faire ses études, économiser deux ans de salaire minimum marocain, sans compter le prix du logement, singulièrement à Paris, et le coût de la vie.
Madame la ministre, vous multipliez les frais de scolarité par quinze ; mais pensez-vous qu’il y aura encore de tels étudiants ? Non ! Ils iront vers des pays où, peut-être, on leur déroulera le tapis rouge pour les endoctriner – je pense à des pays du Golfe, par exemple.
M. le président. Veuillez conclure !
M. David Assouline. Par conséquent, vous abandonnez l’influence de la France au travers de son affichage mondial attractif, ses valeurs d’universalité qui ne sélectionnent pas par l’argent. (Très bien ! sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur le sénateur, je veux vous rappeler, de nouveau, un certain nombre de chiffres. Avant même que nous commencions à travailler sur les politiques d’exonération particulière que les établissements nous proposeront et que nous examinerons en fonction de leur stratégie, il se trouve que 25 % des étudiants extracommunautaires sont d’ores et déjà exonérés de droits. En outre, il s’agit d’un taux global et, si l’on s’intéresse aux étudiants venant plus particulièrement d’Afrique francophone, ce pourcentage est évidemment bien supérieur.
La première chose à faire est donc de considérer que tous les étudiants d’Afrique francophone ne sont pas dans l’incapacité de venir étudier en France. La preuve, nous avons la chance d’accueillir un peu plus de vingt-quatre mille étudiants en provenance du Maroc dans les établissements français, que ce soit dans des établissements universitaires ou dans des écoles dont les droits d’inscription sont très largement supérieurs à ce que nous venons de fixer pour les diplômes nationaux universitaires.
Mais pourquoi les étudiants africains pouvant acquitter des droits d’inscription élevés seraient-ils réservés à des écoles, notamment de commerce, et pourquoi n’auraient-ils pas vocation à être mieux accueillis, ou en tout cas aussi bien, à l’université, de façon qu’ils aient accès à d’autres disciplines que celles qui sont dispensées dans les écoles payantes ?
M. David Assouline. Nous sommes d’accord.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Il est très important de comprendre cela dans la globalité du système redistributif dont je viens de parler. Il me paraît essentiel que nous puissions faire en sorte que les universités accueillent dignement l’ensemble des étudiants internationaux.
M. David Assouline. Je ne vois toujours pas le lien.
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France se trouve au pied d’un podium très convoité, celui de l’attractivité universitaire. Elle affiche un classement honorable, mais en recul ; l’Allemagne, la Russie, la Chine, le Canada nous rattrapent. Le prestige de nos établissements, notre qualité de vie et celle de nos formations, l’excellence de nos scientifiques ne suffisent plus à compenser la progression des États concurrents, et notre attractivité universitaire survit avant tout sur les vestiges d’un prestigieux passé.
L’augmentation des frais d’inscription, rejetée hier par le Gouvernement, décidée désormais par ce même gouvernement, sera-t-elle un handicap ? Ce n’est pas le cas pour les universités américaines, anglaises ou australiennes, plus coûteuses et pourtant plus attirantes.
Toutefois, je crains que les mesures proposées pour la rentrée de 2019 ne suffisent pas à inverser notre perte d’attractivité. Or une véritable stratégie d’attractivité universitaire est indispensable, car, au cœur d’une mondialisation à la concurrence féroce, l’intelligence fait souvent la différence, et, si la France peut difficilement rivaliser en matière de coût de main-d’œuvre, elle possède tous les atouts pour valoriser son savoir d’orfèvre du plus prestigieux des minerais : la matière grise.
Nous avons la chance d’avoir trois atouts maîtres : des établissements et des enseignants remarquables ; l’une des rares langues intercontinentales ; un prestige universitaire séculaire incomparable. Comme en économie, cette stratégie ne doit pas se limiter au territoire national ; le rayonnement de notre enseignement supérieur passe évidemment par ses établissements situés en France, mais aussi par ceux qui se trouvent hors de France.
Alors que de nombreuses écoles et universités étrangères, notamment américaines, ont fait le pari de l’implantation à l’étranger, les établissements français doivent être plus offensifs à cet égard, à l’image de la Sorbonne Abu Dhabi ou de Centrale Pékin. N’y a-t-il pas là une piste à creuser, un filon à exploiter ? Le Gouvernement encourage-t-il, accompagne-t-il suffisamment la création de ces campus délocalisés ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur le sénateur, vous abordez là une question extrêmement importante, qui est partie intégrante du plan d’attractivité. En effet, comme vous le rappelez, le rayonnement de l’enseignement supérieur français et la qualité des diplômes français sont tout aussi reconnus lorsque les enseignements se déroulent sur des campus internationaux. Vous avez cité la Chine, on peut aussi citer Singapour, la Russie, le Vietnam, les États-Unis ; bref, tant nos universités – ainsi, hier encore, Sorbonne Université à Moscou – que nos écoles sont parfaitement capables de créer des campus à l’international.
Nous avons déjà ouvert, au cours des derniers mois, un hub qui regroupe une cinquantaine de formations offertes par des écoles ou des universités directement en Côte d’Ivoire, et le même type de projet se développe au Sénégal, avec l’ouverture du campus franco-sénégalais, et en Tunisie avec l’ouverture du campus franco-tunisien pour la Méditerranée. L’ouverture de ces deux campus est programmée à la rentrée de 2019. Au total, un investissement de 20 millions d’euros par an est prévu au sein du budget, de façon à soutenir les établissements qui souhaitent participer au rayonnement de l’enseignement supérieur français dans un certain nombre de projections de campus à l’international.
C’est tout aussi important, cela prépare parfois une partie des étudiants à la mobilité, et, pour tous ceux pour qui la mobilité n’est pas possible, notamment pour des raisons financières, c’est une façon d’amener auprès d’eux l’excellence de la formation française.
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour la réplique.
M. Olivier Paccaud. Je me satisfais de votre réponse, madame la ministre, même si, évidemment, je préférerais que l’on affecte un peu plus de 20 millions d’euros.
Cela dit, outre le savoir-faire, il y a aussi le « faire savoir » et c’est peut-être l’une des lacunes du projet. Vous devriez communiquer un peu plus sur ce que vous faites pour encourager la présence de campus délocalisés à l’étranger.
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Le « marché » des jeunes étudiants à l’étranger pourrait quasiment doubler d’ici à 2025, pour atteindre 9 millions d’individus ; la France ne peut se permettre de rester en marge de ce mouvement massif. Le risque de décrochage est avéré ; le nombre d’étudiants étrangers accueillis a baissé de 8,5 % entre 2011 et 2016.
La France n’occupe plus aujourd’hui que la quatrième place des pays d’accueil, et beaucoup de pays concurrents accroissent énormément le nombre d’étudiants en mobilité dans leurs universités.
Certes, nous ne pouvons nous contenter de mesurer notre attractivité par le seul biais de l’effectif d’étudiants étrangers. Ce qui compte, c’est moins le nombre que le fait d’attirer les meilleurs ; ce sont ces derniers qui contribueront à l’excellence de notre système d’enseignement et de recherche, qui seront en capacité d’être nos ambassadeurs dans leurs pays. Or, ne nous voilons pas la face, aujourd’hui, la France est un second choix.
La stratégie affichée par le Gouvernement est ambitieuse, mais elle comporte trop de zones d’ombre. Le décuplement des frais de scolarité des étudiants extracommunautaires pose question. Je ne suis pas contre une augmentation de ces frais – le prix est aussi perçu comme un élément de valeur, c’est un facteur d’attractivité, car il donne une image positive aux formations –, mais encore faut-il développer les bourses pour pouvoir compenser cette hausse. Or, à cet égard, il reste trop de zones d’ombre dans votre stratégie, madame la ministre.
Par conséquent, pourrions-nous avoir des précisions sur l’augmentation de ces bourses, ainsi que sur le guichet unique, l’accueil, la simplification des démarches pour qu’il ne s’agisse pas de vœux pieux ? J’aimerais également connaître la nature du financement du nouveau fonds d’amorçage Bienvenue en France. Je le rappelle, si l’accueil des étudiants étrangers coûte, chaque année, 3 milliards d’euros à la France, il lui rapporte 4,65 milliards d’euros. Il s’agit aussi, au-delà de l’enjeu culturel, d’un enjeu économique, mais nous devons pouvoir bien accueillir ces étudiants.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Vous avez raison de l’affirmer, madame la sénatrice, la politique d’exonération de droits et d’attribution de bourse est extrêmement importante.
Dans un certain nombre de pays, y compris européens, les droits d’inscription pour les étudiants extracommunautaires oscillent entre 6 000 et 8 000 euros. En Chine, pays qui a été évoqué, les droits d’inscription des étudiants non chinois s’élèvent à 4 000 euros, et je vous laisse faire le parallèle avec le niveau de vie dans ce pays…
Cela dit, eu égard à ces droits d’inscription particuliers, les établissements peuvent aussi mener une politique de bourse extrêmement proactive. C’est donc toute une dynamique qui doit se mettre en place, parce que – vous avez raison de le rappeler – la France est toujours au quatrième rang en valeur absolue, du point de vue du nombre d’étudiants internationaux accueillis, mais elle ne fait plus partie des vingt pays qui progressent le plus.
C’est la raison pour laquelle nous avons pris le temps de construire un plan complet d’attractivité et de travailler les questions de visa, de stage, d’emploi des diplômés, ou encore de cautionnement de logement ; nous avons voulu présenter un plan global qui garantisse cette meilleure attractivité.
Nous avons d’ores et déjà triplé le nombre de bourses et d’exonérations de droits, sur des fonds publics. Il s’agit bien de nouveaux fonds de financement ; les 10 millions d’euros déboursés par mon ministère ne sont pas une requalification d’autre chose, si c’était le sens de votre question. Nous avons aussi prévu un engagement de 20 millions d’euros de l’Agence française de développement, l’AFD, pour les campus à l’international, que j’évoquais précédemment, en sus de ce que les établissements investiront eux-mêmes en envoyant des professeurs, évidemment payés par la France.
Donc toute cette stratégie se construit dans une dynamique, avec l’objectif d’un doublement à l’horizon de 2025.
M. le président. La parole est à M. Serge Babary.
M. Serge Babary. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France est aujourd’hui le quatrième pays d’accueil des étudiants internationaux et le premier pays non anglophone du classement. Elle est néanmoins en perte de vitesse et risque bientôt de se retrouver en sixième position. Si la mobilité étudiante mondiale a progressé de 23 % entre 2009 et 2014, la part de la France n’a progressé que de 11 %.
En novembre dernier, le Gouvernement a présenté sa stratégie d’attractivité pour les étudiants étrangers internationaux. Je salue l’initiative, mais non la méthode. Comme toujours, on annonce puis on fait de la concertation : annonce au mois de novembre, concertation lancée au mois de décembre, avec des acteurs qui avaient appris la nouvelle par voie de presse.
Avec un objectif de 500 000 étudiants internationaux en 2027, plusieurs mesures de ce plan vont dans le bon sens : simplification de la politique des visas, lancement d’une campagne mondiale, ou encore volonté d’accroître la présence de la France à l’étranger.
Le Gouvernement veut différencier les frais d’inscription pour plus d’équité. Effectivement, le faible montant des frais d’inscription à l’université en France ne constitue pas nécessairement un atout dans la compétition internationale. En nombre d’étudiants étrangers accueillis, notre pays est devancé par les États-Unis, par le Royaume-Uni et par l’Australie, qui pratiquent une tarification au prix fort des études pour les étudiants étrangers.
La France est aujourd’hui en perte d’attractivité alors que l’enseignement y est quasi gratuit. Pour augmenter l’attractivité, nous allons faire payer les étudiants… Cela semble paradoxal ; je m’interroge sur les motivations d’une telle mesure. Un décret du 30 avril 2002 permet déjà de facturer des frais de formation en plus des frais d’inscription, de sorte que, dans les faits, beaucoup de formations sont déjà payantes.
D’où ma première question : faut-il mettre cette annonce en relation avec un courrier adressé en décembre dernier aux universités qui évoquait une baisse des dotations allouées compte tenu de cette ressource complémentaire ? Cette réforme ne serait-elle pas purement budgétaire ?
Par ailleurs, je regrette que le ministère des affaires étrangères et les acteurs économiques et sociaux du territoire d’accueil soient absents de cette stratégie. Pouvez-vous me préciser, madame la ministre, si la stratégie du Gouvernement sera mise en cohérence avec les politiques publiques internationales, économiques et culturelles de la France ? Y a-t-il là un cap politique ?