Mme Muriel Pénicaud, ministre. C’est 1 000 euros bruts !

M. Fabien Gay. … plus 3,5 % au Portugal. Et ces pays réduisent leur déficit public et le chômage !

En outre, le SMIC a déjà été augmenté en France, et cela n’a pas plombé l’économie ! En 1968, il avait augmenté de 35 % ; j’entends M. Karoutchi nous confirmer que cela n’a effectivement pas plombé l’économie.

M. Roger Karoutchi. Je n’ai pas dit ça ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Fabien Gay. Vous savez que vous êtes le bienvenu sur nos travées, mon cher collègue ; nous défendons souvent la même chose. (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

C’est aussi arrivé à d’autres moments de l’histoire. Le SMIC a augmenté de 10 % en 1981, lorsque François Mitterrand est arrivé à l’Élysée, et de 4 % en 1995, avec l’arrivée de Jacques Chirac. Il a également augmenté de 4 % en 1997 et même de 2 % en 2012. Certes, il a moins augmenté au fur et à mesure… Mais les coups de pouce au SMIC n’ont jamais tué l’économie. Bien au contraire !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. M. Gay connaît la position traditionnelle de la commission, qui est hostile aux demandes de rapport. Au demeurant, comme il n’est pas envisagé d’augmenter le SMIC de 200 euros, je ne vois pas bien l’objet de cet amendement. Je suis donc au regret d’en rester à notre position traditionnelle. Le Gouvernement pourra ainsi se concentrer sur un rapport relatif à la prime d’activité, qu’il a lui-même proposé et que nous attendons tous.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. L’avis du Gouvernement est également défavorable.

Il existe déjà un rapport annuel d’un groupe d’experts indépendants sur le SMIC, son évolution et ses incidences. C’est un rapport public, que je tiens à votre disposition.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Nous le trouverons bien, madame la ministre !

Monsieur le rapporteur, nous sommes face à une crise sociale inédite qui nous invite à tout réinventer et à ne pas en rester, justement, à des réponses traditionnelles. Il faut bousculer l’ordre établi. Il faut augmenter le SMIC tout de suite. Sinon, nous n’en sortirons pas, et les gens nous le feront payer très cher !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article additionnel après l'article 4  - Amendement n° 10 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence économiques et sociales
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. Dix-huit mois, il vous aura fallu dix-huit mois pour constater l’urgence économique et sociale dans notre pays ! Pourtant, vous n’aviez mis que quelques mois pour créer un nouveau bouclier fiscal au profit des 1 % les plus aisés…

Au mois de juillet 2018, à l’approche du Congrès de Versailles, Alain Minc, qui est, je crois, un proche du Président de la République,…

M. Alain Joyandet. C’est un proche de tout le monde ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Patrick Kanner. … déclarait ceci : « L’inégalité est trop forte, nous risquons une insurrection. » Il ajoutait même que le manque d’équité sociale pouvait conduire à un « spasme » aux formes imprévisibles. C’était il y a six mois !

Vous avez créé un désordre social qui a abouti à un désordre public. Trop de certitudes, trop d’arrogance, trop d’intelligence… (Marques dironie sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Vous êtes déconnectés des Français : incompréhension, imprévision et, en cette période, on pourrait même parler d’incompétence.

Les Français ont exprimé un besoin de justice, de reconnaissance, de respect. Sans eux, vous continueriez à vous égarer et mèneriez le pays à de grandes difficultés, fragilisant fondamentalement notre modèle social.

Je me souviens des éléments de langage des ministres : « Macron ou le chaos ». Dans les faits, nous avons eu Macron et le chaos.

Mme Esther Benbassa. Exactement !

M. Patrick Kanner. Mesdames les ministres, votre mouvement venu de nulle part a été submergé par un mouvement venu de partout ; je ne fais que citer notre collègue Pierre Ouzoulias.

Les mesures que vous nous proposez sont insuffisantes pour les fonctionnaires, pour les retraités et pour les salariés, qui n’auront peut-être pas droit à cette fameuse prime de Noël « bonifiée ». Je pourrais également évoquer le financement des collectivités locales ; des CCAS seront en grande difficulté pour faire face à leurs obligations sociales.

Votre financement est déséquilibré. Il repose trop sur la solidarité nationale et pas assez sur ce que pourraient nous apporter les plus aisés de nos concitoyens. C’est le sens de notre projet de référendum d’initiative partagée pour le rétablissement de l’ISF.

Reste que nous sommes une gauche de gouvernement responsable : le groupe socialiste et républicain s’abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Requier. Notre groupe, qui est aussi responsable, votera ce texte à l’unanimité, moins une abstention. Nous faisons le choix du vote conforme, car il y a urgence : l’intitulé du projet de loi fait d’ailleurs référence à l’urgence en matière économique et sociale.

Certains parlent de « mesurettes », de « miettes », de « rideau de fumée ». Des miettes à 10 milliards d’euros, ce n’est tout de même pas rien !

M. Alain Joyandet. C’est déjà une belle brioche !

M. Jean-Claude Requier. Je crois que ces mesures vont dans le bon sens. On peut les juger insuffisantes, mais l’effort est quand même significatif.

Je me plais à souligner l’apport du Sénat, qui a été à l’avant-garde s’agissant de la suppression de la hausse des taxes sur le carburant ou d’autres mesures proposées. Il est assez curieux que beaucoup de manifestants veuillent supprimer le Sénat, jugeant qu’il est inutile. En l’occurrence, il a prouvé qu’il avait un rôle à jouer ; en plus d’avoir été à l’avant-garde, il a été à l’écoute des territoires et des élus ruraux, faisant montre de cette empathie que l’on n’a peut-être pas toujours eue ailleurs.

Je suis heureux de siéger à la Haute Assemblée et de constater que nous allons tous ensemble voter ce texte. Encore une fois, il y a urgence ! Je pense que ces mesures seront un réconfort pour beaucoup.

Nous voterons donc le projet de loi à l’unanimité moins une abstention, car nous sommes un groupe diversifié, avec une liberté de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Nous l’avons indiqué, les réponses du Gouvernement ne sont pas à la hauteur des attentes et des besoins. Les dispositions contenues dans ce projet de loi tendent à donner un semblant d’augmentation du pouvoir d’achat sans mettre à contribution les plus fortunés. D’ailleurs, tous nos amendements en ce sens, qu’il s’agisse de la contribution sur les dividendes ou du rétablissement de l’impôt sur la fortune, ont été déclarés irrecevables.

Le Gouvernement doit cesser de refuser le débat sur le partage des richesses et la participation des grandes entreprises à la solidarité nationale. Aucune mesure réellement efficace ne pourra être prise tant que vous refuserez de taxer le capital.

L’argument contre le rétablissement de l’impôt sur la fortune avancé par M. Macron est particulièrement fallacieux. D’après lui, les plus riches partiraient de notre pays, qui serait ainsi affaibli. C’est totalement faux ! En 2012, 587 redevables de l’ISF avaient quitté le territoire, soit un nombre faible et stable, d’après la direction générale des finances publiques, pour un manque à gagner de 270 millions d’euros pour l’État. La suppression de l’impôt sur la fortune a un coût de 4,2 milliards d’euros par an pour l’État. Et quel est le gain pour le pays ? Selon une note de Bercy, lue dans Forbes, il y a eu 50 000 emplois créés en plus, soit un demi-point de PIB sur les cinq prochaines années. En d’autres termes, chaque emploi créé coûte 500 000 euros d’argent public ! Je trouve la note salée… En plus, la transformation de l’impôt sur la fortune en impôt sur l’immobilier a fait chuter de 10 % les dons aux associations. Pour qui connaît le rôle des associations, c’est terrible !

Vous avez refusé tout cela dans le débat. Vous parlez de mesures d’urgence, mais il n’y a aucune mesure d’urgence de financement pour une vraie politique sociale.

Évidemment, un pas a été franchi grâce à la mobilisation populaire. Nous en tenons compte. C’est pourquoi notre groupe s’abstiendra à la quasi-unanimité. Mais vous êtes vraiment loin du compte et vous restez totalement imperméables aux propositions alternatives. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Comme l’a très bien dit Alain Milon, nous voterons ce texte, mais sans enthousiasme. Ce sera un vote non pas d’adhésion, mais de responsabilité. Nous avons en effet des réserves, et elles sont sérieuses.

D’abord – plusieurs d’entre nous l’ont souligné –, ces mesures sont essentiellement financées par de la dette, à 60 %. Or la dette d’aujourd’hui, ce sont les impôts de demain et d’autres « gilets jaunes » d’après-demain ! D’ailleurs, madame la ministre, la non-compensation pour le budget de la sécurité sociale, que nous avions déjà dénoncée – à l’époque, plus de 2 milliards d’euros n’étaient pas financés dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale –, est un véritable problème.

Ensuite, de telles mesures créeront des déceptions, des divisions entre les salariés qui y auront droit et les autres, entre ceux du privé et ceux du public, entre les entreprises qui pourront accorder la prime exceptionnelle et celles qui ne le pourront pas.

Enfin, il y a évidemment l’essentiel : le mouvement des « gilets jaunes » est un cri de colère, mais aussi un cri existentiel. On ne peut pas réduire ses revendications aux seuls aspects matériels. Il y a un sentiment de relégation, sans doute sociale et économique, mais également territoriale et civique. M. le président de la commission des affaires sociales a parlé d’« abaissement ». Oui, il y a un sentiment d’abaissement ! Il faudra bien autre chose pour que le problème puisse être réglé au fond.

Alors, oui, nous voterons ce texte sans enthousiasme, mais avec cet esprit de responsabilité qui nous caractérise.

Mme Éliane Assassi. Nous aussi, nous sommes responsables ; ce n’est pas la question !

M. Bruno Retailleau. D’une part, lorsqu’il y a un incendie, on ne jette pas de l’huile sur le feu ; on ne souffle pas sur les braises encore rougeoyantes de la colère. C’est une évidence !

D’autre part, au moment où c’est la légitimité qui est atteinte, pas seulement celle du Président de la République ou du Gouvernement, mais celle de tous les élus, il n’y aurait, me semble-t-il, rien de pire que de vider de leur substance et de retirer toute portée concrète aux annonces du Président de la République.

C’est donc avec cet esprit de responsabilité que nous voterons le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Les mesures annoncées par le Président de la République voilà quelques jours à peine ont été traduites très rapidement dans ce projet de loi. La procédure est évidemment exceptionnelle par sa brièveté ; elle l’est aussi par son ampleur, comme cela a été souligné sur différentes travées.

Il fallait sans doute éteindre l’incendie et donner des signaux de compréhension de la colère qui s’est exprimée et des difficultés du déclassement vécues par les classes moyennes dans notre pays. Nous avions été nombreux dans cet hémicycle à alerter sur la désindexation des retraites, sur la CSG pour les retraités et sur d’autres mesures qui n’ont pas été comprises et qui, traduites d’une manière pour le moins imparfaite, ont été à la source d’une partie des difficultés.

Le Sénat a abordé la discussion dans un esprit de responsabilité. Nous nous sommes centrés sur l’obligation de sortir par le haut d’une crise exceptionnelle qui ne peut pas durer. Nous l’avons montré, je pense, dans les débats d’aujourd’hui. Chacun mesure la difficulté du moment. Malgré tout, un certain nombre de sujets sont encore devant nous : l’équité, le partage des difficultés, le partage des richesses. Les mesures proposées sont imparfaites ; elles vont créer des différences selon les situations. Je pense qu’un certain nombre de revendications se feront bientôt entendre dans la fonction publique. Et comment ne pas les entendre ?

Au-delà de tout cela, la situation est très baroque : plus de 10 milliards d’euros ont été dépensés en peu de temps, et nous n’avons que peu de réponses sur le financement. Chacun voit bien qu’un projet de loi de finances rectificative est sans doute indispensable à très court terme pour donner une quille à la stratégie économique et financière. Nous sommes à la merci d’une augmentation des taux d’intérêt. Je rappelle simplement quelques chiffres : le déficit dépasse les 100 milliards d’euros, la dette atteindra bientôt 100 % du PIB et les prélèvements obligatoires s’élèvent à 1 000 milliards d’euros. La stratégie économique et financière a vraiment besoin d’être reprécisée.

Nous voterons ce projet de loi par esprit de responsabilité. Nous souhaitons que la voix du Sénat soit plus entendue demain qu’elle ne l’a été hier. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.

M. Michel Amiel. Ainsi que cela figure dans l’intitulé du projet de loi, il s’agit de mesures d’« urgence ». C’est un peu comme en médecine : il y a la médecine d’urgence et la médecine de fond. Les solutions d’urgence ne sont jamais parfaitement satisfaisantes. Elles sont là pour répondre à une situation grave, à un moment donné. On ne pouvait évidemment pas balayer d’un revers de main le mouvement des « gilets jaunes », qui traduit véritablement un profond malaise.

Afin de ne pas laisser à Alain Milon le monopole de René Char, je vous livre cette citation : « La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil. »

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. C’est vrai !

M. Michel Amiel. Cette lucidité, essayons de la partager pour comprendre un tel mouvement et pour essayer d’y apporter des réponses humaines et solidaires. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

M. Alain Fouché. Les difficultés ne datent pas d’aujourd’hui. Je pense que le gouvernement précédent a sa part de responsabilité.

M. Rachid Temal. Et les gouvernements d’avant aussi !

M. Alain Fouché. Ce qui est proposé n’est pas le Pérou, mais le climat est grave. Le Gouvernement ne pouvait pas ne rien faire.

C’est un premier pas ; on attend plus. Pour l’heure, le groupe Les Indépendants votera ce texte.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, et moi-même tenons à saluer l’esprit de responsabilité du Sénat et la coopération entre les deux assemblées, qui ont permis le vote, en ce 21 décembre, du projet de loi portant mesures d’urgence économiques et sociales, dans le délai que vous savez. C’est tout à l’honneur de la démocratie représentative.

Permettez-moi de vous souhaiter à tous de très bonnes fêtes. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence économiques et sociales
 

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Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 15 janvier 2019, à quatorze heures trente :

Débat sur la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Débat sur la gouvernance des grands groupes coopératifs agricoles.

Débat sur les mobilités du futur.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD