M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Philippe Dallier. C’est Noël, monsieur le Premier ministre !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Requier, j’ai été maire beaucoup plus longtemps que je n’ai été Premier ministre et il est absolument certain que cela ne changera pas. (Sourires.)
M. Bruno Sido. Ah !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Il est absolument certain que j’aurai été plus longtemps maire que je n’aurai été Premier ministre ! Je vous l’assure, même s’il ne faut rien préjuger ! (Mêmes mouvements.)
J’ai été plus longtemps élu local que je n’ai exercé une autre fonction professionnelle (Sourires et applaudissements.), et j’en suis assez fier, monsieur le président. De toute évidence, c’est dans cet engagement local que j’ai, à la fois, le plus appris dans ma vie et, probablement, eu le sentiment de pouvoir véritablement transformer la vie de mes concitoyens et d’améliorer le destin de ma commune.
Mme Sophie Primas. Vous aviez la taxe d’habitation !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. De ce point de vue, monsieur le président, il n’y a pas photo : on dit que le mandat de maire est le plus beau des mandats, et c’est ce que je pense très profondément.
Ici, les avis, je crois, convergeront dans ce sens.
M. Bruno Sido. C’est sûr !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. J’ai indiqué jeudi dernier devant le Congrès des maires de France, organisé par l’Association des maires de France, l’AMF, que le Gouvernement était disposé à travailler à l’amélioration des conditions d’exercice des mandats, notamment des mandats locaux et des mandats de maire.
On ne choisit pas d’être maire pour l’indemnité dont on peut bénéficier, qui couvre à peine – et parfois pas du tout – les efforts, la mobilisation personnelle, les contraintes que requiert la fonction, sans compter le sacrifice qu’implique l’arrêt de son activité professionnelle ou un passage à mi-temps. (Dites-le à Darmanin ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
On choisit de se présenter aux élections, on devient maire parce qu’on a envie de servir, parce qu’on a envie d’être debout et de participer à l’action publique. C’est un engagement admirable et vous ne m’entendrez jamais dire le contraire.
J’ai indiqué que le Gouvernement était prêt à améliorer les conditions d’exercice du mandat. Cela ne passe pas simplement, monsieur le président, par des considérations sur la fiscalité ; cela passe par la conciliation entre l’exercice d’une activité professionnelle et le mandat de maire, cela passe par des considérations sur la protection sociale, cela passe par un ensemble de considérations qui sont d’ailleurs assez différentes selon la taille des communes, selon les contraintes pratiques qui s’exercent sur les maires, selon l’assistance administrative dont ils peuvent disposer dans leur mairie.
Je sais parfaitement qu’être maire d’une ville de 180 000 habitants n’a rien à voir avec le fait d’être maire d’une commune de 1 800 habitants : je n’ai aucun doute qu’il est beaucoup plus difficile d’être maire d’une commune de 1 800 habitants.
L’objectif, c’est ce que j’ai dit devant l’Association des maires de France et c’est ce que je suis heureux de pouvoir dire devant le Sénat, c’est de travailler, en se fondant notamment sur les travaux de votre assemblée, à une vision globale, d’ensemble, non pas du statut de l’élu – je ne suis pas sûr que les élus veuillent un statut –, mais de l’amélioration effective des conditions d’exercice du mandat.
J’ai eu l’occasion de dire à M. le président du Sénat la disponibilité du Gouvernement à cet égard. Nous allons travailler non pas sur un aspect du sujet, mais sur l’ensemble des sujets,…
M. Jacques Genest. Il y en a pour dix ans !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. … parce que je crois qu’il faut les regarder tous pour être efficace et peut-être même, monsieur le président Requier, pour être compris, non pas de cette assemblée, mais de nos concitoyens, qui regardent ces sujets avec un œil souvent bienveillant, mais pas toujours. Nous voulons donc aborder le problème globalement.
S’agissant de la proposition que vous avez formulée sur la révision constitutionnelle, je me dis, à vous entendre, monsieur le président, que le débat sur celle-ci sera passionnant. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
réponse du gouvernement aux attentes sociales de la population
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, ce matin, le Président de la République a esquivé la question qui traverse les mobilisations, des « gilets jaunes » aux infirmières, des salariés en lutte pour l’emploi à ceux qui agissent pour les services publics dans l’Hexagone et outre-mer.
Dans son discours de la méthode, il n’a pas répondu à cette question : comment concilier transition énergétique et justice sociale ?
Il est resté silencieux sur ce que l’on entend partout : augmentez nos salaires, augmentez les pensions, aidez-nous à vivre, simplement à vivre !
Le Président a parlé d’une grogne, mais ce n’est pas une grogne ! C’est un ras-le-bol, une colère qui monte et dont vous ne mesurez visiblement pas l’ampleur et la diversité.
La transition énergétique n’est pas en cause et le plaidoyer de M. Macron tombe à plat.
Ce qui est en cause, c’est de la faire payer par les plus déshérités, par les classes moyennes. La question est : qui va payer la lutte contre ce changement climatique ?
Notre peuple n’est pas stupide, il réfléchit ; il ne veut pas d’un accompagnement, il exige. Il voit bien que M. Macron ne bouge pas d’un iota sur sa politique de protection des riches. Ce dernier garde le cap, oui, mais le cap du CAC 40.
Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin admettre que c’est ce « capitalisme cannibale » dénoncé par Nicolas Hulot qui détruit la planète ?
Allez-vous contraindre les plus riches, ces actionnaires qui font primer leurs intérêts sur l’intérêt général et écologique ?
Rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, annuler l’augmentation des taxes sur le carburant, augmenter dès le 1er janvier 2019 le SMIC de 200 euros : c’est une urgence sociale qui ne peut se satisfaire de promesses.
Voilà ce que veut le peuple, qui a besoin non pas d’aumône, mais d’un changement politique maintenant. Allez-vous y répondre, monsieur le Premier ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la présidente Assassi, vous m’interrogez sur la question de la transition écologique et du pouvoir d’achat et vous nous indiquez ne pas avoir été convaincue par les propos tenus par M. le Président de la République ce matin. J’aurais aimé que vous le soyez ; je ne suis pas surpris que vous ne le soyez pas.
Je voudrais essayer de répondre à la question que vous formulez en indiquant d’abord quelques éléments qui viennent non pas de moi, mais de l’INSEE, des éléments documentés. On peut aimer ou ne pas aimer l’INSEE, mais c’est quand même une source d’information assez solide.
Le pouvoir d’achat, vous le savez, madame la présidente, a baissé de façon continue de 2008 à 2016. C’est un fait, je ne m’en réjouis pas, vous non plus, personne sans doute ici, mais enfin disons les choses : cette diminution du pouvoir d’achat a été importante au cours des dix dernières années.
Les mêmes indiquent que, avec la politique du Gouvernement, il y aura, en 2018 et en 2019, une augmentation du pouvoir d’achat. Je tiens à le souligner et, en disant cela, je ne nie pas une seconde, madame la présidente Assassi, que ceux qui enfilent des gilets jaunes notamment, parce qu’ils ne supportent pas l’augmentation des taxes ou la destruction de leurs perspectives, manifestent le sentiment ou attestent la réalité de la relégation dont ils sont victimes. Je ne le méconnais pas, je ne le méprise en aucune façon. Je dis, et c’est important aussi, que les données statistiques chiffrées indiquent que la baisse du pouvoir d’achat concerne les dix dernières années – il faut bien le reconnaître.
Notre objectif, et c’est la différence entre nous, madame la présidente Assassi, n’est pas de répondre à cette interrogation en disant partout de façon indéterminée que le SMIC va augmenter de 200 euros – j’avais bien compris que votre proposition n’était pas de fixer le SMIC à 200 euros, mais bien de l’augmenter de 200 euros. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Juste un restau…
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je comprends que vous formuliez cette proposition, car elle est conforme à ce que propose votre famille politique depuis très longtemps. Non seulement je n’y crois pas, mais je sais quel a été l’impact régulier des augmentations que vous décrivez, lorsqu’elles sont intervenues, sur le chômage, notamment sur celui des salariés les moins formés. (Mme Éliane Assassi s’exclame.)
Ce que nous souhaitons, avec le Président de la République, c’est répondre à la question du pouvoir d’achat, et ce par le travail, par la diminution du chômage, par l’investissement, par l’attractivité du pays et en substituant à une fiscalité qui reposait sur le travail une fiscalité qui repose sur la pollution. En baissant les cotisations sociales (M. Martial Bourquin s’exclame.) et en assurant par l’impôt la protection sociale, nous faisons en sorte d’augmenter la rémunération des actifs.
Madame la présidente Assassi, nous différons sur ce point, et, comme le disait tout à l’heure M. le sénateur Gérard Longuet, nous avons le droit de ne pas être d’accord et de le dire. Nous pensons que c’est cela qui va permettre au pays de redémarrer et de créer des richesses. (M. Pierre Laurent s’exclame.)
En un mot, madame la présidente, j’observe que, alors que pendant très longtemps la croissance française était de moitié inférieure à la moyenne de la croissance européenne, au cours du dernier trimestre, et il en sera probablement de même cours du trimestre suivant – je l’espère en tout cas –, la croissance française est passée très au-dessus de la moyenne de la croissance européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Nous sommes en train de créer des emplois, nous sommes en train de favoriser les investissements étrangers, nous sommes en train de faire le pari de développer cette stratégie d’une croissance économique qui permet la création de richesses, puis sa redistribution. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Nouvelles protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
pouvoir d’achat (i)
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Claude Bérit-Débat. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’action et des comptes publics, que nous sommes ravis de revoir dans cet hémicycle. (Rires ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ce matin, dans une intervention très attendue, le Président de la République a annoncé une série de mesures, notamment son souhait d’adapter la fiscalité du carburant au cours du pétrole. Ça tombe bien, monsieur le ministre, un amendement du groupe socialiste a été préparé en ce sens. Seulement, hier, en votre absence, votre collègue de Bercy a émis un avis défavorable sur cet amendement demandant l’instauration d’une TICPE flottante et présenté par notre collègue Roland Courteau. Nous sommes bien sûr heureux que nos arguments aient infusé dans la nuit pour convaincre le Président de la République.
Toutefois, si cette TICPE répond à une partie de la colère actuelle, elle ne répond pas à la question fondamentale : qui doit financer la transition écologique et sur quelles bases doit s’asseoir ce financement ? Sur l’ensemble des Français via les taxes carbone ou la TVA, qu’ils soient riches ou pauvres ? Ou en faisant contribuer, comme nous le proposons, ceux qui en ont davantage les moyens, en rétablissant l’ISF ou en augmentant la flat tax que vous avez abaissée à 30 % ?
La majorité des manifestants, dont beaucoup habitent des territoires ruraux comme le mien, sont confrontés à une baisse significative de leur pouvoir d’achat et à des inégalités territoriales croissantes. Ils demandent plus de justice fiscale et sociale, et je ne suis pas sûr que les mesures annoncées y répondent. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque la question à venir de M. Bascher évoquera, et j’en suis désolé, l’incident qui s’est déroulé ce week-end, j’y répondrai le moment venu.
Monsieur le sénateur, si, hier, je n’étais malheureusement pas dans cet hémicycle, c’est que je me trouvais à l’Assemblée nationale. J’oserai une comparaison qui pourrait vous paraître déplacée dans cette enceinte républicaine : vous le savez, le ministre des comptes publics doit parfois, un peu comme sainte Thérèse, être présent dans deux hémicycles en même temps eu égard aux textes discutés. (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le sénateur, je vous présente mes excuses, si, par avance, vous pensez que, par mon attitude, je vous manque ou je manque au Sénat, mais il se trouve que j’ai passé, et j’en suis très heureux, plus de 160 heures avec vous lors de l’examen de divers textes depuis dix-sept mois. J’espère pouvoir, sous l’autorité du Premier ministre, continuer à le faire, au moins jusqu’à la fin de la discussion des textes financiers.
Je suis donc le ministre qui passe le plus de temps au Parlement : 65 % en plus que mes collègues devant votre assemblée. (Nouvelles huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Grosdidier. Et vous êtes le ministre qui tweete le plus…
M. Gérald Darmanin, ministre. Sur le fond, je ne voudrais pas ne pas vous répondre, monsieur le sénateur Claude Bérit-Débat. C’est à bon droit que le ministère de l’action et des comptes publics, par l’intermédiaire d’Olivier Dussopt, vous a répondu défavorablement, parce que votre proposition, si elle est évidemment à étudier, n’est pas la même que celle qu’a évoquée le chef de l’État.
M. le Président de la République a souligné la possibilité, trimestriellement, de regarder le cours du baril de pétrole, car vous le savez, les trois quarts de cette augmentation sont dus à la situation qui existe à l’échelon international et non à la fiscalité en France. Comme l’a évoqué M. le Premier ministre notamment, et ainsi que l’a annoncé M. le Président de la République, après concertation, nous verrons s’il faut augmenter la fiscalité du carbone, au cas où ces augmentations du cours du pétrole provenant du Moyen-Orient seraient extrêmement élevées, voire insupportables pour nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour la réplique.
M. Claude Bérit-Débat. Vous ne m’avez pas du tout convaincu, monsieur le ministre, et de plus, vous n’avez pas vraiment répondu à ma question.
La TICPE flottante est exactement identique à ce que propose le Président de la République. C’était bien pour faire face à une augmentation des cours qu’elle a été expérimentée afin de lisser le prix des carburants. Cela avait été décidé à l’époque Lionel Jospin.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le sénateur !
M. Claude Bérit-Débat. Je regrette que l’on ne puisse pas envisager une fiscalité qui soit redistribuée, et non pas supportée simplement par ceux qui ont une voiture. Donc, revoyons l’ISF et la taxe sur le capital. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Dany Wattebled. Monsieur le ministre, depuis de nombreux mois, une incompréhension ne cesse de croître entre le Gouvernement et les élus locaux. Cette incompréhension se renforce lorsque les faits ne semblent pas correspondre aux propos.
La question des méthodes de calcul des dotations aux collectivités locales est un sujet extrêmement important pour lequel des réponses précises sont attendues par nos élus.
Le Gouvernement ne cesse de rappeler qu’il a stoppé la baisse des dotations engagée les années précédentes. Nous entendons ces propos, mais, dans les faits, nous sommes sans cesse alertés par nos élus qui voient leurs dotations baisser sans pouvoir obtenir d’explications des préfets ou de Bercy : on parle d’une baisse annuelle de 10 % à 30 % des budgets pour certaines communes.
Depuis des mois, de nombreux courriers ont été adressés à Bercy et aux préfectures pour obtenir des informations précises quant aux critères retenus et aux méthodes de calcul adoptées. Personne à ce jour n’a obtenu de réponse ! Dès lors, comment voulez-vous que les relations s’améliorent ? Comment voulez-vous que cessent cette exaspération et cette colère des élus locaux ?
Lorsque les maires écrivent au préfet, on les renvoie à Bercy. Lorsqu’ils écrivent à Bercy, on les renvoie au préfet, car Bercy ne peut ou ne veut pas fournir de réponse. Et maintenant on les renvoie au ministère de la cohésion des territoires. Tout le monde se renvoie la balle : ce ping-pong ne peut plus durer !
Monsieur le ministre, compte tenu des variations concernant les dotations, nous demandons au Gouvernement un engagement ferme pour répondre en moins d’un mois à chaque courrier de chaque élu local et lui fournir des explications détaillées sur les méthodes de calcul de ses dotations et les critères employés, en toute transparence.
Au nom des élus locaux, pouvons-nous obtenir, monsieur le ministre, cet engagement ferme du Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Dany Wattebled, cette question, je me la suis posée moi-même lorsque j’étais maire de ma commune : les règles de calcul de la DGF ne sont pas évidentes, et cela ne date pas d’hier. Il est vrai que les variations sont parfois importantes pour des raisons classiques et traditionnelles – l’évolution de la population et celle de la péréquation, les critères, bien évidemment, de pauvreté –, et aussi pour des raisons qui le sont moins, ce qui explique les grandes déstabilisations de cette année et de l’année dernière – c’est bien sûr la modification du périmètre des intercommunalités qui a conduit à revoir beaucoup de calculs en la matière.
Votre question est précise, monsieur le sénateur : comment peut-on agir pour améliorer les choses ?
Premier engagement : je vous propose de ne retenir qu’une seule adresse, celle de Jacqueline Gourault et la mienne au ministère de la cohésion des territoires. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le deuxième engagement va dans le sens d’un amendement à venir, déposé par les sénateurs Claude Raynal et Charles Guené dans le cadre de la discussion budgétaire. Cette proposition reprend l’état d’esprit des travaux de la délégation aux collectivités territoriales de l’Assemblée nationale, en prévoyant justement des mécanismes d’information concrets qui permettent, lorsqu’on notifie la DGF à un collègue maire, d’expliquer les raisons pour lesquelles il y a eu une variation, au moins pour les plus importantes d’entre elles. Le débat n’est pas terminé, et nous le reprendrons ensemble au cours du budget.
Enfin, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, puisque les critères de la DGF sont bien souvent définis en fonction des propositions du Comité des finances locales, présidé par M. Laignel, que le Parlement reprend ou non.
Il faut aussi se poser la question du désir et du besoin de stabilité qu’expriment les élus locaux en matière de dotations de l’État. Qui dit stabilité veut donc dire aussi, peut-être, une DGF moins dynamique ; et si celle-ci est moins dynamique, cela veut dire aussi qu’on répond moins aux inégalités territoriales. C’est un beau débat Politique, avec un grand « P » : plus de dynamisme, cela veut donc dire moins de stabilité, et plus de stabilité, moins de dynamisme. On en parlera dès demain avec la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, puisque le président Bockel m’y a invité. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour la réplique. Vous avez cinq secondes, monsieur le sénateur !
M. Dany Wattebled. … à savoir le mécanisme de péréquation et la transparence. C’est la moindre des choses ; donc, à l’avenir, nous y serons attentifs.
tweet du ministre de l’action et des comptes publics
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Je voudrais revenir sur un incident ayant eu lieu à la fin de la semaine dernière au Sénat – plus exactement à l’extérieur du Sénat au lendemain de la fin du Congrès des maires –, et qui nous semble grave pour le respect de nos institutions.
Après avoir écouté les discours, nos élus locaux ont dressé un bilan implacable : le compte n’y est pas ! Les maires ont l’habitude d’agir quotidiennement sur le terrain, pendant que le Président de la République gesticule solennellement depuis l’Élysée. (Murmures.) Quand le Sénat travaille à mettre de l’huile dans les rouages de la République, le Gouvernement répond par des déclarations et des tweets, jetant de l’huile sur le feu par des raccourcis malvenus.
Après le rapport de Mathieu Darnaud et de Jean-Marie Bockel, notre amendement d’ouverture en faveur des maires des petites communes cherchait à réparer à une injustice passée, sans cynisme ni populisme ; juste de la justice !
Monsieur le Premier ministre, la situation du pays est fragile, la crise démocratique couve, les menaces populistes sont aussi présentes en France. Votre silence après le tweet malheureux du ministre des comptes publics vendredi et des déclarations incongrues du porte-parole du Gouvernement ce matin, méritait une réponse de soutien aux élus de la République et au fonctionnement de notre démocratie.
Alors, monsieur le Premier ministre, quelles mesures allez-vous prendre aujourd’hui – aujourd’hui et pas demain – pour nos fantassins de la République que sont les maires de France ? Quelles consignes allez-vous donner à votre gouvernement afin qu’il respecte la République ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics. (Huées sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, M. le Premier ministre m’a autorisé à vous répondre, monsieur Bascher, puisque je pense être légèrement concerné par votre question. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. À peine…
M. Gérald Darmanin, ministre. Il y a le fond et il y a la forme. Permettez-moi d’abord de revenir sur ce qui est sans doute le plus important, en tout cas quand on aime la littérature : le style.
Est-ce que, pour ma part, j’aurais dû être au Sénat vendredi ?
M. Bruno Sido. Oui !
M. Gérald Darmanin, ministre. Même si Olivier Dussopt me représente dignement, sans doute aurais-je dû être à ma place au banc ; j’aurais sans doute donné la même réponse sur le fond, qui est négative. Où étais-je ? Dans ma commune, c’est vrai, à accueillir deux ministres pour parler d’un grand projet de rénovation urbaine. (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je le dis bien volontiers, monsieur le président, j’aurais dû être au Sénat, mais il est vrai que, de temps en temps, j’ai un petit remords, parce que je suis aussi, comme vous, élu ; j’ai été maire. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)
M. Martial Bourquin. Vous devez être ministre à plein temps !
M. Vincent Éblé. Il faut arrêter le cumul !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je fais d’ailleurs partie du corps électoral qui élit les sénateurs, et je comprends vos questions, monsieur Bascher. J’ai apprécié, comme beaucoup ici, la teneur de nos relations, et vous avez raison, au lieu d’écrire des tweets, il vaut mieux dire les choses en face. C’est d’autant plus vrai que je n’ai pas voulu, monsieur Dallier, – cela aurait été tout à fait inconvenant ; or je suis respectueux des institutions, et je suis à la disposition des assemblées parlementaires en tant que membre du Gouvernement –, lire les très nombreux tweets d’attaques personnelles auxquels j’ai eu droit, non pas avant-hier, mais depuis un an et demi. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je ne l’ai pas fait, parce que, vous avez raison, il faut élever le débat.
Sur le fond, monsieur le sénateur, y a-t-il un problème de rémunération, notamment de fiscalité depuis 2007, concernant les élus des petites communes – et non pas des « petits élus » comme j’ai pu le lire ici ou là ? La réponse est oui.
M. Philippe Dallier. Il fallait le dire !
M. Gérald Darmanin, ministre. Cet amendement correspondait-il à l’objet que vous avez présenté ? L’honnêteté nous pousse à dire que la réponse est non.
Lors de la seconde délibération que le Sénat va demander, le Gouvernement sera-t-il favorable au fait de rétrécir, comme l’a demandé M. le Premier ministre, l’incitation fiscale des 1 500 euros d’abattement, jusqu’à 18 000 euros ? La réponse est oui, pour les communes les plus petites. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mais il ne nous paraissait pas raisonnable, reconnaissez-le avec moi, que les présidents de région, les présidents de département et les maires de grandes villes, dont j’ai été, bénéficient des mêmes avantages fiscaux que les maires des communes les plus petites. Il y va de l’égalité républicaine. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)