Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l’article.
M. Maurice Antiste. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’annonce de suppression de ce dispositif a causé un grand émoi au sein des entreprises, notamment du BTP, qui dénoncent un coup de force du Gouvernement d’une brutalité certaine. Cette mesure n’a fait l’objet d’aucune concertation avec les secteurs économiques concernés. En outre, elle n’aurait aucun caractère progressif, qui constitue pourtant un « principe de bonne politique fiscale pour donner de la visibilité aux acteurs ».
Elle n’a pas non plus, semble-t-il, été évaluée sérieusement. Son impact direct serait de 500 millions d’euros pour la seule activité des travaux publics, soit environ 60 % de la marge des entreprises.
Les entreprises du secteur, notamment, plaident pour une neutralisation des effets économiques de cette mesure, et elles évoquent, en cas de maintien en l’état, une déstabilisation certaine du secteur, particulièrement pour les PME.
Nos entreprises du BTP en Martinique nous ont saisis sur le sujet, alors même que la TICPE n’est pas applicable dans les départements et territoires d’outre-mer, qui sont soumis à une taxe spéciale sur la consommation, la TSC, prévue par l’article 266 quater du code des douanes. Dans tous les cas, le taux de TSC retenu pour un produit ne peut excéder le taux de la taxe intérieure de consommation, la TIC, figurant au tableau B de l’article 265 du code des douanes.
Or l’article 19 tend à opérer une modification de l’article 266 quater, dans la mesure où il réduit, sous couvert de simplification, la nomenclature des produits soumis à la taxe spéciale de consommation, ce qui fait disparaître l’alinéa relatif à l’« émulsion d’eau dans du gazole stabilisée par des agents tensio-actifs, dont la teneur en eau est égale ou supérieure à 7 % en volume sans dépasser 20 % en volume » identifié à l’indice 53.
Il vise à réaliser, aux alinéas 37 à 42, du fait de la disparition de l’alinéa relatif au gazole à émulsion d’eau, un recentrage sur l’indice 22.
Cela équivaut, me semble-t-il, à une augmentation du taux de la taxe intérieure de consommation et, par conséquent, de la TSC. Étant de nature prudente et en l’absence de certitudes sur la réelle non-application de cette mesure dans nos territoires, j’ai déposé des amendements visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles pour nos entreprises.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.
M. Pascal Savoldelli. Avec cet article, nous aurons des discussions intéressantes sur le coût des carburants. Nous évoquions la territorialisation. À chaque fois, il s’agit de changer les comportements des Français, et de sortir tranquilles du débat.
M. Roger Karoutchi a expliqué dans quelles circonstances politiques nous discutions de la TICPE. En gros, un amendement a été majoritairement voté. À gauche, on s’est abstenu, donc on n’a pas fermé la porte ! Désormais, nous sommes suspendus aux propos du Président de la République.
Au nom de mon groupe, je ne vais pas me gêner pour poser toute une série de questions au membre du Gouvernement qui se trouve ici. Je le sais bien, il ne pourra pas me répondre au nom du Président de la République !
Monsieur le secrétaire d’État, augmentez-vous les salaires, les retraites et les minima sociaux ? Luttez-vous contre l’évasion et l’optimisation fiscales ? Un brin de mesures en ce sens sera-t-il annoncé mardi ?
M. Fabien Gay. Excellente idée !
M. Pascal Savoldelli. Pensez-vous qu’il faille taxer les compagnies pétrolières et les grandes entreprises du transport routier ou aérien ? Ou les gestionnaires d’infrastructures, notamment des autoroutes ? Si les salariés payent la TICPE, les utilisateurs des autoroutes la payent aussi. Vous en connaissez beaucoup, des autoroutes gratuites ?
Je le rappelle, le bénéfice de Total en 2017 a enregistré une hausse de 39 %. Le Président de la République va-t-il en parler ? Connaissez-vous des salariés qui ont bénéficié d’une augmentation de salaire de 39 % ? Connaissez-vous des retraités ayant bénéficié d’une augmentation de 39 % de leur pension ?
La taxation du kérosène sera-t-elle évoquée ?
Mme Laurence Rossignol et M. Bernard Jomier. Oui, on va en parler !
M. Pascal Savoldelli. Mais que dit le Gouvernement sur cette question ?
En tant que parlementaires, nous formulons des propositions. Et l’on voit bien, depuis vendredi, comment nous sommes considérés ! Ensuite, nous trancherons par des votes. Il convient donc d’apprécier le niveau des propositions à apporter au débat qui agite notre pays.
Mon collègue Fabien Gay l’a dit précédemment, il faut poser la question des alternatives. Nous venons de l’apprendre, 9 000 kilomètres de lignes de chemin de fer seraient menacés ! Leur fermeture aidera-t-elle à la transition énergétique ?
Je ne parle pas de la TVA sur les produits de première nécessité, qui touche d’abord les gens les plus faibles, les plus isolés et les plus modestes.
Se pose également la question de la BCE. On nous parle ici toutes les cinq minutes de l’Europe, à juste titre. Monsieur le secrétaire d’État, pourquoi la France ne pèse-t-elle pas sur nos partenaires européens pour créer des prêts à taux bonifiés destinés à tous ceux qui doivent changer de véhicule afin de moins polluer ? Pourquoi la France n’obtient-elle pas une telle mesure ? Pourquoi ne se bat-elle pas en faveur de prêts bonifiés ou même de prêts à taux négatifs ?
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Pascal Savoldelli. La Banque centrale européenne pourrait agir en ce sens, si la France se bougeait. C’est ce niveau de discussion qui permettra de résoudre les problèmes auxquels sont confrontés les Français, tout en affirmant une vraie volonté de transition énergétique. (M. Fabien Gay applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l’article.
M. Éric Bocquet. Je remplace au débotté notre collègue Esther Benbassa, qui a dû s’absenter.
Depuis un an, les contribuables automobilistes ont constaté une insupportable flambée des prix du carburant, le diesel ayant augmenté de 23 % et l’essence de 14 %, ce qui n’est pas rien !
Cette hausse n’est pas près de s’arrêter : en janvier prochain, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques augmentera encore, le présent article du projet de loi de finances visant à supprimer le tarif réduit sur le gazole non routier. Il s’agit ainsi d’aligner les prix du diesel et de l’essence dans les années à venir.
Cette mesure, socialement désastreuse, puisqu’on estime qu’elle ferait perdre en moyenne 313 euros par an à chaque foyer d’ici à 2022, ne saurait subir le verdissement ou greenwashing de l’exécutif, lequel justifie cette hausse de la fiscalité carbone par une nécessité environnementale.
Nous sommes dans le mensonge, nos débats de cet après-midi l’illustrent abondamment. Si le Gouvernement avait vraiment à cœur l’écologie et la bonne santé de la planète, il déploierait des alternatives aux transports individuels, Pascal Savoldelli vient de le dire. Il n’exonérerait pas fiscalement le kérosène pour les avions ni le fioul lourd pour les bateaux de croisière et les porte-containeurs. Enfin, il n’attribuerait pas seulement 19 % des recettes de cette fiscalité carbone à la transition énergétique.
Notre Terre est malade. Notre population est toujours plus précarisée. Pendant que la maison France brûle, le Gouvernement regarde ailleurs, selon une formule ancienne, désormais célèbre, vers la seule réduction des déficits, dogme bruxellois par excellence.
Les défis sociaux et environnementaux, véritables enjeux du XXIe siècle, méritent mieux que cette désinvolture. C’est par une politique volontariste et ambitieuse que notre pays réussira sa transition énergétique et non pas par des mesures punitives prises sous couvert d’écologie et rejetées très majoritairement par les Français.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, sur l’article.
M. Rémi Féraud. L’article 19 du projet de loi de finances est une disposition extrêmement importante, à savoir la suppression du tarif réduit de TICPE sur le gazole non routier. Le Gouvernement soutient, comme pour les autres augmentations de TICPE, que cette suppression est motivée par la nécessité de lutter contre le réchauffement climatique.
Néanmoins, notre collègue Maurice Antiste le disait il y a quelques instants, elle va déstabiliser très lourdement tout un secteur économique, en particulier le BTP, alors que, dans la plupart des cas, il n’existe pas d’alternative aux engins utilisant du gazole non routier. Ainsi, dans le BTP, nous n’avons pas encore de bétonneuses électriques !
Par ailleurs, il s’agit d’une taxe de rendement, puisque les recettes supplémentaires de près de 1 milliard d’euros que percevra l’État ne sont absolument pas affectées à la transition écologique et à des modes de consommation plus durables.
À preuve, selon les calculs du Gouvernement, cette suppression de tarifs réduits de GNR devrait rapporter 980 millions d’euros de recettes supplémentaires en 2019, ce qui s’ajoute aux 3 milliards d’euros de recettes supplémentaires votés par la trajectoire carbone dans le projet de loi de finances pour 2018, soit, au total, 4 milliards d’euros.
Or, dans ce projet de loi de finances pour 2019, seulement 1 milliard d’euros supplémentaires par rapport au budget 2018, soit un quart des recettes, est affecté à la transition écologique, même si l’on prend en compte les mesures prévues, jusqu’à demain en tout cas, pour faciliter la transition écologique pour les plus fragiles, par le biais du chèque énergie ou du crédit d’impôt pour la transition énergétique.
Sur ce sujet, là encore, le compte n’y est pas ! Je le rappelle, la mesure a été annoncée en septembre dernier, un peu en catastrophe, par le Gouvernement. Il s’agit en réalité de financer la baisse de recettes contenue dans la loi PACTE.
Nous nous opposerons donc à cet article, en demandant sa suppression. (MM. Claude Raynal et Joël Bigot, ainsi que Mmes Marie-Pierre de la Gontrie et Marie-Noëlle Lienemann applaudissent.)
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme la présidente. Je suis saisie de dix amendements identiques.
L’amendement n° I–31 rectifié est présenté par Mmes Berthet et Delmont-Koropoulis, M. Ginesta, Mmes Gruny, Micouleau, Morhet-Richaud, Noël et Chauvin, M. Bonhomme et Mme Bories.
L’amendement n° I–119 rectifié est présenté par MM. Cigolotti, Médevielle, Kern, Bockel, Le Nay, Bonnecarrère, Laugier et Moga, Mmes Goy-Chavent, Perrot et Billon, MM. Canevet, Détraigne, Longeot et Luche, Mmes N. Goulet, C. Fournier, Gatel et Loisier, M. Janssens et Mmes de la Provôté et Létard.
L’amendement n° I–179 rectifié bis est présenté par MM. Genest, Darnaud, Rapin, Babary, Priou et Cuypers, Mme Deromedi et MM. Revet, Sido, Pellevat et Meurant.
L’amendement n° I–190 rectifié bis est présenté par MM. Calvet et de Legge, Mme Chain-Larché, MM. Brisson, Guerriau, Cardoux, Joyandet, A. Marc, Courtial et Moga, Mme Lopez, M. H. Leroy, Mmes Thomas et Billon, M. Sol, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Bonne, Revet, B. Fournier, Morisset, Chatillon, Mayet et Le Gleut, Mmes Kauffmann et M. Mercier et MM. Buffet, Kennel, Antiste, Chasseing, Laménie, Poniatowski et D. Laurent.
L’amendement n° I–191 rectifié bis est présenté par MM. Fouché, A. Marc, Wattebled et Mizzon, Mmes de la Provôté et Mélot et M. Capus.
L’amendement n° I–207 rectifié bis est présenté par MM. Adnot, de Nicolaÿ et Lefèvre.
L’amendement n° I–215 rectifié est présenté par Mme M. Carrère, M. Menonville, Mme N. Delattre, MM. Collin, Requier, Arnell, Artano, A. Bertrand, Castelli, Corbisez, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Laborde et MM. Léonhardt, Roux et Vall.
L’amendement n° I–405 est présenté par MM. Raynal, J. Bigot, Bérit-Débat, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lalande et Lurel, Mmes Taillé-Polian et Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mmes Préville, Tocqueville et Blondin, MM. Cabanel, Courteau et Fichet, Mmes G. Jourda et Monier, MM. Montaugé, Tissot, Duran et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° I–465 est présenté par Mme Cukierman, MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° I–917 est présenté par Mmes Noël, Berthet et Gruny, M. Bascher, Mme Deromedi, MM. Brisson, Le Gleut, Revet et Meurant et Mme Micouleau.
Ces dix amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° I–31 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° I–119 rectifié.
Mme Nathalie Goulet. Comme neuf autres amendements identiques, il s’agit de supprimer l’article 19, car ces dispositions ne peuvent que contribuer à grever lourdement les charges des entreprises du bâtiment, des travaux publics et des carrières, qui sont utilisatrices de véhicules ou d’engins ayant recours à ce type de carburant.
De nombreuses TPE du secteur du bâtiment ont une santé fragile, c’est peu de le dire, et cette mesure pénalisera nombre d’entre elles, alors même que le coût des carburants ne cesse d’augmenter, nous en avons parlé tout l’après-midi.
Cette disposition est d’autant plus injuste qu’elle introduit une discrimination entre les entreprises du bâtiment, du paysage et des travaux publics et les entreprises relevant du secteur agricole. Ces dernières continueront en effet à bénéficier d’un avantage non négligeable en matière de carburant. Je ne dis pas qu’il faut égaliser vers le haut, mais il vaut mieux ne pas surtaxer ces carburants.
Cette disposition, enfin, impactera les entreprises concernées, qui subiront une hausse de la fiscalité et n’auront d’autre choix que de répercuter cette mesure budgétaire sur leur maître d’ouvrage.
C’est la raison pour laquelle M. Olivier Cigolotti, ainsi qu’un certain nombre de collègues du groupe Union Centriste et moi-même avons décidé de signer un amendement de suppression, et manifestement nous ne sommes pas les seuls…
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l’amendement n° I–179 rectifié bis.
Mme Jacky Deromedi. Selon l’évaluation préalable de l’article 19, « la suppression des tarifs réduits des carburants non routiers permet d’augmenter l’incitation à privilégier d’autres sources d’énergie que les énergies fossiles, dans le contexte de l’accélération de la transition énergétique ». Dans la mesure où, le plus souvent, il n’existe pas d’alternatives aux moteurs thermiques utilisés par les industriels, la suppression de cette dépense fiscale apparaît surtout comme une mesure de rendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour présenter l’amendement n° I–190 rectifié bis.
M. Dominique de Legge. Nous sommes nombreux à avoir déposé le même amendement. Je souhaite insister sur un point, monsieur le secrétaire d’État (M. le secrétaire d’État s’entretient avec M. François Patriat.), si vous avez la gentillesse de m’écouter, mais c’est peut-être trop vous demander ! (Protestations sur des travées du groupe La République En Marche.) On est sur un sujet sérieux ; il faut écouter ce que dit le Parlement et, en l’occurrence, les collectivités territoriales.
La conséquence de cette affaire, c’est une recette pour l’État et une dépense pour les collectivités territoriales. En effet, 70 % de la dépense publique est aujourd’hui assumée par les collectivités territoriales, notamment dans le cadre de travaux publics. Vous êtes donc en train de ponctionner les collectivités territoriales pour alimenter le budget de l’État. Mes collègues ont développé d’autres arguments contre cette mesure.
Pour ma part, je tiens à insister sur ce point, qui me paraît essentiel. Vous ne pouvez pas nous expliquer que vous maintenez les dotations des collectivités territoriales, que vous souhaitez que celles-ci fassent des efforts dans la gestion et, en même temps, au travers de cette disposition, forcer une dépense dont elles se dispenseraient bien ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour présenter l’amendement n° I–191 rectifié bis.
M. Emmanuel Capus. Je l’ai dit précédemment, nous sommes face à un défi exceptionnel, qui est à la hauteur de l’enjeu énergétique que nous avons à relever et du réchauffement climatique auquel nous sommes confrontés.
Que l’on ne se méprenne pas sur ses intentions, le groupe Les Indépendants est extrêmement favorable à la décarbonation de notre industrie.
Je défends cet amendement de suppression de l’article 19 pour plusieurs raisons.
D’abord, pour l’impact, car, au final, ce sont les collectivités territoriales, qui sont les donneurs d’ordre, qui paieront.
Ensuite, je l’ai dit, pour qu’une politique de transition énergétique soit valable, il faut qu’elle soit pragmatique, utile et acceptée par la population.
En l’occurrence, la taxation du GNR ne peut pas être acceptée, du jour au lendemain, de façon aussi brutale, et ce pour une raison très simple : il n’existe pas aujourd’hui d’alternative au diesel pour les travaux publics. Par conséquent, le triplement de la taxation n’aura pas d’impact sur la transition énergétique, puisque ceux qui utilisent le gazole non routier seront obligés de continuer à l’utiliser.
Par ailleurs, j’estime préférable d’adopter ces amendements de suppression plutôt que l’amendement proposé par la commission des finances. En effet, si ce dernier est très intéressant, il pose une difficulté, en visant la seule exonération des TPE au sens du droit européen, soit les entreprises de moins de 250 salariés. Or, sur le terrain, une telle mesure va créer une concurrence redoutable entre les entreprises de moins de 250 salariés et les entreprises de plus de 250 salariés, 251, 300 ou 400.
L’excellente idée de la commission des finances de tenir compte des petites entreprises n’est pas fonctionnelle sur le terrain. Ainsi, à défaut de lisser – je sais qu’un autre amendement vise à lisser ou à reporter sur les factures finales l’augmentation du gazole, ce qui serait un moindre mal –, pour éviter toute concurrence entre les TPE et les ETI, les entreprises de taille intermédiaires, il est préférable de supprimer cette augmentation – certains amendements du Gouvernement s’inscrivent d’ailleurs dans ce sens.
Mme la présidente. L’amendement n° I–207 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° I–215 rectifié.
M. Guillaume Arnell. Cet amendement de ma collègue Maryse Carrère porte sur l’article 19, qui supprime le tarif réduit de TICPE sur le gazole non routier, le désormais fameux GNR.
Cet alignement de la fiscalité du GNR sur celle du gazole engendrera pour les utilisateurs du GNR une hausse du prix du carburant de plus de 50 centimes par litre.
Si les conséquences pour les TPE du bâtiment et des travaux publics, déjà fragilisées par la hausse continue du prix du carburant, seront considérables, cette suppression du tarif réduit de TICPE sur le GNR aura des conséquences pour nos collectivités.
En particulier, les collectivités de montagne, au premier rang desquelles figurent les départements, assurent bien souvent le déneigement des routes à l’aide d’engins utilisant du GNR.
Ainsi, pour le département des Hautes-Pyrénées, la suppression de tarif réduit de TICPE sur le GNR aura pour conséquence une hausse de l’ordre de 60 % du coût du carburant.
Une telle augmentation viendrait une fois de plus rogner les budgets de nos collectivités, déjà soumis à nombre de baisses de ressources non compensées par l’État. Elle menacerait considérablement l’équilibre financier des stations de montagne.
C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, pour présenter l’amendement n° I–405.
M. Claude Raynal. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° I–465.
M. Fabien Gay. Cet amendement est également défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour présenter l’amendement n° I–917.
M. Jérôme Bascher. Cet amendement, que j’ai cosigné, a été déposé par ma collègue Sylviane Noël.
Il s’agit de reprendre, par souci de cohérence, la logique défendue par notre collègue Daniel Gremillet. Si nous avons voté l’amendement de M. le rapporteur général, nous avons également précisé que ce qui était proposé par notre collègue Daniel Gremillet comportait beaucoup de bonnes idées.
C’est un amendement d’appel ; il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cette série d’amendements vise à supprimer la hausse brutale de la TICPE sur le gazole non routier. Leur nombre, ainsi que les différentes interventions témoignent d’un réel problème.
Le différentiel de fiscalité entre le gazole non routier et le gazole routier est-il justifié ? Peut-être pas ! Quoi qu’il en soit, ce qui n’est pas acceptable, nous en convenons tous et c’est le sens de ces amendements, c’est la brutalité avec laquelle ce différentiel de fiscalité est supprimé. Il faudrait que, du jour au lendemain, l’ensemble des acteurs, y compris les PME, changent leur comportement, alors même qu’il n’existe pas d’alternative.
J’en viens à un deuxième point, particulièrement choquant. La fiscalité peut constituer un signal prix ayant pour objet de faire changer les comportements. C’est vrai pour un particulier qui doit changer de voiture : il n’achètera plus un véhicule au gazole.
En matière de gazole non routier, il n’existe pas, dans la plupart des cas, d’alternative. Je ne connais pas de tractopelles électriques, d’engins de carrière électriques, sauf s’il s’agit d’un jouet pour enfants, les membres de la commission des finances sauront à quoi je fais allusion. La plupart du temps, ces matériels, ces groupes électrogènes, utilisés dans l’industrie, les transports frigorifiques, les travaux publics et le bâtiment, sont des engins qui, certes, consomment du gazole non routier, mais sans possibilités alternatives.
Par conséquent, la hausse de fiscalité est purement et simplement du rendement, des recettes de l’État, et n’a aucunement pour objet de faire changer les comportements, c’est de la marge en moins.
J’en veux d’ailleurs pour preuve l’amendement « pied de facture » assez étonnant du Gouvernement sur le transport frigorifique. Il pointe le fait que la mesure de l’article 19 aura pour conséquence de supprimer les marges des PME. Or c’est exactement ce que nous disons !
Je ne résiste pas au plaisir de vous lire l’objet de l’amendement n° I–1030 : L’augmentation de la fiscalité concernera les entreprises, en particulier les TPE-PME, où le « gazole “non routier” représente plus de 2 % des coûts de production. Il en est de même s’agissant des entreprises appartenant au secteur de l’industrie extractive.
« Pour rappel, le secteur des travaux publics, en particulier, est composé à 98 % de TPE-PME et le taux de marge moyen – résultat net/chiffre d’affaires – est de l’ordre de 2 %. Pour certaines activités, le surcoût du gazole induit par la suppression du tarif réduit de TICPE est potentiellement supérieur au résultat net ». Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le Gouvernement !
Ainsi, cet amendement du Gouvernement insiste sur le fait que la mesure de l’article 19 touchera les PME, le surcoût étant même « potentiellement supérieur à leur résultat net ».
M. Philippe Dallier. Ça a le mérite de la franchise !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je remercie ceux qui ont rédigé cet amendement, qui sont au moins honnêtes intellectuellement, pour une fois. Ne rougissez pas, monsieur le secrétaire d’État, ce sont vos services qui ont écrit cela ! Telle est la réalité, même si cela vous fait rire. Je salue l’honnêteté du Gouvernement, qui reconnaît que la mesure de suppression de l’article 19 impactera d’abord les TPE-PME, à 98 %, en mangeant totalement leur marge, puisque le surcoût sera supérieur à leur résultat net.
Il s’agit donc non pas de fiscalité écologique, mais de fiscalité de rendement, et de la suppression de la marge des TPE-PME.
La commission des finances, qui a beaucoup réfléchi à cette question, vous propose, mes chers collègues, un double dispositif centré sur les TPE-PME au sens communautaire, c’est-à-dire de moins de 250 salariés, qui seront sans doute les plus impactées et qui n’ont pas la possibilité, parce qu’elles sont très souvent engagées par des contrats de court terme, parfois avec des particuliers, de répercuter une telle hausse de fiscalité, qui est un triplement de fiscalité. Pour ces TPE-PME, nous proposons de différer la mesure.
Pour les plus grandes entreprises, qui ont des contrats très bien faits – je pense aux grosses entreprises du secteur des travaux publics –, elles auront la possibilité de répercuter le surcoût, la situation n’étant objectivement pas la même.
Une entreprise du bâtiment, par exemple de maçonnerie, liée par un devis avec un particulier, lequel peut avoir un crédit pour sa maison, peut difficilement répercuter une telle hausse sur son client.
Il existe donc une vraie différence de situation. Elle justifie que la mesure soit différée pour les PME, qui sont les moins prémunies contre cette hausse. Pour les plus grandes entreprises, nous avons prévu – le Gouvernement va également en ce sens – un mécanisme de pied de facture qui devrait permettre de répercuter le surcoût.
Le Gouvernement est tellement peu convaincu de son dispositif qu’il est amené, redoutant les dommages collatéraux, à déposer plusieurs amendements : l’un concerne le transport frigorifique ; l’autre, les ports. On nous dit aussi que cela concernera l’industrie extractive, mais aucun amendement n’a été déposé en la matière. Aller dans ce sens serait de la folie.
Je le répète, qu’il y ait ou non, et ce n’est pas le débat, un différentiel justifié, il n’est pas raisonnable, entre le 31 décembre et le 1er janvier, de tripler la fiscalité de ces entreprises et de les mettre à mal. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le Gouvernement ! (Mmes Catherine Conconne et Sophie Taillé-Polian applaudissent.)
Eu égard à l’analyse du Gouvernement, que je partage, et selon laquelle le dispositif touchera à 98 % des PME, je propose un dispositif spécifique aux PME permettant de différer la mesure. Pour les plus grandes entreprises, je ne suis pas certain en effet qu’on puisse justifier qu’une très grande entreprise de travaux publics paye son carburant des dizaines de centimes de moins qu’un particulier. Dans ce cas, j’adhère à un mécanisme de répercussion, un mécanisme « pied de facture ».
Je demande donc le retrait de ces amendements, au profit des amendements qui seront proposés par la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?