M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Pour répondre aux interrogations des uns et des autres, je précise que la mesure proposée à l’article 19 ne concerne ni les agriculteurs ni le transport ferroviaire.
Lorsque cette disposition a été adoptée à l’Assemblée nationale, le ministre de l’économie et des finances s’est engagé à trouver des mesures visant à atténuer l’impact de la suppression du tarif réduit pour les secteurs les plus touchés, notamment les travaux publics et parmi les acteurs des travaux publics, les PME.
C’est la raison pour laquelle il a engagé un dialogue constructif avec les professionnels, et en particulier avec la FNTP, la Fédération nationale des travaux publics, pour trouver des solutions susceptibles de se traduire par des amendements déposés devant votre assemblée.
Deux demandes de la FNTP sont notamment satisfaites. Premièrement, les indices INSEE relatifs aux travaux publics seront révisés au 1er janvier 2019 afin de répercuter intégralement la hausse de la fiscalité sur les carburants, si celle-ci était adoptée – l’INSEE a indiqué que cette demande sera satisfaite.
La seconde demande concerne les contrats en cours ne faisant pas l’objet d’indexation et les solutions envisageables permettant de prendre en compte au sein de ces derniers la hausse de la fiscalité.
Le problème, juridiquement parlant, n’est pas simple : il s’agit de modifier rétroactivement des contrats en cours. Mais la mesure aujourd’hui présentée par amendement du Gouvernement a fait l’objet d’un travail approfondi de la part des services juridiques de Bercy, en lien avec la FNTP. Cette clause générale de révision des prix pour les contrats ne contenant pas de clause d’indexation permettra, si vous l’adoptez, de limiter l’impact de la hausse du coût du GNR pour les contrats en cours dont la durée d’exécution est supérieure à trois mois.
Par ailleurs, Bruno Le Maire avait annoncé une mesure de suramortissement permettant d’accompagner les secteurs consommateurs de GNR vers le renouvellement de leurs équipements, et nous travaillons actuellement sur la définition du champ de cette mesure.
D’autres mesures sectorielles vous sont proposées. M. le rapporteur général, avec un brin de malice, a évoqué l’amendement que nous présentons sur le secteur frigorifique ; mais vous savez, monsieur Albéric de Montgolfier, que le plus important est le texte de l’amendement lui-même, non son objet – nous aurons l’occasion d’y revenir.
J’ai entendu l’avis défavorable émis par M. le rapporteur général sur l’ensemble des amendements de suppression. J’ai aussi vu que tous les groupes, ou presque, en avaient déposé. J’ose donc craindre, monsieur Albéric de Montgolfier, que, pour une fois, vous subissiez le sort que je subis depuis le début de cette séance.
Une remarque, pour finir.
J’ai été interpellé sur le fait que le Gouvernement sollicitait les collectivités territoriales. Je veux rappeler qu’a été repoussé, vendredi, un amendement du Gouvernement qui visait précisément à exonérer de fiscalité les avantages, les aides, les accompagnements, accordés par les collectivités aux habitants de leur ressort géographique en matière de transition énergétique – je précise que la mise en œuvre de telles mesures par les collectivités n’a rien d’impératif. Je pense notamment aux dispositifs mis en place par la région Hauts-de-Seine…
M. Philippe Dallier et M. Roger Karoutchi. Hauts-de-France !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Hauts-de-France, pardonnez-moi. Monsieur Karoutchi, vous voyant du coin de l’œil, cela a créé chez moi une forme de confusion ; n’y voyez que de la sympathie ! (Sourires.)
M. Philippe Dallier. On ne prête qu’aux riches, c’est bien connu ! (Nouveaux sourires.)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Votre assemblée a repoussé cet amendement de défiscalisation. Je souhaitais le rappeler, à ce stade de la discussion, au regard de certains de vos propos.
Vous devinez, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’avis du Gouvernement est défavorable sur les amendements de suppression.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. L’argument de notre collègue Albéric de Montgolfier m’étonne sur un point : si 98 % des entreprises concernées sont des PME, franchement, mieux vaut supprimer complètement la mesure plutôt que de le faire seulement pour les PME.
Il est tentant, certes, de pratiquer l’art du « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? », mais, au moment où tout le monde plaide pour la simplification administrative, la meilleure méthode est de supprimer cette augmentation.
Que, par ailleurs, on puisse solliciter, dans les grandes branches, des réflexions sur la mutation des outillages, des matériels, pour qu’ils soient moins consommateurs d’énergie, via des contrats de développement, d’évolution et de transition, avec des aides publiques, je suis pour ! Que l’on demande aux collectivités locales de s’engager et que l’État signe avec elles des accords destinés à réduire la consommation partout où l’on peut trouver des substituts, je suis pour également !
Mais – vous l’avez très bien dit, monsieur le rapporteur général –, dans bien des domaines, nous n’avons pas encore de substituts au GNR.
Je pense donc que la mesure la plus simple et la plus efficace est la suppression. Au lieu de taxer fortement l’essence, ce qui n’a jamais permis de réduire substantiellement la consommation, on ferait bien, d’ailleurs, d’obliger les collectivités locales et l’État lui-même, à une date fixée en commun, à ne plus utiliser de véhicules polluants, sauf dans des cas très limités pour lesquels aucune alternative n’existe.
Au lieu de supprimer l’ISF, qui rapportait 3 milliards d’euros, consacrez de l’argent à la mutation du parc public, bâtiments et véhicules, afin que la transition énergétique soit immédiate, efficace, et se fasse en lien avec les filières industrielles – il faut aider ces dernières à développer des modèles dont, aujourd’hui, la rentabilité reste insuffisante.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Nous maintenons notre amendement de suppression, pour toutes les raisons qui ont été évoquées, auxquelles j’ajoute un dernier argument, celui de la lisibilité.
Faire les choses à moitié ne règle jamais les problèmes. Cet article et l’amendement du Gouvernement ont probablement été très bien préparés par les services juridiques de Bercy ; en attendant, leurs dispositions seront complètement incompréhensibles pour la majorité des entreprises, qui ont bien du mal à comprendre à quelle sauce elles vont être mangées. La hausse est-elle ou non lissée ? Le tarif réduit est-il ou non supprimé ? Des seuils sont-ils prévus ?
Le plus clair, et le plus simple, est de voter cette suppression, qui a été demandée sur toutes les travées de notre assemblée ; nous verrons ensuite ce que l’Assemblée nationale fait de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Nous maintenons également notre amendement de suppression.
Tous les éléments qui nous ont été donnés par le rapporteur général plaidaient d’ailleurs pour une telle suppression, à l’exception de sa conclusion – c’est assez curieux.
Surtout, monsieur le secrétaire d’État, nous commençons à être un peu fatigués des dispositifs qui consistent, après avoir augmenté une taxe, à monter une sorte de bric-à-brac destiné à revenir, ou à tenter de revenir, après coup, sur les excès de la mesure pour les entreprises – je note que les choses se font toujours ainsi : on commence par les annonces, et on ne réfléchit qu’après coup.
Tout cela n’est pas bon. Il faut revoir cette mesure, négocier avant de la présenter en projet de loi de finances, et, si vous y tenez, l’étaler sur plusieurs années. (Mme Sophie Taillé-Polian et M. Franck Montaugé applaudissent.)
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. C’est le paradoxe du gruyère : plus il y a de gruyère, plus il y a de trous ; or, plus il y a de trous, moins il y a de gruyère…
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Nous maintenons nous aussi notre amendement de suppression. Je précise que nous avons également déposé un amendement de repli, que je voudrais rapidement évoquer.
M. le secrétaire d’État a dit que cette mesure ne s’adressait ni aux agriculteurs ni aux TPE. Mais elle s’adresse notamment aux collectivités !
Or elle est très complexe et très injuste, en particulier pour les plus petites collectivités – je pense singulièrement aux communes rurales et de montagne. Si le taux réduit était supprimé pour le déneigement des routes, par exemple, les budgets de fonctionnement de certaines communes de montagne, qui peuvent être inférieurs à 100 000 euros, augmenteraient de 5 000 ou 10 000 euros – M. le secrétaire d’État, qui ne m’écoute pas beaucoup, mais qui vient d’Ardèche, sait ce que c’est que la neige.
Des difficultés supplémentaires viendraient donc s’ajouter aux nombreuses baisses de dotations.
Je pense aussi aux stations de ski qui sont gérées en régie. Il s’agit de petites stations – je pense à celles qui sont spécialisées dans le ski de fond. Les calculs ont été faits : pour certaines d’entre elles, le surcoût serait de plus de 30 000 euros.
Il faut donc prendre la mesure des conséquences de cette disposition sur les petites collectivités, sachant qu’il n’y a pas d’alternative : elles seront obligées d’y passer.
De manière générale, s’agissant de telles mesures, il est nécessaire de réfléchir aux possibilités alternatives qui sont offertes aux acteurs visés ; en l’absence de telles alternatives, on ne voit pas bien quel est le but recherché.
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. Je veux saluer le travail de la commission des finances qui, en un temps record,…
M. Philippe Dallier. Ça commence bien, mais ça va mal finir ! (Sourires.)
M. Emmanuel Capus. … a rédigé un amendement dont le vote permettrait certes de tenir compte de la spécificité des TPE, mais qui constitue, me semble-t-il, un amendement de repli, pour le cas où les amendements de suppression ne seraient pas adoptés.
Cela pour une raison très simple, que j’ai commencé à évoquer : cet amendement de la commission des finances présente un inconvénient qui paraît insurmontable, celui de l’effet de seuil. Songez qu’une entreprise de 249 salariés bénéficierait du maintien total de l’exonération quand, dans le même département, dans la même rue, une entreprise de 251 salariés, elle, ne serait plus éligible et paierait donc trois fois plus cher que sa voisine les produits pétroliers. Il y aurait là une distorsion, pour ne pas dire une rupture, de concurrence totalement insurmontable.
Pour cette raison, compte tenu de la rapidité avec laquelle cette proposition a été faite, il me semble plus sage, à ce stade, de repartir de zéro, de retravailler, et donc de supprimer l’article.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Mes chers collègues, vous comprendrez qu’à cet instant j’aie beaucoup de regrets, pour ne pas dire plus. Le travail a été fait en commission des affaires économiques, et tout le monde se rend compte de l’ampleur des conséquences économiques – aucune posture politique là-dedans – d’une telle mesure pour notre pays, en termes d’emploi.
Je regrette qu’il ne soit ici question que du GNR, quand le texte que je vous ai proposé précédemment embrassait plus large ; il réglait le problème des biocarburants, et notamment du biogaz, en donnant aux acteurs la visibilité dont ils ont besoin. Ces sujets ne seront pas réglés par l’adoption du présent amendement.
Il est difficile de se réjouir d’une unanimité qui, si elle s’était exprimée tout à l’heure, aurait permis au Sénat de donner à nos entreprises et à nos territoires une visibilité économique en matière de biocarburant, et notamment de biogaz.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Un mot pour rassurer le sénateur Gontard : non seulement je l’écoute, mais je le lis ; or je crains qu’il n’ait confondu, en comparant l’Ardèche avec l’Isère, les communes qui connaissent l’enneigement avec celles qui sont aussi des stations de ski – ces situations ne sont pas tout à fait identiques.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Qu’on ne se méprenne pas : si la commission des finances a proposé un dispositif spécifique pour les PME, c’est que nous considérons que leur situation est différente de celle des autres entreprises.
L’amendement que va présenter le Gouvernement sur le secteur frigorifique en est la claire illustration.
Selon l’évaluation préalable de l’article 19 – ce n’est pas moi qui le dit : lisez l’objet de l’amendement concerné –, 37 % du gazole non routier consommé en France hors usages agricoles – le secteur agricole est épargné par la suppression de l’exonération – l’est par le secteur du bâtiment et des travaux publics. Les travaux de terrassement ainsi que les travaux routiers maritimes seraient tout particulièrement touchés.
Parmi les autres secteurs fortement touchés, insiste-t-on, figurent les industries extractives – pourquoi, dans ce cas, le Gouvernement n’a-t-il pas déposé d’amendement sur les industries extractives ? Selon l’évaluation préalable de l’article, elles perdraient 2,48 points de marge dès l’an prochain. L’industrie métallurgique perdrait pour sa part 0,43 point et l’industrie chimique 0,5 point.
Les marges déjà réduites des distributeurs alimentaires qui utilisent des groupes frigorifiques seraient également fragilisées. Si les grands groupes devraient pouvoir absorber ce choc, il est en revanche à craindre que beaucoup de PME du secteur n’aient plus de difficultés à y parvenir.
Le Gouvernement nous dit donc qu’il souhaite épargner le frigorifique. Mais quid des industries extractives, qu’il évoque pourtant lui-même ? Bizarrement, aucun amendement n’est déposé sur ce sujet – on nous dit que demain, peut-être…
La commission des finances, tout en étant bien consciente des risques d’effet de seuil évoqués par notre collègue Capus, a donc proposé que les PME au sens communautaire soient totalement épargnées.
Quant aux grands groupes, objectivement, les contrats qu’ils passent comportent d’ores et déjà toutes les clauses possibles et imaginables permettant de parer à toute éventuelle variation d’indice, donc de répercuter les surcoûts : si vous faites partie des grands noms du BTP, vous ne risquez pas grand-chose. Les entreprises concernées sont plutôt les PME dont les marges sont déjà réduites, et seront intégralement consommées – c’est le Gouvernement qui le dit – par le triplement brutal du tarif de TICPE appliqué au GNR.
Je partage donc les arguments de Claude Raynal, mais suis également sensible aux questions de coût budgétaire : la commission des finances est soucieuse de prendre des positions équilibrées et de ne pas faire déraper le solde.
C’est la raison pour laquelle je propose un amendement dont je souhaiterais d’ailleurs qu’il donne lieu, de la part du Gouvernement, à un chiffrage : il serait tout à fait intéressant que nous sachions quel sera l’impact d’une augmentation du coût du GNR sur les PME – cet amendement vise à compenser ladite augmentation pour les PME.
Je propose, parallèlement, que nous votions un amendement de notre collègue Élisabeth Lamure dont l’objet est de permettre aux plus grands groupes de répercuter sur leurs clients les hausses de coûts liées à la fin du tarif réduit de TICPE sur le GNR.
Cette position me semble la plus équilibrée ; j’ai donc souhaité le retrait des autres amendements, mais pas du tout pour évacuer le problème – je suis le premier à reconnaître qu’il y a là un problème. Le Gouvernement le reconnaît aussi, de fait, via les amendements qu’il dépose, mais n’en tire pas les conclusions, en réservant l’exonération à quelques secteurs, comme le secteur frigorifique – il y a malheureusement bien d’autres secteurs touchés.
La position de la commission est donc la suivante : exonérer les PME de cette hausse ; permettre aux plus grands groupes de la répercuter.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je vais essayer d’apporter mon concours au rapporteur général.
Le plus probable, je le vois bien, est que nous votions la suppression de l’article 19. Mais je voudrais soulever une question de tactique politique : si nous supprimons purement et simplement l’article, l’Assemblée nationale fera exactement ce qu’elle voudra. L’idée du rapporteur général est d’ouvrir une voie pour essayer notamment de préserver les plus petites entreprises – le Sénat pourrait ainsi leur envoyer un signal fort.
J’invoquerai aussi l’argument du coût – je ne sais si cet argument supplémentaire pourra vous convaincre, mes chers collègues. Nous en avions discuté avec nos collègues centristes ; il me semblait que nous avions trouvé un accord sur la proposition du rapporteur général, mais les choses, en la matière, évoluent très vite.
M. Roger Karoutchi. Tout cela n’est pas très raisonnable !
M. Philippe Dallier. Peut-être ces deux arguments vous persuaderont-ils que tout cela, comme le dit Roger Karoutchi, n’est pas très raisonnable.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Si je m’écoutais, je voterais bien la suppression de l’article, qu’on en finisse.
Nous avons voté la suppression de la hausse des tarifs de TICPE ; et maintenant, pris dans l’ambiance très « nuit du 4 août » du moment, nous poursuivons dans cette voie.
Mais, en vérité, le Parlement est constitué de deux assemblées.
Le Sénat peut se faire plaisir ; il aurait raison, d’ailleurs : de temps en temps, il faut se faire plaisir, car après tout, nous sommes si maltraités ! (Sourires.)
Il faut se faire plaisir, donc, sauf que, si nous supprimons complètement l’article, l’Assemblée aura la main, tout aussi complètement !
M. Claude Raynal. Elle l’aura de toute façon !
M. Roger Karoutchi. Et tous les apports spécifiques du Sénat, sur les PME ou sur un certain nombre d’autres sujets, issus du travail de l’ensemble des commissions, tous ces amendements dont l’objet n’est pas de changer complètement le dispositif, mais de l’améliorer, tombent. L’Assemblée, en effet, soit retiendra, d’un bloc, la position du Gouvernement, soit choisira un système qui sera le sien propre, très éloigné du nôtre. (M. Claude Raynal s’exclame.) Monsieur Raynal, j’ai l’habitude des allers-retours entre l’Assemblée et le Sénat : je peux vous dire que 60 % des amendements du Sénat sont, au terme de la navette, retenus par l’Assemblée.
M. Claude Raynal. C’était le cas avant !
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Oui, sur la législature précédente !
M. Roger Karoutchi. Je ne vous dis pas que c’est merveilleux ou brillantissime. Je vous dis que, si vous voulez sauver un certain nombre de dispositifs destinés aux PME, il faut plutôt suivre le rapporteur général.
Je préférerais moi aussi en rester là et avancer ; mais, en vérité, si nous voulons être efficients et pas seulement dogmatiques, c’est la position du rapporteur général qui doit être la nôtre. (M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit.)
M. Antoine Lefèvre. Très bien ! Bon argument !
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je ne comprends pas bien ce que nous faisons cet après-midi.
Au début de cette séance, nous avons voté l’amendement du rapporteur général, le préférant à celui de notre collègue Daniel Gremillet, qui visait notamment à revenir sur la suppression du taux réduit de TICPE sur le GNR et avait fait l’objet d’un travail approfondi. Nous avons préféré, donc, une autre voie que celle qui équivalait à supprimer l’article 19.
Nos amis centristes, et d’autres, ont suivi le rapporteur général, l’objectif étant sans doute de faire plaisir à M. Darmanin (M. Jean-François Husson s’exclame.), qui nous conseille, sur les ondes et dans les médias, d’être raisonnables et de faire de la coconstruction.
Nous faisons de la coconstruction, donc, et nous veillons à l’équilibre général du budget. Nous avons ainsi accepté, en rejetant l’amendement de Daniel Gremillet et en lui préférant celui du rapporteur général, d’adopter la solution qui, des deux, était la plus soft.
Je vous invite, mes chers collègues, à la cohérence ; à défaut, ce que nous faisons serait un peu désordonné. Néanmoins, je suis absolument d’accord avec vous : le coût du GNR pose à nos entreprises un problème de compétitivité.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. À ce stade de la discussion, notre collègue Karoutchi tend une perche : nous verrons à la fin du débat sur le projet de loi de finances quelles auront été les réponses nouvelles apportées par Les Républicains aux problèmes posés par le texte en direction des salariés, des retraités et des gens les plus modestes. Nous verrons si une véritable confrontation a eu lieu avec le texte de l’Assemblée nationale.
M. Julien Bargeton. Très bien !
M. Pascal Savoldelli. Je comprends que cette affaire ait une dimension tactique, mais, le moment venu, nous ferons les comptes : à la fin de l’examen du projet de loi de finances, avec mon groupe, nous regarderons quelles mesures auront été adoptées pour ceux qui travaillent, pour ceux qui ont travaillé, pour ceux qui se trouvent dans des situations d’isolement ou de non-reconnaissance sociale.
Nous aurons alors un petit échange de nature politique, sur le sujet suivant : la majorité sénatoriale s’oppose-t-elle vraiment aux choix économiques et financiers du Gouvernement ?
M. Éric Bocquet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la présidente, je demande une suspension de séance de cinq minutes.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, serait-il possible de rappeler les positions respectives de la commission et du Gouvernement sur les amendements de suppression ?
Mme la présidente. Le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements identiques.
Monsieur le rapporteur général, pouvez-vous rappeler l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il est vrai que ce débat est complexe. Les amendements qui vont être soumis au scrutin public visent à supprimer complètement l’article 19, dont je rappelle qu’il concerne le gazole non routier, le GNR.
Pour les raisons que j’ai déjà évoquées et que je veux bien répéter devant vous, la commission des finances considère que le problème se focalise d’abord sur les PME – le Gouvernement le reconnaît lui-même au travers de ses amendements – et, plutôt que de maintenir un avantage qui n’est pas forcément justifié, elle propose une autre solution. En effet, il faut que l’opinion publique comprenne que les grands groupes payent leur carburant moins cher, alors que tous nos concitoyens verront leur TICPE augmenter.
Au lieu de supprimer purement et simplement l’article 19, la commission propose un double dispositif, qui viendra plus tard dans la discussion, puisque, conformément à notre règlement, les amendements de suppression sont examinés en premier.
Par l’amendement n° I-616 qu’elle a déposé, la commission souhaite exonérer les PME de la hausse du GNR ; il s’agit des PME au sens communautaire du terme, c’est-à-dire les entreprises de plus de 250 salariés.
En outre, la commission soutient l’amendement n° I-735 rectifié déposé par notre collègue Élisabeth Lamure qui vise, comme le Gouvernement d’ailleurs, un dispositif de « pied de facture », c’est-à-dire la possibilité de répercuter la hausse de GNR sur le consommateur final. Cette mesure est de nature transitoire, puisqu’elle s’applique aux contrats en cours, et elle concerne plutôt les grands groupes.
Nous préférons ce double dispositif à la suppression pure et simple de l’article, qui est une mesure coûteuse.
C’est pourquoi la commission demande le retrait des amendements identiques nos I-119 rectifié, I-179 rectifié bis, I-190 rectifié bis, I-191 rectifié bis, I-215 rectifié, I-405, I-465 et I-917 au profit des deux amendements qui viendront ensuite en discussion, les amendements nos I-616 et I-735 rectifié, visant respectivement les PME et les contrats en cours. À défaut de retrait, son avis serait défavorable sur ces amendements de suppression de l’article 19.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.
M. Guillaume Arnell. J’ai défendu, au nom de Maryse Carrère, l’amendement n° I-215 rectifié, que de nombreux membres du groupe du RDSE ont cosigné. Il me semble qu’elle a voulu nous alerter sur la situation des stations de ski, qui n’ont guère de choix en matière de carburant.
Il ne serait pas sage de la désavouer, mais au regard de ce qu’a indiqué M. le rapporteur général, nous sommes prêts à préserver la petite fenêtre qu’il a entrouverte et qui peut nous permettre de ne pas être complètement défaits, ce qui serait certainement le cas si nous votions la suppression pure et simple de l’article.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Il serait honnête de le reconnaître, pour les sénateurs du groupe Les Républicains, le débat est cornélien. Nous sommes très nombreux à avoir cosigné un amendement de suppression, mais nous comprenons parfaitement les arguments de M. le rapporteur général – son esprit de responsabilité l’honore !
Nous sommes face à un gouvernement qui change d’avis ; ainsi, il annonce aujourd’hui qu’il va changer d’avis demain, après avoir indiqué très clairement qu’il ne changerait jamais d’avis… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Et nous, nous allons voter entre deux changements, variations, nuances ou virages de ce gouvernement.
Évidemment, nous devons être lucides : il n’est pas certain que les votes du Sénat, fussent-ils au scrutin public, soient suivis avec passion par l’ensemble de l’opinion publique. En outre, nous risquons finalement d’être à contre-courant de ce que le Gouvernement va lui-même décider.
Nous n’avons pas beaucoup de choix.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est la peste ou le choléra !
M. Gérard Longuet. Soit nous voulons poursuivre le débat – il faut alors suivre la position de M. le rapporteur général, afin d’examiner l’ensemble des amendements et faire valoir, pour chacun d’eux, leurs avantages et leurs inconvénients –, soit nous supprimons l’article.
Dans ce second cas, nous n’aurons pas de débat, les échanges s’arrêteront là et l’Assemblée nationale ne tiendra pas compte de notre position. Ce sera certes une satisfaction d’amour-propre pour ceux qui, comme moi, ont souhaité la suppression de cet article 19, mais nous n’aurons pas le débat auquel notre esprit de responsabilité nous a habitués.
C’est pour cette seule raison que je vais suivre l’avis de mon groupe et refuser la suppression de cet article, afin que nous puissions débattre des autres amendements. Soyons cependant bien conscients que nous vivons dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, puisque le Gouvernement lui-même ne sait pas exactement ce qu’il défendra après-demain matin ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)