Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Mouiller, rapporteur pour avis. J’insiste de nouveau sur la remise à plat du fonctionnement des MDPH, qui, comme l’a très bien expliqué René-Paul Savary, est essentielle, s’agissant aussi bien des financements, puisque les départements viennent compenser les manques de l’État, que de la mise en place des nouvelles mesures comme la réponse accompagnée pour tous, en cours de déploiement dans les départements et pour laquelle les services de l’État, notamment de l’éducation nationale, sont parfois absents, alors que la loi les oblige à être autour de la table pour trouver des solutions pour tous.

C’est aussi un débat de simplification. Depuis que je suis sénateur, année après année, on parle de la simplification des mesures : c’est souvent un vœu, mais la traduction juridique ne suit pas les souhaits tous les jours. Aujourd’hui, on voit bien que les MDPH sont encore sous une masse de travail relativement importante. Il y a urgence à réagir !

Le débat de l’information sur l’ensemble des données est également essentiel.

D’une façon générale, monsieur Savary, les MDPH ont une connaissance parfaite des besoins des territoires, alors que les départements n’ont pas, aujourd’hui, la pleine capacité de planifier les besoins. Si l’on veut être cohérent, il faut donner aux MDPH les moyens d’agir, mais aussi aller jusqu’au bout à l’égard des départements.

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous invite encore une fois à la concision, pour que nous puissions terminer le débat général sur la mission « Santé » avant la suspension de la mi-journée.

Monsieur Brisson, l’amendement n° II-87 rectifié est-il maintenu ?

M. Max Brisson. J’ai été convaincu par les arguments de MM. Bazin, Savary et Mouiller beaucoup plus que par les vôtres, madame la secrétaire d’État, mais peut-être m’en donnerez-vous d’autres.

Je vais retirer cet amendement, au risque de décevoir certains de mes collègues qui voulaient le voter. Il s’agissait d’un amendement d’appel, destiné à poser la question du statut des soixante-trois MDPH employeurs, des personnels qui y travaillent et du rôle de ces structures. Il convient d’ouvrir une véritable réflexion nationale sur les charges des MDPH, sur le statut de leurs agents et sur l’ensemble des préoccupations qui ont été exprimées par nos collègues.

Je retire donc mon amendement, en restant particulièrement vigilant sur les réponses qui seront apportées.

Mme la présidente. L’amendement n° II-87 rectifié est retiré.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire dÉtat. Je suis pleinement mobilisée pour associer les départements. Ainsi, j’ai confié à Corinne Segrétain, du département de la Mayenne, le soin de piloter ce chantier. Je compte sur vous pour que nous puissions mener tous ensemble ce travail sur l’organisation des MDPH, dont on voit bien la nécessité.

Je vous rappelle que j’ai accéléré la demande du système d’information commun des MDPH, parce que nous naviguons à vue sur les besoins des personnes. Trois opérateurs communs se mettent en ordre de marche pour que, dès 2019, nous ayons enfin un système d’information commun, qui nous permette de mieux connaître les besoins et les moyens sur les départements. Actuellement, nous n’avons aucune visibilité sur les places disponibles et la manière de répondre au mieux aux besoins.

Depuis la loi de 2005, nous avons perdu douze ans dans ce domaine, parce que les MDPH et les départements sont autonomes dans leurs choix informatiques.

M. René-Paul Savary. Oui, nous avons perdu du temps. Mais on peut le rattraper !

Mme Sophie Cluzel, secrétaire dÉtat. Nous le rattrapons et nous accélérons le déploiement du futur outil, qui permettra de mieux connaître les besoins. La CNSA est pleinement mobilisée auprès des MDPH en appui de cette transformation.

Vous pouvez compter sur ma détermination, et je veux bien compter sur votre appui : réfléchissons ensemble à l’amélioration et à la rénovation de ces dispositifs indispensables qui assurent une réponse de proximité. Aujourd’hui, 30 % des MDPH sont des maisons de l’autonomie, des MDA, qui font converger les visions sur les personnes âgées et les personnes handicapées. C’est un vrai chantier, et je vous remercie d’y travailler avec moi ! (Mme Patricia Schillinger applaudit.)

Article additionnel après l'article 83 - Amendement n° II-87 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Article 83 ter (nouveau)

Article 83 bis (nouveau)

I. – Le 1° bis du I de l’article L. 14-10-1 du code de l’action sociale et des familles est abrogé.

II. – La section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° Le dernier alinéa de l’article L. 111-7-10 est supprimé ;

2° Après le mot : « domaine », la fin du dernier alinéa du III de l’article L. 111-7-11 est supprimée ;

3° L’article L. 111-7-12 est abrogé.

III. – Après le mot : « domaine », la fin de l’avant-dernier alinéa du III de l’article L. 1112-2-4 du code des transports est supprimée.

IV. – Le solde du fonds national d’accompagnement de l’accessibilité universelle prévu à l’article L. 111–7–12 du code de la construction et de l’habitation est affecté au budget général de l’État, qui reprend l’ensemble des droits et obligations de ce fonds. – (Adopté.)

Article 83 bis (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Article 83 quater (nouveau)

Article 83 ter (nouveau)

I. – Sans préjudice des principes définis à l’article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles, le service du revenu de solidarité active peut s’effectuer à titre expérimental par la remise d’un titre de paiement délivré par la caisse d’allocations familiales en Guyane, à Mayotte et à Saint-Martin.

Ce titre de paiement permet le retrait de monnaie fiduciaire auprès des établissements de crédits. Pour une fraction du montant de l’allocation versée, ce titre de paiement est réservé à des opérations directes d’achat au profit de tout commerce et de règlement de services au profit de personnes morales et de collectivités sur le territoire de l’Union européenne directement au moyen du titre de paiement. Cette fraction ne peut être inférieure à 50 % ni supérieure à 70 % du montant total de l’allocation versée au bénéficiaire.

Cette fraction peut faire l’objet d’un versement en tiers payant à la demande de l’allocataire.

II. – Les modalités de mise en œuvre de cette expérimentation, et notamment celles relatives aux conditions d’utilisation du titre de paiement, à la détermination de la fraction de l’allocation réservée à des opérations directes d’achat ou de règlement de services, aux conditions permettant à l’autorité décidant de l’attribution de l’allocation de prévoir une part inférieure à 50 % de la fraction définie au deuxième alinéa du I afin de tenir compte de la situation particulière d’un bénéficiaire de l’allocation, ainsi que les périmètres géographiques où le revenu de solidarité active est versé par l’intermédiaire du titre de paiement dans chacun des territoires concernés sont fixés par décret en Conseil d’État.

III. – L’expérimentation est mise en œuvre pour une durée de quatre ans à compter du 1er juillet 2019.

IV. – Au plus tard douze mois après le début de l’expérimentation, le Gouvernement dépose au Parlement un bilan d’évaluation de l’expérimentation dans chacune des collectivités concernées.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, je réitère la question que j’ai posée à votre collègue M. Dussopt dans le cadre de l’examen de la première partie du projet de loi de finances au sujet du changement des modalités de distribution du RSA en Guyane et à Mayotte.

Nous n’avons pas d’objections de fond sur ce sujet et nous voterons bien sûr l’article 83 ter, mais je souhaite connaître les conditions financières de la réforme. Quelle sera la période référence : la dernière année ou la moyenne des années précédentes ? Ce n’est pas tout à fait neutre pour ces deux départements.

Surtout, le Gouvernement va changer les règles d’attribution du RSA, notamment en prévoyant une période plus longue de présence sur le territoire national pour le verser. La dépense à consentir sera donc a priori moindre que la dépense consentie jusqu’ici par les deux départements. Dans quelle mesure cela est-il pris en compte ? Il me semble difficilement envisageable que le Gouvernement fasse des recettes de poche au détriment de ces deux départements, dont la solidité financière n’est pas particulièrement remarquable.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre. S’agissant de la recentralisation du RSA en Guyane, à Mayotte et à Saint-Martin, nous travaillons aujourd’hui pour clarifier exactement le contour de cette reprise. Monsieur le rapporteur spécial, vous avez donc raison : nous n’avons pas encore affiché clairement les règles.

Nous envisageons une expérimentation de la carte dématérialisée, qui ne pourra pas se faire partout sur le territoire, notamment en Guyane. Cette expérimentation est en train d’être organisée.

S’agissant de l’augmentation de la durée de séjour sur le territoire, c’était une demande des départements. Nous allons dans le sens d’un mouvement qui existait sur le terrain pour essayer d’éviter d’accorder le RSA à des gens qui viendraient sur notre territoire spécifiquement pour le toucher. Cette problématique se pose notamment en Guyane.

Des réponses précises vous seront données avant la fin de l’année sur les conditions dans lesquelles cette recentralisation aura lieu.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Je ne remets pas en cause les décisions prises par le Gouvernement en ce qui concerne l’attribution du RSA. Je dis simplement que ces décisions ont des répercussions financières.

Je vous invite à la plus grande transparence, madame la ministre, afin que nous puissions connaître les modalités de calcul des reprises de dotations sur le budget des départements. (Mme la ministre opine.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 83 ter.

(Larticle 83 ter est adopté.)

Article 83 ter (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Article additionnel après l'article 83 quater - Amendement n° II-407 rectifié ter

Article 83 quater (nouveau)

I. – En 2018, l’article L. 842-8 du code de la sécurité sociale s’applique dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

II. – Jusqu’au 31 décembre 2024, sont assimilés à des revenus professionnels pour le calcul de la prime d’activité, dans les conditions définies à l’article L. 842-8 du code de la sécurité sociale, les revenus suivants :

1° Les pensions et rentes d’invalidité, ainsi que les pensions de retraite à jouissance immédiate liquidées à la suite d’accidents, d’infirmités ou de réforme, servies au titre d’un régime de base légalement obligatoire de sécurité sociale ;

2° Les pensions d’invalidité servies au titre du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre ;

3° La rente allouée aux personnes victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles, mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 434-2 du même code.

III. – Le II du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2019 et il est applicable aux seules personnes ayant bénéficié de l’assimilation des revenus mentionnés aux 1° à 3° du même II à des revenus professionnels pour le calcul de la prime d’activité au moins une fois entre le 31 décembre 2017 et le 31 décembre 2018.

IV. – Le présent article est applicable dans les mêmes termes au département de Mayotte.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Le présent article, introduit par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, vise à rétablir la prise en compte des pensions et rentes d’invalidité relevant de la branche accidents du travail et maladies professionnelles dans le calcul de la prime d’activité pour 2018, et à partir du 1er janvier 2019 jusqu’au 31 décembre 2024 pour les seules personnes ayant bénéficié au moins une fois du dispositif entre le 31 décembre 2017 et le 31 décembre 2018.

Nous ne pouvons qu’être favorables à cet article, qui sécurise la situation des bénéficiaires de 2018 à 2024. Toutefois, nous tenions à vous faire part de nos plus vifs regrets, madame la ministre, quant aux conditions de mise en œuvre de cette mesure dans le courant de l’année 2018.

Par ailleurs, les modifications actuelles du Gouvernement ne sont pas pleinement satisfaisantes, et ce pour plusieurs raisons.

D’abord, vous mettez en œuvre un droit à deux vitesses : des personnes placées dans des situations équivalentes auront des droits différents.

Ensuite, vous sanctionnez le non-recours, en contradiction avec l’objectif que vous avez annoncé de lutter contre le non-recours aux droits. Les personnes qui n’ont pas demandé la prestation entre fin 2017 et fin 2018, alors qu’aucune campagne d’information particulière n’a été menée par le Gouvernement, en seront définitivement privées dans les années à venir.

Enfin, alors que vous évoquiez l’égalité de tous devant la loi, vous créez une situation complexe en matière de droits, qui s’avère paradoxale pour un gouvernement animé de la volonté de simplifier, qu’il invoque notamment – à tort – pour légitimer la suppression du complément de ressources. Cette situation est d’autant plus regrettable que les bénéficiaires du dispositif forment un public particulièrement vulnérable.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, nous vous demandons d’élargir les dispositions de cet article à tous les bénéficiaires, en revenant au droit existant avant la loi de finances pour 2018. Nous ne pouvons pas nous-mêmes déposer d’amendement en ce sens du fait de l’article 40 de la Constitution.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote sur l’article.

M. Jean-Louis Tourenne. Cette mesure n’est pas juste. C’est vraiment faire des économies de bouts de chandelle que de priver les accidentés ou les malades du travail, à l’égard desquels nous sommes redevables, de la prime d’activité.

Alors, j’entends bien : vous allez mettre en place un mini-système qui compensera, pour un certain nombre d’entre eux, ce manque de revenus. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit pour eux d’une double peine : ces personnes sont accidentées et ne peuvent plus travailler ; en plus, on leur enlève la prime d’activité, alors qu’ils ont rendu service à la Nation !

Je voterai contre cet article.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 83 quater.

(Larticle 83 quater est adopté.)

Article 83 quater (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Santé (début)

Article additionnel après l’article 83 quater

Mme la présidente. L’amendement n° II-407 rectifié ter, présenté par MM. Mouiller et Sol, Mme Deromedi, MM. Moga et Houpert, Mme Bruguière, MM. Daubresse et Détraigne, Mmes Berthet, Chauvin, Vullien et L. Darcos, MM. Morisset et Vaspart, Mmes Joissains et Bories, M. Bonne, Mmes Micouleau, Gruny et Billon, M. Pellevat, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Mandelli, J.M. Boyer et Darnaud, Mme Garriaud-Maylam, M. Louault, Mme Malet, MM. Kern, Canevet, Gilles et Le Gleut, Mmes Puissat et Imbert, MM. Piednoir, Bonhomme, Genest et Sido, Mme Estrosi Sassone, M. Brisson et Mme Lamure, est ainsi libellé :

Après l’article 83 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article L. 5135-5 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pendant cette durée, les modalités de tarification ou de financement de l’organisme employant ou accueillant le bénéficiaire de la période de mise en situation en milieu professionnel restent inchangées. »

II. – L’article L. 344-2 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ils signent avec les organismes mentionnés au 1° bis de l’article L. 5311-4 du code du travail une convention leur ouvrant la possibilité de prescrire les périodes mentionnées à l’article L. 5135-1 du même code. »

La parole est à M. Philippe Mouiller.

M. Philippe Mouiller. À l’origine, nous pensions que cet amendement serait discuté lors de l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi ». Il concerne en effet un outil destiné à favoriser l’emploi des travailleurs handicapés.

En l’état actuel du droit, les périodes de mise en situation en milieu professionnel sont théoriquement accessibles aux travailleurs des établissements et services d’aide par le travail – les ESAT – intéressés par le milieu adapté, et aux travailleurs d’entreprises adaptées intéressés par le milieu ordinaire.

Néanmoins, pour l’entité qui accompagne le bénéficiaire, ces périodes peuvent engendrer une perte financière, qui n’est pas compensée durant la période où celui-ci est accueilli par une autre structure.

Le présent amendement vise donc à sécuriser les financements des organismes qui accompagnent le bénéficiaire d’une période de mise en situation en milieu professionnel, pour la durée de cette dernière qui, je le rappelle, ne peut excéder deux mois sur une durée d’un an.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. Avis favorable. Il s’agit d’une excellente initiative.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire dÉtat. Monsieur le sénateur, votre demande est tout à fait compréhensible, car elle concerne un vrai outil d’insertion professionnelle. Vous connaissez ma détermination à faire du milieu ordinaire un milieu accueillant pour toutes les personnes qui ont pourtant besoin d’un accompagnement.

Cela étant, ce que vous proposez existe déjà en pratique. Votre amendement est satisfait par certaines conventions qui peuvent avoir été signées entre les ESAT et le milieu ordinaire. C’est pourquoi je m’en remets à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-407 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 83 quater. (M. Michel Savin applaudit)

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Santé

Article additionnel après l'article 83 quater - Amendement n° II-407 rectifié ter
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Santé (interruption de la discussion)

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Santé » (et articles 81 quater et 81 quinquies).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le projet de loi de finances prévoit cette année une augmentation de 3,5 % des crédits de la mission « Santé », après une hausse inédite de 10 % en loi de finances pour 2018. Le budget de la mission atteindra donc 1,423 milliard d’euros en 2019.

Les enjeux autour de la mission « Santé » sont, hélas, assez faciles à comprendre.

Cette mission comprend un programme, le programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », auquel nous sommes tous attachés et qui est au fond la variable d’ajustement de la mission.

La mission comprend également le programme 183, « Protection maladie », qui se résume pratiquement à l’aide médicale de l’État, l’AME. Cette aide, je le rappelle, est consacrée à la santé des immigrés en situation irrégulière et semble n’avoir aucune limite. J’y reviendrai.

Cette année encore, madame la ministre, vous diminuez le budget alloué aux opérateurs sanitaires pour compenser l’augmentation des crédits dédiés au programme 183, c’est-à-dire essentiellement à l’aide médicale de l’État. Au total, les crédits du programme 204 ont diminué de 25 % depuis 2013, alors que ceux du programme 183 ont progressé de 27 % sur la même période.

Les coups de rabot successifs subis par les opérateurs sanitaires ces dernières années remettent en cause, à terme, leur capacité à assurer les missions que vous leur avez confiées. D’ores et déjà, ils n’atteignent pas ces objectifs, notamment en matière de prévention.

Les dépenses liées à l’AME ont augmenté de 38 % et le nombre de ses bénéficiaires de 47 %. En 2019, les dépenses totales de l’État et de l’assurance maladie, tous types d’AME confondus, s’élèveraient à 934,9 millions d’euros, soit 53,2 millions d’euros de plus qu’en 2018, alors même que l’on diminue les crédits de nos opérateurs. Je vous rappelle, madame la ministre, que lorsque nous étions au Gouvernement, le coût de l’AME était inférieur à 600 millions d’euros. Aujourd’hui, il s’élève à près de 1 milliard d’euros !

Pire, malgré ces chiffres, cela ne suffit pas ! On constate en effet des sous-budgétisations. Vous venez de procéder voilà quelques jours à peine à un virement de 9,7 millions d’euros du programme 204, qui sert toujours de variable d’ajustement, au programme 183, qui, lui, n’a pas de limites.

Madame la ministre, depuis le temps que nous en parlons, une réforme de l’AME est absolument incontournable. C’est ce que pense la commission des finances du Sénat, qui préconise un resserrement du dispositif d’accès aux soins gratuits sur les soins urgents. Dans l’attente du recentrage de l’AME et en l’absence d’une réelle politique de gestion des flux migratoires – tant que l’on ne réglera pas la question de l’immigration, en effet, il sera compliqué de régler celle de l’AME –, je vous propose d’adopter deux amendements.

Le premier a pour objet de rétablir un « droit d’entrée », un timbre fiscal qui existait auparavant et qui a été supprimé en 2012. On s’aperçoit d’ailleurs que les dépenses liées à l’AME explosent de manière incontrôlée depuis la suppression de ce timbre.

Nous pensons qu’il faut faire des efforts, surtout dans le climat social actuel. On ne peut pas raboter les moyens des agences de l’État qui font de la prévention, pour les transférer vers l’AME. Je pense notamment à la prévention du cancer colorectal pour lequel les agences n’arrivent même plus à atteindre les objectifs que vous leur avez fixés.

Mme Agnès Buzyn, ministre. Si, si !

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Non ! Vous visiez un taux de participation au programme de dépistage de ce cancer de 50 % ou de 60 % et le taux n’a atteint que 35 %.

Le second amendement découle d’une démarche responsable de la commission des finances – sinon, elle aurait directement appelé à rejeter les crédits de la mission – et a pour objet de réduire de 300 millions d’euros les crédits du programme 183 relatifs à l’AME. Nous avions fait voter un amendement similaire l’an dernier, mais vous aviez évidemment fait rétablir ces crédits. J’espère que vous nous entendrez cette année, madame la ministre.

Par ces deux amendements, la commission des finances affirme sa volonté de réformer en profondeur l’AME, afin de ramener cette dépense à un niveau plus soutenable.

Sous réserve de l’adoption de ces deux amendements, la commission des finances propose au Sénat d’adopter les crédits de la mission « Santé ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

Mme Corinne Imbert, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, la prévention s’impose désormais comme le maître mot des annonces gouvernementales dans le domaine de la santé. Mais, pour ce qui est des moyens, les intentions peinent encore à se matérialiser. En effet, si les crédits de la mission « Santé » progressent globalement de 3,4 %, c’est exclusivement le fait de l’augmentation des moyens de l’AME.

Les crédits du programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », diminuent de 1 %. En leur sein, les moyens des agences sanitaires sont au mieux stabilisés. Le renforcement du pilotage de l’État au travers de la mise en place du Comité d’animation du système d’agences constitue un progrès, mais les marges de manœuvre de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, et de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, ne cessent de se réduire.

En particulier, à la suite de la polémique autour du fonctionnement du registre des malformations congénitales « REMERA » en Rhône-Alpes, la commission des affaires sociales souhaite attirer votre attention, madame la ministre, sur les besoins de professionnalisation de nos réseaux décentralisés de surveillance sanitaire. Il est nécessaire de renforcer leur coordination et leur évaluation scientifique sous l’égide de Santé publique France et de l’ANSES.

La commission des affaires sociales s’est également émue de la fragilité du financement du volet « recherche » des plans de santé publique. L’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, participe ainsi à de nombreux plans de santé publique, dont les plans Autisme et « Maladie de Lyme », pour lesquels les cohortes sont prêtes. Seul problème, les opérations ont dû être retardées dans l’attente des fonds nécessaires.

Une somme de 17 millions d’euros a finalement été annoncée pour la recherche en santé publique : madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer que ces crédits seront pérennisés dans le cadre d’un programme national de recherche en santé publique, présenté en loi de finances ? Je sais que ce sujet ne relève pas directement de votre ministère, mais vous pouvez au moins solliciter le ministère responsable. Quelle part le ministère de la santé prendra-t-il dans le pilotage de ces crédits ?

Enfin, la commission a rappelé son attachement au maintien des crédits de l’AME. Ce dispositif humanitaire répond à une vraie exigence de santé publique, en prenant en charge des personnes démunies dont l’état de santé est souvent fortement dégradé. Nous ne pouvons donc pas souscrire à la proposition de la commission des finances de minorer les crédits du programme 183, « Protection maladie », ou de réintroduire un droit de timbre. (Mme Laurence Cohen applaudit.) Nous ne ferions qu’aggraver leur état de santé et prendrions le risque d’engorger à terme les services d’urgence hospitaliers.

Sous réserve de ces observations, la commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2019. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)