M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Pemezec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans les quatre minutes qui me sont imparties, je veux d’abord dénoncer un budget en trompe-l’œil, à travers le jeu de dupes que nous propose le Gouvernement en prenant l’argent dans la poche des uns pour le mettre dans celle des autres !
C’est tout de même incroyable ! Faute d’être capable de mettre en place une véritable politique de réduction du train de vie de l’État, le Gouvernement est de plus en plus régulièrement amené à faire les poches, tantôt des communes, tantôt des départements, tantôt des intercommunalités, afin de distribuer ses bons points et ses punitions ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Tout à fait !
M. Philippe Pemezec. Il est pour le moins paradoxal que l’État, incapable de voter un budget à l’équilibre depuis quarante-trois ans, délivre des leçons de vertu aux collectivités qui, elles, votent leur budget en équilibre, et ce alors même qu’il les dépouille consciencieusement depuis cinq ans, notamment au travers de la baisse continue de la DGF !
M. Bruno Sido. Exactement !
M. Philippe Pemezec. Sur ce point, la contractualisation proposée – pardon, imposée ! – par l’État sur les efforts demandés en termes de fonctionnement est un marché de dupes. On nous dit : « on vous impose un effort en matière de dépenses ; si vous n’obtempérez pas, on baisse vos dotations ». Cela revient en fait à nous dire : « on baisse vos dotations pour vous obliger à baisser vos dépenses » !
Plus fort encore, l’État se paye le luxe de faire des cadeaux fiscaux aux contribuables avec l’argent des autres, comme ce fut le cas pour la suppression de la taxe d’habitation, qui représente un cadeau de 26 milliards d’euros, alors qu’il n’a pas le premier centime pour compenser le manque à gagner des communes.
Une autre preuve de cette duplicité est ce débat en trompe-l’œil sur le projet de loi de finances pour 2019 alors que se prépare pour le printemps prochain un projet visant à refonder complètement le dispositif financier des collectivités territoriales. Parce que les robinets de la croissance sont taris, cette nouvelle organisation fiscale ne pourra que monter les métropoles contre les régions, les départements contre les intercommunalités, le tout sur le dos des communes, condamnées à se regrouper ou à périr.
C’est l’ultime avatar du processus de recentralisation entamé depuis la fin des années 1990 par la loi Chevènement et le maillage intercommunal qui étouffe peu à peu les communes de France.
La situation de l’Île-de-France illustre malheureusement cet état de fait, avec une organisation inaboutie, « abracadabrantesque », qui fait cohabiter aujourd’hui cinq strates de pouvoir contre trois précédemment. Il fallait le faire tout de même !
Depuis plus d’un an, l’avenir de l’Île-de-France est suspendu au bon vouloir du chef de l’État, qui s’est arrogé le pouvoir de décider seul de l’architecture territoriale de la région capitale, au mépris de l’esprit de la loi de décentralisation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. –Mme Sophie Joissains applaudit également.)
M. Philippe Dallier. Il ne décide de rien !
M. Philippe Pemezec. Cela nous vaut aujourd’hui, en raison des atermoiements de l’exécutif, d’avoir une métropole du Grand Paris au bord de la faillite, des territoires exsangues et des communes privées de ressources par le jeu croisé de la baisse drastique des dotations, du renforcement de la péréquation, en attendant l’hypothétique remboursement à l’euro près de la disparition de la taxe d’habitation.
Dans ce contexte où se met en place une véritable mécanique infernale destinée à assécher les finances locales, rien d’étonnant que plus de la moitié des maires de France envisagent de ne plus se représenter,…
M. Laurent Duplomb. Tout à fait !
M. Philippe Pemezec. … faute de pouvoir maîtriser les mécanismes financiers et les transferts de compétences vers les intercommunalités – elles ne servent à rien en région Île-de-France –, notamment la compétence relative à l’urbanisme qui permettait pourtant au maire de valoriser les ressources d’un territoire communal. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Je ferai maintenant une observation à M. le Président de la République, qui, avec ses amis de la caste, contrôle tout et avec mépris de surcroît : la maison brûle et il regarde ailleurs, vers Buenos Aires ou vers Bruxelles, bientôt vers Marrakech !
M. Roger Karoutchi. Ah !
M. Philippe Pemezec. La colère qui monte dans le pays est aggravée par l’affaiblissement du tissu territorial, par le découragement des élus locaux, par la marginalisation des corps intermédiaires, tout ce qui jouait le rôle d’amortisseur social dans notre pays.
M. Roger Karoutchi. Exact !
M. Philippe Pemezec. Ce débat sur le projet de loi de finances devrait être autre chose que l’examen de mesures techniques additionnées venant corriger les nombreuses erreurs des années précédentes.
M. le président. Veuillez conclure, cher collègue !
M. Philippe Pemezec. Il devrait s’accompagner d’un nécessaire débat de fond sur une véritable politique d’aménagement du territoire et un juste partage des compétences et des ressources. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « stabilité, lisibilité » ! J’ai écouté attentivement les propos prononcés à l’Assemblée nationale par le ministre de l’action et des comptes publics lors de la discussion budgétaire. Il avait pris le cas concret de la DGF qui, disait-il, est stable pour la seconde fois pour le bloc communal. Ici, dans cet hémicycle, je voudrais vous parler de la réalité !
À l’échelon national, en 2018, 16 000 communes ont vu leur DGF diminuer. Dans mon département, la Loire, sur 326 communes, 238 ont vu leur DGF baisser entre 2017 et 2018, soit 72 % d’entre elles.
M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Eh oui !
M. Bernard Fournier. Ainsi, même si des baisses de DGF pour certaines communes sont compensées par des hausses dans d’autres, le résultat final est négatif.
Maintenant, si je m’intéresse à la variation de la totalité des dotations entre 2017 et 2018, toujours dans la Loire, 173 communes subissent une diminution, soit 53 % d’entre elles.
Nous avons dix communes – par exemple Néronde, Montchal, Saint-Cyr-de-Valorges, Saint-Maurice-en Gourgois – qui perdent jusqu’à 20 % de dotations. Dans un département comme le mien où 85 % des communes sont rurales, cette baisse des moyens n’est pas sans conséquence. D’autant que les communes rurales investissent proportionnellement près de 50 % de plus que les autres communes françaises.
Monsieur le ministre, vous pouvez présenter les chiffres de manière tout autre, mais la réalité reste la même : les communes rurales, que je défends particulièrement, sont de moins en moins aidées par l’État et elles perçoivent de moins en moins de recettes fiscales.
À l’heure où la fracture territoriale est criante, ce que l’actualité nous rappelle tous les jours, il est de moins en moins supportable de constater que la DGF par habitant pour une commune de moins de 3 500 habitants varie de 64 euros à 88 euros, alors qu’elle est de 128 euros pour les villes de plus de 200 000 habitants.
M. Jean-Marc Boyer. Exact !
M. Bernard Fournier. La dotation varie donc du simple au double…
Nous attendons beaucoup du Premier ministre, qui s’est engagé à revoir le fonctionnement de la DGF. Nous ferons, avec les maires, des propositions pour mettre fin à ces fameux quarante-deux critères auxquels aucun élu ne comprend rien. Nous devons faire cesser cet écart de richesse qui est complètement injustifié et auquel aucun gouvernement n’a voulu s’attaquer ces dernières années.
Plus généralement, j’ai été surpris des propos de certains élus de La République En Marche qui demandent, dans les réformes à venir, une plus grande autonomie des collectivités.
M. Philippe Dallier. C’est gentil !
M. Bernard Fournier. Nous avons, là aussi, sûrement, une utilisation différente du mot « autonomie » ou une conception tout autre de la libre administration des collectivités puisque vous avez mis en place les contrats de maîtrise de la dépense locale avec 322 communes !
M. le président. Veuillez conclure, cher collègue !
M. Bernard Fournier. Quid aussi de la suppression de la taxe d’habitation dont nous ne savons par quoi elle sera compensée ?
Il est indispensable, monsieur le ministre, que les politiques mises en œuvre aient une certaine cohérence. Nous ne pouvons pas, d’un côté, fermer des classes, des trésoreries, des hôpitaux pour des raisons budgétaires et,…
M. le président. Je vous ai demandé de conclure !
M. Bernard Fournier. … de l’autre, entendre le ministre de l’action et des comptes publics admettre qu’il faut d’urgence « remettre des services publics sur le territoire ». Quelle est la logique ? Où est le bon sens ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël. (Applaudissements sur les mêmes travées. – M. le rapporteur pour avis applaudit également.)
Mme Sylviane Noël. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, nous avons entendu à de multiples reprises que ce budget dédié à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » était stable. Nous ne pourrions que nous en féliciter si la réalité n’était pas tout autre.
Sur le papier, certes, l’article 23 affiche effectivement le maintien de la dotation globale de fonctionnement pour 2019 à son niveau de 2018. Mais dans la réalité, le compte n’y est pas !
En effet, monsieur le ministre, vos chiffres ne prennent en compte ni l’augmentation de la population ni l’inflation : ce sont pourtant des données qui sont essentielles pour connaître le montant réel que les collectivités territoriales vont percevoir. En réalité, avec une inflation à 1,7 %, ce que vous appelez stabilité des dotations signifiera une baisse de ces dernières !
Parlons clair : plus de 5 000 communes verront leur dotation baisser. La dotation de soutien à l’investissement local diminue de 25 %. Les dotations générales de décentralisation et la dotation globale de fonctionnement diminuent également.
Sans compter les mesures techniques glissées dans le budget voté par la majorité et dont les effets alourdiront le fardeau des collectivités. Je pense, par exemple, à la taxe sur le gazole non routier qui est doublée. Certes, un moratoire de six mois a été instauré hier au sujet de cette mesure, mais si celle-ci devait s’appliquer, elle alourdirait considérablement le coût des travaux et des chantiers publics. Elle constitue donc un frein à l’investissement, alors que les collectivités locales assurent près de 70 % de la commande publique.
Depuis 2013, les municipalités ont vu leur dotation globale de fonctionnement amputée de près d’un quart. Que dire de certains territoires, nombreux dans mon département, déjà fortement contributeurs au FPIC et qui se voient affectés par une DGF négative ?
Il ne s’agit nullement de remettre en cause le principe de péréquation et de solidarité. En revanche, il faut cesser de faire peser sur ces territoires une part déraisonnable et disproportionnée de péréquation horizontale. Si l’État continue à affaiblir les collectivités qui jouent le rôle de moteur dans notre pays, c’est l’ensemble de nos collectivités qui resteront à quai.
Les collectivités locales font des efforts considérables et ont baissé leurs dépenses de 27 milliards d’euros pendant que l’État augmentait les siennes du même montant. Ce sont pourtant elles qui sont montrées du doigt, alors qu’elles votent leur budget en équilibre et ne peuvent recourir à l’emprunt pour financer leur fonctionnement.
Le Gouvernement fonce dans le mur avec la suppression non compensée de la taxe d’habitation. Ce n’est pas en remplaçant cette taxe par la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties, autrement dit ce n’est pas en déplaçant le problème du bloc communal vers les départements, que vous sortirez de l’impasse dans laquelle vous êtes aujourd’hui bloqué, monsieur le ministre.
Cette absence de visibilité sur le long terme et ces coups de canif incessants portés à l’autonomie des collectivités locales ne sont plus supportables
Un ancien et célèbre sénateur de Haute-Savoie, Bernard Pellarin, aimait à rappeler le principe selon lequel « qui paye commande, qui commande paye » : je soumets cette citation emplie de bon sens à votre réflexion en vue de la prochaine refonte de la fiscalité locale ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur pour avis applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous retrouver ce matin et je vous remercie de vos différentes prises de parole.
Le cadre que je vous propose, au nom du Gouvernement, est assez simple : d’une part, j’y reviendrai ultérieurement, il s’agit d’aller vers plus de stabilité, de lisibilité et de cohérence, dans la continuité des orientations qui ont été fixées l’année dernière ; d’autre part, il s’agit d’aller vers plus de liberté pour prendre en compte les revendications légitimes des territoires.
Concernant le budget qui vous est présenté, trois axes se dégagent : un choix clair en faveur de la prévisibilité et de la stabilité globale des ressources versées aux collectivités ; un soutien fort de l’État à l’investissement public local ; un renforcement soutenable de la péréquation en faveur des collectivités les moins favorisées.
Je commencerai par la stabilité. Il n’y aura pas au cours de ce quinquennat de grands bouleversements institutionnels. Les élus, notamment ceux de 2014 et de 2015, dont je fais partie, appartiennent à une génération de décideurs convalescents ayant connu des coupes brutales dans les dotations de l’État et des compétences modifiées en profondeur. Ils demandent désormais d’y voir clair et de se concentrer sur les projets de leur territoire. C’est pourquoi, comme l’an passé, le Gouvernement ne réduira pas de façon unilatérale, contrairement à ce que j’ai entendu dire, les concours financiers de l’État aux collectivités là où, entre 2014 et 2017, pour mémoire, ils avaient baissé de 11,5 milliards d’euros.
M. Philippe Dallier. C’est la faute à Macron ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Sébastien Lecornu, ministre. Par conséquent, les concours financiers de l’État en 2019 seront stables, voire en légère augmentation, comme l’honnêteté des chiffres me commande de le rappeler, par rapport à 2018.
Au sein de ces concours, la mission « Relations avec les collectivités territoriales », que vous examinez aujourd’hui, est globalement stable, avec 3,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement, traduisant le maintien à un niveau historiquement élevé des dotations de soutien à l’investissement local. Je prendrai devant vous plusieurs exemples concrets.
Premier exemple, la DGF. Pour la seconde fois, après quatre années de baisse, la DGF des départements et du bloc communal sera stable en 2019 et s’élèvera à 27 milliards d’euros. J’ai eu l’occasion de le dire la semaine dernière, lors d’une séance de questions au Gouvernement ici même au Sénat, au sein de cette enveloppe, il y aura bien sûr des variations collectivité par collectivité, en fonction des critères de répartition. C’est normal, car la DGF est une dotation vivante, il faut le rappeler, prenant en compte des indicateurs qui évoluent chaque année, à l’image des territoires. C’est la condition d’une répartition juste et équitable entre eux.
Ces variations devraient toutefois être moins importantes qu’en 2018, année où ont été pris en compte pour la première fois les nouveaux périmètres intercommunaux entrés en vigueur au 1er janvier 2017. En 2019, ce facteur ne jouera plus. Une garantie de sortie de la DSR « cible » a d’ailleurs été instituée lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale. C’est un élément de sécurisation supplémentaire que nous apportons aux communes rurales.
Tout à l’heure, nous débattrons d’un amendement déposé par les rapporteurs spéciaux visant à améliorer l’information des collectivités sur les motifs d’évolution des attributions individuelles des composantes de la DGF. Il s’agira déjà d’un pas énorme. Pour éviter les situations que nous avons connues cette année, il faut que l’argent public soit réparti de manière intelligible pour les citoyens ; nous en sommes loin si les élus eux-mêmes, et je partage les remarques qui ont été formulées, ne sont pas en mesure de comprendre.
Ensuite, comme vous le savez, le Président de la République a annoncé qu’il était prêt à ouvrir le chantier de la réforme de la DGF. Nous le ferons en concertation totale avec les élus, mais aussi, bien évidemment – je m’y suis engagé auprès du président du Sénat, Gérard Larcher –, avec les parlementaires, notamment avec ceux de la commission des finances ou de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales. Le débat démarre maintenant et peut trouver son aboutissement d’ici au projet de loi de finances pour 2020.
Le deuxième exemple porte sur la péréquation. Comme l’an passé, le Gouvernement continue à faire progresser la péréquation en faveur des collectivités les plus fragiles au regard de critères de ressources et de charges. Les composantes péréquatrices de la DGF seront abondées de 190 millions d’euros en 2019, conformément aux engagements pris dans la loi de programmation des finances publiques. Il ne s’agit pas là, contrairement à ce qui s’est fait dans le passé, d’accompagner une baisse de la DGF afin de la rendre moins difficile pour les collectivités les plus fragiles. Il s’agit, bien au contraire, d’un choix clair en faveur de la solidarité pour réduire les fractures territoriales.
La répartition de cette augmentation de la péréquation se fera au travers de la dotation de solidarité urbaine des communes, la DSU, dont les crédits augmentent de 90 millions d’euros, de la dotation de solidarité rurale des communes, la DSR, dont les crédits augmentent également de 90 millions d’euros, et des dotations de péréquation des départements, à savoir la dotation de péréquation urbaine, la DPU, et la dotation de fonctionnement minimale, la DFM, à hauteur de 10 millions d’euros.
Le troisième exemple – il en a été beaucoup question dans vos interventions, mesdames, messieurs les sénateurs – porte sur l’investissement local. Les différentes dotations de la mission atteindront 2 milliards d’euros en 2019, soit une quasi-stabilité par rapport à l’an dernier, dont 1,8 milliard d’euros pour le bloc communal – DETR, dotation d’équipement des territoires ruraux, DSIL, dotation de soutien à l’investissement local, et DPV, dotation politique de la ville. Ainsi, nous consolidons le niveau exceptionnel atteint en 2018 par les subventions d’investissement au bloc communal.
Comme cela a été annoncé l’an dernier, la DSIL est donc bel et bien pérennisée. Elle n’est plus un outil de compensation d’une DGF en baisse telle qu’imaginée dans la période précédente, mais elle est bien un accélérateur pour l’investissement local. Par rapport à 2015, l’augmentation de ses crédits atteint 73 %, soit 745 millions d’euros, une diminution modeste par rapport à 2018 de 45 millions d’euros, comme plusieurs intervenants l’ont souligné, devant être notée. Cette baisse, prévue par la loi de programmation, s’explique par l’avancée des projets et par la fin des besoins de financement en matière de contrats de ruralité. Je ne parle pas de l’extinction de ceux-ci. À ce sujet, tous les engagements figurant dans ces contrats de ruralité seront tenus. À l’heure actuelle, 478 contrats sont signés ou en cours de signature. Il n’y a donc pas de diminution, comme j’ai pu l’entendre dire.
Le solde de la DSIL est quant à lui maintenu. Nous reviendrons, lors de l’examen des amendements, sur la nécessaire transparence de l’utilisation de ces crédits, car c’est une attente légitime exprimée par les élus locaux et par les parlementaires.
Pour continuer à assurer la stabilité, paradoxalement, il faut aussi savoir réformer. C’est tout l’objet – je vous remercie, messieurs les rapporteurs, de l’avoir rappelé – de la réforme de la dotation d’intercommunalité présentée à l’article 79, après une importante concertation engagée au printemps via les travaux du comité des finances locales présidé par M. Laignel.
Ce PLF prévoit donc la réforme de cette dotation de 1,5 milliard d’euros, qui constitue avec la dotation de compensation ce que l’on appelle la « DGF des EPCI ». Depuis plusieurs années, la répartition de cette dotation, divisée en sous-enveloppes par catégories juridiques d’EPCI, connaissait des difficultés structurelles. On se retrouvait avec des évolutions parfois imprévisibles pour les collectivités et quelquefois avec des besoins de financement qui exigeaient que l’on réalimente cette dotation.
Afin de résoudre ces problèmes qui ont entraîné de l’illisibilité et de l’instabilité pour les collectivités, nous présentons une réforme concertée, largement amendée par les députés de tous bords, et qui pourra continuer à être améliorée dans cette enceinte par voie d’amendement. Cette réforme redonne de la vigueur aux critères existants, qui étaient devenus progressivement inopérants, en les complétant d’un critère tenant compte des charges des collectivités : le revenu des habitants. Elle simplifie l’architecture de la dotation avec la création d’une seule enveloppe – il s’agissait d’une demande ancienne – et améliore la prévisibilité de cette ressource en faisant en sorte que les garanties s’appliquent effectivement.
La réforme bénéficiera globalement à toutes les catégories juridiques d’intercommunalité, 90 % d’EPCI devant être gagnants ou connaître une situation stable à un horizon de cinq ans.
Lors des débats à l’Assemblée nationale, nous avons entendu les inquiétudes exprimées par certains sur cette réforme, même si personne n’a remis en cause son utilité. Sachez que la concertation menée cet été avec l’ensemble des associations d’élus s’est poursuivie jusqu’à l’examen de la mission au Sénat. C’est pourquoi le Gouvernement a accepté un certain nombre d’amendements déposés par les députés. Il émettra également, messieurs les rapporteurs, des avis plus que favorables sur certains amendements que vous présenterez. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Quel esprit d’ouverture !
Mme Sophie Joissains. Tous nos encouragements !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Afin d’assurer plus de liberté aux collectivités, car si les élus demandent de la stabilité, ils demandent aussi depuis longtemps à l’État de faire preuve de souplesse et de réalisme, le Gouvernement a fait le choix d’une méthode. Il propose un cadre davantage adapté à chaque territoire, ce que nous avons appelé le « principe de différenciation ».
C’est bien évidemment l’esprit de la révision constitutionnelle qui sera de nouveau soumise à la discussion du Parlement au début de l’année prochaine. C’est aussi l’esprit de la méthode employée par Jacqueline Gourault, avec les élus alsaciens et ceux de la région Grand-Est pour ce qui concerne le pacte Alsace. Sur le même modèle, je mène actuellement des discussions pour conclure un pacte Ardennes avec la région, le département et des élus locaux.
M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Bientôt la Savoie !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Cette méthode, nous pouvons la décliner dans les territoires. Nous faisons, mesdames, messieurs les sénateurs, du sur-mesure.
Par ailleurs, nous sommes aux côtés des communes qui veulent se regrouper en commune nouvelle sur la base du volontariat, nous aurons l’occasion d’y revenir.
Nous donnons également davantage de souplesse. C’est le sens de notre travail sur les irritants de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe,…
M. André Reichardt. C’est du boulot !
M. Sébastien Lecornu, ministre. … une loi que je n’ai pas soutenue. Et j’ai parfois regretté qu’un certain nombre de parlementaires proches de mes convictions l’aient votée. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Les préfets de l’ensemble des départements nous on fait remonter les contraintes, pas toujours justifiées, auxquels sont parfois confrontés les élus. Le travail se poursuivra, monsieur le président du Sénat, avec le Parlement et les associations d’élus. C’est aussi l’esprit de la proposition de loi soutenue dans cette assemblée par Françoise Gatel et Agnès Canayer portant sur les communes nouvelles, afin d’accompagner ces mutations.
M. Pierre-Yves Collombat. Alors là c’est douteux !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous pourrez le dire à vos collègues : le Gouvernement sera au côté du Sénat pour apporter ces modifications attendues par les territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. C’est une pluie de bonnes nouvelles !
M. Sébastien Lecornu, ministre. C’est la première fois que je suis applaudi au Sénat depuis dix-huit mois, je risque de finir par y prendre du plaisir ! (Sourires.)
Dans ce budget, on trouve également plusieurs mesures de simplification. Je pense à la transformation de l’actuelle dotation globale d’équipement des départements, la DGE – je l’ai bien connue comme président de conseil départemental – en dotation de soutien à l’investissement des départements, que l’on pourrait appeler DSID.
On observe aujourd’hui, contrairement à ce que j’ai pu entendre dans les interventions précédentes, une très grande disparité, pour ne pas dire une certaine inégalité, dans l’accès aux crédits de la DGE.
M. Ladislas Poniatowski. Nous sommes bien d’accord !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Les présidents des départements les plus fragiles, les plus dépourvus en ingénierie le savent et peuvent en témoigner, comme certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs.
La complexité de cette dotation pouvait même dissuader certains départements de monter des dossiers pour en bénéficier.
De plus, l’État ne disposait pas d’outils pour soutenir un département qui avait besoin d’une aide ponctuelle et immédiate, puisque la DGE intervenait, comme vous le savez, une fois les investissements réalisés, soit plusieurs mois, voire plusieurs années plus tard.
Les grands axes de la réforme que nous vous proposons sont donc les suivants : tout d’abord, passer d’une logique complexe de guichet à une logique souple de projets, à l’appui des initiatives des départements et sur le modèle de la DSIL ;…