M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.

Mme Annie Guillemot. M. le ministre vient de sous-entendre, si j’ai bien compris, que l’on ne sait pas encore le montant des crédits qui seront affectés à l’agence. Il est tout de même anormal que nous n’ayons aucune information là-dessus, qu’il n’y ait pas eu d’étude d’impact sur cette agence. Cette dernière a été créée au travers d’une proposition de loi, ce qui est somme toute extraordinaire, alors qu’elle était le fruit de la volonté du Gouvernement.

Il me paraît inadmissible de ne pas savoir aujourd’hui combien cette agence coûtera, ce qu’elle fera, ce que seront ses objectifs. Je n’y vois rien, à part que c’est une usine à gaz. Quand le directeur de l’ANRU ne sera pas d’accord avec le directeur de l’ANCT, comment cela se passera-t-il ? Sur le terrain, on va encore prendre du retard et perdre du temps. Nous allons donc voter pour cet amendement.

Vous avez raison, monsieur le rapporteur spécial ; comme vous, nous pensons que ce n’est pas à ce niveau qu’il faut prendre les crédits et qu’il faudrait doter cette agence dès maintenant. Je peux d’autant plus l’affirmer que j’ai fait partie du premier conseil d’administration de l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, l’EPARECA. Pendant deux ans, on ne nous a pas donné de budget. Il a fallu, la troisième année, que tout le conseil d’administration se mette en grève pour que l’on nous donne un budget, parce que nous ne pouvions pas agir alors même qu’il y avait une attente des territoires.

Ce qu’il va se passer, c’est que l’EPARECA, absorbé par l’agence, va se dissoudre complètement.

M. Julien Denormandie, ministre. Mais non !

Mme Annie Guillemot. Mais si ! Il va être mis fin aux contrats de travail des agents, qui seront transformés en d’autres contrats ; j’ai auditionné leurs représentants, monsieur le ministre, ne me dites pas que c’est faux ! L’ANRU, le CEREMA subsisteront, mais pas l’EPARECA. Quant au CGET, deux tiers de ses agents seraient transférés dans la nouvelle agence, et un tiers resteraient. Bref, on ne sait rien.

Donc, oui, Jacques Mézard et ses collègues ont raison, il faudrait doter cette agence tout de suite, pour qu’elle soit opérationnelle. J’ai des craintes quand j’entends que rien n’est prévu ; c’est le flou artistique et, quand il y a un flou, c’est qu’il y a un loup ! (Exclamations sur plusieurs travées. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.

Mme Valérie Létard. Annie Guillemot soulève la question de la manière dont l’Agence nationale de la cohésion des territoires trouvera les moyens de son action.

Monsieur le ministre, si je vous ai bien compris, on ira chercher les moyens des autres acteurs pour mobiliser et faire fonctionner l’ANCT. Pourriez-vous nous renseigner un peu plus sur les mécanismes qui joueront entre l’instance qui pilote cette agence, son directeur, et les divers agences et organismes qu’elle va intégrer : qui décidera de quoi, à quel niveau et comment ?

Nous devons savoir quel conseil d’administration décidera d’affecter quoi. Une agence comme l’ANRU ou l’ANAH décidera-t-elle des affectations dans un débat en conseil d’administration, ou est-ce le directeur de l’ANCT qui décidera pour le compte d’un conseil d’administration non intégré dans l’ANCT ?

Il est très compliqué de comprendre qui décidera de quoi et quelle sera la légitimité des uns et des autres, ainsi que la place qu’auront les collectivités territoriales. Aussi, monsieur le ministre, il serait utile que vous nous éclairiez sur les moyens globaux qui seront disponibles et l’organisation de ce système de poupées gigognes.

M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour explication de vote.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Je suis ravi que nous refassions en cette fin d’après-midi le débat du 8 novembre dernier, mais ce débat a été suffisamment riche.

Je remercie MM. Mézard et Requier d’avoir lancé cet amendement d’appel, afin de connaître les moyens dont sera dotée l’agence pour fonctionner sur les territoires ruraux.

À vrai dire, nous sommes toujours quelque peu dubitatifs. On mobilise près de 1 milliard d’euros pour la politique « Action cœur de ville », 1,3 milliard d’euros au bénéfice de 124 territoires d’industrie. Mais les territoires ruraux, eux, doivent se débrouiller avec ce qui existe aujourd’hui, entre la dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL, et la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR !

Nous avons bien compris que l’agence allait jouer un rôle d’ingénierie au profit des territoires ruraux. Nous avons bien compris aussi que son budget de fonctionnement serait égal aux budgets de fonctionnement des trois organismes qu’elle réunira : le CGET, l’EPARECA et l’Agence du numérique.

En revanche, nous n’avons pas compris quels crédits seront mis en œuvre pour soutenir les projets de cohésion des territoires. S’il s’agit de prendre de l’argent sur la DETR et la DSIL, y a-t-il vraiment besoin d’une nouvelle agence ? Je n’en suis pas sûr : dans les territoires, le préfet avec ses services arrivait à contenter l’ensemble des maires et présidents de communauté de communes.

Ce qu’il nous est proposé dans l’amendement n° II-272 rectifié a l’avantage de montrer que, si cette agence n’est pas dotée d’actions spécifiques pour œuvrer véritablement à la cohésion du territoire, ce sera, une fois de plus, quelque chose qu’on oubliera très vite. Là est ma crainte.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Mme Françoise Laborde. Il s’agit effectivement, aussi, d’un amendement d’appel, qui pourrait être entendu et a l’air de l’être, dans la perspective de l’examen, à l’Assemblée nationale, de notre proposition de loi portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires, après son adoption au Sénat. Nous espérons qu’il en sera de même à l’Assemblée nationale !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat n’arrive pas avec la loi de finances : le 8 novembre dernier, lors de l’examen de la proposition de loi, vous avez déjà discuté du rôle de l’agence et de son impact.

Mme Annie Guillemot. Il n’y a pas eu d’étude d’impact !

M. Julien Denormandie, ministre. Par ailleurs, il ne faut pas confondre moyens de fonctionnement et budgets d’intervention.

S’agissant des premiers, comme l’a dit M. le rapporteur spécial, il est compliqué de prévoir le coût de fonctionnement d’une structure qui n’est pas encore créée et sur laquelle le débat parlementaire n’est pas achevé.

Il y a quelques instants, je parlais de l’intervention. Prenez l’exemple de l’Agence du numérique, sur laquelle j’ai tant et tant travaillé : ses moyens d’intervention, ce sont les financements imposés aux opérateurs dans le cadre de l’accord de janvier dernier, en vertu duquel les fréquences ne sont plus attribuées qu’en contrepartie d’investissements dans les territoires les plus ruraux. Cet argent ne transite pas par le budget de l’État et ne transitera pas par celui de l’Agence nationale de la cohésion des territoires ; il s’agit d’engagements que nous avons fait prendre aux opérateurs, à charge pour l’Agence du numérique, puis l’ANCT, d’en contrôler la bonne mise en œuvre.

En ce qui concerne la rénovation urbaine, l’ANRU ne sera pas absorbée par l’ANCT. C’est très clairement explicité dans le texte.

Mme Valérie Létard. Je n’ai pas prétendu le contraire.

M. Julien Denormandie, ministre. La proposition de loi prévoit une contractualisation entre les deux structures.

L’ANCT sera un appui en ingénierie, comme l’a dit M. de Nicolaÿ, et un point de contact pour les élus locaux cherchant à concilier, par exemple, un projet de rénovation urbaine, un projet « Action cœur de ville » et un projet de réhabilitation. Agence de projets au service des élus locaux, elle s’appuiera sur les structures et les opérateurs actuels, mais sera entièrement tournée vers les élus locaux.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. Nous sommes évidemment tous d’accord sur la question de fond soulevée par les auteurs de l’amendement : quel sera le financement de l’ANCT ?

Néanmoins, je répète que leur réponse ne peut pas être retenue, puisque l’adoption de l’amendement aurait pour conséquence immédiate de retirer un tiers de ses crédits à l’action n° 04 du programme 135, à l’action n° 07 près d’un quart des siens, plus de la moitié de ses crédits à l’action n° 04 du programme « Interventions territoriales de l’État » et près d’un quart des siens à l’action Plan littoral du même programme.

Oui, une question de fond se pose, mais cet amendement ne permet pas d’y répondre !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-272 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-44, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

 

 

 

 

Aide à l’accès au logement

50 000 000

 

50 000 000

 

Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat

 

50 000 000

 

50 000 000

Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire

dont titre 2

 

 

 

 

Interventions territoriales de l’État

 

 

 

 

Politique de la ville

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

50 000 000

50 000 000

50 000 000

50 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Cet amendement vise à inciter le Gouvernement à rétablir l’APL accession partout et pour tous.

Monsieur le ministre, en vous écoutant pendant les vingt minutes où vous avez répondu aux différents orateurs, j’ai été un peu étonné : à aucun moment vous n’avez vraiment évoqué les nuages noirs qui s’amoncellent au-dessus du logement, alors que presque tous nos collègues en ont parlé.

Les raisons des mauvais chiffres constatés dès cette année sont claires : les inquiétudes des bailleurs sociaux et le resserrement du Pinel et du prêt à taux zéro, le PTZ, qui, dans certains territoires, a déjà des effets absolument calamiteux. Si nous souhaitons rétablir l’APL accession, c’est pour que, dans ces territoires, ceux qui sont à la limite de pouvoir emprunter puissent accéder à la propriété.

Monsieur le ministre, comme la Caisse des dépôts et consignations l’explique très bien dans son rapport, dès lors que, pour les bailleurs sociaux, tout reposera sur la vente HLM, si jamais cette dernière ne se situe pas au niveau que vous espérez, ce sera une catastrophe absolue pour tout le monde ! (M. Xavier Iacovelli opine.) Faire reposer votre politique de coupes budgétaires sur la vente HLM pour essayer de sauver le système et, en même temps, supprimer l’APL accession, honnêtement, c’est à n’y strictement rien comprendre.

C’est d’autant moins compréhensible que les enjeux budgétaires ne sont pas considérables : notre amendement vise à déplacer 50 millions d’euros, ce que proposera aussi Marie-Noëlle Lienemann avec l’amendement suivant, en prenant cette somme à un endroit différent. Je vous demanderai, ma chère collègue, de retirer cet amendement pour vous rallier au nôtre.

Mme Annie Guillemot. Il s’agit d’un amendement du groupe socialiste et républicain, monsieur le rapporteur spécial !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Veuillez m’excuser : ce sont les anciennes habitudes…

Mme Cécile Cukierman. Les choses changent !

M. Jean-François Husson, vice-président de la commission des finances. Elles frémissent…

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Ces 50 millions d’euros, franchement, monsieur le ministre, ce n’est pas un très gros enjeu. Il est absolument nécessaire que vous puissiez évoluer sur la question.

Vous avez décidé, nous a-t-on dit, de bouger en outre-mer sur certains dossiers. Des problèmes particuliers se posent certainement sur place, mais regardez aussi ce qui se passe en métropole. Rétablir l’APL accession, Bercy s’en remettra et cela aidera nombre de nos concitoyens, et probablement vous-même, monsieur le ministre, en matière de vente HLM et de consolidation du secteur ! (Marques dapprobation sur plusieurs travées.)

M. le président. L’amendement n° II-258, présenté par Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Daunis et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé et Tissot, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

 

50 000 000

 

50 000 000

Aide à l’accès au logement

50 000 000

 

50 000 000

 

Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat

 

 

 

 

Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire

dont titre 2

 

 

 

 

Interventions territoriales de l’État

 

 

 

 

Politique de la ville

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

50 000 000

50 000 000

50 000 000

50 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Viviane Artigalas.

Mme Viviane Artigalas. Cet amendement vise, comme celui de M. le rapporteur spécial, à rétablir les aides personnalisées au logement en faveur de l’accession à la propriété sur l’ensemble du territoire, aussi bien pour le neuf que pour l’ancien.

L’APL accession a vocation à soutenir des ménages aux revenus modestes dans les zones détendues, particulièrement dans les centres-bourgs, et parfois dans des zones où il n’y a pas d’offre locative adaptée pour ces familles. Dans nombre de cas, le projet d’acquisition n’aurait pas pu être possible sans le soutien de l’APL accession, qui intervient comme un réel déclencheur. Cette aide a souvent été nécessaire pour conforter un prêt aidé ; pour les ménages du premier quartile, elle permet de réduire d’un quart les mensualités de remboursement.

Sa suppression, voulue par le Gouvernement, est bien contre-productive : elle a pour effet de bloquer la mobilité des ménages les plus modestes. Elle n’est pas non plus cohérente avec les objectifs du Président de la République, puisque, pour vendre 40 000 logements sociaux à leurs locataires, il faudra accompagner les ménages, qui, pour la plupart, n’ont pas les moyens d’acheter.

L’APL accession est de nature à accroître la mobilité dans le parc social et à faciliter la vente de logements HLM à leurs locataires. De plus, en soutenant les ménages, on soutient aussi l’activité du bâtiment, alors que, comme vous le savez, monsieur le ministre, les chiffres de la construction sont en baisse.

C’est pourquoi nous proposons d’augmenter les crédits du programme 109 de 50 millions d’euros, qui correspondent au coût estimé du dispositif pour un an. Compte tenu de la montée en puissance des ventes de logements HLM, le soutien aux ménages modestes doit être une priorité. Il paraît donc nécessaire que les crédits du programme 109 soient majorés par le Gouvernement sans faire peser cet effort sur le programme 177.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Comme je l’ai précédemment indiqué, j’invite les auteurs de cet amendement à le retirer au bénéfice de celui de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, ministre. Le Gouvernement, vous n’en serez pas surpris, est défavorable aux deux amendements.

L’accession, vous l’avez indiqué, monsieur le rapporteur spécial, peut passer par différentes modalités : l’APL accession, mais aussi d’autres, alternatives ou complémentaires, comme le prêt à taux zéro.

J’entends toutes les critiques et je ne crois pas qu’on puisse me reprocher de ne parler que des points positifs et de ne pas affronter les difficultés. J’essaie toujours de répondre précisément, même quand le sujet est difficile.

N’ayons pas la mémoire courte : les prêts à taux zéro s’arrêtaient tous à la fin 2017. Quand j’ai été nommé au Gouvernement, prêts à taux zéro et Pinel, tout s’arrêtait à la fin 2017.

Les gouvernements ont gréé ces dispositifs fiscaux différemment, mais l’un d’entre eux les a-t-il déjà reconduits sur quatre ans, comme nous le faisons pour la plupart ? Généralement, c’était année après année. Comment les opérateurs, constructeurs et autres, devaient-ils faire en 2017, ne sachant pas si le prêt à taux zéro serait maintenu l’année suivante ? Aujourd’hui, nous faisons des choix politiques, mais nous donnons une visibilité et une lisibilité, ce qui me paraît le plus important.

Monsieur le rapporteur spécial, je ne puis vous laisser dire que toute notre politique du logement social, de soutien et de compensation reposerait sur les ventes HLM. Je l’ai dit et répété dans cet hémicycle : les ventes HLM dépendent des territoires. Il y a des territoires où c’est très bien, d’autres où cela ne se fera pas.

Sur les ventes HLM, il n’y a aucune imposition. Vous ne pouvez pas ignorer tout ce qui a été fait, y compris sur le taux du livret A et les prêts de haut de bilan, précédemment mentionnés.

S’il y a un scandale dans le logement social, ce sont les modes de financement en vigueur au cours des dernières années. Alors que tous les autres opérateurs de logements sociaux en Europe bénéficiaient de taux très bas, les organismes français seuls avaient des taux très hauts, parce qu’il fallait donner des coups de pouce de la Caisse des dépôts et consignations.

En aucun cas, notre politique ne repose que sur la vente HLM !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, nous sommes en désaccord, mais je vous renvoie au rapport de la Caisse des dépôts et consignations ; ce que je dis y est écrit noir sur blanc.

Proposer des prêts de haut de bilan ou des allongements de prêts, cela revient à repousser la dette devant soi : mais cette dette, un jour, il faut la rembourser !

Certes, cela vous donne un bol d’air pour assumer ce que vous êtes en train de faire avec la baisse des loyers, mais cela se paiera à un moment donné. Vous trouverez dans le rapport de la Caisse des dépôts et consignations deux graphiques qui démontrent que, en 2037, soit dans moins de vingt ans, l’autofinancement de l’ensemble du secteur sera nul. (Mmes Valérie Létard et Viviane Artigalas opinent.)

La Caisse des dépôts et consignations l’exprime très clairement : vous repoussez les annuités devant vous, mais, si la vente HLM n’est pas au rendez-vous, ce sera la catastrophe.

M. Bruno Sido. Eh oui !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Je ne dis que cela, après avoir longtemps souhaité accéder aux éléments dont la Caisse des dépôts et consignations dispose après avoir fait le tour des bailleurs.

L’an dernier, monsieur le ministre, vous nous disiez de ne pas nous inquiéter, précisant qu’avec les mesures de compensation de la Caisse des dépôts et consignations tout irait très bien.

M. Julien Denormandie, ministre. Je n’ai pas du tout dit cela !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Si, monsieur le ministre, vous l’avez dit ! Il y a ces mesures d’un côté, la vente HLM de l’autre. En dehors de cela, tout l’ensemble va s’effondrer. Vous pouvez continuer à dire que ce n’est pas vrai, mais je vous renvoie au rapport de la Caisse des dépôts et consignations.

Puisque, si la vente HLM ne fonctionne pas, tout s’effondre, l’APL accession doit servir à solvabiliser ceux qui sont aujourd’hui dans un logement social et qui sont à la limite des possibilités d’acquérir. Rétablir ce dispositif, c’est donc vous aider, monsieur le ministre !

M. Bruno Sido. C’est logique !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. De surcroît, le coût budgétaire n’est pas considérable. Je comprends que Bercy vous pose quelques difficultés, mais je ne comprends pas que vous ne plaidiez pas cette cause.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je ne reprendrai pas l’argumentaire que développe la Caisse des dépôts et consignations dans son rapport. Il en ressort clairement que, très vite, dès 2035, les organismes d’HLM n’auront plus de fonds propres pour mener correctement leurs activités.

Nous avons un désaccord stratégique avec Bercy et le Gouvernement. Du reste, ce désaccord avec Bercy était largement engagé sous le précédent gouvernement, même si la ministre du logement résistait.

Les HLM ont besoin de constituer des réserves pour préparer l’avenir, puisque, avec leurs emprunts très longs, ils sont obligés d’avoir des crédits pour garantir leur capacité de remboursement ; ils ne peuvent pas tenir en comptant uniquement sur les recettes de loyer. Dès lors que la baisse de ces dernières est annoncée, tout le modèle s’effondre. C’est cette réalité que montre la Caisse des dépôts et consignations au travers de son rapport.

L’APL accession, je ne la défends pas prioritairement pour la vente HLM. Elle peut servir à cela, mais elle sert aussi à tous ces territoires que l’on vise en parlant de fracture territoriale. Même si je me réjouis que l’Assemblée nationale ait voté la prolongation du prêt à taux zéro en cas de prêt social location-accession dans les zones B2 et C, ces territoires, ceux où il y a massivement des barrages de « gilets jaunes », n’ont plus d’outils pour l’accession sociale à la propriété. Il n’y a plus d’aides publiques de l’État dans ces territoires !

Or, pour une partie des familles concernées, l’accession est une forme de promotion qui leur donne le sentiment d’être reconnues et entendues. Ceux qui touchent l’APL sont, grosso modo, ceux qui perçoivent le SMIC : sans cette aide, ils ne peuvent pas accéder à la priorité – et, la plupart du temps, ils ont du mal dans le locatif.

Sans être très coûteuse pour l’État, l’APL accession a donc une fonction de justice territoriale. Elle accompagne des catégories sociales qui, grâce à cette aide, peuvent accéder à la propriété, même s’il ne faut pas leur faire prendre de risques déraisonnables.

Je crois à la promotion sociale. On dit qu’il faut aider ceux qui travaillent. Précisément, la plupart des gens dont nous parlons travaillent. Ils voudraient acheter un petit appartement ou une petite maison, parce qu’ils considèrent que c’est leur horizon de progrès personnel. Franchement, combien cela coûte-t-il à la Nation, par comparaison à plein d’autres dispositifs tout à fait inutiles ?

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.

Mme Valérie Létard. Notre groupe votera des deux mains l’amendement présenté par Philippe Dallier. Le second amendement vise le même objectif, mais le rapporteur spécial souhaite que tout le monde se rassemble. Cela ne nous pose aucun problème.

Il s’agit, là encore, de fongibilité asymétrique. Nous comptons donc beaucoup sur M. le ministre pour que les crédits nécessaires à la mise en œuvre de cette mesure soient prévus sans que la politique de la ville et l’hébergement d’urgence en pâtissent.

Comme l’ont très utilement souligné les précédents orateurs, quand on veut développer la vente de patrimoine et que l’on vise les autres objectifs inhérents à l’existence même de l’APL accession, que Mme Lienemann a exposés, il est incohérent de ne pas soutenir une initiative destinée à créer les conditions d’une nouvelle dynamique. C’est peu par rapport à toutes les dimensions de la réforme du logement, mais c’est un signal qu’il est indispensable d’envoyer !

M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.

Mme Annie Guillemot. Monsieur le ministre, nous essayons de vous dire des choses depuis un an, mais cela n’imprime pas. Oui, nous qui sommes sur le terrain, nous sommes extrêmement inquiets !

S’agissant de l’APL, y compris dans la politique de la ville pour les quartiers, j’ai mis en œuvre dans ma commune de Bron un programme dans lequel des locataires dont l’immeuble était démoli passaient à de l’accession. Il y avait cinquante logements, des maisons individuelles, dont une dizaine d’abordables avec une aide au foncier de la métropole de Lyon et de la ville de Bron. L’aide moyenne était de 157 euros par famille : ajoutée au prêt à taux zéro, elle a permis à de nombreuses familles de passer du grand ensemble à une maison. Vous ne semblez pas mesurer, monsieur le ministre, combien ces 157 euros sont importants pour elles !

Marie-Noëlle Lienemann l’a souligné, le coût de l’APL accession n’est pas très élevé : 50 millions d’euros.

Pensez au gel des APL, à l’emprunt qui va augmenter de 9 % : ce sera insupportable pour les gens s’il n’y a plus l’APL accession. Monsieur le ministre, il faut vraiment que vous révisiez votre politique en fonction de ce que nous vous disons, car nous vivons ces réalités tous les jours !

Philippe Dallier a fait état de l’étude de la Caisse des dépôts et consignations. Elle est claire : il y aura un mur en 2020. Vous nous parlez, monsieur le ministre, de revoyure, mais à ce moment-là il sera trop tard !

J’ai parlé, il y a quelques instants, de la situation en Allemagne et en Grande-Bretagne. Compte tenu de vos décisions prises l’année dernière et cette année, si nous ne prenons pas des mesures tout de suite, nous allons perdre dix ans. Et, en 2020, nous serons au-dessous de 100 000 logements sociaux.

Il faut bien se rappeler que le prix du foncier a été multiplié par quatre en dix ans et qu’il continue d’augmenter. Or, monsieur le ministre, vous ne le prenez absolument pas en compte dans les simulations que vous faites à un an, deux ans ou dix ans. (M. le ministre le conteste.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Nous recherchons tous, dans toutes les politiques publiques, de l’efficience. Or, sur l’accession à la propriété, l’efficience est avérée. Ce dispositif fonctionne bien et provoque une démultiplication bénéfique dans le secteur du logement : pour un coût relativement réduit, voilà une efficience maximale. Le groupe Les Républicains votera donc, des deux mains, l’amendement de la commission.

M. le président. Madame Artigalas, l’amendement n° II-258 est-il maintenu ?

Mme Viviane Artigalas. Non, je le retire, monsieur le président, au profit de l’amendement de la commission. Nous avons montré que nous sommes tous rassemblés sur ce sujet et nous tenons à le marquer davantage encore.