M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice, je connais votre engagement en faveur du pastoralisme et de la recherche d’une solution concernant le loup, dans votre département comme à l’échelle nationale.
Le plan Loup pour la période 2013-2017 a mobilisé un budget de plus de 100 millions d’euros, dont 87 millions d’euros pour les mesures de protection des troupeaux, 14 millions d’euros pour l’indemnisation des dommages, 740 000 euros pour l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et 518 000 euros pour la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement de la région Auvergne-Rhône-Alpes. L’augmentation annuelle du coût global des mesures de protection est de l’ordre de 5 % à 15 %. Le coût de ces mesures est supporté à hauteur de plus de 50 % par les crédits du Fonds européen agricole pour le développement rural.
Au-delà de ces éléments techniques, les plans Loup successifs ont porté leurs fruits. Le dernier autorise le prélèvement d’une cinquantaine de loups, soit 10 % de la population présente en France, mais il faut aller plus loin. Nous savons que la cohabitation entre le prédateur et l’éleveur est difficile. On ne peut pas mettre des barrières partout, les patous attaquent parfois les promeneurs. De plan Loup en plan Loup, les choses avancent, mais rien n’est réellement réglé.
C’est la raison pour laquelle, dans les semaines qui viennent, je vais lancer le débat sur la prédation et le loup à l’échelon européen. Il faut revoir la directive Habitat, déterminer si le loup est une espèce en voie de disparition ou non. Plus de 500 loups sont aujourd’hui présents dans notre pays. Mon ministère et le Gouvernement défendent la biodiversité. Il est normal qu’il y ait des loups, il n’est pas question de les éradiquer. En revanche, il faut faire baisser la pression sur les éleveurs, qui aujourd’hui vivent dans des conditions terribles de stress et d’angoisse. Je vais m’employer à trouver une solution.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour la réplique. Vous disposez de trente-deux secondes, ma chère collègue.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse de bon sens. C’est un signal qui sera entendu. Ce que je dénonce, vous l’avez compris, c’est l’importance des sommes qui sont englouties sans que, à aucun moment, l’on s’interroge sur l’efficacité des actions menées, tandis que, par ailleurs, les territoires et les communes sont exsangues.
difficultés rencontrées par les professionnels équins
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, auteur de la question n° 492, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Philippe Bas. Je souhaite la bienvenue au Sénat à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
J’appelle son attention sur un problème dont j’ai pris la mesure au cours des derniers mois.
La Manche est un département grand producteur de chevaux. Il est même l’inventeur du cheval de selle français. Nous avons constaté une lacune dans la réglementation. Quand un éleveur équin souhaite s’installer, il suit une formation, qui aboutit à la délivrance d’un diplôme équestre. Or ce diplôme n’est pas reconnu comme étant un diplôme agricole. On pourrait s’en accommoder si cela n’emportait pas de très graves conséquences : le jeune éleveur équin n’a pas droit aux aides à l’installation en agriculture.
J’aimerais que l’on puisse régler ce problème en faisant en sorte que le diplôme équestre soit reconnu comme équivalant à un diplôme agricole, afin que nos éleveurs de chevaux, qui ne sont pas si différents de nos éleveurs de bovins ou de moutons, puissent bénéficier des aides agricoles à l’installation.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le président Bas, votre question m’a donné l’occasion de mieux appréhender cette filière que, je l’avoue, je connaissais assez peu.
Des possibilités existent pour avancer dans la direction que vous souhaitez. En application de l’article D.343-4 du code rural et de la pêche maritime, relatif aux aides de l’État à l’installation, la capacité professionnelle agricole, la CPA, est accordée à tout détenteur d’un diplôme de niveau égal ou supérieur au baccalauréat professionnel option « conduite et gestion de l’exploitation agricole » ou au brevet professionnel option « responsable d’exploitation agricole », procurant une qualification correspondant à l’exercice du métier de responsable d’exploitation agricole, conférant le niveau IV agricole.
Les diplômes équestres délivrés par le ministère des sports et les qualifications professionnelles délivrées par la Fédération française d’équitation ne visent pas l’exercice du métier de responsable d’exploitation agricole et ne confèrent donc pas d’emblée la CPA.
Néanmoins, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation et le ministère des sports accordent réciproquement des équivalences dans les enseignements généraux et/ou professionnels de leurs diplômes respectifs.
Ainsi, afin de faire valoir ces équivalences, il revient au titulaire du diplôme équestre de s’adresser à la direction régionale interdépartementale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt de sa région et de faire reconnaître certains blocs de compétences de son diplôme, communs avec un des diplômes de l’enseignement agricole conférant la CPA. Pour obtenir la CPA, il lui restera à valider le ou les blocs de compétences manquants, par exemple celui portant sur la gestion comptable d’entreprise.
Sous ces réserves, il doit être possible que l’équivalence soit reconnue.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas pour la réplique, pour une minute et sept secondes.
M. Philippe Bas. C’est précisément parce que nos jeunes diplômés de la filière équine se heurtent à des difficultés pour l’application de ces règles que j’ai posé ma question. Il me semble qu’un travail commun entre la filière équine et le ministère des sports devrait avoir lieu afin de faciliter les démarches. Peut-être conviendrait-il que des instructions communes soient adressées à cette fin aux services régionaux et départementaux de l’État qui dépendent de votre ministère et de celui de la jeunesse et des sports.
Il n’y a aucune objection de principe, vous l’avez reconnu, monsieur le ministre, à ce que satisfaction soit donnée à nos jeunes éleveurs de chevaux. Je suis naturellement à votre disposition pour en rediscuter et faire en sorte qu’un peu d’huile puisse être mise dans les rouages.
M. Didier Guillaume, ministre. Je suis moi aussi à votre disposition.
conséquence de la sécheresse sur l’agriculture
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 506, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Antoine Lefèvre. La sécheresse estivale a des conséquences particulièrement importantes dans les Hauts-de-France, et dans le département de l’Aisne en particulier.
En ce qui concerne les fourrages, les éleveurs ont dû utiliser leurs stocks dès le début de juillet pour alimenter leurs animaux.
En ce qui concerne les pommes de terre de consommation, la récolte est très hétérogène, de 35 tonnes à 100 tonnes à l’hectare en fonction des pluies d’orage, soit une chute moyenne du rendement de 25 %.
Pour les parcelles de betteraves récoltées en novembre, la baisse de rendement est de 34 %, soit environ 31 tonnes par hectare, ce qui représente un manque à gagner de 775 euros par hectare ou 48 % du bénéfice de la parcelle.
La culture des colzas, quant à elle, est « mort-née » : à peine levée, elle a brulé par manque d’eau.
Le même constat vaut pour les plantes intermédiaires, les surfaces d’intérêt écologique et ce que l’on nomme communément les « pièges à nitrates », ces cultures rendues obligatoires par l’Europe.
C’est ainsi que, en plus de la sécheresse, les agriculteurs sont surveillés par l’administration qui, par ses contrôles obligatoires au titre de la PAC, constate des défauts de cultures dus à l’absence de pousse, susceptibles d’engendrer des pénalités !
Cet aléa climatique fait suite à quatre années de difficultés liées à la météorologie et à des cours mondiaux très bas.
Alors que l’Allemagne a mis en œuvre des plans d’urgence et que de nombreux pays ont obtenu de Bruxelles des dérogations pour les surfaces d’intérêt écologique, seule la France a demandé à ses agriculteurs d’effectuer des dépenses inutiles en semant malgré la canicule.
L’Allemagne a très vite débloqué 340 millions d’euros pour ses agriculteurs, si bien que ceux-ci achètent aujourd’hui le fourrage qui nous manquera cet hiver…
Fin octobre, vous avez annoncé, monsieur le ministre, différentes initiatives, comme un dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti ou des reports et allégements de cotisations sociales dues à la Mutualité sociale agricole, la MSA. Les agriculteurs souhaiteraient que le bénéfice de ces mesures aille aux exploitations les plus touchées, au lieu d’être réparti en fonction du nombre d’exploitations par département, sans fléchage particulier.
Le préfet vous a fait remonter l’état des lieux dans notre département de l’Aisne, pour qu’enfin des décisions puissent être prises en matière de dérogations.
Vous avez annoncé ici même, samedi dernier, le déblocage de 400 millions d’euros au titre de la sécheresse. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire comment cette somme sera ventilée et quelles aides directes les agriculteurs sont en droit d’attendre ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, notre pays a connu cet été une sécheresse dramatique. Elle a été tardive, après des épisodes de pluie au printemps. La première coupe a été assez fournie, puis la sécheresse s’est installée jusqu’à l’automne, ce qui est assez exceptionnel.
Je me suis rendu dans les Ardennes, les Vosges, la Meuse et plusieurs autres départements. J’ai d’abord demandé aux préfets d’organiser la solidarité entre agriculteurs pour l’approvisionnement en fourrage. Ensuite, pour permettre une indemnisation rapide des agriculteurs sinistrés, j’ai décidé la tenue de trois réunions exceptionnelles du Comité national de gestion des risques en agriculture, le CNGRA, en décembre, en janvier et en février. Douze dossiers, pour soixante-dix départements concernés environ, sont déjà remontés en vue de la réunion du CNGRA du 12 décembre prochain.
Une fois la reconnaissance accordée, un acompte exceptionnel de 50 % sera versé aux agriculteurs éligibles ayant utilisé la télédéclaration pour déposer leur dossier.
Plusieurs dispositifs peuvent être mobilisés : le recours à l’activité partielle pour les salariés des exploitations, un dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti pour les parcelles touchées, les aides au paiement des cotisations sociales.
L’ensemble de ces mesures, sans comparaison avec ce qui a été mis en place dans les autres pays européens touchés par cette sécheresse, représente un apport de trésorerie exceptionnel pour les exploitants et des souplesses administratives leur permettant d’anticiper l’hiver et d’acheter les compléments nécessaires à l’alimentation des cheptels.
À l’avenir, il conviendra de mieux gérer la ressource en eau, pour que nos agriculteurs n’aient plus à subir de tels dommages. Sur ce sujet aussi, vous pouvez compter sur mon engagement, monsieur le sénateur. Comme je l’ai annoncé ici même, je vais commencer à travailler sur l’utilisation des retenues d’eau en cas de sécheresse.
Vous avez évoqué le cas de l’Allemagne, monsieur le sénateur. Sachez que le ministère allemand de l’agriculture a annoncé un grand plan, doté de moyens importants, mais aucun argent n’est mis à la disposition des agriculteurs, et ceux-ci sont fort mécontents. Seule la France a mis en œuvre un plan efficace, permettant aux agriculteurs de toucher des aides.
Nous sommes toutefois confrontés à une autre difficulté. Les aides sont versées par département ; or la situation des agriculteurs est très variable au sein d’un même département. Je souhaite donc faire évoluer les règles d’attribution afin que les préfets et les directions régionales de l’agriculture et de la forêt, les DRAF, puissent cibler les indemnisations sur les exploitations les plus touchées.
Quoi qu’il en soit, l’État sera au rendez-vous : quelque 400 millions d’euros seront versés au titre de cette sécheresse.
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.
M. Antoine Lefèvre. J’ai pris note de vos propos concernant l’Allemagne, monsieur le ministre ; je vérifierai ce qu’il en est.
Je profite de cette occasion pour vous alerter sur la gestion des aléas climatiques par l’État, la réserve prévue à cet effet se trouvant amputée d’un tiers dans le PLF pour 2019. La baisse annoncée du budget de la PAC est également inquiétante. Le Sénat, dans sa grande sagesse, a rejeté les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
habitat en péril
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, auteur de la question n° 517, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Sylvie Vermeillet. Dans nos petites communes, il arrive parfois que des propriétaires laissent leur maison à l’abandon pour des raisons diverses : indivision, éloignement, manque de moyens, etc.
Faute d’entretien, ces bâtiments se dégradent et deviennent dangereux pour les occupants, les voisins ou les habitants de la commune.
Lorsque le maire a connaissance de désordres affectant un logement susceptibles de causer un danger pour la sécurité des occupants, il notifie au propriétaire qu’une procédure de péril ordinaire va être engagée.
Aux termes des articles L. 511-1 à L. 511-7 du code de la construction et de l’habitation, le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu’ils menacent ruine et qu’ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité. Mais les petites communes n’ont plus les moyens de se substituer aux propriétaires défaillants. Dans certains cas, elles n’ont même plus les moyens de supporter les frais de contentieux.
Lorsque Mme la ministre Jacqueline Gourault est venue assister à l’assemblée générale des maires du Jura, trois maires se sont ouverts à elle de leurs difficultés, et elle a évoqué l’idée de créer un fonds spécial dédié à cette problématique. Cette hypothèse est-elle toujours envisagée ? Comment pourrait-elle être mise en œuvre ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Jacqueline Gourault et Julien Denormandie, qui ne pouvaient être présents ce matin.
En matière de lutte contre l’habitat dégradé, les maires de nos communes sont souvent en première ligne, comme vous l’avez fort justement rappelé.
Dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale relatifs aux immeubles menaçant ruine, le maire peut en effet prescrire la réparation ou la destruction de bâtiments et mettre en demeure un propriétaire, par un arrêté de péril et à l’issue d’une procédure contradictoire, de prendre les mesures nécessaires.
L’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, peut accorder des subventions aux propriétaires pour financer la réalisation de travaux dans le cadre d’une procédure de police administrative de lutte contre l’habitat indigne.
Lorsque les travaux ne sont pas réalisés par le propriétaire dans le délai qui lui est imparti, le maire a la possibilité de faire procéder d’office à leur exécution. Ces travaux sont alors réalisés pour le compte du propriétaire défaillant et à ses frais. Les communes peuvent en effet recouvrer les frais qu’elles ont avancés mais qui restent dus par le propriétaire défaillant.
Le Gouvernement n’envisage pas de créer un fonds spécifique, madame la sénatrice. Toutefois, les maires ne sont pas seuls et l’État, avec ses opérateurs, apporte un soutien financier important aux opérations qu’ils mènent pour résorber l’habitat indigne.
Ainsi, l’ANAH subventionne les travaux d’office réalisés par les communes au titre de diverses procédures, et cette subvention reste acquise à la commune, même après recouvrement complet des sommes engagées auprès du propriétaire.
Même si le problème concerne un immeuble en copropriété, l’ANAH est en mesure de subventionner les travaux d’office décidés par le maire en substitution aux copropriétaires défaillants, qui ne paieraient pas leur quote-part de travaux.
Lorsque l’action de la commune nécessite de prendre possession de l’immeuble du fait de l’inaction de son propriétaire, l’ANAH pourra désormais financer avec la collectivité ce type d’opération. Nous avons ainsi prévu, dans le PLF pour 2019, un budget de 15 millions d’euros à ce titre.
Très récemment enfin, la loi ÉLAN est venue renforcer les moyens financiers dont disposent les collectivités territoriales pour mieux lutter contre ces situations d’habitat indigne. Elle leur transfère le bénéfice des astreintes imposées aux propriétaires indélicats pour que les travaux soient faits.
Madame la sénatrice, Mme Gourault et M. Denormandie mesurent l’importance du soutien aux élus locaux sur ces dossiers sensibles. Ils continueront de les soutenir, puisqu’une mission portant sur la simplification des procédures sera prochainement lancée.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet pour une minute et trois secondes, pour la réplique.
Mme Sylvie Vermeillet. J’entends votre réponse, monsieur le ministre, mais je ne suis pas certaine que le dispositif actuel suffise. En effet, dans bien des cas, les communes n’ont pas de solution. Les communes doivent faire des avances de trésorerie, même si les travaux restent à la charge du propriétaire. À l’heure où l’on s’interroge sur l’efficacité du dispositif des zones de revitalisation rurale, il conviendrait de cibler les véritables problématiques des communes. Un fléchage de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, serait à mon avis plus efficace et d’effet plus immédiat.
nécessaire réévaluation de la participation de l’état aux aides individuelles sociales
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, auteur de la question n° 531, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. Olivier Henno. Nous avons appris avec beaucoup de satisfaction dans les colonnes de La Voix du Nord, le 18 octobre dernier, que le projet de fusion entre le département du Nord et la métropole européenne de Lille était enfin abandonné. Nous avons exprimé notre gratitude à Mme Jacqueline Gourault.
Avec le président du conseil départemental du Nord, Jean-René Lecerf, nous nous sommes opposés à cette idée baroque d’un partage du territoire nordiste en trois entités distinctes, qui aurait créé un département-métropole fusionné au centre du territoire et deux super-arrondissements regroupant la Flandre intérieure et la Flandre maritime, d’une part, le Douaisis, le Valenciennois, le Cambrésis et l’Avesnois, d’autre part.
Au-delà de l’ineptie géographique évidente, qui pouvait s’apparenter au partage de l’empire carolingien en 843 par le traité de Verdun entre les trois héritiers de Charlemagne, ce projet de fusion dénaturait complètement les équilibres sociaux, économiques et démographiques, dans un territoire déjà en forte souffrance sociale.
Cette chimère de la fusion entre le département du Nord et la métropole européenne de Lille étant écartée, il ne faut cependant pas oublier les difficultés structurelles du département du Nord, qui restent fortes et inquiétantes malgré un travail salutaire mené par l’exécutif départemental en matière de redressement des finances départementales.
Comment le Gouvernement envisage-t-il de relancer un vrai débat constructif avec les territoires sur la question de la nécessaire réévaluation de la participation de l’État aux aides individuelles sociales, les AIS, en particulier le revenu de solidarité active, le RSA, la prestation de compensation du handicap, la PCH, et l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA ? Pour le département du Nord, le reste à charge pour le RSA s’élève à 300 millions d’euros : c’est la double peine.
Comment le Gouvernement envisage-t-il de remettre au centre des discussions avec les territoires la question de la péréquation nationale et d’une plus juste solidarité entre l’État et les territoires, d’une part, et entre territoires riches et territoires pauvres, d’autre part ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Henno, je vous prie vous aussi de bien vouloir excuser Mme Gourault et M. Denormandie.
Le financement et la gestion des allocations individuelles de solidarité, notamment du RSA, est l’une des questions discutées dans le cadre de la conférence nationale des territoires.
Les travaux menés par la mission dirigée par Alain Richard et Dominique Bur avaient pour but de trouver des solutions pour assurer une meilleure maîtrise de l’évolution des dépenses liées aux AIS et établir un équilibre financier pérenne.
Le Gouvernement est pleinement conscient de la très forte croissance de ces dépenses au cours des dernières années, qui a conduit à la mobilisation de quatre fonds exceptionnels de soutien aux départements, instaurés dans le cadre des lois de finances rectificatives pour 2010, 2012, 2015 et 2016.
Un fonds exceptionnel doté de 100 millions d’euros a été créé par la loi de finances rectificative pour 2017 afin de soutenir les départements confrontés aux situations financières les plus dégradées. À l’instar d’autres départements, le département du Nord a bénéficié d’aides exceptionnelles au titre de ces fonds : près de 55 millions d’euros lui ont été versés depuis 2013.
Déterminé à aider les départements les plus exposés, le Gouvernement a également déposé un amendement au projet de loi de finances initiale pour 2019, qui a été adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.
Cet amendement vise à créer un fonds de stabilisation doté de 115 millions d’euros sur trois ans pour accompagner dès 2019 une trentaine de départements présentant une situation financière dégradée et des restes à charge au titre des AIS supérieurs à la moyenne nationale. Il tend en outre à renforcer la péréquation horizontale des recettes des droits de mutation à titre onéreux, à hauteur de 250 millions d’euros dès 2019.
Le Gouvernement examine attentivement la proposition de répartition faite par l’Assemblée des départements de France, l’ADF, en vue de la finalisation du PLF pour 2019.
Parallèlement à ces mesures, le Président de la République a présenté, le 13 septembre dernier, la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Des financements seront ainsi apportés aux départements volontaires afin d’accompagner la dynamique de leurs dépenses en matière d’accompagnement social : 135 millions d’euros en 2019, 177 millions d’euros en 2020 et 208 millions d’euros en 2021.
Enfin, conscient des difficultés liées l’accueil des mineurs non accompagnés, le Gouvernement a également confirmé qu’un soutien financier renforcé, à hauteur de 141 millions d’euros en 2019, serait apporté aux départements, au titre tant de la phase en amont de la reconnaissance de la minorité que de la phase aval au titre de l’aide sociale à l’enfance.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique. Vous disposez de vingt-quatre secondes, mon cher collègue.
M. Olivier Henno. Les départements exercent des compétences en matière de solidarité humaine et territoriale. Alors que notre pays souffre de nombreuses fractures, leur capacité d’agir est essentielle. Il n’y a pas de décentralisation sans péréquation verticale et horizontale. C’est une question de justice territoriale.
mise en place des dispositifs d’hébergement d’urgence dans les petites et moyennes villes
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 543, adressée à M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement.
Mme Agnès Canayer. Chaque année, au moment de la période hivernale, le préfet, représentant de l’État, propose un plan d’hébergement d’urgence. Il définit les actions à mettre en œuvre au niveau local afin d’identifier, de prévenir et de limiter les conséquences, pour les populations vulnérables, des températures hivernales. Le plan prévoit différents niveaux opérationnels en fonction des températures ressenties lors des vagues de froid.
Que ce soit en zone urbaine ou en zone rurale, les communes, quelle que soit leur taille, se mobilisent dans le cadre du plan Grand Froid. Cette mobilisation se traduit par la mise à disposition de locaux, la gestion de centres d’hébergement d’urgence ou encore la réservation d’appartements.
Chaque année, l’État consacre plusieurs centaines de millions d’euros à la politique d’hébergement d’urgence. Pourtant, malgré ces dotations, dans des villes moyennes, périphériques comme Fécamp, en Seine-Maritime, la mise en œuvre du plan s’avère très difficile. En effet, cette ville ne dispose pas d’un parc hôtelier ou d’un nombre de logements suffisants pour mettre à disposition des nuitées ou des logements en urgence. En outre, si le dispositif du 115 couvre les grandes villes avoisinantes, comme Le Havre, il ne concerne pas une ville périphérique comme Fécamp. Cette situation paradoxale est renforcée par l’absence de transports publics en soirée et la nuit. Ainsi, la commune doit se débrouiller pour aider des associations qui se mobilisent pour les personnes identifiées comme ayant besoin d’une solution d’hébergement d’urgence. Chaque situation est traitée au mieux, en mettant en œuvre des solutions souvent bricolées et plus ou moins pérennes.
Cette difficulté est renforcée par la situation des personnes concernées, qui souffrent souvent de pathologies ou d’addictions. Elles requièrent une prise en charge et un accompagnement spécifiques, et les villes moyennes n’ont généralement ni les moyens, ni les compétences, ni les structures pour gérer ces situations. L’accumulation des difficultés fragilise la prise en charge.
Ma question est simple : comment le Gouvernement compte-t-il aider les communes de taille moyenne à remplir leurs obligations découlant du plan préfectoral d’hébergement d’urgence ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice Agnès Canayer, vous avez raison de rappeler à quel point la question de l’hébergement des personnes sans domicile appelle la mobilisation de tous. L’État joue son rôle, mais s’il n’y avait pas la solidarité locale entre les associations et les communes que vous avez évoquée, la situation serait encore pire.
C’est une compétence qui relève de l’État, et celui-ci apporte des moyens considérables. Mais son action a besoin, pour être efficace, du concours de nombreux acteurs, à commencer par les communes, quelle que soit leur taille. Je salue leur action, car elles prennent très souvent une part active à l’hébergement des personnes sans domicile, par la mise à disposition de locaux ou d’équipements.
Je voudrais rappeler, même s’il ne s’agit pas d’un satisfecit, que jamais aucun gouvernement n’a fait autant en matière d’hébergement. L’État finance et gère avec les associations 136 000 places pérennes ouvertes tout au long de l’année pour l’accueil des personnes sans domicile. Le Gouvernement a pérennisé 5 000 places d’hébergement d’urgence à la sortie de l’hiver dernier.
Le budget de l’hébergement d’urgence sera une nouvelle fois en hausse en 2019, et nous avons préparé cet hiver très en amont avec un plan d’action, en lien avec les associations, les services de l’État et les collectivités. Julien Denormandie et Jacqueline Gourault ont réuni les associations à deux reprises, le 19 octobre et le 23 novembre derniers, afin de leur présenter le plan et d’échanger. Ils les réuniront chaque mois.
À ce jour, le nombre de places mobilisables est d’ores et déjà supérieur de près de 8 000 à ce qu’il était l’année dernière.
S’agissant de la veille sociale, dont relèvent les services du 115, les crédits qui lui sont alloués ont progressé de 40,5 % entre 2016 et 2018. En 2019, plus de 139 millions d’euros y seront consacrés, soit une progression de 5,9 % par rapport à 2018.
S’agissant particulièrement des maraudes, 5 millions d’euros supplémentaires sont prévus en 2019, 1,2 million d’euros ayant déjà été notifiés aux services pour la période hivernale, dont 427 000 euros délégués en novembre 2018 pour que les maraudes puissent être renforcées dès cette année. Sur la base d’une enquête réalisée en octobre auprès des services de l’État, ces crédits ont pu être notifiés dans l’ensemble des régions métropolitaines, dont la Normandie, à hauteur de 76 000 euros, et dans de nombreux départements.
De manière générale, le Gouvernement est particulièrement attentif à ce que la politique d’accès au logement des personnes défavorisées soit fondée sur une analyse locale des besoins des territoires, particulièrement ceux des villes petites et moyennes. C’est la raison pour laquelle la loi ÉLAN, qui vient d’être publiée, prévoit notamment que le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées sera désormais opposable pour la délivrance des autorisations d’activité des centres d’hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS.