M. Vincent Capo-Canellas. Pour une fois, ma position ne sera pas celle de mon groupe. Je n’ai pas voulu cosigner cet amendement, qui émane d’ailleurs non pas du groupe Union Centriste, mais de membres éminents de celui-ci.
Nous partageons tous l’idée générale que chacun doit contribuer en fonction de ses moyens, l’ensemble des services publics profitant à tous.
Nous déplorons la concentration de l’impôt et mesurons que les classes moyennes, notamment, ont le sentiment de toujours devoir payer, d’être surfiscalisées. Cependant, l’enfer est souvent pavé de bonnes intentions : si l’on décidait de faire payer un peu d’impôt à ceux d’entre nous qui ont le moins de revenus, on serait obligé d’augmenter les minima sociaux, ce qui entraînerait finalement un accroissement de la dépense publique.
Je m’abstiendrai donc, considérant qu’il faudrait reposer la question plus globale de la progressivité et de la répartition de l’impôt. Tous les gouvernements ont essayé de s’atteler à cette tâche, mais ils ont toujours eu du mal à élaborer des propositions concrètes.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-446, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 9 à 14
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
b) Le 2 du I de l’article 197 est ainsi rédigé :
« 2. La réduction d’impôt résultant de l’application du quotient familial ne peut excéder 1 735 € par demi-part ou la moitié de cette somme par quart de part s’ajoutant à une part pour les contribuables célibataires, divorcés, veufs ou soumis à l’imposition distincte prévue au 4 de l’article 6 et à deux parts pour les contribuables mariés soumis à une imposition commune.
« Toutefois, pour les contribuables célibataires, divorcés, ou soumis à l’imposition distincte prévue au 4 de l’article 6 qui répondent aux conditions fixées au II de l’article 194, la réduction d’impôt correspondant à la part accordée au titre du premier enfant à charge est limitée à 3 675 €. Lorsque les contribuables entretiennent uniquement des enfants dont la charge est réputée également partagée entre l’un et l’autre des parents, la réduction d’impôt correspondant à la demi-part accordée au titre de chacun des deux premiers enfants est limitée à la moitié de cette somme. » ;
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. L’application du prélèvement à la source montre que nous avançons, même si c’est à pas comptés, vers une réforme fiscale encore plus structurelle qui mettrait un terme à la spécificité de la fiscalité française, à savoir son caractère déclaratif.
Une philosophie nouvelle est en effet à l’œuvre : on progresse vers une forme d’unification du traitement fiscal des revenus, hormis ceux du capital et du patrimoine, qui justifiera peut-être l’abandon du quotient familial, autre spécificité de la fiscalité française qui ne trouve pas à s’appliquer, par exemple, pour la contribution sociale généralisée ou la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS.
Le système du quotient familial soulève un problème particulier : la demi-part n’a pas la même valeur ni le même impact dans tous les cas de figure, comme si le droit fiscal ignorait certaines évolutions de la société – à moins qu’il ne les ait, dans le passé, par trop identifiées… C’est surtout cet aspect qui nous interpelle.
Les données sont connues : plus de 4 millions de foyers fiscaux bénéficient d’une demi-part de quotient familial amoindrie parce qu’ils sont constitués de personnes seules ayant élevé des enfants aujourd’hui majeurs, près de 200 000 personnes continuent de bénéficier du quotient dit « conjugal », car elles élèvent des enfants, et l’on compte plus de 9 millions de ménages ayant un ou des enfants soit gardés à domicile, soit en garde alternée, des ménages qui, la plupart du temps, sont d’ailleurs non imposables.
Nous proposons donc de considérer et de traiter de la même manière l’ensemble des situations familiales, que les parents vivent seuls ou en couple.
M. le président. L’amendement n° I-905, présenté par MM. Retailleau, Allizard, Bas, Bascher et Bazin, Mme A.M. Bertrand, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, M. Bonne, Mme Bories, M. Bouchet, Mme Bruguière, MM. Buffet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, MM. Cardoux, Chaize, Charon et Chatillon, Mme Chauvin, M. Chevrollier, Mme de Cidrac, MM. Courtial, Cuypers, Dallier et Danesi, Mme L. Darcos, M. Darnaud, Mme Delmont-Koropoulis, M. del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne et Di Folco, M. Dufaut, Mme Dumas, M. Duplomb, Mmes Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, M. Genest, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles et Ginesta, Mme Gruny, MM. Guené, Houpert, Hugonet, Huré et Husson, Mmes Imbert et M. Jourda, M. Karoutchi, Mme Keller, MM. Kennel et Laménie, Mmes Lanfranchi Dorgal, Lassarade et Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge, Le Gleut, Leleux, H. Leroy et Longuet, Mme Lopez, M. Magras, Mme Malet, M. Mayet, Mme M. Mercier, MM. Milon, Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Nougein, Piednoir, Pillet, Pointereau et Poniatowski, Mmes Primas, Procaccia et Raimond-Pavero, MM. Rapin, Regnard, Revet, Savary, Schmitz, Sido et Sol, Mmes Thomas et Troendlé et MM. Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 10
Remplacer le montant :
1 551 €
par le montant :
1 750 €
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Cet amendement vise à consentir un geste envers les familles, qui ont été les cibles privilégiées sous le quinquennat précédent, puisque par deux fois, en 2013 et en 2014, le quotient familial a été abaissé, sans parler de la mise sous plafond de ressources des allocations familiales.
Avec ce gouvernement, la situation n’est guère meilleure. Voilà pourquoi les cosignataires de cet amendement proposent de porter le plafond du quotient familial de 1 551 à 1 750 euros par demi-part.
Cet amendement a certes un coût, à savoir 550 millions d’euros, mais nous pensons que nous pouvons faire ce geste envers les familles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ces deux amendements sont évidemment diamétralement opposés.
M. Philippe Dallier. Antinomiques !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Chaque année, la majorité sénatoriale vote en faveur de la revalorisation du quotient familial, pour la raison qui a été évoquée par Philippe Dallier : les familles des classes moyennes ont été les grandes victimes de la politique fiscale menée durant la précédente mandature, deux abaissements successifs du quotient familial ayant été décidés sous la présidence de François Hollande.
Elles ne sont guère mieux traitées dans le « nouveau monde », puisque, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, le gouvernement actuel a omis de revaloriser les prestations familiales, ce que le Sénat, heureusement, a corrigé.
Cette absence de revalorisation du plafond du quotient familial et des allocations familiales est emblématique d’une politique qui n’est pas en faveur des familles des classes moyennes et qui, sur le plan statistique, commence à emporter, hélas, un certain nombre d’effets négatifs, notamment pour la natalité.
On l’aura compris, je suis très favorable à l’amendement n° I-905 et totalement défavorable à l’amendement n° I-446.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° I-446, pour les raisons que chacun imagine.
Il est également défavorable à l’amendement n° I-905 : nous avons revalorisé de 1,6 % le barème du quotient familial, soit à hauteur de l’inflation, et nous considérons, par ailleurs, que le plafonnement du quotient familial, qui concerne les familles les plus aisées, permet de réaliser des économies en vue de financer d’autres prestations, au bénéfice notamment des plus fragiles.
M. Philippe Dallier. On a compris !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Merci de nous le dire !
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Nous allons bien sûr voter l’amendement n° I-905, qui a reçu un avis favorable du rapporteur général.
La France a connu l’an dernier une baisse record, de 2,1 %, du nombre des naissances. Depuis quelques années, la politique familiale est méthodiquement détricotée : la désindexation et le plafonnement du quotient familial par le gouvernement d’Emmanuel Macron font suite à l’abandon, décidé sous la présidence de François Hollande, du principe de l’universalité des allocations familiales. Celles-ci dépendent désormais des revenus, ce qui est stupide ! C’est exactement comme si l’on disait qu’une personne est trop riche pour bénéficier du remboursement de soins médicaux.
La politique familiale n’est pas de droite ou de gauche. (M. Roger Karoutchi opine.) Ayant débuté avec le Front populaire, elle s’est ancrée dans le programme du Conseil national de la Résistance, avec une très importante impulsion gaulliste.
M. Éric Bocquet. C’est vrai.
M. Bruno Retailleau. Elle a constitué, jusqu’à une date récente, le patrimoine commun de l’ensemble des gouvernements successifs, de droite comme de gauche, s’apparentant ainsi à un élément de notre pacte républicain.
Enfin, nous discuterons bientôt de la réforme des retraites. Notre modèle par répartition nous impose de maintenir une forme d’équilibre entre les actifs et les inactifs. En 2050, il n’y aura que 1,2 actif pour un retraité, contre 1,8 aujourd’hui. La politique familiale est donc une politique d’investissement pour la communauté nationale et pour l’avenir. C’est une politique sociale !
Avec les retraités et bien d’autres catégories de Français, les familles sont les grandes perdantes de la politique menée par Emmanuel Macron, pour des raisons économiques, mais aussi peut-être idéologiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez émis un avis défavorable sur notre amendement n° I-446 « pour les raisons que chacun imagine ». Ces raisons, je ne parviens pas à les imaginer : pourriez-vous, s’il vous plaît, développer votre argumentaire ? (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je souhaite rebondir sur les propos du président Retailleau.
En réalité, les allocations familiales ont été mises en place en 1910, en même temps que les retraites ouvrières et paysannes. Il y avait eu à l’époque un grand débat, et tout le monde s’était accordé pour dire que c’était une question de puissance démographique : il s’agissait d’assurer l’avenir du pays. Sous le Front populaire, Léon Blum et son gouvernement ont réaffirmé le principe de l’universalité des allocations familiales. Dans les années qui ont suivi la Libération, les gouvernements successifs, qui comprenaient des communistes, des socialistes, des gaullistes, des gens de droite, ont tous jugé que la politique familiale devait être totalement préservée des choix fiscaux et financiers, parce qu’il y va de l’avenir du pays.
Pendant trente ou quarante ans, nous avons été très fiers de bénéficier d’une natalité forte, nous permettant de commencer à rattraper l’Allemagne sur le plan démographique et d’envisager avec plus de sérénité que nos voisins l’avenir de notre système de retraites, grâce à l’arrivée de nombreux nouveaux actifs.
Puis, soudain, on ne sait trop pour quel motif, si ce n’est financier, on s’est mis à tout détricoter, en plafonnant les allocations familiales, en abaissant le quotient familial… C’est une politique de Gribouille !
L’avenir du pays doit passer avant les équilibres financiers à court terme. Je ne pense que notre amendement prospérera à l’Assemblée nationale, mais c’est regrettable, car il y va de l’avenir du pays, au-delà des choix budgétaires pour l’année à venir.
Monsieur le secrétaire d’État, pour conforter notre démographie, notre système de retraites, l’équilibre sociétal du pays, nous avons besoin d’une politique familiale vigoureuse ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je ne voudrais pas laisser M. Bocquet en proie à son imagination…
Votre proposition d’une revalorisation indifférenciée du barème du quotient familial, que les parents vivent seuls ou en couple, nous paraît aller à l’encontre de l’indexation de ce barème, qui est une mesure pensée pour neutraliser les effets de l’inflation.
Par ailleurs, nous considérons qu’un certain nombre de mesures, dont le plafonnement, ont amélioré la progressivité du quotient familial ; nous ne souhaitons pas aller plus loin à ce stade.
Telles sont les deux raisons pour lesquelles j’ai émis un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. L’amendement n° I-447, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 16 à 91
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
II. - L’article 60 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 est abrogé.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Pour dire les choses simplement, nous demandons l’abrogation du prélèvement à la source. Nous allons retirer cet amendement, mais il nous semble utile de resituer ce sujet dans son contexte ; à cet égard, le débat précédent était extrêmement intéressant.
La place que prend le quotient familial dans la détermination de l’impôt sur le revenu dès lors que celui-ci est prélevé à la source risque de créer quelques complications. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’administration fiscale a demandé à nos concitoyens de choisir le taux qu’ils souhaitent se voir appliquer.
En 2013, Bercy annonçait un impact fiscal élevé du prélèvement à la source pour de nombreux ménages modestes et moyens.
Par ailleurs, le produit de l’impôt sur le revenu va se trouver réduit de 12 milliards d’euros, nombre de salariés et de retraités devenant non imposables. Entre le prélèvement à la source et la montée en charge de la CSG pour financer la protection sociale, qui suscite de fortes réticences parmi ceux-ci, il y a danger. Il faut en être conscient, à l’heure où se déploie le mouvement des « gilets jaunes », sur lequel nous portons des appréciations différentes et qui n’est pas d’une totale homogénéité : attention à l’émergence de comportements instinctifs, au recul de l’acceptation de l’impôt et de la démocratie…
Nous pensons, pour notre part, qu’il se trame quelque chose entre impôt sur le revenu et CSG, entre financement de la sécurité sociale et plan de financement de la Nation. Autant nous dire les choses à l’avance : on jouera cartes sur table et chacun se déterminera.
Enfin, monsieur le secrétaire d’État, au-delà de cet amendement, il faudra prendre des mesures en début d’année pour aider les collectivités territoriales. Les services fiscaux devront être aux côtés de nos concitoyens pour les aider à surmonter le choc psychologique qu’ils éprouveront à la réception de leur feuille de paye ou de retraite de janvier.
M. le président. Il faut conclure !
M. Pascal Savoldelli. Il ne s’agit pas pour moi de polémiquer : cela est nécessaire pour maintenir une cohésion sociale dans le pays et éviter une explosion.
Cela étant dit, je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° I-447 est retiré.
Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 2
M. le président. L’amendement n° I-1002, présenté par MM. Gabouty, Castelli et Corbisez, Mme N. Delattre, M. Gold, Mme Jouve et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 4 bis du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les sportifs de nationalité française, retenus en sélection nationale dans le cadre officiel d’une compétition internationale, ayant ou non leur domicile fiscal en France sauf s’ils bénéficient d’une convention internationale relative aux doubles impositions. »
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Les sportifs de haut niveau sélectionnés en équipe de France bénéficient, pour ce qui concerne les disciplines les plus populaires et les plus médiatisées, d’une importante notoriété. Ils inspirent admiration et reconnaissance à une majorité de Français. Ils représentent souvent une référence, voire un modèle, pour les jeunes générations. Leur notoriété et leurs performances flattent le sentiment national, ce qui leur confère un rôle significatif en termes de civisme et d’éducation.
Dans un tel contexte, ces sportifs doivent avoir un comportement exemplaire, y compris sur le plan fiscal. Ils bénéficient déjà d’un régime spécifique et optionnel plutôt favorable de retenue à la source et d’étalement sur quatre ans de la prise en compte, au titre de l’impôt sur le revenu, de primes exceptionnelles versées à l’occasion des jeux Olympiques, par exemple. Cela peut se comprendre, car ces revenus peuvent être très irréguliers.
Il apparaît donc naturel, dans une perspective d’équité et d’exemplarité, de conditionner la sélection de sportifs en équipe nationale à un comportement fiscal vertueux. Il s’agit non pas d’imposer plus lourdement les sportifs ou de les contraindre, mais de s’assurer qu’ils sont en règle avec le fisc lorsqu’ils représentent la France. Cela me paraît être la moindre des choses.
Cette disposition est davantage d’ordre sportif et moral que strictement fiscale. Il s’agit par exemple d’éviter qu’un joueur d’un club français ayant son domicile fiscal en Suisse puisse être sélectionné en équipe nationale. Lorsque l’on représente la France lors de compétitions, on doit être exemplaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je comprends parfaitement l’intention des auteurs de l’amendement, mais retenir un critère de nationalité pose difficulté : en matière d’impôt sur le revenu, c’est le lieu de résidence et la territorialité qui importent.
Je n’ai pas d’opposition de principe à une telle disposition, mais est-elle compatible avec les conventions internationales ? J’avoue ne pas avoir la réponse et souhaiterais donc entendre le Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Nous comprenons le souci de rigueur morale des auteurs de cet amendement, mais nous en demandons le retrait, pour deux raisons.
Tout d’abord, imposer des personnes résidant à l’étranger sur la base d’un critère de nationalité est contraire aux règles de territorialité de l’impôt, qui sont fondées sur le critère de domiciliation fiscale en France, en application des articles 4 A et 4 B du code général des impôts. Une imposition sur la base de la nationalité modifierait de manière substantielle les règles de territorialité en vigueur, prévoyant que les personnes non domiciliées en France n’y sont passibles de l’impôt que pour leurs seuls revenus de source française.
Par ailleurs, en l’état actuel de la fiscalité internationale, une telle mesure serait rendue inopérante par les conventions fiscales qui nous lient à nos partenaires économiques. Le droit interne ne s’applique que sous réserve des conventions fiscales internationales, lesquelles ont force supérieure aux lois. Or, dans l’ensemble du réseau conventionnel, constitué d’environ 125 conventions fiscales qui couvrent la plupart de nos partenaires économiques, seul le critère de résidence permet à un État d’imposer les contribuables sur l’ensemble de leurs revenus mondiaux. Il s’agit, ni plus ni moins, de la reprise des principes internationaux prônés par l’OCDE.
Pour ces deux raisons, je demande le retrait de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Notre groupe soutient cet amendement, que je trouve très original et pertinent. Les médias nous ont appris il y a quelques jours que l’excellent joueur de l’équipe de France de football et du club londonien de Chelsea N’Golo Kanté avait refusé qu’une partie de sa rémunération lui soit versée par le biais d’un trust de Jersey au titre de la gestion de ses droits à l’image. Je salue le civisme fiscal remarquable dont a fait preuve M. N’Golo Kanté en refusant de signer la convention devant le lier à ce trust !
Je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le secrétaire d’État, cet amendement ne contrevient nullement aux conventions internationales, puisqu’il vise les sportifs « ayant ou non leur domicile fiscal en France sauf s’ils bénéficient d’une convention internationale relative aux doubles impositions ». Les États-Unis poursuivent sous des prétextes divers des personnes résidant en France depuis des décennies. Mon amendement ne modifie aucune disposition fiscale ; je propose simplement de conditionner au respect des règles fiscales la sélection en équipe nationale.
C’est la raison pour laquelle j’ai dit qu’il s’agissait d’une mesure plus morale que fiscale. Je le redis, mon amendement ne contrevient à aucune règle fiscale ou convention internationale, puisqu’il y est fait référence dans son texte même. Je le maintiens.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Les États-Unis sont le seul partenaire économique de la France à appliquer un critère de nationalité en matière d’imposition.
Par ailleurs, monsieur Gabouty, je n’ai pas dit que votre amendement contrevenait aux conventions internationales ; j’ai dit que l’application des 125 conventions couvrant l’intégralité de nos partenaires économiques, qui ont force supérieure aux lois, rendait inopérant le dispositif que vous proposez.
Le Gouvernement maintient son avis défavorable.
M. le président. Quel est, en définitive, l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Après avoir entendu le Gouvernement, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.
M. Éric Bocquet. Bravo !
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-988, présenté par MM. Requier, Arnell, Artano, A. Bertrand, Castelli et Collin, Mme N. Delattre, M. Gabouty, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville, Mézard, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 80 undecies B du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Par dérogation au I du présent article, les indemnités de fonction des élus, tous mandats locaux confondus, sont exonérées d’impôt sur le revenu dans la limite d’un plafond égal à trois fois l’indemnité de maire de commune de moins de cinq cents habitants. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Philippe Dallier. Il ne faut jurer de rien !
M. Yvon Collin. En effet, il vise à rétablir le plafond d’exonération d’impôt sur le revenu dont bénéficiaient les élus locaux avant la mise en œuvre de la réforme du prélèvement à la source.
Du fait de l’alignement sur le barème commun de l’impôt sur le revenu, nombre d’élus sont confrontés à d’importantes difficultés financières, alors que le mandat local reste plus que jamais le pilier de notre démocratie et de la confiance dans nos institutions. Il est nécessaire de ne pas décourager, en particulier par une fiscalité désincitative, ceux qui choisissent de s’investir dans cette fonction.
Mes chers collègues, je vous invite, je vous exhorte même à voter cet amendement !
M. le président. L’amendement n° I-832, présenté par M. Bonhomme, Mme Deromedi, M. Danesi, Mmes Thomas et Bonfanti-Dossat, MM. Sol, Sido, Babary, Allizard, Brisson, de Nicolaÿ, Reichardt, Pierre et Le Gleut, Mme M. Mercier, M. Vogel, Mme Gruny, MM. Piednoir, Revet et Mayet, Mme de Cidrac, MM. Longuet, B. Fournier, del Picchia, D. Laurent, Milon, Bazin et Pointereau, Mme Berthet et M. Genest, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - La dernière phrase du premier alinéa du 1° de l’article 81 du code général des impôts est ainsi rédigée : « Il en est de même des indemnités de fonction mentionnées au I de l’article 80 undecies B, à concurrence d’un montant égal à 125 % de l’indemnité versée aux maires dans les communes de moins de 2 000 habitants et ce, quel que soit le nombre de mandats locaux. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Arnaud Bazin.