Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, le montant des crédits consacrés à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », qui a essentiellement pour vocation de financer le versement d’allocations destinées aux publics les plus fragiles, s’élève à plus de 21 milliards d’euros pour 2019.
À périmètre courant, les crédits de la mission progressent de 7,5 % entre 2018 et 2019, soit une augmentation de près de 1,5 milliard d’euros en crédits de paiement. C’est l’une des évolutions les plus favorables de ce projet de loi de finances.
Cette mission s’articule autour de deux grands programmes, mettant en œuvre la prime d’activité et l’allocation aux adultes handicapés, qui représentent, à elles deux, près de 90 % des crédits de la mission. Il est naturel de rappeler notre attachement à ces mécanismes de soutien, destinés aux personnes les plus vulnérables ou dans les situations les plus précaires, notamment les femmes qui élèvent seules des enfants, au nom de la solidarité nationale.
Les crédits de la mission s’inscrivent donc logiquement dans la mise en place de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté présentée par le Président de la République le 13 septembre dernier.
Le programme 304, doté, pour 2019, de 175 millions d’euros, est l’une des traductions budgétaires de cette volonté. Comme je l’ai indiqué, les dépenses recouvrent principalement la prime d’activité, dont bénéficient 2,8 millions de nos concitoyens et qui traduit une double volonté : une politique d’incitation à la reprise d’activité et un soutien au pouvoir d’achat. Notons tout particulièrement l’amélioration apportée par l’adoption, à l’Assemblée nationale, d’un amendement du Gouvernement, qui aura pour effet, avec le versement de cette prime, d’augmenter le SMIC de 30 euros supplémentaires dès le mois d’avril 2019, puis de 20 euros les deux années suivantes, soit une hausse totale de 80 euros d’ici à 2021.
Le programme 157 regroupe, quant à lui, essentiellement les crédits dédiés au financement de l’allocation aux adultes handicapés. Ces derniers connaissent une progression de 5,1 % et sont le prolongement de l’engagement qu’a pris le Président de la République de revaloriser l’AAH, qui est passée à 860 euros le 1er novembre dernier et qui sera portée à 900 euros à la fin de l’année 2019. Cette mesure de justice et de solidarité, que l’on ne peut que saluer, est une avancée importante, même si l’on peut encore regretter que le montant de l’allocation soit toujours en dessous du seuil de pauvreté.
Enfin, les crédits du volet relatif aux mineurs non accompagnés, passés de 15,7 millions d’euros en 2017 à 132 millions d’euros en 2018, atteindront 141 millions d’euros en 2019.
À l’Assemblée nationale, vous avez souligné, madame la ministre, que l’appui aux conseils départementaux pour la mise à l’abri et l’évaluation des personnes se présentant comme mineures serait renforcé par une compensation plus juste des dépenses engagées, sur la base d’un forfait calculé par jeune évalué. Pour reprendre vos propos, cela « traduit la volonté du Gouvernement d’œuvrer à l’avènement d’une nouvelle contractualisation entre l’État et les conseils départementaux dans la déclinaison des politiques sociales. »
Pour autant, notre rapporteur pour avis, M. Philippe Mouiller, a estimé que ce montant était très insuffisant par rapport aux besoins exprimés, qui sont difficiles à chiffrer, étant donné que leur évolution est assez rapide. Par conséquent, il nous proposera d’adopter un amendement visant à créer un programme budgétaire distinct au sein de la mission, exclusivement dédié à l’accueil des mineurs non accompagnés. Il souhaite ainsi envoyer un signal fort, en incitant l’État à assumer une mission dont les conseils départementaux ont toujours pensé qu’elle relevait de sa compétence exclusive, au titre de la politique migratoire. L’évaluation et l’hébergement d’urgence de jeunes migrants dont la minorité n’est pas encore établie doivent être pleinement conduits par l’État. Aux conseils départementaux revient l’accompagnement des jeunes reconnus mineurs au titre de l’aide sociale à l’enfance.
À ces programmes majeurs s’ajoute un ensemble de dispositifs portant sur des actions très variées, comme l’aide alimentaire, pour un montant de 51,9 millions d’euros, la protection juridique des majeurs, qui se voit doter de 668 millions d’euros, ou encore l’égalité entre les hommes et les femmes, dont les crédits ont été stabilisés à hauteur de 30 millions d’euros.
Quelles que soient les réserves ou les critiques émises par certains de mes collègues – pour ma part, elles me paraissent assez excessives, voire caricaturales –, la progression de 7,5 % de la masse financière de cette mission témoigne de la volonté du Président de la République et du Gouvernement de renforcer la solidarité en direction des plus fragiles de nos concitoyens. Même si ce message est malheureusement peu audible dans le contexte actuel, le groupe du RDSE se félicite de cet effort. Il approuvera les crédits de la mission.
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, le 13 septembre dernier, le Président de la République dévoilait sa stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, dont l’ambition est de lutter contre les inégalités de destin et permettre une égalité des chances réelle. Cette priorité sociale affichée par le Gouvernement se traduit par une augmentation de près de 7 % des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », qui atteignent 21 milliards d’euros.
Dans le même temps, comme je l’ai dit lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, celui-ci entérine un quasi-gel des prestations sociales pour les deux prochaines années. Si le Gouvernement explique vouloir concentrer ses efforts sur les personnes les plus en difficulté, cette désindexation risque de placer un certain nombre de foyers aux portes de la pauvreté.
Sans remettre en cause la priorité donnée à la lutte contre la pauvreté, le sentiment de déclassement grandit au sein de la population, surtout de la population qui travaille, comme en témoigne le mouvement des gilets jaunes. Aussi, la présente mission budgétaire revêt un rôle plus que jamais central.
Je m’attarderai sur les points les plus saillants de cette mission.
Le programme 157, « Handicap et dépendance », regroupe les crédits consacrés à l’allocation aux adultes handicapés. Ceux-ci sont en hausse de 5,1 % par rapport à 2018, portant l’enveloppe à 11,9 milliards d’euros.
Cette augmentation permet de concrétiser l’engagement du Président de la République en faveur de la revalorisation de l’AAH. L’aide à taux plein sera portée à 900 euros à la fin de l’année 2019. Cet investissement doit être salué à sa juste mesure.
Cependant, quelques ajustements paramétriques contrastent avec l’engagement tenu. Pour n’en citer qu’un, l’alignement des règles de prise en compte des revenus d’un couple bénéficiant de l’AAH sur celles d’un couple touchant le RSA abaisse mécaniquement le plafond en deçà duquel un couple peut bénéficier de deux AAH à taux plein. Les associations de personnes handicapées alertent à juste titre. L’AAH est par nature différente du RSA et leurs objectifs divergent. C’est notre premier point de vigilance.
Le programme 304, « Inclusion sociale et protection des personnes », est le deuxième programme le plus important en termes de crédits mobilisés, avec 7,7 milliards d’euros demandés pour 2019, soit 1 milliard d’euros de plus qu’en 2018. Selon le Gouvernement, ce programme sera l’instrument majeur dans l’application de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. L’un des outils mobilisés est la revalorisation de 20 euros, en 2019, du montant forfaitaire de la prime d’activité. Cette augmentation succède à une première hausse du même montant, intervenue en 2018. D’ici à la fin du quinquennat, la revalorisation pour les bénéficiaires de la prime d’activité rémunérés au niveau du SMIC s’élèvera à 80 euros.
Comme l’a souligné fort justement notre rapporteur pour avis, Philippe Mouiller, la concentration sur la prime d’activité des efforts de lutte contre la pauvreté incite les travailleurs déjà partiellement insérés dans l’emploi à s’y insérer davantage, mais, dans le même temps, le Gouvernement semble oublier les personnes les plus éloignées de l’emploi. Je souscris donc à l’analyse de notre collègue, pour lequel la prime d’activité, en l’espèce, est plus un soutien au pouvoir d’achat qu’une incitation à retourner vers l’emploi.
S’agissant de la situation des mineurs non accompagnés, au sujet de laquelle j’ai réalisé, l’année dernière, un rapport d’information avec notre ancien collègue Jean-Pierre Godefroy, je demande à l’État une vraie prise en charge de cette compétence, en raison des difficultés des départements à y répondre.
Depuis 2014, l’augmentation du nombre de mineurs non accompagnés est en forte hausse. Comme on l’a vu ces derniers mois, cette évolution est parfois difficile à vivre pour les départements. Certes, comme l’a précisé Jean-Marc Gabouty, les crédits consacrés à l’accueil des mineurs non accompagnés sont portés à 141 millions d’euros. Mais, au final, le problème ne réside pas tant dans les moyens alloués aux départements que dans le fait que ces derniers n’arrivent plus aujourd’hui à héberger les jeunes. Dans combien de départements les jeunes sont-ils une fois de plus hébergés à l’hôtel ? Cette situation n’est pas toujours acceptable.
M. Michel Savin. Ils sont même à la rue !
Mme Élisabeth Doineau. Les crédits ne sont donc qu’une aide ponctuelle ; ils ne répondent pas aux problèmes de fond. À cet égard, comme Jean-Marc Gabouty, je salue la proposition de Philippe Mouiller de créer un programme budgétaire distinct dédié à l’accueil des mineurs non accompagnés, obligeant l’État à assumer cette compétence.
Les départements ne sont pas tous égaux pour évaluer l’âge des jeunes accueillis ou traiter les documents administratifs. C’est pourquoi je propose une plateforme à l’échelle soit régionale, soit interdépartementale, pour plus de compétence et d’équité dans l’évaluation des jeunes.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Élisabeth Doineau. Toutefois, l’action la plus décisive reste le renforcement de la lutte contre les filières de passeurs, en coopération avec les États d’origine des mineurs non accompagnés. Cette lutte relève de la compétence de l’État. La question reste posée : comment favoriser le développement des pays de départ pour diminuer les candidats à la migration ? J’y insiste, au-delà de la distinction entre majeurs et mineurs, le problème central demeure le même, à savoir le départ d’une population recherchant, à travers une migration, une terre d’accueil pouvant assurer la sécurité et l’autonomie financière.
Enfin, je ne peux clôturer mon intervention sans évoquer la grande cause nationale du quinquennat : l’égalité entre les femmes et les hommes. Les crédits sont légèrement inférieurs à 30 millions d’euros. Je m’interroge sur l’absence d’augmentation des crédits dédiés à ce qui a été promu grande cause nationale.
Pour conclure, tout en espérant que le Gouvernement entendra les quelques points de vigilance que j’ai évoqués, j’indique que le groupe Union Centriste votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » s’élèveront à 21,1 milliards d’euros en 2019, en augmentation notable, de 7,5 %, par rapport à 2018, au bénéfice notamment de la prime d’activité et de l’AAH.
De manière générale, la mission a connu une hausse au cours des neuf dernières années, ses crédits passant de 11,5 milliards d’euros en 2009 à 21,1 milliards d’euros en 2019.
Nous pouvons saluer cette augmentation, signe de l’attention portée par le Gouvernement aux populations les plus vulnérables, qui ont besoin d’une continuité de l’État. Cette continuité, je la souhaite évidemment ardemment.
Bien sûr, des efforts restent et resteront toujours à faire pour les populations qui se situent sous le seuil de pauvreté. À cet égard, deux programmes de la mission méritent une attention plus particulière, dans la mesure où ils mettent en œuvre deux allocations de solidarité qui visent à redonner du pouvoir d’achat aux Français.
Tout d’abord, le programme 304, « Inclusion sociale et protection des personnes », se caractérise par une hausse de 14 % de ses crédits, liée à la revalorisation exceptionnelle de la prime d’activité de 20 euros pour les revenus supérieurs à 0,5 SMIC. Le Gouvernement souhaite que cette prime soit un instrument d’incitation au retour à l’emploi. Nous saluons cet effort.
Ensuite, le programme 157, « Handicap et dépendance », est lui aussi marqué par une hausse de ses crédits. Cette augmentation, qui s’élève à 5,13 %, intègre l’annonce d’une revalorisation de l’AAH, laquelle passe de 675 euros à 900 euros. Cela représente un progrès sensible. Notre groupe approuve cette mesure importante en faveur des personnes en situation de handicap. Il convient de soutenir ces personnes dans leur recherche de travail. Le doublement du nombre des entreprises adaptées va dans ce sens ; il faut le saluer.
La sortie de la précarité des personnes handicapées passera par la création d’emplois en entreprises adaptées. Il s’agit de les accompagner vers l’inclusion, lorsque cela est possible.
Un certain nombre de réformes minorent les hausses annoncées. Ainsi, la revalorisation de la prime d’activité pour une personne touchant le SMIC ne sera que de 8 euros et, pour les allocataires en couple, le coefficient de prise en compte des revenus du conjoint passera de 2 à 1,8 fois le montant de l’AAH.
Notre groupe souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur la question des mineurs non accompagnés, dont le nombre, passé de 20 000 en 2017 à 25 000 en 2018, atteindra 30 000 en 2019. Placés sous la responsabilité sociale et financière des départements, ces mineurs, de plus en plus nombreux, sont le plus souvent dans des situations complexes et difficiles. Cette charge est de plus en plus lourde pour nos collectivités territoriales. À terme, elle sera insoutenable.
L’État doit prendre sa part de responsabilités pour soutenir davantage les départements et assurer l’hébergement d’urgence et l’évaluation. Le budget correspondant est passé de 15 millions d’euros en 2017 à 141 millions d’euros en 2018, soit dix fois plus, mais cela reste insuffisant.
Les membres de notre groupe aimeraient également avoir des précisions quant à la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, qui permet des avancées notables. Cependant, cette dernière repose, en partie, sur la contractualisation avec les départements, dont la situation financière est souvent difficile. N’oublions pas de soutenir les salariés aux revenus modestes ne bénéficiant que du RSA, qui ne percevront pas la prime d’activité si leur salaire est inférieur à 0,5 SMIC.
Enfin, les crédits du programme 137, « Égalité entre les femmes et les hommes », sont stables. Le Président de la République l’ayant décrétée grande cause nationale, il serait souhaitable, à l’avenir, que ces crédits soient en hausse, avec un appui ciblé aux associations qui œuvrent au quotidien, notamment pour la prévention contre la prostitution et les violences sexistes.
Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est très importante pour les finances publiques et pour notre système de protection. Elle se place au sixième rang des missions budgétaires de l’État. Elle est au cœur de l’action publique en matière d’attention portée aux personnes les plus en difficulté. Le groupe Les Indépendants – République et territoires se félicite de cet effort budgétaire au bénéfice des plus fragiles et votera en faveur des crédits de la mission.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2019 prévoit une augmentation des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », dont le montant passera de 19,44 milliards en 2018 à 20,93 milliards en 2019, ce qui correspond à une augmentation de 7,7 %. Par les temps qui courent, c’est plutôt une bonne surprise, d’autant que la majeure partie de ces crédits est destinée à financer la prime d’activité et l’allocation aux adultes handicapés, qui relèvent toutes les deux des programmes 304 et 157.
Les crédits du programme 157, « Handicap et dépendance », sont donc en hausse, ce qui s’explique essentiellement par la revalorisation exceptionnelle de l’allocation aux adultes handicapés. Si nous nous réjouissons de cette augmentation, nous déplorons la réduction du nombre de ses bénéficiaires, du fait de l’abaissement du plafond de ressources pour les couples. En outre, sa revalorisation est désindexée de l’inflation, ce qui entraînera forcément une baisse de son montant au fil du temps. En outre, cette mesure exceptionnelle ne suffit pas à faire oublier les nombreuses décisions qui ont récemment porté atteinte au pouvoir d’achat et aux conditions d’existence des personnes en situation de handicap, comme la suppression du complément de ressources ou le rejet de notre proposition de loi portant suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l’AAH.
Concernant les crédits du programme 304, « Inclusion sociale et protection des personnes », le constat est le même : leur hausse s’explique essentiellement par la revalorisation exceptionnelle de la prime d’activité. Toutefois, cette augmentation doit être nuancée, car plusieurs mesures, telles que la baisse de l’abattement, le gel des revalorisations annuelles en fonction de l’inflation et l’exclusion des bénéficiaires de pensions d’invalidité et de rentes AT-MP restreignent la portée de cette allocation.
Au fond, ce sont des augmentations de crédits en trompe-l’œil, qui masquent, en réalité, des mesures d’économies, le Gouvernement prenant aux uns pour donner aux autres. Et votre plan Pauvreté, madame la ministre, ne nous rassure pas ! Éric Bocquet en ayant déjà parlé, je ne m’y attarderai pas.
De plus, toujours dans le programme 304, les financements liés au suivi des mineurs non accompagnés progressent, mais cette augmentation des crédits est contrebalancée par le nombre croissant de bénéficiaires. La mise en œuvre de ce dispositif dépend des départements, qui sont en grande difficulté, vu leur étranglement financier, tandis que les aides versées par l’État sont largement insuffisantes. Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités et assurer une réelle protection de ces mineurs en danger, dont la précarité est dénoncée par de nombreuses associations.
Pour terminer sur le programme 304, à la suite de la mobilisation des organisations syndicales et des professionnels, le GIPED, qui gère notamment le numéro gratuit 119, voit finalement ses crédits revenir au niveau de 2017, au lieu des 7 % de baisse prévus initialement. Nous serons très vigilants sur les crédits inscrits à son profit dans le PLF pour 2020 : ils doivent permettre à ces professionnels d’exercer leurs missions dans de bonnes conditions.
J’en viens à présent au programme 137, « Égalité entre les femmes et les hommes ».
De nouvelles actions ont été ouvertes, prévoyant notamment de favoriser l’accès aux droits pour les femmes, le développement de la culture de l’égalité et de financer les délégations régionales aux droits des femmes. Cependant, le budget correspondant, à euros constants, n’est pas suffisamment important pour mener une politique de lutte contre les inégalités ambitieuse : il ne s’élève même pas à 30 millions d’euros, soit 0,007 % du budget de la France ! Même s’il faut également prendre en compte les budgets transversaux, nous ne pouvons que constater et regretter que la prétendue grande cause du quinquennat ne bénéficie pas de moyens supplémentaires.
De même, nous regrettons que, dans le nouvel intitulé des actions nos 21, 22 et 23, toute référence à la lutte contre la prostitution ou à la lutte contre les violences sexistes ait totalement disparu. Nous avions été nombreuses et nombreux, lors de l’examen du PLF de l’an dernier, à intervenir sur la baisse de l’enveloppe de l’AFIS, mise en place dans le cadre des dispositifs de sortie de la prostitution. Le Gouvernement justifie la nouvelle baisse par les difficultés de mise en œuvre sur le terrain et le peu de personnes potentiellement concernées. Nous sommes en désaccord avec ce raisonnement et pensons, au contraire, comme notre collègue Tourenne, que ce dispositif va monter en puissance, à condition que le Gouvernement le soutienne vraiment.
Le budget qui nous est présenté est, une fois encore, un budget a minima, dans lequel les améliorations sont systématiquement contrebalancées par des mesures de restriction budgétaire. Alors que la France traverse une crise profonde, vous continuez d’appliquer vos vieilles recettes. Vous continuez à ne pas entendre celles et ceux qui souffrent de vos choix politiques profondément injustes et qui manifestent jour après jour.
Nous voterons contre la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances pour 2019. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs spéciaux, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter, avec Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, le budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Je veux souligner d’emblée la cohérence politique de ce budget avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale : ils portent les mêmes choix et les mêmes priorités.
D’abord, priorité est donnée aux personnes les plus fragiles, afin de répondre de façon spécifique à leurs attentes prioritaires et d’agir sur les facteurs du déterminisme social.
La priorité est également donnée aux salariés les plus modestes, pour que le travail paie davantage.
Cette priorité sociale du Gouvernement se lit d’abord dans l’évolution des crédits de la mission, qui augmentent de 7 %. Cette hausse est considérable ; c’est l’une des plus importantes du projet de loi de finances. Une augmentation de 7 % permettra que 1,4 milliard d’euros supplémentaires soient consacrés, en 2019, aux politiques de solidarité.
Ce budget est d’abord celui d’une solidarité renforcée, au bénéfice de nos concitoyens les plus fragiles.
Je veux évoquer, en premier lieu, la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, que nous avons présentée le 13 septembre dernier. Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit d’une politique ambitieuse et globale, qui vise à éviter que les enfants pauvres d’aujourd’hui ne deviennent les adultes pauvres de demain.
Le Gouvernement a bâti une stratégie qui va se déployer dans tous les territoires et qui a pour objectifs de renforcer l’accès aux services de la petite enfance, de conforter les droits fondamentaux des enfants et de renforcer l’insertion des jeunes et des adultes par l’emploi.
Le programme 304 est le support budgétaire principal de cette stratégie. Il porte les crédits dédiés à la contractualisation avec les territoires à hauteur de 171 millions d’euros en 2019. Je précise que 135 millions d’euros seront consacrés à la contractualisation avec les départements, laquelle portera sur les quatre objectifs suivants : l’accompagnement des sortants de l’aide sociale à l’enfance, le renforcement de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA, la formation des travailleurs sociaux et l’accueil social de proximité.
L’effort de solidarité s’exprime également et fortement au travers de l’évolution des crédits du programme 157, « Handicap et dépendance », qui sont portés à 11,9 milliards d’euros, soit une augmentation de 5,1 %. Cette hausse très importante traduit la priorité, pour le quinquennat, que constitue la construction d’une société plus inclusive. Elle permet de concrétiser l’engagement du Président de la République en faveur de la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés, afin de donner à tous leur juste place dans le projet national et de garantir un revenu minimal aux personnes dont le handicap interdit ou limite fortement l’accès au travail.
La revalorisation de l’AAH a porté, le mois dernier, le niveau de l’aide à taux plein à 860 euros, ce qui représente une progression de 41 euros par mois. L’allocation verra ensuite son montant porté à 900 euros par mois à la fin de l’année 2019. Globalement, l’investissement pour améliorer la situation des personnes en situation de handicap s’élève à plus de 2,5 milliards d’euros sur le quinquennat.
Parce que le travail conduit à l’émancipation sociale, le soutien à l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés est également renforcé, notamment dans le milieu ordinaire, avec un effort important en faveur de l’emploi accompagné. Ce dispositif combine accompagnement médico-social et accompagnement professionnel pour les travailleurs handicapés.
Les crédits dédiés à ces emplois accompagnés augmenteront ainsi de 40 % par rapport à l’année précédente.
L’engagement du Gouvernement s’inscrit pleinement dans le cadre du comité interministériel du handicap organisé le 25 octobre dernier, qui a permis de mobiliser l’ensemble des ministères autour du Premier ministre, Édouard Philippe, et de la secrétaire d’État, Sophie Cluzel, pour mettre en œuvre des mesures de simplification en faveur des droits des personnes et lutter contre les ruptures de parcours des personnes handicapées.
L’effort de solidarité bénéficie, en troisième lieu, à nos compatriotes d’outre-mer, dans deux territoires confrontés à des difficultés sociales très importantes : la Guyane et Mayotte.
Conformément à l’engagement pris par le Président de la République en octobre 2017, l’État reprend à sa charge le financement du RSA dans les deux collectivités de Guyane et de Mayotte à compter du 1er janvier 2019, pour un montant de 170 millions d’euros. Il s’agit de soulager ces collectivités du poids du financement et de l’attribution du RSA, sans pour autant remettre en cause leurs compétences pour ce qui concerne l’insertion des bénéficiaires.
De plus, l’État assume pleinement ses responsabilités au sujet des mineurs non accompagnés. Le Gouvernement a bien entendu les difficultés des départements, et il a fait le choix de renforcer le soutien qu’il leur apporte, à deux niveaux complémentaires : d’une part, pour la mise à l’abri et l’évaluation des personnes se présentant comme mineures – à compter de 2019, l’appui financier de l’État sera renforcé par une compensation plus juste des dépenses engagées, sur la base d’un forfait par jeune réévalué – ; d’autre part, l’État prendra en charge une partie des dépenses supplémentaires des départements au titre de l’aide sociale à l’enfance, l’ASE, lorsque les personnes sont effectivement évaluées comme mineures. Pour la seconde année consécutive, un dispositif exceptionnel sera mis en œuvre en 2019.
Je tiens à insister particulièrement sur ce second volet. En effet, à l’issue d’échanges très nourris et étroits avec l’Assemblée des départements de France, l’ADF, le Gouvernement a souhaité aller plus loin que ce qui était prévu. Il a ainsi décidé de relever son concours financier. Concrètement, en 2019, une aide forfaitaire de 6 000 euros sera octroyée aux départements pour 75 % des mineurs non accompagnés supplémentaires admis à l’ASE par rapport à l’année précédente, contre 50 % auparavant. En tout, ce sont plus de 175 millions d’euros qui seront consacrés, en 2019, au soutien des départements.
Plus largement, l’effort engagé à la fois dans le cadre de la stratégie Pauvreté et pour la gestion des mineurs non accompagnés traduit la volonté du Gouvernement d’œuvrer à l’avènement d’une nouvelle contractualisation entre l’État et les conseils départementaux dans la déclinaison des politiques sociales. Je mènerai cette politique de concert avec Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
La mission « Solidarités » porte également un effort sans précédent au bénéfice des salariés modestes de ce pays.
La prime d’activité bénéficie aujourd’hui à 2,8 millions de nos concitoyens. C’est une prestation importante : elle soutient le pouvoir d’achat et incite à la reprise d’activité. Pendant sa campagne, le Président de la République a pris l’engagement de la revaloriser de 80 euros pour un salarié au SMIC d’ici à la fin du quinquennat. Cette revalorisation s’ajoutera au gain de pouvoir d’achat de 20 euros par mois du fait de la suppression des cotisations salariales maladie et chômage, laquelle est pleinement effective depuis le mois d’octobre dernier. Pour le SMIC, elle garantira donc un gain total de 100 euros d’ici à 2022.
Cet engagement sera tenu. Ainsi, la prime d’activité au SMIC augmentera de 30 euros supplémentaires dès 2019 : pour plusieurs centaines de milliers de ménages, ce sera, dans quelques mois, un gain de pouvoir d’achat significatif, plus important et plus rapide que prévu par la loi de programmation des finances publiques. En outre, cette prime augmentera de nouveau de 20 euros en 2020 et de 20 euros en 2021, soit un total de 80 euros d’ici à 2021.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le montant des crédits consacrés à la prime d’activité était seulement de 4,3 milliards d’euros en loi de finances initiale pour 2017 ; deux ans après, parce que nous avons rétabli la sincérité budgétaire, parce que le montant de la prime d’activité progresse et parce que le nombre de bénéficiaires augmente, ce montant dépasse 6 milliards d’euros. Cet effort exceptionnel est le signe tangible de la priorité qu’accorde le Gouvernement au pouvoir d’achat des travailleurs aux revenus modestes.
J’évoquerai à présent un programme à forte dimension transversale, le programme 137.
Comme vous le savez, l’égalité entre les femmes et les hommes a été érigée par le Président de la République en grande cause nationale du quinquennat. Cet engagement s’est traduit par un ensemble de mesures qui ont été annoncées le 25 novembre 2017. Elles ont mobilisé le Gouvernement tout entier, qui leur a consacré un comité interministériel, et impliquent les acteurs économiques et sociaux de notre pays.
Le programme 137 est l’un des outils de cette politique, qui mobilise un ensemble de crédits beaucoup plus important. Si le montant de ce programme n’augmente pas, le taux d’exécution des crédits est en hausse de plus de trente points. Il approche désormais les 100 %, ce qui est le signe d’une efficacité accrue dans la conduite des actions.
C’est donc un budget porteur d’une ambition sociale et sanitaire exceptionnellement forte que le Gouvernement soumet à votre vote. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Élisabeth Doineau ainsi que MM. Daniel Chasseing et Jacques Mézard applaudissent également.)