Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour répondre à M. le secrétaire d’État, en vingt secondes.
Mme Michelle Gréaume. Vous ne m’enlèverez pas de l’idée que le Gouvernement fait preuve d’une grande passivité sur ce dossier. Ce n’est pas acceptable. J’ai évoqué le montant des exonérations dont a bénéficié Carrefour. Le Gouvernement, qui est si soucieux d’économie et de rigueur budgétaire, serait bien inspiré de demander des comptes sur l’utilisation de cet argent public versé à fonds perdu et d’exiger son remboursement. C’est la moindre des choses. Car, à l’évidence, cela a servi à tout sauf à préserver l’emploi.
sécurisation des bouteilles de gaz
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Bouloux, auteur de la question n° 501, transmise à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Yves Bouloux. Qu’ils soient professionnels ou volontaires, les sapeurs-pompiers français sont un exemple de dévouement, toujours prêts à affronter tous les périls pour secourir nos concitoyens. Pour autant, rien ne peut justifier de les exposer à des menaces mortelles qui devraient être assez facilement évitées.
En 1999, un sapeur-pompier s’est vu arracher une jambe par l’explosion d’une voiture au gaz de pétrole liquéfié, le GPL. Les enseignements de ce drame en ont été tirés : les véhicules ont été sécurisés grâce à une soupape permettant une lente évacuation du gaz. Cependant, aucune réglementation n’est imposée sur les bouteilles de gaz classiques, GPL ou propane, que l’on trouve partout en France.
Pourtant, quand ces bouteilles sont impliquées dans un incendie, ce qui est fréquent, elles sont un facteur terriblement aggravant. En effet, elles explosent dans un délai inférieur à cinq minutes lorsqu’elles sont immergées dans les flammes. Il s’ensuit une élévation de la température et un violent accroissement de la pression, entraînant des projections de fragments de tôle en effets missiles à des distances supérieures à 80 mètres.
Les conséquences sur la période 2010–2017 sont effroyables : décès d’un sapeur-pompier professionnel, neuf personnes grièvement blessées, essentiellement sapeurs-pompiers ; sinistres avec impossibilité d’attaque pour les soldats du feu et dégâts considérables.
Il paraît donc impératif d’agir au plus vite, à l’instar de la réglementation des véhicules GPL – cela n’a pris que deux mois –, afin d’éviter de nouveaux drames humains et d’énormes préjudices matériels.
Heureusement, les bouteilles de nouvelle génération ne posent pas de problème. Mais il s’agit pour le très important stock de bouteilles d’acier de remplacer l’ancien dispositif par un couple soupape-fusible, ce qui pourrait se faire raisonnablement dans un délai de cinq à huit ans.
De nombreux pays européens ont décidé de sécuriser leur parc de bouteilles de gaz, sur le type de dispositif que je viens d’exposer : le Royaume-Uni, l’Espagne, le Portugal, l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, la Suède, la Finlande, le Danemark… Ces États ont pris la mesure de l’enjeu. C’est une évidence : la France doit s’engager au plus vite sur ce chemin, pour la sécurité de la population, en particulier celle des sapeurs-pompiers.
Quelles mesures précises le Gouvernement envisage-t-il sur ce sujet ? Et dans quel délai ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Bouloux, le Gouvernement partage votre souci d’améliorer les conditions d’intervention des sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires et de sécuriser au maximum les conditions d’intervention de ceux-ci.
Dans ce cadre, vous avez bien voulu solliciter notre attention sur la sécurisation du parc français de bouteilles de gaz, en soulignant plus particulièrement le danger que constitue l’exposition aux flammes de ces mêmes bouteilles. Certains représentants des sapeurs-pompiers, vous l’avez rappelé, estiment en effet qu’elles devraient être obligatoirement munies de soupapes. Le sujet est extrêmement contraint en droit. Je souhaite vous apporter quelques éléments.
Les bouteilles conformes à la directive que vous mentionnez sont en libre circulation dans l’Union européenne, qui n’impose ni n’interdit pas les soupapes. Il ne peut donc pas y avoir de surtransposition pour ces bouteilles.
Néanmoins, l’utilisation du parc historique, qui représente aujourd’hui encore la majorité des bouteilles en France, reste possible. Ce parc n’est pas équipé de soupapes susceptibles d’avoir un effet favorable pour l’exposition des sapeurs-pompiers en cas d’incendie. Mais les bouteilles sont équipées d’un limiteur de débit incompatible, dans l’état actuel des techniques, avec la soupape, qui permet de maîtriser le risque lié à des chutes de la bouteille sur le robinet.
À la suite de contacts avec les sapeurs-pompiers, le Gouvernement a décidé de confier à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques, l’INERIS, une étude relative aux comportements des bouteilles en acier de GPL soumises au feu.
Cette étude, qui s’appuiera sur les essais déjà réalisés, y compris par les sapeurs-pompiers eux-mêmes, permettra de développer un modèle théorique de prédiction du comportement d’une bouteille de GPL en acier prise dans un feu et de déterminer les avantages et inconvénients des différents dispositifs de sécurité envisagés. Dans ce cadre, il conviendra de mener une analyse de risques portant sur l’ensemble du cycle de vie de la bouteille, pour ne pas se limiter à la seule prise en compte du risque d’exposition au feu. Je pense par exemple au stockage en extérieur à des températures plus ou moins élevées ou encore aux conditions de transport.
Les résultats de cette étude permettront d’argumenter une proposition qui visera à rechercher l’appui d’une majorité des États membres de l’Union pour modifier si nécessaire – vous semblez penser que cela l’est – la réglementation européenne couvrant la conception de ces bouteilles de gaz du parc historique.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Bouloux, pour répondre à M. le secrétaire d’État, en vingt secondes.
M. Yves Bouloux. Monsieur le secrétaire d’État, je vous entends. Mais de grâce : faisons vite et épargnons d’autres vies ! Certains sapeurs-pompiers ont malheureusement pâti de cette problématique, qu’il faut prendre en compte très rapidement.
fermeture de la base aérienne de châteaudun
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Deseyne, auteur de la question n° 439, adressée à Mme la ministre des armées.
Mme Chantal Deseyne. Ma question porte sur la fermeture de la base aérienne de Châteaudun, en Eure-et-Loir.
Le ministère des armées a pris la décision de fermer la base militaire de Châteaudun dès le second semestre 2021. Cette base compte encore 330 personnels civils et militaires. À compter de 2021, l’activité de démantèlement d’avions militaires sera totalement externalisée, pour des raisons de coût.
Ainsi, 330 militaires et civils vont partir, ce qui représente en tout près de 500 consommateurs, contribuables et scolaires en moins pour ce territoire. Les conséquences sociales et économiques de cette décision sont considérables pour les salariés, pour l’économie locale et pour l’avenir de tout le bassin de vie de Châteaudun, qui est déjà particulièrement sinistré.
Je souhaiterais donc savoir si le maintien de cette base aérienne ne pourrait pas être envisagé. À défaut, quelles sont les solutions proposées par le Gouvernement pour l’avenir de ce site, où les gros-porteurs de plus de 40 tonnes peuvent décoller et atterrir ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice, Mme la ministre des armées m’a chargé de vous répondre.
La base aérienne de Châteaudun a été dissoute en 2014, le site ayant été depuis recentré sur le stockage d’aéronefs. La fin de la politique de stockage actif des aéronefs, qui était la mission résiduelle principale de cette emprise, a amené le ministère des armées à envisager sa reconversion en site de déconstruction des aéronefs. Aucun projet industriel viable de ce type n’a cependant pu être identifié.
Ce constat d’une emprise sans devenir opérationnel ni industriel a été confirmé par les équipes du ministère des armées, qui ont examiné ce dossier sur place au début de l’année 2018. Plutôt que de remettre à plus tard cette décision difficile, Mme la ministre des armées a souhaité trancher rapidement, afin de faire bénéficier les Dunois d’un dispositif arrivant à expiration à la fin de l’année 2018, celui du contrat de redynamisation du site de défense, le CRSD. Vous savez combien il a été précieux pour la reconversion réussie de la caserne Kellermann.
C’est pourquoi Mme la ministre des armées a décidé au mois de juillet dernier un désengagement progressif du site d’ici à 2021, comme vous l’avez rappelé, et en a informé les élus locaux. M. le Premier ministre a mandaté la préfète de l’Eure-et-Loir pour aboutir à un nouveau CRSD d’ici à l’été prochain, avec l’appui du Commissariat général à l’égalité des territoires et la délégation à l’accompagnement régional.
Vous pouvez compter sur l’engagement du Gouvernement pour accompagner la région, le département et la municipalité, afin de valoriser le foncier du site de Châteaudun et lui dessiner un avenir soutenable.
À ce titre, je citerais trois dossiers qui nous semblent prometteurs – je pense que vous les connaissez puisqu’ils font l’objet d’un suivi attentif – : l’implantation d’un circuit automobile, l’installation d’une centrale photovoltaïque ou encore la construction d’un démonstrateur de dirigeables.
Parce que votre mobilisation et celle de tous les acteurs locaux sont nécessaires pour accompagner le développement économique de ce bassin de vie, le ministère des armées fera très prochainement un nouveau point de situation, en présence de Mme la préfète et des élus locaux. Vous serez informée des évolutions et de la préparation du CRSD.
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour répondre à M. le secrétaire d’État, en un peu plus d’une minute.
Mme Chantal Deseyne. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, même si elle ne comporte pas forcément beaucoup d’éléments nouveaux, puisque je disposais déjà de ces informations.
Je vous signale simplement une annonce parue ce matin dans la presse locale : M. le Premier ministre pourrait indiquer dès jeudi la centaine de « territoires d’industrie » qui seront accompagnés par l’État. Or la ville de Châteaudun, 13 000 habitants, qui remplit un certain nombre de critères, avait postulé. Elle pourrait être éligible à ce dispositif, qui bénéficiera d’un accompagnement, dont un accompagnement financier de l’ordre de 500 millions d’euros.
Le bassin de Châteaudun est un bassin particulièrement sinistré. Une instance de réflexion et de proposition est déjà en place autour de la préfète. Nous souhaitons vraiment trouver des solutions pour revitaliser ce bassin. C’est une spirale infernale : le démantèlement du site de la base de Châteaudun entraîne l’économie du secteur dans le déclin.
prises de vues aériennes des prisons françaises accessibles sur internet
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, auteur de la question n° 481, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. François Bonhomme. Ma question porte sur les problèmes de sécurité soulevés par la diffusion de prises de vues aériennes des prisons françaises sur Google Maps et Google Earth.
Pour rappel, l’arrêté du 27 octobre 2017 fixe la liste des zones interdites à la prise de vues aérienne par appareil photographique, cinématographique ou tout autre capteur. Parmi les 247 zones interdites de prises de vues aériennes en France figurent 68 prisons. La prise de vues aériennes de l’un de ces sites est ainsi passible d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Toutefois, près d’un an après la publication de cet arrêté, une cinquantaine de prisons, dont certaines accueillent des individus dangereux, resteraient visibles.
C’était il y a un mois encore le cas de la maison centrale de Réau, que tout le monde connaît malheureusement aujourd’hui. Voilà un mois, Google expliquait cette absence de floutage par le caractère non rétroactif de l’arrêté du 27 octobre 2017 : ce dernier ne s’appliquerait qu’aux photos prises depuis 2017.
Or chacun sait que l’accès à ces prises de vues aériennes dites « sensibles » pose de véritables problèmes de sécurité. Cela peut par exemple être utilisé pour préparer et organiser des évasions.
Constatant que ses demandes de floutage de sites sensibles sur Google Maps demeuraient lettre morte, le ministère de la défense belge a annoncé, au mois d’octobre dernier, sa volonté d’attaquer Google en justice.
Madame la garde des sceaux, le 16 octobre dernier, Google vous a annoncé par voie postale le démarrage du floutage des vues aériennes de prisons françaises visibles sur Google Maps et Google Earth, sans pour autant spécifier les prisons concernées. Dans le même temps, Google s’engageait à vous tenir informée de l’évolution du processus toutes les trois semaines.
Pourriez-vous nous préciser le programme de déploiement du floutage ? Où en sommes-nous ? Le cas échéant, quelles mesures envisagez-vous pour vous assurer que Google respecte effectivement le retrait ou le floutage des vues aériennes de nos prisons, afin de garantir leur sécurité ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Bonhomme, le 31 juillet dernier, j’ai effectivement transmis un courrier à la direction de Google France en lui demandant de prendre les dispositions techniques nécessaires pour garantir le retrait ou le floutage des vues aériennes sur Google Earth et Google Maps des établissements pénitentiaires listés en annexe des arrêtés pris les 27 janvier et 27 octobre 2017.
La direction de Google France m’a répondu par deux courriers, le premier du 14 août et le second du 8 octobre ; vous y avez fait allusion. Google France m’a signalé que tout était mis en œuvre pour finaliser le floutage de l’ensemble des lieux visés par les arrêtés pris en 2017 d’ici au début du mois de décembre 2018. Nous pourrons donc très prochainement mesurer la portée de l’engagement qui a été pris par Google France. Mais je sais que cela commence d’ores et déjà à être effectif.
En parallèle, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale conduit actuellement des travaux qui rassemblent les experts juridiques des ministères, directions générales et agences concernés pour adapter les dispositions juridiques encadrant la prise de vue aérienne et par satellite des sites sensibles. Ce groupe de travail, auquel participe le ministère de la justice, a pour objectif de refondre le cadre juridique de la captation d’images et de leur diffusion, afin de préserver les zones sensibles, considérées comme des points d’importance vitale et stratégique. Il vise l’ensemble des fournisseurs, bien au-delà donc des seuls services qui sont proposés par Google. Ses travaux sont menés sur la base des propositions émises par la Direction de la protection des installations, moyens et activités de la défense, du ministère des armées, dans son rapport du 4 juin 2018, consacré à ce sujet.
Sans attendre, le ministère de la justice, par arrêté du 12 octobre 2018, a enrichi la liste des zones interdites à la prise de vue aérienne pour couvrir tous les établissements les plus sensibles, portant le total de trente-huit à quatre-vingt-neuf sites. Les travaux de recensement des coordonnées GPS des autres sites se poursuivent, afin que l’ensemble des établissements pénitentiaires soient pris en compte en 2019.
Comme vous le voyez, c’est une action globale qui est menée pour assurer l’efficacité des mesures de sécurité que nous prenons pour l’ensemble de nos établissements pénitentiaires.
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour répondre à Mme la garde des sceaux, en vingt-cinq secondes.
M. François Bonhomme. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse, dont je prends acte, comme de vos intentions. Je regrette néanmoins la faible réactivité de Google par rapport à vos injonctions. Malheureusement, le mal est fait : les captures d’écran ont eu lieu et des actions sont peut-être en préparation sur la base de ces données photographiques. Pour l’avenir, j’ai bien noté que vous souhaitiez faire évoluer le cadre juridique relatif aux prises de vues aériennes.
Mme la présidente. Il faut conclure.
M. François Bonhomme. C’est nécessaire, car les choses ne peuvent pas rester en l’état, la situation étant insécure pour les maisons d’arrêt.
sécurité dans les prisons
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, auteur de la question n° 497, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Brigitte Lherbier. Pas un mois ne passe sans que la sécurité de nos établissements pénitentiaires soit évoquée dans les médias, au Parlement ou par vous-même, madame le garde des sceaux.
La mission de sécurité de l’administration pénitentiaire consiste à assurer une sécurité optimale dans les prisons en prévenant les évasions, les mutineries, les violences, les dégradations ou les suicides. Sa mission est aussi de prévoir la réinsertion des condamnés à leur sortie pour éviter la récidive.
Depuis 2015, le contexte terroriste a naturellement accentué cette exigence de sécurité et nous oblige à une vigilance accrue.
L’agression de trois surveillants à Vendin-le-Vieil en janvier dernier, par un détenu condamné pour terrorisme, fut à l’origine d’un grand mouvement de mobilisation du personnel pénitentiaire. Il nous faut à toutes fins qu’il ne se redéclenche pas.
Les surveillants, à qui je voudrais rendre hommage, nous ont alertés très souvent sur leurs conditions de travail particulièrement difficiles, sur le manque de personnel qui les expose dangereusement pendant l’exercice de leur mission et sur les difficultés à recruter de nouveaux collègues.
La surpopulation continue de dégrader la vie carcérale et pèse sur les conditions de sécurité de nos établissements pénitentiaires. L’été a été difficile dans de nombreux endroits de France. Il faisait très chaud dans les maisons d’arrêt, au sens propre comme au sens figuré.
La semaine dernière, je suis allée visiter la prison de la Santé avec quelques collègues sénateurs : les syndicats de surveillants nous ont exprimé de nouveau leur mécontentement et leurs craintes. Ils dénoncent surtout le manque de reconnaissance face aux difficultés des missions qu’ils exercent.
Une nouvelle promotion de surveillants devrait assurer l’ouverture de la prison de la Santé : beaucoup de ces personnes venues de l’outre-mer n’ont toujours pas trouvé de logements décents à prix raisonnable afin de pouvoir s’installer à Paris.
Certains surveillants stagiaires ont trouvé des solutions d’hébergement précaire, notamment dans les foyers de jeunes travailleurs. D’autres sont toujours en cours de recherche. Tous réclament des lieux de détente, de sport, pour évacuer la pression quotidienne et pour s’entraîner physiquement. C’est bien le moins que l’on puisse leur offrir quand on sait le nombre de menaces de représailles qu’ils subissent chaque jour. Le sénateur François Grosdidier, lors des travaux de la commission d’enquête sur l’état des forces de sécurité intérieure, l’avait souligné dans son rapport. À chaque visite de maison d’arrêt – Lille-Sequedin, Fresnes, etc. –, nous sentons la tension et les craintes professionnelles, qui pèsent dans la vie de chacun. Je tenais à vous en faire part, madame le garde des sceaux. Je sais que vous n’ignorez rien de cette situation, mais le Sénat prête une attention toute particulière à ces problèmes.
Contexte terroriste, surpopulation carcérale et mécontentement des surveillants : ces trois ingrédients forment un cocktail explosif qui ne peut que nuire à la mission de sécurité de l’administration pénitentiaire.
Madame le garde des sceaux, les orientations voulues par votre ministère ne nous semblent pas suffisamment prendre en compte ces trois facteurs d’insécurité. Votre ministère va-t-il aller plus loin ? Avez-vous les moyens budgétaires pour garantir la sécurité de nos établissements ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, il me faudrait plus d’une heure pour répondre à votre question tant l’ensemble des mesures que nous avons adoptées afin d’assurer la sécurité de nos établissements pénitentiaires est large et tant la « reconnaissance » – je reprends à mon compte ce terme que vous avez utilisé – que nous devons aux personnels de l’administration pénitentiaire est grande.
Je citerai quelques chiffres. Le budget de l’administration pénitentiaire s’élève à 3,8 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2019, soit 2,5 milliards d’euros pour les dépenses de personnel, en hausse de 95 millions d’euros, et 1,2 milliard d’euros pour les autres dépenses.
Globalement, ce budget est en progression de 5,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2018. C’est une augmentation qui correspond à la fois à une hausse des dépenses de personnel de 3,9 % et à une hausse de près de 10 % pour les dépenses de fonctionnement et d’investissement.
Sans aller plus avant dans l’énoncé des chiffres, car vous pourriez vous lasser, je veux vous assurer que la sécurisation des établissements pénitentiaires est un point majeur : nous y consacrons un effort important de plus de 50 millions d’euros en 2019. Au-delà, nous accordons également une grande importance aux personnels pénitentiaires pour lesquels – je le redis – j’éprouve une véritable reconnaissance en raison de leurs conditions de travail très difficiles.
Nous avons fait un effort du point de vue indemnitaire : nous avons augmenté la prime de sujétion spéciale, la PSS, de plus de 2 % ; nous avons également augmenté le taux de base de l’indemnité pour charge pénitentiaire, qui est passée de 1 000 à 1 400 euros par an ; nous avons accru la prime des dimanches et jours fériés, qui est passée de 26 euros à 36 euros ; nous avons mis en place une prime de fidélisation pour les établissements les plus difficiles ou dans les zones de particulière cherté du coût de la vie – c’est le cas en banlieue parisienne où nous donnerons 8 000 euros pour six ans de fidélité à un établissement, 4 000 euros seront versés dès la première année.
Nous avons consenti un effort important en termes d’équipement, avec de nouveaux matériels de protection, des passe-menottes, etc.
Nous avons fait un effort en termes de renseignement pénitentiaire et en termes de régimes de détention, avec la mise en place d’un système d’étanchéité pour les détenus les plus dangereux, les détenus terroristes.
Toutes ces mesures s’inscrivent dans un plan pénitentiaire global, qui prévoit, à hauteur de plus de 1,7 milliard d’euros, la construction de 15 000 nouvelles places de prison, dont 7 000 seront livrées en 2022 et 8 000 seront commencées avant 2022. Cet ensemble de mesures nous permet de répondre à l’inquiétude dont vous faisiez état, madame la sénatrice, et dont je mesure la réalité.
malaise des élus locaux
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché, auteur de la question n° 445, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Alain Fouché. Monsieur le secrétaire d’État, le Congrès annuel des maires de France s’ouvre sur fond de malaise des élus locaux. Depuis 2014, le nombre de maires ayant quitté leur poste est en hausse de 55 % par rapport à la précédente mandature ; un dernier sondage prévoit 50 % d’abandons en 2020.
Alors que 68 % des Français leur font confiance, les maires sont usés. Ils sont usés par la recentralisation, la métropolisation, les fractures territoriales qui augmentent. Ils sont usés par des moyens financiers qui diminuent alors que les charges augmentent. La baisse des dotations entraîne des difficultés sans précédent et leur indépendance financière est remise en cause. Ils sont usés par l’accroissement des contraintes administratives. Certaines de ces tracasseries ne datent pas d’aujourd’hui. Ils sont usés par les faibles revenus qu’ils perçoivent : un maire sur deux bénéficie d’une indemnité mensuelle inférieure à 360 euros. La décision du Gouvernement de modifier leur fiscalité va entraîner une augmentation de l’impôt sur le revenu.
Les maires assument une tâche difficile et indispensable à la vie de nos territoires. Elle est peu conciliable avec une activité professionnelle. Un vrai statut de l’élu est attendu depuis longtemps, et c’est votre engagement ! Le Sénat a soumis des propositions en octobre dernier, je crois savoir que certaines d’entre elles seraient reprises.
Je lance aujourd’hui un cri d’alarme, monsieur le secrétaire d’État. Quelles mesures entendez-vous prendre pour résoudre cette crise et pouvez-vous nous indiquer les grandes lignes de ce futur statut de l’élu ? Je vous remercie de nous rassurer.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, le Gouvernement n’ignore pas les difficultés que peuvent rencontrer les élus locaux, qui consacrent leur temps et mettent toute leur énergie, toutes leurs compétences, au service de leurs concitoyens.
Toutefois, permettez-moi de relativiser les chiffres évoqués dans votre question. Le nombre de démissions de maires a très peu augmenté par rapport à la mandature précédente. Il est d’ailleurs davantage lié à des raisons de santé, professionnelles ou familiales, à des raisons mécaniques, comme la constitution de communes nouvelles, ou à la fin du cumul des mandats qu’à des raisons de départs volontaires pour motifs politiques ou par lassitude.
M. François Bonhomme. Ça reste à voir…
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Néanmoins, nous sommes bien entendu très attentifs à ce point. D’ailleurs, lors de son discours prononcé à l’occasion du 100e Congrès des maires de France du 23 novembre 2017, le Président de la République a fait part de son attachement à la place des élus locaux et a exprimé toute sa considération pour leur engagement et leurs convictions. Conformément à ce qu’il avait annoncé alors, plusieurs mesures sont mises en œuvre pour traduire concrètement cette reconnaissance de l’État.
Tout d’abord, il s’agit de réduire le poids des normes pesant sur les collectivités locales. La circulaire du Premier ministre en date du 20 octobre 2017 prescrit que toute norme réglementaire nouvelle doit s’accompagner de deux mesures d’abrogation ou, à défaut, de simplification. La circulaire du 8 novembre 2017 relative à l’accord de méthode entre l’État et les collectivités territoriales élaboré dans le cadre de la Conférence nationale des territoires, demande au ministre, dans la sphère des compétences décentralisées, de laisser le champ le plus large possible au pouvoir réglementaire local.
D’une manière plus générale et dans le cadre du même accord de méthode, le Gouvernement s’est engagé à ce qu’aucune décision concernant les collectivités territoriales ne soit prise sans que ces dernières aient été préalablement consultées.
Enfin, conformément à la circulaire du Premier ministre du 12 janvier 2018, chaque projet de loi sectoriel devra intégrer un volet de mesures de simplification des normes législatives en vigueur. Les dispositions relatives aux collectivités territoriales sont évidemment comprises dans ce champ.
Les propositions de la mission d’évaluation et d’allégement des normes applicables aux collectivités territoriales, dirigée par Alain Lambert, ancien ministre et président du Conseil national d’évaluation des normes, et par Jean-Claude Boulard, ancien maire du Mans, décédé en juin dernier, font également l’objet d’un examen très attentif par le Gouvernement.