M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. Voilà un an moins un jour, nous débattions ici de la taxe sur l’énergie, en expliquant que la trajectoire carbone n’était pas bonne et qu’il fallait veiller à ne pas en bloquer le dispositif de raidissement. J’avais souligné qu’il existait un véritable risque que les Français se sentent pris en otages et que survienne un nouvel épisode du type des « bonnets rouges ». Mon collègue Ronan Dantec avait ajouté que les territoires risquaient de se soulever. Le Gouvernement avait adopté la même posture qu’aujourd’hui, balayant nos remarques d’un revers de main, avec une forme de suffisance…
Monsieur le secrétaire d’État, je vous exhorte à entendre la parole des territoires, relayée par le Sénat unanime. L’idée n’est pas de protéger les uns ou les autres par un statut ; il s’agit de redonner sens à l’engagement public et à la cohésion nationale de tous les territoires. Plus la commune est petite, plus le maire et son équipe donnent de leur temps, avec des budgets ridiculement faibles. Entendez-nous aujourd’hui, sinon la révolte montera de partout. Vouloir contourner tous les corps intermédiaires est inacceptable pour les élus et l’ensemble des Français. Les élus locaux sont le premier relais de l’action de l’État, ne serait-ce que du fait des responsabilités qu’ils exercent en son nom.
Notre demande est raisonnable, responsable ; la mesure proposée est nécessaire, mais pas « suffisante » : c’est plutôt l’attitude de l’État à l’égard des élus qui l’est ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. J’ai cosigné l’amendement de Charles Guené, dont l’objet décrit parfaitement l’engagement des élus de proximité, notamment dans les collectivités de base que sont nos communes.
Le Sénat défend l’ensemble des territoires, notamment les plus petites communes.
À l’instar de Philippe Dallier, j’ai commencé mon parcours d’élu local en 1983, en devenant conseiller municipal d’une commune de 7 000 habitants. En 2017, j’ai malheureusement dû renoncer à être maire d’une commune de 160 habitants, à cause de la règle du non-cumul des mandats : c’est pour moi un regret de tous les jours. On peut certes rester conseiller municipal, mais ce n’est tout de même pas pareil.
Dans les petites communes, il est de plus en plus difficile de trouver de bonnes volontés. Avec l’intercommunalité et la multiplication des réunions, la tâche des maires est de plus en plus lourde. Le maire est responsable de tout, à tous les échelons. Il convient de revenir au système antérieur, dans un souci de justice et d’équité.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je remercie les sénateurs Jean-Marc Gabouty et Vincent Capo-Canellas d’avoir rappelé les engagements pris hier tant par M. Fesneau que par le Premier ministre ; ils ne sont pas antinomiques avec l’avis défavorable du Gouvernement sur ces amendements.
À mon sens, la question ne se limite pas à la fiscalisation des indemnités des élus ; elle est beaucoup plus large. Ainsi que M. Gabouty l’a rappelé, nous pourrons en aborder d’autres aspects sur la base des travaux de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat.
J’ai été maire et parlementaire en même temps ; je pense que je n’aurais pas pu exercer mes fonctions de maire comme je l’ai fait si je n’avais pas été parlementaire. En effet, au-delà de la seule problématique fiscale, la réalité est que les indemnités des élus locaux ne supportent pas – ou seulement dans une mesure marginale –, précisément parce qu’il s’agit d’indemnités et non de salaires ou traitements, de cotisations à des régimes de sécurité sociale, de retraite ou d’allocation de retour à l’emploi dignes de ce nom. De ce fait, en raison du non-cumul, celles et ceux qui veulent exercer pleinement un mandat local – et nos concitoyens attendent légitimement un engagement plein et entier des élus, en particulier des responsables d’exécutif – ne bénéficient pas d’un statut social et d’une protection sociale dignes de ce nom. Va-t-on en arriver – ce que nul ne souhaite – à ce que seules des personnes touchant une pension de retraite ou bénéficiant de revenus non liés à une activité professionnelle, comme des revenus fonciers ou mobiliers, puissent exercer de tels mandats ?
Le débat que nous devons avoir sur le statut de l’élu va donc bien au-delà de la seule question de la fiscalité. L’engagement pris par le ministre chargé des relations avec le Parlement s’inscrit dans cette perspective.
Par ailleurs, monsieur le président Retailleau, j’ai eu la chance et l’honneur d’être maire pendant près de dix ans. Mon expérience a été plus courte que celle de M. Dallier, puisque j’ai obtenu mon premier mandat en 2006, mais elle a été formatrice. Vous ne me trouverez jamais parmi celles et ceux qui stigmatisent les élus. Je sais trop l’engagement qu’un tel mandat représente. J’ai bien conscience que les contraintes et les sujétions varient selon la taille de la commune ; elles sont par exemple très différentes dans une commune de 17 000 habitants, comme la mienne, où les élus peuvent s’appuyer sur les services municipaux, et dans une commune de 500 ou 1 000 habitants. J’ai eu l’occasion de m’exprimer ici même et à l’Assemblée nationale sur des propos stigmatisant les élus qui avaient été tenus sur des réseaux sociaux. J’ai notamment dénoncé le parallèle absolument ignoble fait avec une campagne menée contre des comportements inqualifiables que la loi et la morale réprouvent. J’espère que les mots que vous avez eus à ce sujet ne me concernaient pas directement, monsieur Retailleau. Je peux vous assurer que l’ensemble des membres du Gouvernement sont dans le même état d’esprit.
Je tenais à apporter ces précisions, même si l’avis du Gouvernement reste défavorable.
M. Julien Bargeton. Bravo !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-238 rectifié.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.
L’amendement n° I-959, présenté par MM. Collin, Requier, Gabouty, Arnell, Artano, Castelli, Roux et A. Bertrand, Mmes Jouve et Laborde et M. Corbisez, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le premier alinéa du 1° de l’article 81 du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces dispositions ne s’appliquent qu’aux journalistes, rédacteurs, photographes, directeurs de journaux et critiques dramatiques et musicaux dont le revenu brut annuel n’excède pas 93 510 €. »
II. – Le I est applicable au 1er janvier 2019.
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Je pense que cet amendement recueillera un avis favorable du Gouvernement, puisqu’il s’agit de faire des économies… (Sourires.)
Nous proposons de réserver le bénéfice de l’exonération d’impôt sur le revenu prévue au 1° de l’article 81 du code général des impôts aux seuls journalistes, rédacteurs, photographes, directeurs de journaux et critiques dramatiques et musicaux dont le revenu mensuel est inférieur à 6 000 euros nets.
Vous l’aurez compris, cet amendement vise les journalistes vedettes ou les patrons de presse, pas les journalistes qui galèrent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je salue la constance du groupe RDSE, qui défend très régulièrement une telle disposition.
Je souhaite interroger le Gouvernement : qu’est-ce qui justifie une telle différence de traitement entre les élus, dont nous venons de parler longuement, et les journalistes, qui bénéficient d’un avantage particulier ?
La commission s’oriente plutôt vers un avis de sagesse, mais souhaiterait entendre l’avis du Gouvernement avant de se prononcer définitivement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement a émis un avis défavorable sur un amendement identique à l’Assemblée nationale, considérant que les dispositions fiscales dont bénéficient les journalistes et la presse sont de nature à favoriser la pluralité et la liberté de la presse.
Par cohérence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet. Je suis très gêné par cet amendement. De deux choses l’une : soit on considère que la profession ne mérite pas cet avantage qui perdure, et alors il faut le supprimer pour tous les journalistes, pas seulement pour ceux qui gagnent plus de 6 000 euros par mois – pourquoi un tel seuil ? –, soit on maintient intégralement le dispositif. Je ne peux voter un tel amendement, qui reste à mi-chemin.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.
L’amendement n° I-812, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 19° ter de l’article 81 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« c. En l’absence de prise en charge prévue à l’article L. 3261-2 du code du travail, l’avantage résultant de la prise en charge, par une collectivité territoriale, par un établissement public de coopération intercommunale ou par Pôle emploi, des frais de carburant ou d’alimentation de véhicules électriques engagés par les salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail lorsqu’ils sont situés à une distance d’au moins trente kilomètres l’un de l’autre, ou pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail en tant que conducteur en covoiturage quelle que soit la distance, dans la limite de 240 € par an ; ».
II. – Le e du 4° du III de l’article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « , ainsi que l’avantage mentionné au c du 19° ter de cet article précité, dans la limite prévue au même c ».
III. – L’article L. 3261-3-1 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « ou, lorsque les salariés effectuent ces déplacements en tant que passagers en covoiturage, sous la forme d’une “indemnité forfaitaire covoiturage” dont les modalités sont précisées par décret » ;
2° Au second alinéa, les mots : « cette prise en charge » sont remplacés par les mots : « ces indemnités » et le mot : « celle » est remplacé par les mots : « la prise en charge ».
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Cet amendement a pour objet de reprendre dans la première partie du projet de loi de finances pour 2019 le dispositif de l’article 58 ter, introduit par l’Assemblée nationale en seconde partie du projet de loi de finances, sur l’initiative du Gouvernement.
Cela permettra d’avancer l’entrée en vigueur de ces dispositions, initialement prévue au 1er janvier 2020. L’article 58 ter sera en conséquence supprimé. L’exonération des aides des collectivités territoriales sera applicable dès l’imposition des revenus de l’année 2018 et l’extension au covoiturage de l’aide facultative versée par l’employeur sera applicable à compter de la publication de la présente loi.
L’article 58 ter vise à limiter les inégalités de traitement entre les modes de transport, en donnant la possibilité aux employeurs qui le souhaitent d’accompagner le développement du covoiturage, de rembourser une partie des frais engagés par leurs salariés à ce titre et de prendre en charge un certain nombre de forfaits et d’aides aux salariés pour les différentes modalités de transport.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons, me semble-t-il, un léger problème de calendrier.
Cette nuit, j’ai reçu à deux heures et demie un amendement du Gouvernement portant sur l’exonération du gazole non routier, le GNR, pour les transports frigorifiques. La question de la fiscalité du carburant n’a manifestement pas été bien traitée. Il aurait mieux valu écouter le Sénat, qui –M. Husson l’a rappelé – avait proposé l’an dernier une stabilisation des tarifs, plutôt que d’improviser un nouveau bricolage tous les jours. Une telle méthode n’est pas du tout à la hauteur des attentes des Français !
En l’occurrence, qui assumera cette exonération de 240 euros ? Objectivement, c’est un peu un gadget par rapport aux 46 milliards d’euros de fiscalité supplémentaire prévus d’ici à 2022 au titre de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE. Nous avions dit l’année dernière que c’était une folie. Au lieu d’inventer des dispositifs où l’on reprend d’une main ce que l’on donne de l’autre, il vaudrait mieux suivre la proposition du Sénat, qui appelait à la stabilité des taxes.
Au demeurant, j’ai appris avec surprise que le Président de la République annoncerait de nouvelles mesures mardi matin, tandis que nous voterons la première partie du projet de loi de finances. Comment s’appliquera, dans ces conditions, le principe de l’entonnoir ?
Il y a lieu d’avoir un vrai débat sur la fiscalité de l’énergie et de corriger une erreur manifeste que tout le monde reconnaît aujourd’hui, de M. Hulot à M. Bayrou, en passant par M. Darmanin. Plutôt que de discuter de bricolages qui seront peut-être caducs mardi, essayons de remettre la fiscalité de l’énergie à plat, en écoutant le Sénat. Mardi prochain, lorsque nous aurons achevé l’examen de la première partie du projet de loi de finances, il sera trop tard, sauf à élaborer un projet de loi de finances rectificative d’ici à la fin de l’année…
J’émets un avis de sagesse sur cet amendement, mais, à mon sens, le dispositif proposé relève du gadget et n’est pas de nature à répondre aux attentes des Français.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Le Parlement est-il devenu un théâtre d’ombres ? À en croire la presse, toute la politique énergétique sera peut-être modifiée mardi, le Président de la République devant annoncer ce jour-là un changement de cap applicable dès le 1er janvier 2019.
Qu’est-ce que cela signifie ? Nous débattons nuit et jour, nous votons. Cela nous donne le sentiment d’exister (Sourires), certes, mais ce que dit le Gouvernement et ce que nous disons n’a aucun intérêt, puisque le Président de la République annoncera mardi ce qu’il aura décidé tout seul. Nos débats, nos votes n’auront servi à rien ! Lors de la prochaine séance de questions d’actualité, on nous expliquera qu’il est tout à fait logique et normal que nous ne servions pas à grand-chose, mais que nous sommes priés d’avoir l’amabilité de ne pas trop le dire ! (Nouveaux sourires.)
C’est surréaliste ! Dans trois jours, le Président de la République annoncera un changement total de la politique énergétique et de la taxation des carburants. Il répond ainsi aux gilets jaunes, en se fichant un peu des votes du Parlement.
M. Jean-François Husson. Pas « un peu », complètement !
M. Roger Karoutchi. Théoriquement, c’est pourtant le Parlement qui vote l’impôt.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est la base de la démocratie !
M. Roger Karoutchi. Mardi, on nous dira peut-être qu’il faut tout recommencer… (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Cet amendement est tout de même assez étonnant. Que certaines régions décident d’accorder des aides pour couvrir une partie des frais de déplacement et compenser l’augmentation du coût des carburants, pourquoi pas, car il y a un vrai problème, mais il ne faudrait pas que l’État se défausse sur les collectivités territoriales.
Au travers de cet amendement, le Gouvernement semble renvoyer aux élus locaux la responsabilité de traiter les difficultés causées par la hausse du coût des carburants, en priant les collectivités locales, notamment les régions, de bien vouloir accorder des aides. C’est vraiment la pire manière d’aborder le sujet !
Comme le disait Roger Karoutchi, attendons de voir ce que le Président de la République aura décidé. Nous allons d’ici là consacrer beaucoup de temps à débattre de ces questions, qui sont importantes pour nos concitoyens, mais je crains que tout ne soit remis à plat mardi.
M. Roger Karoutchi. Il n’y a qu’à lever la séance et revenir mardi !
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Il faut savoir ce que l’on veut. On demande souvent au Gouvernement d’écouter davantage les territoires et les collectivités locales. Or, en l’occurrence, le Gouvernement embraye sur une initiative intéressante de la région des Hauts-de-France, en accompagnant une mesure issue d’un territoire. L’expérimentation, la différenciation, c’est exactement ce que l’on réclame !
M. Bruno Retailleau. On ne donne pas les moyens financiers aux collectivités !
M. Julien Bargeton. La TVA est tout de même une recette dynamique. Les régions bénéficieront de 200 millions d’euros supplémentaires : 100 millions d’euros de TVA et 100 millions d’euros grâce à la mesure relative au FCTVA adoptée à l’Assemblée nationale. Il est tout de même important de s’appuyer sur une initiative locale et de l’encourager.
J’entends les remarques sur le télescopage entre le débat budgétaire au Parlement et les annonces du Président de la République, mais je ne suis pas d’accord avec ceux qui parlent du covoiturage comme d’un « gadget ». Le covoiturage, c’est extrêmement important. Certes, entre les agglomérations urbaines, les zones périurbaines et le monde rural, les situations sont différentes, mais c’est une vraie solution : 14 % des Français se sont déjà inscrits sur une plateforme de covoiturage et ces plateformes comptent 8 millions d’utilisateurs. Cependant, les déplacements entre le domicile et le lieu de travail représentent seulement de 3 % à 5 % des déplacements effectués en covoiturage. Il y a donc un véritable enjeu. Le Grand Lyon, le département de la Loire-Atlantique et l’arc jurassien ont avancé sur le sujet, émettant un certain nombre de propositions.
Cette formule est beaucoup plus utilisée à l’étranger. Je pense notamment à des expérimentations de tarifications spécifiques et de création de voies réservées en lien avec les sociétés d’autoroutes.
J’espère que le covoiturage sera concerné par les annonces du Président de la République, car c’est vraiment l’une des réponses au problème des déplacements pendulaires entre le domicile et le travail. Je soutiendrai bien évidemment cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Cet amendement est, en quelque sorte, une tentative pour partager le fardeau avec les collectivités territoriales. Les subventions, les chèques sont en réalité des impôts ou des taxes cachés ou différés. Un président des États-Unis avait déclaré que, en France, tout ce qui bouge, on le taxe, ce qui bouge encore, on le réglemente, ce qui ne bouge plus du tout, on le subventionne… On crée toujours plus d’impôts et de taxes, puis on met en place une tuyauterie administrative conduisant à la suradministration française et à une surfiscalité !
Par ailleurs, j’ai souvent entendu le Président de la République dire qu’il fallait bien faire la loi. Or bien faire la loi, cela suppose de respecter un certain nombre de règles : un amendement, qu’il soit déposé à l’Assemblée nationale ou au Sénat, doit respecter les règles du droit parlementaire. Le Gouvernement et le Président de la République ne peuvent s’en exonérer, d’autant qu’ils nous rappellent très régulièrement ce droit, tout en essayant de s’en affranchir…
Je suis très réservé sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Je voterai cet amendement, par cohérence : ce matin même, mes amis distribuaient sur le marché de Senlis, ma commune, un tract de Xavier Bertrand expliquant les dispositifs mis en place par la région Hauts-de-France.
Toutefois, comme l’ont parfaitement souligné Roger Karoutchi et le président Retailleau, la méthode du Gouvernement a quelque chose de scandaleux. Voilà un an, le Gouvernement nous a présenté une politique énergétique, que Jean-François Husson avait alors jugée très imprudente. Quatre jours avant la démonstration de force des gilets jaunes, le Premier ministre a annoncé de premières mesures, puis d’autres cette semaine, et d’autres encore suivront la semaine prochaine. Tout cela s’apparente à une politique de Gribouille ! Si vous changez de cap toutes les semaines, vous n’irez nulle part, sinon dans le mur !
Je voterai cet amendement, parce qu’il reprend un dispositif dont les habitants des Hauts-de-France sont satisfaits, mais je partage, sur le fond, la position de Bruno Retailleau.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. Eu égard aux changements de cap incessants et aux quasi-volte-face du Gouvernement, je ne comprends pas, monsieur le secrétaire d’État, pourquoi vous ne retirez pas cet amendement. Attendons de connaître les annonces du Président de la République et reportons le débat à mardi : ce sera un temps de travail beaucoup plus utile pour le Parlement.
Alors que l’on constate un vent d’antiparlementarisme et une forme de fronde de certains Français à l’encontre de leurs élus, cette manière de travailler est-elle bien sérieuse ? Au lieu de nous demander de voter à l’aveugle, donnez-nous un cap, une ligne ! L’an passé, ici même, nous vous avions proposé de mettre à profit le nouveau dispositif annoncé par le Président de la République en juillet 2017 lors de la Conférence des territoires et d’ouvrir dans ce cadre le chantier de la politique énergétique de la France. On aurait gagné du temps ! La France est riche de la diversité de ses territoires, et plutôt que d’imposer un modèle unique, il faut offrir une panoplie de solutions. Nul besoin d’être sorti d’une grande école pour le comprendre ! Nous sommes tous prêts à travailler sur le sujet.
Votre amendement n’est finalement jamais que la traduction de l’absence d’une feuille de route et d’une véritable stratégie pour l’écologie. Nous avons assisté à une mystification : le candidat Macron n’ayant pas abordé le sujet de l’écologie durant sa campagne pour l’élection présidentielle, il a ensuite nommé ministre d’État Nicolas Hulot, personnalité populaire et plutôt sympathique. Maintenant que Nicolas Hulot est parti du Gouvernement, le roi est nu ! Vous n’avez aucune stratégie écologique !
De grâce, travaillons sur une feuille de route. La France et les Français en ont besoin. Puisque nous avons une ambition européenne, ce qui est très bien, soyons offensifs, soyons pionniers, soyons audacieux, au lieu de tomber dans de petits calculs qui ne sont vraiment pas à la hauteur des enjeux !
M. Dominique de Legge. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Cet amendement vise simplement à transférer en première partie du projet de loi de finances – où elle a davantage sa place, selon nous – une disposition introduite en seconde partie à l’Assemblée nationale.
Cette disposition vise à exonérer d’impôt les aides dont bénéficient un certain nombre de nos concitoyens, sur l’initiative des collectivités territoriales. Il ne s’agit aucunement d’obliger quelque collectivité que ce soit à mettre en place de telles aides, mais simplement de faire profiter d’une exonération d’impôt les habitants des collectivités territoriales qui ont choisi d’en instaurer, à l’instar de la région Hauts-de-France.
M. Jean-François Husson. C’est ubuesque !
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le secrétaire d’État, tout cela n’est pas très sérieux. Vous nous présentez une mesure gadget.
M. Jean-François Husson. Pif gadget ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Savoldelli. Au regard de la crise que traverse notre société, nous pensons pour notre part qu’il faudrait geler la TICPE et se donner un temps de réflexion. Il faut savoir tenir compte de l’opinion publique et de ce que vit la population française.
Nous avons des divergences d’analyse sur l’état de la société et sur les solutions à apporter. Pour autant, devant une telle crise de confiance, il faut savoir faire preuve d’esprit de responsabilité et prendre le temps de la réflexion, plutôt que de proposer des mesures gadgets.
J’ai examiné le dispositif présenté, mais on ne sait même pas quel est son coût ! Quand un parlementaire propose une mesure qui n’est pas chiffrée, on lui oppose souvent que ce n’est pas sérieux.
Les frais de déplacement seraient en partie remboursés quand la distance entre le domicile et le lieu de travail est au moins égale à trente kilomètres. Mais les Françaises et les Français ont déjà payé pour cela, et cher ! Ce n’est pas juste !
M. Bargeton invoque l’intérêt du covoiturage pour donner un tour sociétal à cette mesure.
M. Julien Bargeton. Non !
M. Pascal Savoldelli. Pour bénéficier du dispositif, il faudra parcourir au moins 300 kilomètres par semaine pour raisons professionnelles, soit environ 1 300 kilomètres par mois et 15 000 kilomètres par an. C’est un gadget technocratique : l’aide ne sera que de 1,6 centime par kilomètre parcouru et, vice rédhibitoire, elle décroîtra encore avec la distance !
Remballons le gadget, et abordons avec esprit de responsabilité la situation de crise dans laquelle se trouve notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Joël Bigot applaudit également.)