M. Alain Fouché, rapporteur. Si ! Je m’en souviens très bien !
Mme Catherine Procaccia. À l’époque, lors des auditions, la Direction générale de l’aviation civile, la DGAC, m’avait assuré que l’extension aux contrôleurs aériens était inutile, les dispositions existantes suffisant amplement.
Au mois de janvier 2010, lors d’un débat organisé sur mon initiative sur le service minimum dans l’aérien, le ministre des transports de l’époque me répondait : « Les grévistes ne sont pas obligés de se déclarer à l’avance, ce qui conduit souvent à annuler plus de vols que nécessaire ». Cela a été rappelé. Il ajoutait : « Peut-être faudrait-il modifier en ce sens la loi de 1984 ». Mais lui ne l’a pas fait, et il est inutile de compter sur ses successeurs socialistes : il suffit d’ailleurs d’écouter mes collègues présents ce soir ! Et en 2012, la loi Diard, qui a été votée, ne concernait pas non plus les aiguilleurs du ciel.
J’espère que nous allons voter cette proposition de loi. Je la soutiens, même s’il manque un élément essentiel à mes yeux : le volet prévention des conflits avant le déclenchement de la grève. C’est d’ailleurs un peu ce que vous proposez avec la concertation, madame la ministre.
Je ne peux pas oublier les débats un peu surréalistes qui ont été tenus dans cet hémicycle sur le droit de grève dans le secteur aérien. Nous en avons eu un aperçu ce soir.
Madame la ministre, je ne doute pas que vous êtes consciente de la nécessité d’agir, même si vous n’êtes pas autorisée à émettre un avis favorable sur cette proposition de loi. Il faut que le texte soit également voté par l’Assemblée nationale et, sans doute, amendé, comme le souhaite notre collègue Vincent Capo-Canellas.
Car que se passera-t-il si la France est condamnée, comme je l’évoquais en introduction ? Ne vaut-il pas mieux se concerter, élaborer un texte qui pourrait être accepté par les contrôleurs aériens, au lieu d’être contraint et forcé de prendre au dernier moment des mesures qui provoqueront des grèves sans doute encore plus dures ? Cette loi ne mettra pas fin aux grèves, mais elle permettra de mieux organiser un service essentiel pour la France et l’Europe. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous allons retourner sur terre.
Voilà 261 jours, soit huit mois et dix-sept jours, que des facteurs se sont mis en grève dans les Hauts-de-Seine, du jour au lendemain, sur le fondement d’un préavis qui courrait depuis 2015. Il a fallu plus de deux mois avant que le ministère de l’économie et des finances, qui assure la tutelle de l’établissement La Poste, ne prenne connaissance du problème grâce aux courriers parlementaires. En effet, les indicateurs de performance mensuels, établis à la maille départementale, ne reflétaient pas la forte dégradation de la qualité du service public à la maille locale. Il y a eu près de trois mois sans aucun courrier dans certains quartiers - lettres des communes de Boulogne-Billancourt, Neuilly-sur-Seine, Levallois-Perret ou Asnières-sur-Seine. Au plus fort du mouvement, il y avait près de 800 000 plis en souffrance, stockés, en attente d’un tri, puis d’une distribution. Et, en conséquence, des plis datés du mois d’avril ne sont arrivés à destination qu’au début du mois de septembre !
Combien de petites entreprises, d’artisans, de commerçants, de professions libérales ont perdu des clients ou des marchés à cause de cette défaillance du service public ? Combien de patients n’ont pas reçu à temps les résultats de leur analyse médicale ou leur convocation à l’hôpital ? Combien de futurs acheteurs ont connu d’immenses difficultés à conclure leur offre de prêt ? Combien d’automobilistes reçoivent désormais des amendes majorées pour un soi-disant refus de paiement ?
M. Roger Karoutchi. Très bien !
Mme Christine Lavarde. Dans une société de plus en plus immatérielle, nombre de documents officiels continuent cependant à être échangés entre particuliers, entreprises, associations ou administrations sous forme matérielle par la voie postale.
Les exemples sont nombreux : carte bancaire, code de carte bancaire, carnet de chèques, chèque, facture, extrait d’acte de naissance, résultat médical, avis d’imposition, amende de police, et la liste est encore plus longue.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
Mme Christine Lavarde. La réception de ces documents avec retard peut avoir des conséquences pénalisantes : majoration d’amende, radiation de la sécurité sociale. Il est impossible dans toutes ces situations de se tourner vers une solution alternative. En effet, force est de le constater, malgré l’ouverture de la totalité du marché du courrier à la concurrence depuis le 1er janvier 2011, aucun acteur n’est venu concurrencer La Poste sur le marché des plis de moins de cinquante grammes.
Le service universel postal, défini à l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques, précise qu’au titre de service public, le service universel postal « est assuré dans le respect des principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité en recherchant la meilleure efficacité économique et sociale ». Compte tenu des mouvements sociaux survenus ces derniers mois, et pas seulement dans les Hauts-de-Seine, mais en plusieurs points du territoire, la juste conciliation du droit de grève et de la continuité du service public postal n’a jamais semblé aussi indispensable. C’est l’objet de la proposition de loi qui a été cosignée par plus de quatre-vingts d’entre nous.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
Mme Christine Lavarde. La réglementation du droit de grève des agents publics en droit français manque d’unité – cela a été souligné –, et le bénéficiaire du service public, à savoir l’usager, se trouve confronté à des textes « divers et variés », selon l’expression du professeur Pierre Delvolvé, qui ajoute dans son commentaire du célèbre arrêt Dehaene du 7 juillet 1950 : « L’ampleur et le succès des mouvements de grève dépendent essentiellement des conditions de fait et des rapports de force, et échappent dans une large mesure à l’emprise des limitations juridiques. »
Ces limitations juridiques, qui vont de l’obligation de déposer un préavis à l’interdiction d’une grève tournante en passant par la réquisition, manquent singulièrement d’unité. Ainsi, selon le service public concerné, il y aura une obligation de préavis ou une obligation de service minimum. Le délai de ce préavis ne sera pas le même selon le service public : de quarante-huit heures dans l’éducation nationale à cinq jours pour un agent territorial.
Madame la ministre, pourquoi, dans le « nouveau monde », ne pourrait-on pas unifier l’ensemble de ces limitations dans un souci de simplification ?
M. Laurent Duplomb. Tout à fait !
Mme Christine Lavarde. Pourquoi ne pas légiférer au lieu d’attendre du gouvernement des juges des décisions jurisprudentielles variables selon les magistrats, selon le temps, selon les parties ?
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
Mme Christine Lavarde. Pourquoi, surtout, ne pas unifier et étendre les règles de service minimum ? La présente proposition de loi du groupe Les Indépendants – République et Territoires nous invite au débat. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Delattre applaudit également.)
M. Alain Houpert. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je souhaite vous rassurer, madame Procaccia : il n’y a aucun risque que la France soit condamnée dans le cadre de la plainte déposée par quatre compagnies aériennes. Ces dernières ont d’ailleurs peut-être aussi beaucoup à se faire pardonner auprès des passagers… Le survol de la France a toujours été assuré. Aucune règle internationale n’indique que le survol doit être assuré sans délai. En fait, les compagnies aériennes concernées font un peu de la communication.
Oui, il y a des perturbations dans le transport aérien ; cela a été souligné. Mais ne sous-estimons pas non plus les conséquences des événements météorologiques, qui sont d’ailleurs sans doute appelés à se développer ; il faut nous y préparer. En outre, il y a eu des sous-investissements.
M. Max Brisson. Tout à fait !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Et il y a un problème d’effectifs dans le contrôle aérien. Enfin, un certain nombre de compagnies aériennes conçoivent leur rotation de façon trop juste : le moindre grain de sable, par exemple un événement météorologique, conduit à des effets boule de neige qui perturbent et qui pénalisent de nombreux passagers. (M. Claude Malhuret s’exclame.)
À propos des grèves, je rappelle – certes, les chiffres sont désormais largement partagés – qu’il existe un service minimum dans les services du contrôle aérien ; c’est, me semble-t-il, unique. Il y a effectivement une possibilité d’astreinte pour les agents concernés. Par ailleurs, il existe un préavis, comme pour tous les agents de la fonction publique.
Il est sans doute utile de réfléchir à des dispositifs de prévention des conflits, qui existent dans d’autres secteurs mais pas dans le transport aérien, ainsi qu’à des mesures permettant de mieux anticiper des conséquences d’une grève, par exemple avec des déclarations préalables des agents concernés.
Nous le voyons, c’est une architecture qu’il s’agit de bâtir. Ma conviction est qu’une telle architecture et que de tels dispositifs seront d’autant plus efficaces et mieux acceptés qu’ils auront été précédés d’une concertation.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative à l’obligation de déclaration de participation à une grève des contrôleurs aériens
Article unique
Après l’article 1er de la loi n° 84-1286 du 31 décembre 1984 abrogeant certaines dispositions des lois n° 64-650 du 2 juillet 1964 relative à certains personnels de la navigation aérienne et n° 71-458 du 17 juin 1971 relative à certains personnels de l’aviation civile, et relative à l’exercice du droit de grève dans les services de la navigation aérienne, il est inséré un article 1er bis ainsi rédigé :
« Art. 1er bis. – En cas de grève et pendant toute la durée du mouvement, les personnels des services de la navigation aérienne qui assurent des fonctions de contrôle, d’information de vol et d’alerte et qui concourent directement à l’activité du transport aérien de passagers informent leur chef de service ou la personne désignée par lui de leur intention d’y participer, de renoncer à y participer ou de reprendre leur service, dans les conditions prévues aux trois premiers alinéas de l’article L. 1114-3 du code des transports. En cas de manquement à cette obligation, ces personnels sont passibles d’une sanction disciplinaire dans les conditions prévues à l’article L. 1114-4 du même code.
« Les informations issues des déclarations individuelles des agents ne peuvent être utilisées que pour l’organisation du service durant la grève. Elles sont couvertes par le secret professionnel. Leur utilisation à d’autres fins ou leur communication à toute personne autre que celles désignées par l’employeur comme étant chargées de l’organisation du service est passible des peines prévues à l’article 226-13 du code pénal. »
Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Capo-Canellas, Bonnecarrère, Prince, Canevet, Henno, Détraigne, Laugier, Lafon, Janssens, Cigolotti, Médevielle, Moga, Vanlerenberghe et Kern et Mmes de la Provôté, Doineau, Létard, Gatel, Vermeillet, Tetuanui, Dindar, Vullien, Loisier, Férat, N. Goulet et Guidez, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article 2 de la loi n° 84–1286 du 31 décembre 1984 abrogeant certaines dispositions des lois n° 64–650 du 2 juillet 1964 relative à certains personnels de la navigation aérienne et n° 71–458 du 17 juin 1971 relative à certains personnels de l’aviation civile, et relative à l’exercice du droit de grève dans les services de la navigation aérienne, sont insérés trois articles 2–1 à 2–3 ainsi rédigés :
« Art. 2–1. – Le dépôt d’un préavis de grève ne peut intervenir qu’après activation d’une procédure de prévention des conflits tendant à développer le dialogue social.
« Art. 2–2. – Le dépôt d’un préavis de grève ne peut intervenir avant quinze jours francs après l’activation de cette procédure.
« Art. 2–3. – Un décret en Conseil d’État fixe les règles d’organisation et de déroulement de la négociation préalable mentionnée à l’article 2–1. »
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Je suis attaché à un système équilibré. Comme nous ajoutons une contrainte, l’obligation de se déclarer gréviste, il me semble logique de veiller en parallèle à la prévention des conflits sociaux pour éviter le nombre de grèves et d’essayer de favoriser le dialogue social.
Cet amendement vise donc à introduire une procédure obligatoire de prévision des conflits sociaux, avec un délai de quinze jours. Cela laisse le temps de vérifier qu’il y a une bonne raison de faire grève et de permettre à la direction, peut-être, d’apporter des éclaircissements, voire de nouer un dialogue, dans des formes qu’il faudra définir par décret.
Il s’agit de réduire la conflictualité sociale. Une telle procédure de prévention des conflits sociaux sera évidemment combinée au dispositif de réquisition et à ce texte instaurant l’obligation de se déclarer gréviste. Ce sera complémentaire avec ce que la DGAC fait déjà : les protocoles sociaux triennaux. Ceux-ci sont signés avec les organisations syndicales et visent à améliorer la performance globale du système.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Cet amendement tend à rédiger intégralement l’article. En fait, lui et le suivant visent à réécrire la proposition de loi pour revoir les conditions d’exercice du droit de grève des contrôleurs aériens.
Il est proposé d’adapter le dispositif du service minimum pour faire en sorte que les réquisitions de personnels ne puissent concerner au maximum que 50 % de l’effectif opérationnel prévu le jour de la grève.
M. Vincent Capo-Canellas. Ça, c’est l’amendement suivant, pas celui dont nous discutons actuellement !
M. Alain Fouché, rapporteur. Je réponds sur les deux amendements, qui sont liés.
Mme la présidente. Nous examinons l’amendement n° 2 rectifié, et uniquement celui-là, monsieur le rapporteur.
M. Alain Fouché, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Cet amendement vise à mettre en place un dispositif de prévention des conflits. Je ne puis qu’y être favorable.
Toutefois, comme je l’indiquais, en l’état, une telle proposition modifie très significativement la manière dont doit se dérouler la négociation préalable à la grève pour les personnels concernés de la navigation aérienne. Il est prévu d’instaurer un délai de quinze jours qui viendrait s’ajouter au délai de droit commun de cinq pour les préavis de grève. Cela changerait fondamentalement les conditions d’exercice du droit de grève dans le secteur. Je pense qu’il faut une réelle concertation sur chacun des dispositifs et sur leur cumul.
C’est pourquoi je sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Je maintiens mon amendement, qui répond, me semble-t-il, à une logique d’équilibre. Si on instaure une obligation, le minimum me paraît être de veiller à se donner les moyens du dialogue et de la concertation avant d’aller à la grève.
Monsieur le rapporteur, je suis confus, mais vous m’avez répondu sur un amendement que je n’ai pas encore présenté. L’amendement n° 1 rectifié bis vise effectivement à apporter une modification substantielle ; je suis d’accord pour dire qu’il s’agit de réécrire le texte.
En revanche, l’amendement dont nous discutons actuellement tend simplement à ajouter un dispositif de prévention des conflits. L’élément complémentaire que je propose me semble aller dans le sens de ce qui est recherché : diminuer la conflictualité et le nombre de grèves.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Ainsi que je l’ai indiqué, ce qui manque dans la proposition de loi, c’est un mécanisme de prévention des conflits qui impose un dialogue. Je rappelle à notre collègue rapporteur qu’un tel dispositif existait dans la proposition de loi qu’il avait cosignée…
Je ne sais pas si le délai retenu, quinze jours, est le bon, mais je pense qu’il est important d’avoir un tel élément dans le texte pour ne pas donner le sentiment de remettre en cause le droit de grève. En l’occurrence, il s’agit de prévenir les conflits en dialoguant d’abord, puis de mettre le système de préavis en place ensuite.
À titre personnel, je voterai l’amendement de mon collègue Vincent Capo-Canellas.
Mme la présidente. En conséquence, l’article unique est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l’article unique
Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Capo-Canellas, Bonnecarrère, Prince, Canevet, Détraigne, Henno, Laugier, Lafon, Janssens, Cigolotti, Kern, Médevielle et Vanlerenberghe, Mmes Guidez, Vullien, Loisier, Férat, N. Goulet et Dindar, M. Moga et Mmes de la Provôté, Létard, Gatel, Vermeillet, Doineau et Tetuanui, est ainsi libellé :
Après l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article 3 de la loi n° 84-1286 du 31 décembre 1984 abrogeant certaines dispositions des lois n° 64-650 du 2 juillet 1964 relative à certains personnels de la navigation aérienne et n° 71-458 du 17 juin 1971 relative à certains personnels de l’aviation civile, et relative à l’exercice du droit de grève dans les services de la navigation aérienne, après le mot : « , désigne », sont insérés les mots : « dans la limite de 50 % de l’effectif opérationnel prévu d’être en fonction le jour de la cessation concertée du travail, ».
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Cet amendement est, j’en conviens, plus substantiel.
Comme cela a été expliqué il y a quelques instants, la Direction des services de la navigation aérienne, la DSNA, peut pratiquer des réquisitions – d’ailleurs, elle ne s’en prive pas, et on la comprend – sur un taux important : 50 % des contrôleurs, voire plus, peuvent être réquisitionnés. L’amendement vise à combiner l’obligation de se déclarer gréviste à ce système.
Je propose de limiter le pourcentage de réquisitions à 50 %. Le mécanisme permet de connaître le nombre d’avions qu’il faudra supprimer, parce que l’on connaîtra le nombre de grévistes, et il sera possible de procéder à des réquisitions. La combinaison entre, d’une part, obligation de se déclarer gréviste et, d’autre part, maintien du taux de réquisitions à plus de 50 % pourrait être excessive. Je suggère donc de limiter les réquisitions à 50 % du personnel, ce qui garantit déjà un service minimum important.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Cet amendement tend à rédiger complètement l’article. Son adoption aurait pour effet d’écraser le texte et de supprimer l’obligation de déclaration préalable. (M. Vincent Capo-Canellas le conteste.)
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Cet amendement concerne un autre sujet. Il s’agit de modifier le régime du service minimum des services de la navigation aérienne en limitant le nombre de personnels astreints à 50 % de l’effectif opérationnel en fonction le jour de la grève.
Je le rappelle, la loi de 1984 instaure une obligation de résultat sur la continuité d’un certain nombre de services à assurer. La fixation d’un plafonnement des astreintes est contradictoire avec l’obligation de garantir l’exécution du service minimum en toutes circonstances, selon les termes de la loi.
Si le plafond proposé était retenu, il pourrait parfois conduire à une diminution du niveau de service minimum, avec des conséquences en particulier sur la desserte de certains aéroports métropolitains. Cela ne manquerait pas d’avoir des incidences sur le traitement d’un certain nombre d’événements ponctuels, comme le Festival de Cannes ou le Grand Prix de Monaco, qui exposent certains aéroports à de très fortes variations d’activité. Dans ces circonstances, il peut se révéler nécessaire de disposer d’une capacité plus élevée nécessitant d’astreindre des personnels supplémentaires.
De telles situations ont fait l’objet à plusieurs reprises de jugements des tribunaux administratifs, qui en ont validé le bien-fondé. La limitation proposée ne permettrait pas au service du contrôle aérien de faire face, avec les conséquences économiques, médiatiques, mais également d’ordre public que l’on peut imaginer. Par ailleurs, la France s’exposerait à ne pas pouvoir respecter ses engagements internationaux.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. J’en conviens tout à fait, cet amendement est plus substantiel. En revanche, monsieur le rapporteur, il n’écrase pas le texte. Dès lors que nous avons voté l’article unique, le texte existe. Je souhaite simplement ajouter un dispositif.
L’argument du Festival de Cannes ne me paraît pas le plus performant. (Sourires.) Certes, il faut évidemment veiller aux grands événements médiatiques ; ce n’est pas l’ancien maire du Bourget qui dira le contraire, pour d’autres événements !
J’accepte de retirer mon amendement, en notant toutefois que la combinaison des deux systèmes crée une petite fragilité.
Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Capo-Canellas, Bonnecarrère, Prince, Henno, Détraigne, Lafon, Laugier, Moga, Canevet, Vanlerenberghe, Cigolotti, Médevielle et Kern et Mmes de la Provôté, Létard, Gatel, Doineau, Vermeillet, Tetuanui, Dindar, Vullien, Loisier, Férat, N. Goulet et Guidez, est ainsi libellé :
Après l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 16 octobre de chaque année, le Gouvernement présente au Parlement un rapport relatif à l’état d’avancement des grands programmes de modernisation des outils de contrôle de la navigation aérienne, menés par la direction des services de la navigation aérienne. Ce rapport détaille notamment les coûts de réalisation de chacun de ces programmes, les délais de mise en œuvre de ces outils dans les centres de contrôle en route et les tours de contrôle, et la performance opérationnelle de ces systèmes à l’aide d’indicateurs précis. Il rend également compte de l’état d’avancement du dialogue social avec les personnels du contrôle de la navigation aérienne afin d’améliorer l’organisation du travail dans les centres de contrôle pour répondre à l’évolution du trafic.
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, nous souhaitons que, chaque année, le Parlement puisse disposer d’un rapport. Il faut que les contrôleurs puissent voir par écrit l’état d’avancement de la modernisation de leur outil de travail. Cela me paraît utile lorsqu’on leur fixe de nouvelles contraintes.
Le sujet principal est que nous n’avons pas suffisamment modernisé aujourd’hui. Nous aurons bientôt dépensé 2,1 milliards d’euros pour un système qui n’est pas encore performant aujourd’hui.
Nous devons augmenter la capacité de traitement des vols ; c’est un vrai sujet. Comme je l’ai souligné dans mon rapport – mon but n’était pas de polémiquer ou de stigmatiser qui que ce soit –, la France a une difficulté. J’ai pointé un certain nombre de fragilités sur lesquelles nous devons réfléchir : à ce prix-là, si j’ose dire, il faudrait tout de même qu’on y voit clair sur le rythme avec lequel nous pourrons nous doter de matériels et de logiciels dont les autres pays ont pu bénéficier.
J’ai beaucoup de respect pour ceux dont c’est le métier. C’est une mission particulièrement difficile. Il y a aussi des enjeux industriels. Je sais que Mme la ministre, la DSNA et la DGAC en sont conscientes.
Je propose donc de nous doter collectivement d’une visibilité sur la modernisation de ce service, en parallèle de l’effort qui est demandé aux contrôleurs sur le droit de grève.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Cet amendement prévoit que le Gouvernement présente chaque année au Parlement un rapport sur l’état d’avancement des programmes de modernisation des outils de contrôle de la navigation aérienne, le rapport devant notamment présenter le délai de mise en œuvre de ces outils, ainsi que leur performance opérationnelle.
Une telle demande fait suite au constat alarmant que notre collègue Vincent Capo-Canellas a effectivement dressé dans son rapport sur le contrôle aérien au mois de juillet dernier. Ce rapport montre que l’obsolescence des instruments de navigation aérienne est responsable de nombreux retards de vol et que les programmes de modernisation de ces instruments ont pris beaucoup de retard et représentent un coût très important.
Une telle préoccupation a d’ailleurs été relayée par l’ensemble des syndicats que j’ai auditionnés. Nous partageons cette inquiétude.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement, qui, s’il est adopté, permettra au Parlement d’être régulièrement informé de l’avancement des programmes de modernisation.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Mener à bien ces grands programmes de modernisation de nos outils de contrôle aérien est effectivement un impératif. Je regrette le retard qui a été pris, en raison parfois de contraintes budgétaires.
Il me semble indispensable de doter nos contrôleurs aériens des meilleurs outils. Je trouve parfaitement légitime que le Parlement souhaite avoir un compte rendu régulier de l’avancement de la modernisation de ces outils.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. Michel Savin. Bien !