M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. Pour la répartition de la DGF, on utilise la population DGF, laquelle correspond à la population INSEE majorée d’un habitant par résidence secondaire et par place de caravane. Cette majoration est portée à deux habitants pour les communes éligibles, l’année précédente, à la DSU ou à la DSR fraction bourg-centre.
L’Assemblée nationale a déjà décidé de majorer cette majoration d’un demi-habitant par résidence secondaire, sous certaines conditions de potentiel fiscal, comme vous l’avez souligné.
Vos amendements, mon cher collègue, visent en quelque sorte à majorer la majoration de la majoration – c’est un peu sans fin… – en ajoutant encore un habitant aux deux déjà prévus.
L’amendement n° II-672 rectifié tend, de plus, à assouplir la condition de potentiel fiscal.
L’adoption de ces amendements accorderait un avantage excessif aux communes touristiques. Les lois de finances ont introduit en 2017 et en 2018, et il en va de même aujourd’hui pour 2019, d’autres dispositions très favorables à ces communes. Il ne semble pas nécessaire à la commission d’aller plus loin.
On rappelle toujours les charges supplémentaires des communes touristiques, on rappelle moins souvent leurs recettes, que beaucoup de communes non touristiques aimeraient avoir…
La commission est donc défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il y a déjà un équilibre, mais je comprends la logique de l’appel.
Un grand chemin a été parcouru ces derniers mois, notamment avec la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement.
Les députés, toutes tendances politiques confondues – certes, plutôt ceux des territoires de montagne (Sourires.) –, se sont largement accordés pour trouver ce point d’équilibre.
Je vois la tentation d’aller un peu plus loin, mais je me dois de vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, comme à propos de l’amendement précédent qui a été adopté, que ce que l’on donne aux uns, on le prend à d’autres.
Il fallait faire ce chemin pour les communes touristiques… (M. Didier Marie s’exclame !) Pardonnez-moi, monsieur Marie, mais il me semble que diminuer la DGF globalement a eu un effet de bord encore plus violent pour les communes. Il s’agit de péréquation à enveloppe constante, donc de quelque chose de vivant, par définition. Je comprends que l’on demande d’augmenter la DGF, mais quand cette requête vient de ceux qui l’ont diminuée, je me dois de sourire…
M. Loïc Hervé. Il faut la réformer !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur Hervé, il me semble avoir déjà répondu à cette suggestion : j’attends avec impatience les contributions du Sénat.
Les choses avancent dans le bon sens et permettent de répondre aux besoins des communes touristiques. Aller plus loin reviendrait, comme à l’Assemblée nationale, à ouvrir un autre débat. Certains ne manqueraient pas de souligner que les communes touristiques ont des opportunités que les communes rurales ou les communes en quartier prioritaire de la politique de la ville n’ont pas.
Mon rôle est d’essayer de bâtir des équilibres dans quelque chose de vivant. Je comprends la logique de ces amendements, monsieur Roux, mais je vous demande de bien vouloir les retirer ; à défaut, je serai contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Roux, les amendements nos II-672 rectifié et II-667 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Jean-Yves Roux. Non, je les retire, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos II-672 rectifié et II-667 rectifié sont retirés.
L’amendement n° II-860, présenté par MM. Guené et Raynal, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le potentiel fiscal pris en compte pour l’application du présent alinéa est celui calculé l’année précédente en application de l’article L. 2334-4.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. Le présent amendement vise à préciser que le potentiel fiscal pris en compte pour déterminer l’éligibilité de certaines petites communes touristiques à la sur-majoration de leur population est celui qui est connu au 1er janvier de l’année précédant la répartition.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il s’agit d’un bon amendement du Sénat : avis favorable. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° II-309 rectifié ter est présenté par Mmes Noël et Delmont-Koropoulis, MM. Laménie et Gremillet et Mme Lamure.
L’amendement n° II-397 rectifié est présenté par MM. Pellevat et Joyandet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne, Babary et Pointereau, Mme Micouleau, MM. Brisson, Bascher, Bazin, Lefèvre, Kennel et Paccaud, Mme Gruny et MM. Courtial, Grand, Danesi, Poniatowski, Bonhomme et Saury.
L’amendement n° II-475 rectifié bis est présenté par Mme Berthet, M. Allizard, Mmes Bories et Deromedi, MM. Nougein et Raison et Mme Imbert.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° La seconde phrase du troisième alinéa du III du même article L. 2334-7 est supprimée ;
…° Les deux dernières phrases du premier alinéa de l’article L. 2334-7-3 sont ainsi rédigées : « Si, pour une commune, la minoration excède le montant perçu au titre de la dotation forfaitaire, la dotation finale est établie à zéro euro. Si, pour une commune, un prélèvement était déjà opéré l’année antérieure, il est supprimé. » ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Sylviane Noël, pour présenter l’amendement n° II-309 rectifié ter.
Mme Sylviane Noël. J’ai déjà abordé ce sujet ce matin, au cours de la discussion générale.
Cet amendement vise à mettre un terme au phénomène peu connu des DGF dites négatives qui touche un nombre réduit de communes, mais qui est très handicapant.
En effet, lorsque la DGF est insuffisante pour être ponctionnée en totalité pour couvrir la contribution au redressement des finances publiques, le solde manquant est prélevé directement sur les recettes fiscales de la commune.
Cette dernière va donc s’appauvrir et perdre sa substance fiscale. Les territoires de montagne, par exemple, particulièrement touchés par le prélèvement au titre du FPIC, sont également affectés par ces DGF négatives. Plus de 50 % des hausses de fiscalité servent ainsi à financer ces deux prélèvements.
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour présenter l’amendement n° II-397 rectifié.
M. Cyril Pellevat. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour présenter l’amendement n° II-475 rectifié bis.
Mme Martine Berthet. En Savoie, particulièrement dans la vallée de la Tarentaise, énormément de communes touristiques subissent ces DGF négatives, ce qui les empêche de continuer à promouvoir leur territoire et à l’entretenir. Or nous voulons que nos touristes viennent toujours, pour demeurer la première destination touristique d’hiver au monde.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. Il s’agit d’amendements que nous retrouvons chaque année et auxquels, comme chaque année, je suis défavorable.
M. Loïc Hervé. Une fois de plus !
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. Pourquoi une DGF est-elle négative ? Tout simplement parce que le prélèvement au titre de la contribution au redressement des finances publiques s’applique à la DGF. Il aurait aussi bien pu s’appliquer à une autre ressource… Et parfois, cela peut aller jusqu’à une DGF négative. On aurait aussi pu décider, une fois la DGF à zéro, d’appliquer ce prélèvement à une autre ressource… C’est d’ailleurs ce qui se passe, puisque le financement se fait au final sur la part reversée à l’État au titre des impôts locaux.
Peu importe que la DGF soit négative ou non, il ne s’agit que d’une question d’affectation. Ce qui importe, c’est la contribution dont chaque commune doit s’acquitter, d’une manière ou d’une autre.
Pour l’essentiel, les communes subissant une DGF négative sont relativement riches, avec des centrales nucléaires, par exemple. Je préfère ne pas donner de noms… (Sourires.)
Il s’agit de leur rendre 26 millions d’euros. Je ne suis pas sûr que les autres communes soient d’accord…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Voilà un des effets de bord de la baisse de la DGF, telle qu’elle avait été imaginée.
Premièrement, comme l’a très justement souligné M. Raynal – comme me le disait aussi M. Guené à l’oreille –, l’adoption de ces amendements reviendrait à « rembourser » de la DGF aux communes, souvent les plus riches.
M. Loïc Hervé. Ce n’est pas le cas !
M. Loïc Hervé. Pas toujours !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je ne compte pas non plus donner de noms, mais il faut ensuite pouvoir soutenir cette position lors de chaque congrès des maires, dans chaque département. Croyez-moi, on dénombre beaucoup de communes ayant des recettes importantes, avec des casinos ou des centrales nucléaires, par exemple… La liste est complètement transparente et peut être communiquée.
Deuxièmement, et vous ne pourrez pas me dire que ce n’est pas vrai, puisqu’il s’agit d’appliquer le droit et la philosophie du dispositif, monsieur Hervé, cela créerait de facto une rupture d’égalité entre toutes les communes s’acquittant d’une contribution au redressement des finances publiques, et dont la DGF serait en quelque sorte augmentée, et les autres.
Je ne reviens pas sur le passé, d’autres solutions que la baisse de la DGF auraient pu être trouvées. J’en suis moi-même un héritier, si j’ose dire, en tant qu’ancien maire et ancien président de conseil départemental.
Il n’en demeure pas moins qu’il me semble compliqué pour le Gouvernement – le Parlement est souverain et fera ce qu’il voudra – de proposer une rupture d’égalité entre toutes les communes de France vis-à-vis de la DGF.
Troisièmement, quand nous aborderons de nouveau avec les associations d’élus et les deux chambres, notamment leurs commissions des finances, la question des critères de la DGF, pour réfléchir à une répartition plus lisible, il faudra, j’en prends l’engagement devant vous, incorporer complètement ce sujet dans la moulinette.
Si je réponds un peu longuement, c’est pour être beaucoup plus rapide ensuite.
Dernier élément, certes, on peut faire de la politique sur tous ces sujets. Mais quoi qu’il en soit, nous devons des résultats aux élus locaux.
Au fond, on arrive à un tournant philosophique et intellectuel concernant la DGF. Pendant longtemps, on l’a voulue dynamique, notamment pour répondre à des enjeux de solidarité, afin que les écarts entre les collectivités les plus riches et les plus pauvres se résorbent. C’est ainsi qu’ont été créés les critères de péréquation.
Je suis parfois un peu triste de voir que des parlementaires n’expliquent pas, sur le terrain, ce qu’est la péréquation auprès de leurs collègues maires. En effet, elle permet à des communes pauvres de bénéficier d’une répartition de la richesse. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. Ce n’est pas le cas !
M. Sébastien Lecornu, ministre. C’est une réalité ! Je suis prêt à faire la démonstration pour ce qui concerne chacun de vos départements, chiffres à l’appui.
M. Loïc Hervé. Pas toujours !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je suis désolé, monsieur sénateur, je ne peux pas vous laisser dire ça !
Par ailleurs, les élus locaux expriment, au regard de la DGF, un besoin de stabilité. Il faudra bien, un jour, trancher intellectuellement.
Pour ma part, je suis tout à fait ouvert à ces deux logiques. Certains se positionnent en faveur de la prévisibilité, arguant de variations trop importantes au cours des dernières années, tandis que d’autres estiment que la stabilité aura pour conséquence de figer les inégalités, y compris s’agissant de l’évolution de la démographie, du potentiel fiscal et des cartes intercommunales.
C’est un beau sujet, que j’ai déjà longuement évoqué avec M. Gérard Larcher. Nous devrons nous pencher sur cette question, qui commandera nombre de décisions que vous aurez à voter dans les projets de loi de finances à l’avenir.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Pour ma part, je voterai les amendements déposés par Sylviane Noël, Martine Berthet et Cyril Pellevat.
Certes, les dispositions proposées reviennent chaque année, comme les hirondelles au printemps, dans le débat. Toutefois, elles permettent de corriger un « effet de bord » de la DGF. Par ailleurs, elles permettent de rendre nos décisions, y compris budgétaires, plus intelligibles. Il n’est pas vrai que les DGF négatives n’existent que dans les communes riches. C’est faux, notamment en montagne. Cette situation concerne des communes qui ont parfois sur leur territoire des stations de sports d’hiver dont elles doivent assumer la charge. Elles font face à des dépenses extrêmement importantes, en matière d’investissements, mais aussi de fonctionnement.
Votre explication, monsieur Raynal, me paraît complètement inintelligible et inexplicable aux élus locaux qui nous sollicitent.
Régulièrement, on écrit des lettres. Chaque année, on dépose ce même amendement, et ceux que nous examinons ont été cosignés par de nombreux collègues. Franchement, il est temps de mettre un terme à la DGF négative et de revenir à ce qu’était, historiquement, la DGF, à savoir la compensation d’un certain nombre de taxes anciennes qui avaient été supprimées. Il s’agit de la manière dont l’État aide les collectivités à faire face à un certain nombre de dépenses.
Intellectuellement, philosophiquement, monsieur le ministre, la DGF négative est inexplicable et inintelligible. Il faut y mettre un terme.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je vous propose, mes chers collègues, un sous-amendement, parfaitement intelligible aux élus locaux, qui réglera le problème. Il serait ainsi rédigé : « La contribution au redressement des finances publiques est supprimée. » (Mme Denise Saint-Pé applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. Je ne peux pas être d’accord avec les amendements qui sont proposés. Si on veut avoir pour objectif l’équité, on ne peut pas y être favorable.
La contribution au redressement des finances publiques, appliquée dans les conditions que nous connaissons, a été directement proportionnelle aux recettes, sans tenir compte des charges. Telle a été la réalité pour toutes les collectivités, qu’elles soient riches ou moins riches.
Adopter ces amendements reviendrait à restituer une partie de la contribution au redressement des finances publiques à un certain nombre de collectivités, sans se préoccuper de la fragilité des unes ou des autres. Ainsi, on pourrait avoir des collectivités fragiles auxquelles rien n’est restitué. Par conséquent, par simple mesure d’équité, je ne voterai pas ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Charles Guené, rapporteur spécial. Je rejoins la position de M. Delcros, qui a fort bien résumé la situation : tout ce qui est excessif est insignifiant.
La contribution au redressement des finances publiques a été basée sur les recettes. Si elle entame l’ensemble de la DGF, c’est que nous sommes en présence de communes qui dépassent la norme. Comme cela vient d’être expliqué, restituer de la DGF, ce serait rompre l’égalité et condamner l’équité entre collectivités locales.
Un effort a déjà été fait concernant la dotation d’intercommunalité, par le rétablissement fictif, de manière forfaitaire, d’une DGF négative. C’est déjà un grand pas. Il ne paraît pas raisonnable d’aller au-delà.
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.
M. Arnaud de Belenet. Mes chers collègues, sans doute suis-je en train de vous donner rendez-vous l’année prochaine…
Si la mécanique est pertinente, certains territoires voient un certain nombre de charges en fonctionnement et en investissement peser sur leur budget, certes avec des recettes réelles de fonctionnement par habitant supérieures à la moyenne. Je pense aux opérations d’intérêt national. Si le meccano ne peut s’appliquer à des communes dites riches, peut-être gagnerions-nous à envisager l’an prochain, au moins pour ces opérations d’intérêt national qui contribuent notamment à l’effort de production de logements, avec des charges singulières, de corriger les effets des décisions passées.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements nos II-309 rectifié ter, II-397 rectifié et II-475 rectifié bis.
M. Pierre-Yves Collombat. Et mon sous-amendement ?
M. le président. Est-ce bien raisonnable, mon cher collègue ?
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. La disposition que vous proposez, mon cher collègue, reviendrait à remettre en cause le solde de la première partie. Elle n’est donc pas recevable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-309 rectifié ter, II-397 rectifié et II-475 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° II-448, présenté par MM. Marie, Féraud, Raynal, Kanner, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes M. Filleul et Grelet-Certenais, MM. Houllegatte et Montaugé, Mmes Préville et S. Robert, M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° La quatrième phrase du dernier alinéa du III de l’article L. 2334-7 est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Si pour une commune, cette minoration excède le montant perçu au titre de la dotation forfaitaire, la différence est prélevée sur les douzièmes prévus à l’article L. 2332-2 du présent code et au II de l’article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 de la commune. À compter de 2020, le prélèvement vient s’ajouter aux prélèvements opérés au cours des années antérieures en application du présent alinéa et qui sont reconduits chaque année. » ;
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Cet amendement procède d’une philosophie assez différente de celle des trois précédents, puisqu’il vise à éviter que les collectivités les moins riches ne supportent le financement de la péréquation verticale à la place de celles qui ont le plus de moyens.
En effet, chaque année, la dotation forfaitaire des communes est écrêtée pour financer des contraintes internes à la répartition de la DGF, en particulier la progression des dotations de péréquation.
Afin de ne pas faire supporter la charge de cette minoration par les communes les moins favorisées, qui ont vocation à bénéficier pleinement de la hausse des dotations de péréquation, la loi prévoit que l’écrêtement est réalisé sur la dotation forfaitaire des communes qui présentent un certain niveau de potentiel fiscal par habitant. Ce sont ainsi les communes dont les dotations forfaitaires sont les plus élevées qui financent la progression de la péréquation pour les communes les plus en difficulté.
Toutefois, la contribution au redressement des finances publiques a minoré la dotation forfaitaire des communes, voire fait disparaître la dotation de certaines d’entre elles. Ces communes, qui sont donc en situation de DGF négative, échappent au financement de la progression des dotations de péréquation, alors même qu’elles peuvent présenter un niveau de richesse très élevé, qui se traduit par un potentiel fiscal par habitant élevé, lequel peut être quinze fois supérieur au seuil d’écrêtement.
Il paraît donc nécessaire de remédier à cette situation en faisant participer ces communes au financement de la péréquation verticale. À l’image de la contribution au redressement des finances publiques, l’écrêtement calculé pour ces communes prendrait la forme d’un prélèvement sur leurs douzièmes de fiscalité. Une telle évolution permettrait d’assurer une plus grande solidarité entre les collectivités et de mieux répartir la charge entre les communes écrêtées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. Il est intéressant de passer d’un amendement à l’autre… Il s’agit maintenant de l’écrêtement.
La commission émet un avis de sagesse bienveillante sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Les collectivités qui pourraient être concernées contribuent par ailleurs par l’intermédiaire de la péréquation horizontale, notamment par le biais du FPIC. Il me semble utile de le préciser.
Il convient de ne pas opposer les collectivités les unes aux autres. La péréquation et la solidarité, c’est au contraire faire en sorte que tout converge vers l’intérêt général.
Pour cette raison, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. L’examen de cet amendement nous permet de poursuivre le débat sur les communes soumises à la DGF négative.
Monsieur le ministre, dans la logique que vous avez évoquée dans le cadre de la discussion générale, à savoir apporter des réponses circonstanciées à des éléments d’information, je vous demande d’examiner au cas par cas la situation des communes soumises à la DGF négative.
On ne va nous faire le coup à chaque fois des communes extrêmement riches qui ont une centrale nucléaire ou un barrage hydroélectrique sur leur territoire ! Il existe aussi des collectivités qui possèdent des installations touristiques majeures, lesquelles ne leur apportent pas tant de recettes !
Je rejoins les propos d’Arnaud de Belenet. Certaines collectivités vont être amenées à engager des investissements très importants pour le pays, notamment pour développer le tourisme. Je pense à l’accueil hivernal en montagne, aux communes de mon département, la Haute-Savoie, et plus particulièrement à celle de Magland – je le dis pour que cette mention figure au compte rendu.
Mes collègues de Haute-Savoie, qui sont intervenus précédemment, et moi-même n’avons eu de cesse d’écrire à tous les ministres, afin de les prier d’examiner ces situations, qui sont graves et pénalisantes.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur le sénateur, j’ai bien compris que la montagne dominait largement la Normandie ! Que les sénateurs normands viennent à mon secours ! (Sourires.)
Je peux comprendre la logique de votre propos. Il faut alors examiner tous les moyens d’accompagnement envisageables pour aider les communes qui ont des charges de centralité ou des charges liées aux activités touristiques.
J’ai ouvert la séance en présentant un amendement destiné à régler une difficulté tout à fait concrète posée par les zones Natura 2000 dans les communes. En effet, comment avoir un potentiel fiscal et développer sa commune si une partie de son territoire est figée pour de bonnes raisons environnementales ? Nous avons répondu à ce problème par le biais non pas de la DGF, mais d’une dotation spécifique.
J’entends les termes généraux du débat mis en avant par les deux rapporteurs spéciaux. Néanmoins, répondre au besoin que vous exprimez, monsieur le sénateur, ne passe pas, à mon avis, par la DGF qu’il faut passer. Certes, on peut être ouvert à tout ! Mais des communes de la Manche ne doivent pas être amenées à financer des installations en montagne. Il faut trouver autre chose !
S’agissant des communes riches et des communes pauvres, je me méfie de ces qualifications, dans la mesure où les maires des communes dites riches connaissent des difficultés importantes de gestion. Toutefois, la richesse, c’est le potentiel fiscal !
M. Loïc Hervé. Les problèmes des communes riches sont aussi des problèmes !
M. Pierre-Yves Collombat. C’est douloureux !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Le potentiel fiscal, ça existe ! Vous êtes souvent les sénateurs de départements dans lesquels les communes sont dans des situations très différentes. Je vous invite donc à la plus grande prudence sur ce sujet.
Sans faire de politique, si j’appliquais certaines des dispositions des amendements que vous avez pu défendre au périmètre de vos départements, vos grands électeurs maires seraient quelque peu surpris. Je fais exprès de mettre les pieds dans le plat avec bienveillance pour le Sénat. Attention, on peut créer des effets de bord un peu curieux !
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. Pour ma part, je suis favorable à cet amendement pour les motifs que j’ai développés précédemment. Des critères s’appliquant à toutes les collectivités ont été mis en place – ils valent ce qu’ils valent – pour définir leur participation ou non à la péréquation, fondée notamment sur le potentiel fiscal.
Il n’y a aucune raison de dispenser certaines collectivités de participer à cette péréquation, alors qu’au regard des critères elles devraient contribuer, puisqu’il s’agit des communes les mieux pourvues financièrement. Ne l’oublions jamais, quand certaines communes ne participent pas, les autres le font à leur place.
M. le président. L’amendement n° II-662 rectifié, présenté par MM. Patient, Dennemont, Gattolin, Karam, Marchand et Hassani, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la troisième phrase du dernier alinéa du même III, après le mot : « produits, », sont insérés les mots : « des recettes d’octroi de mer pour les communes d’outre-mer, » ;
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. La hausse continue de la péréquation verticale permet d’assurer la croissance de la DGF des communes fragiles. Or de nombreuses communes voient leur DGF stagner, voire diminuer, en raison de l’écrêtement appliqué à la dotation forfaitaire. Ces effets contre-péréquateurs de l’écrêtement sont fortement accentués dans les communes des DOM qui bénéficient de l’octroi de mer.
Par ailleurs, celles qui subissent une hémorragie démographique et qui, de ce fait, présentent un potentiel financier par habitant artificiellement élevé sont doublement pénalisées.
Le montant de l’écrêtement ne peut être supérieur à 1 % des recettes réelles de fonctionnement, recettes de l’octroi de mer comprises. En 2017, la Cour des comptes s’était étonnée que l’on intègre l’octroi de mer dans l’assiette pour limiter l’écrêtement, alors que cette recette avait été exclue de la base de calcul de la CRFP, la contribution au redressement des finances publiques. Le présent amendement vise à réparer cette incohérence.