Mme Colette Mélot. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Ces amendements identiques sont satisfaits par celui de la commission : plutôt que d’imposer la justification de la mention « non substituable », nous préférons prévoir une négociation conventionnelle interprofessionnelle pour définir les rôles respectifs du médecin et du pharmacien en matière de substitution de médicaments.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Il s’agit là d’un sujet très important. Comme chacun sait, l’usage des génériques est insuffisamment développé en France au regard de ce que l’on observe chez nos voisins européens : leur taux d’utilisation stagne à environ 8 % dans notre pays. Dans deux cas sur dix, un princeps est délivré alors qu’un générique aurait pu lui être substitué.
Cette situation a un coût considérable pour l’assurance maladie, et nous ignorons pourquoi les patients français se prétendent souvent « allergiques » aux génériques… Chacun sait que l’on ne peut pas être allergique à la totalité des médicaments génériques ! Nous sommes donc bien face à un problème de culture, de pédagogie.
Imposer que l’apposition de la mention « non substituable » sur l’ordonnance soit justifiée, c’est précisément une façon de faire de la pédagogie : il ne s’agit pas d’embêter qui que ce soit. Cela permettra peut-être d’accroître le recours aux génériques.
Pour les patients, les médecins et les pharmaciens, il faut une plus grande transparence. Nous proposons de créer un référentiel établissant les situations où l’apposition de la mention « non substituable » est justifiée médicalement, afin d’éviter les justifications farfelues. Ce référentiel sera établi par l’ANSM et les services du ministère, en concertation avec les professionnels concernés.
Madame la rapporteur, les objectifs de prescription et de délivrance des médicaments génériques relèvent déjà du champ conventionnel, puisque ces médicaments sont concernés par la rémunération sur objectifs de santé publique, la ROSP ; or leur usage ne décolle pas pour autant. Nous devons aller plus vite, plus loin, plus fort pour rejoindre nos voisins européens quant à l’utilisation des génériques. Je demande le retrait de ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.
Mme Corinne Imbert. Madame la ministre, vous affirmez que le recours aux génériques reste insuffisant dans notre pays, mais à quoi vous référez-vous ?
Mme Corinne Imbert. Dans le répertoire conventionnel des génériques arrêté au 30 juin 2017, un objectif de substitution de 90 % a été fixé par l’assurance maladie. Dans mon département, le taux de substitution est actuellement de 88,5 %. Tout dépend de ce dont on parle. Peut-être ce répertoire n’est-il pas assez large, mais, sur cette base, il me semble que tout le monde joue le jeu.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Madame la sénatrice, à l’échelle nationale, le taux de substitution s’élève à 80 %. Nous cherchons à l’augmenter.
M. le président. En conséquence, les amendements identiques nos 250 rectifié et 352 rectifié n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 632, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 20
Supprimer les mots :
chapitre II du
II. – Après l’alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au 4° de l’article L. 161-36-4, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « dernier » ;
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 631, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 37
Remplacer les mots :
au second alinéa
par les mots :
à la fin de la seconde phrase
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Il s’agit également d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 92, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 42 à 44
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
3° L’article L. 162-30-2 est ainsi modifié :
a) Le 1° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les établissements de santé exerçant les activités mentionnées au 1° de l’article L. 162-22 peuvent bénéficier d’une dotation du fonds mentionné à l’article L. 1435-8 du code de la santé publique lorsqu’ils atteignent des résultats évalués à l’aide d’indicateurs relatifs à la pertinence et à l’efficience de leurs prescriptions de produits de santé, mesurés tous les ans par établissement. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’application du 1°, un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale dresse la liste des indicateurs relatifs à la pertinence et à l’efficience des prescriptions et précise, pour chaque indicateur, les modalités de calcul du montant de la dotation par établissement. »
II. – Alinéa 45
Rédiger ainsi cet alinéa :
III. – Les modalités de détermination de la dotation mentionnée à l’article L. 162-30-2 du code de la sécurité sociale peuvent se fonder sur l’analyse des prescriptions effectuées à compter du 1er janvier 2018.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Dans un souci de cohérence et de lisibilité, cet amendement vise à inclure le dispositif d’intéressement des établissements de santé à la pertinence de leurs prescriptions, prévu à l’article 43, dans les dispositions du code de la sécurité sociale encadrant les contrats d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins, les CAQES.
Ces contrats visent le même objectif d’amélioration de la pertinence du recours aux produits de santé. Il convient de ne pas compliquer la tâche des établissements hospitaliers : aussi ne paraît-il pas opportun de multiplier les outils d’orientation de la pertinence des soins.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Ce dispositif, que nous avons conçu à la demande des établissements, est plus intéressant que les CAQES : ils perdraient donc à sa suppression. Voilà pourquoi nous demandons le retrait de cet amendement. À défaut, nous émettrons un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Nous ne nions pas l’intérêt que présente ce dispositif ; nous souhaitons simplement l’inclure dans les dispositions encadrant les CAQES.
M. le président. Je mets aux voix l’article 43, modifié.
(L’article 43 est adopté.)
Article additionnel après l’article 43
M. le président. L’amendement n° 544, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 43
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L.5121-31 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une cellule nationale de gestion des ruptures d’approvisionnement, placée sous l’autorité du Premier ministre, est chargée de définir une stratégie nationale pour la prévention et la résolution des causes de rupture d’approvisionnement. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Il y a quelques semaines à peine, un collectif de personnes atteintes de la maladie de Parkinson lançait un cri d’alerte au sujet de la rupture d’approvisionnement des médicaments utilisés pour le traitement de cette pathologie. Il interpellait l’État et lui demandait d’agir, en invoquant une non-assistance à personnes en danger. Ce sont là des mots lourds de sens.
S’ils sont en première ligne, ces malades sont loin d’être les seuls touchés par les pénuries. En 2017, l’Agence nationale de sécurité du médicament a reçu 530 signalements de traitements « essentiels » en rupture de stock ou en tension d’approvisionnement. C’est du jamais-vu. Le nombre des cas de signalement de médicaments en tension d’approvisionnement ou en rupture de stock a été multiplié par plus de dix en moins de dix ans. Notre pays – dois-je le rappeler ? – est tout de même la septième puissance économique mondiale. Dès lors, comment accepter que ces pénuries surviennent et remettent en cause les traitements des patients, la continuité de leurs soins ?
C’est ce constat qui a incité la commission des affaires sociales à se pencher sur la question et à mener un travail approfondi dans le cadre d’une mission d’information. J’ai fait partie de cette mission et, tout en saluant le sérieux du travail accompli, je dois dire que je n’approuve pas toutes les recommandations émises par nos collègues Yves Daudigny et Jean-Pierre Decool.
À mon sens, malgré l’ambition affichée, ces préconisations ne remettent pas fondamentalement en cause la toute-puissance des grands laboratoires, loin de là. Je le répète, je regrette fortement que notre proposition de création d’un pôle public du médicament ait subi le couperet de l’article 40 de la Constitution lors de l’examen du présent texte en commission.
Si la lutte contre la concentration de la fabrication à bas coût des principes actifs dans une poignée d’usines, le plus souvent situées en Asie du Sud-Est, est un objectif, on peine à trouver les moyens de l’atteindre. Ainsi, dès qu’un quelconque problème survient, c’est toute la chaîne mondiale qui est touchée.
Cela étant, la proposition n° 25 du rapport d’information me paraît intéressante ; c’est la raison pour laquelle je la reprends au travers de cet amendement. Il s’agit de créer une cellule nationale de gestion des ruptures d’approvisionnement, placée sous l’autorité du Premier ministre et chargée de définir une stratégie nationale pour la prévention et la résolution des causes de rupture d’approvisionnement. La création de cette cellule permettrait de renforcer la coordination dans la prévention et la gestion des tensions et ruptures d’approvisionnement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Il nous apparaît plus cohérent de traiter le sujet des pénuries de médicaments de manière globale, dans un texte dédié ou dans un projet de loi relatif à la santé. Néanmoins, nous souhaitons entendre l’avis du Gouvernement sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Madame Cohen, vous soulevez là un problème majeur. Votre proposition est certainement intéressante, mais je ne suis pas en mesure de l’accepter, car outre qu’elle est probablement insuffisante, nous sommes en train de travailler à une feuille de route générale. De plus, elle ne relève pas, à mon sens, du domaine de la loi.
Nous instruisons les propositions formulées au travers du rapport parlementaire que vous avez évoqué et nous nous efforçons d’élaborer une stratégie plus robuste encore pour prévenir les pénuries de médicaments. Je prendrai en compte votre proposition dans le cadre de l’élaboration de cette stratégie, mais, pour l’heure, je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Madame Cohen, l’amendement n° 544 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, je note avec satisfaction que cette recommandation issue du rapport d’information vous paraît intéressante et qu’elle peut contribuer à nourrir la réflexion engagée.
Je ne vais pas maintenir cet amendement, car il serait regrettable de faire battre une proposition que la Haute Assemblée a émise, mais j’insiste fortement sur l’intérêt qu’elle présente.
Cela étant, il est dommage, au regard de la situation exceptionnelle que constitue la pénurie actuelle de médicaments, que ce PLFSS ne contienne aucun dispositif permettant de lutter contre celle-ci. Je pense, par exemple, au conditionnement unitaire, qui permettrait d’y remédier un tant soit peu. Je tenais à attirer l’attention sur ce point.
Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 544 est retiré.
Article 43 bis (nouveau)
L’article L. 1151-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « médicaux », sont insérés les mots : « et l’utilisation de médicaments » ;
2° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, après le mot : « médicaux », sont insérés les mots : « , de ces médicaments ».
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Madame la ministre, nous n’avons pas déposé d’amendement sur cet article. Néanmoins, je souhaiterais vous entendre clarifier certains points.
Cet article ajoute les médicaments à la liste des produits de santé dont l’utilisation et la prescription peuvent faire l’objet d’un encadrement spécifique. Il résulte d’un amendement adopté par l’Assemblée nationale, dont l’objet précise qu’il s’agit de cibler les médicaments innovants. Nous ne contestons pas cet objectif en tant que tel : l’utilisation de certains médicaments innovants doit effectivement faire l’objet de mesures d’accompagnement des praticiens et des établissements concernés, parce qu’elle requiert des connaissances et une technicité particulières ou parce que ces médicaments sont extrêmement onéreux.
Néanmoins, nous nous interrogeons quant au périmètre de la mesure : rien, dans la rédaction proposée, ne limite a priori le champ du dispositif aux seuls médicaments innovants. Ainsi, rien n’empêcherait, le cas échéant, le Gouvernement de prendre des mesures contraignantes pour l’utilisation de tous les médicaments. Je ne pense pas que tel soit le cas ; mais peut-être pourriez-vous nous rassurer sur ce point ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Madame la rapporteur, cet article permettra de protéger soit les patients, soit l’assurance maladie. (Sourires.)
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Ce n’était pas ma question, mais je vous remercie de votre réponse ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 43 bis.
(L’article 43 bis est adopté.)
TITRE III
MODULER ET ADAPTER LES PRESTATIONS AUX BESOINS
Article additionnel avant l’article 44
M. le président. L’amendement n° 93, présenté par M. Savary, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Avant l’article 44
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 161-17-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « soixante-deux » est remplacé par le mot : « soixante-trois » et la date : « 1er janvier 1955 » est remplacée par la date : « 1er mai 1958 » ;
b) Les deuxième à dernier alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Cet âge est fixé par décret dans la limite de l’âge mentionné au premier alinéa pour les assurés nés avant le 1er mai 1958. Pour les assurés nés entre le 1er mai 1957 et le 30 avril 1958, cet âge est fixé à soixante-deux ans et six mois. » ;
2° Après le mot : « âge », la fin du 1° de l’article L. 351-8 est ainsi rédigée : « de soixante-sept ans ; ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Cet amendement tend à reprendre une disposition que le Sénat a déjà votée à plusieurs reprises, à savoir le recul de l’âge minimum légal de départ à la retraite à soixante-trois ans, en l’espèce à compter du 1er mai 2020, avec un premier palier à soixante-deux ans et six mois au 1er mai 2019.
Avec cet amendement et celui que je présenterai ensuite à l’article 44, notre commission entend prendre part au débat contradictoire sur la réforme des retraites que souhaite le haut-commissaire à la réforme des retraites.
La réforme des retraites sera-t-elle ou non financière ? Avec l’augmentation de la CSG pour les retraités et la dérogation systématique au principe d’indexation des pensions sur l’inflation, ce PLFSS constitue une réforme financière des retraites. Cette politique rapportera, en 2020, près de 9 milliards d’euros – 5 milliards d’euros provenant de l’augmentation de la CSG et 3,8 milliards d’euros au titre des réductions de dépenses pour les régimes de retraite. Ce rendement est comparable à celui de la réforme des retraites de 2010, qui a dégagé 10 milliards d’euros d’économies par an en vitesse de croisière. Ce dispositif est donc d’une redoutable efficacité…
Madame la ministre, le milliard d’euros à prélever sur les organismes complémentaires d’assurance maladie, les OCAM, représente une goutte d’eau au regard des 50 milliards d’euros dont ces organismes disposent au-delà de la réserve prudentielle.
Au travers de son financement, cette réforme touche les retraités actuels. L’âge légal de départ à la retraite n’est pas remis en cause. C’était une promesse du Président de la République, mais cela peut être un piège ; nous vous alertons sur le risque de voir diminuer, à l’avenir, le niveau de vie des retraités. Toutes les expériences étrangères de réforme systémique le montrent, la question de l’âge minimum légal, au-delà de l’âge pivot, est centrale. Même les Suédois réfléchissent à relever cet âge minimum, pour protéger les femmes et les travailleurs les moins qualifiés contre le risque de partir trop tôt, avec une retraite insuffisante.
À nos yeux, étant donné la progression de l’espérance de vie, l’augmentation de la durée de cotisation est une condition impérative pour assurer l’équilibre de notre système de retraites et garantir aux futurs retraités un niveau de vie satisfaisant.
Mes chers collègues, tel est l’état de la réflexion menée par notre commission, qui, depuis plus d’un an, s’est beaucoup investie dans ce débat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur le rapporteur, vous proposez, au nom de la commission des affaires sociales, de relever l’âge légal de départ à la retraite de soixante-deux à soixante-trois ans d’ici au 1er mai 2020. Ce faisant, vous renouez avec des pratiques anciennes, consistant à modifier brutalement les paramètres de notre système de retraites. (M. Jérôme Bascher proteste.) C’est précisément avec ces pratiques que nous essayons de rompre, via la concertation menée par Jean-Paul Delevoye.
En effet, l’incertitude qui pèse sur la pérennité du système de retraites vient, selon nous, du fait que les paramètres sont sans cesse modifiés. Cette incertitude mine la confiance de nos concitoyens dans le système de retraites. Elle menace également le pacte intergénérationnel qui fonde notre système par répartition.
Nous employons une méthode de dialogue constructif avec les partenaires sociaux et l’ensemble des citoyens, à la demande du Premier ministre et du Président de la République.
Le Président de la République s’y est engagé au cours de sa campagne : l’âge à partir duquel il sera possible de liquider ses droits restera bien fixé à soixante-deux ans. Nous avons également indiqué que les Français se trouvant à moins de cinq ans de l’âge du départ à la retraite lors de l’adoption de la réforme ne seraient pas concernés. Or vous proposez de modifier un paramètre fondamental en 2020.
Dans le cadre de la réunion multilatérale qui s’est tenue le 10 octobre dernier, nous avons réaffirmé devant les partenaires sociaux que tous ces engagements seraient tenus. Les orientations fixées ont été rendues publiques à cette occasion.
Les dispositions de votre amendement sont contraires à nos engagements sur ces deux points : vous proposez en effet de relever l’âge minimum de soixante-deux à soixante-trois ans et de modifier de façon brutale la situation de personnes qui sont à moins de cinq ans de la retraite et qui ont déjà planifié les modalités de leur départ.
Pour ces raisons, et parce que nous respectons nos engagements, j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Il s’agit là d’un point extrêmement important, qui concerne évidemment les équilibres budgétaires du PLFSS pour 2019.
Dans un premier temps, le Gouvernement a décidé de sous-revaloriser les pensions versées aux retraités actuels, à hauteur de 0,3 %, au lieu de les indexer sur l’inflation, dont le taux est de l’ordre de 1,6 %.
Pour notre part, nous avons décidé de réindexer l’évolution des retraites sur l’inflation, ce qui augmente les dépenses de la sécurité sociale de 2 milliards à 2,3 milliards d’euros en année pleine. Il nous fallait donc trouver une solution : c’est celle que propose René-Paul Savary, qui s’accompagne du dispositif relatif aux OCAM que Jean-Marie Vanlerenberghe a présenté avant-hier soir. Je parlerai des OCAM tout à l’heure, en réponse aux propos qu’a tenus M. Darmanin sur une chaîne de télévision périphérique.
Si, quand l’État a décidé de supprimer les cotisations sociales sur les heures supplémentaires, il avait, dans le même temps, prévu de compenser la perte de recettes de l’ordre de 2 milliards d’euros que représente cette mesure pour la sécurité sociale, nous n’aurions pas été obligés de proposer de reporter l’âge légal de départ à la retraite à soixante-trois ans à partir du 1er mai 2020.
En fait, en ne revalorisant les pensions de retraite que de 0,3 %, le Gouvernement prive les retraités de 2 milliards d’euros. Parallèlement, il donne 2 milliards d’euros aux travailleurs, via des exemptions de cotisations sociales ; c’est une bonne chose, mais, ce faisant, il prive la sécurité sociale de 2 milliards d’euros.
Pour notre part, nous ne sommes pas d’accord pour priver les retraités de 2 milliards d’euros, et nous ne sommes pas non plus d’accord pour que l’État s’abstienne de compenser le manque à gagner pour la sécurité sociale, contrairement à ce qu’il fait habituellement. Étant donné que nous ne pouvons pas contraindre le Gouvernement à assurer cette compensation, nous avons trouvé une autre solution, celle qui vient d’être présentée.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Nous avons bien conscience que notre proposition a peu de chances de prospérer, mais elle a le mérite d’être claire : pour notre part, madame la ministre, nous avons fait le choix de la clarté.
La réforme Woerth était également très claire : il s’agissait de repousser l’âge de la retraite. Les Français le savent maintenant : ils devront travailler un peu plus longtemps.
Certes, cette mesure ne figure pas dans votre programme. Vous préférez mettre en œuvre le grand bidouillage des points ! Lorsque vous avez augmenté la CSG pour les retraités, vous avez entamé leur pouvoir d’achat, sans baisser pour autant les dépenses. Avec la retraite par points, ce sera la même chose. Or les Français ne veulent pas perdre de pouvoir d’achat. Pour notre part, nous proposons que leurs pensions continuent à être revalorisées à hauteur de l’inflation. Ainsi, une fois leur retraite acquise, leur pouvoir d’achat ne diminuera pas. C’est un élément extrêmement important pour la confiance.
Si la retraite par points est si difficile à mettre en œuvre, c’est parce que l’on ne parvient pas à trouver les équilibres. Il faut cesser de mentir aux Français en maintenant un grand flou et en déclarant que tout va aller mieux : ils savent parfaitement qu’ils devront travailler plus longtemps.
Madame la ministre, notre position sur la sécurité sociale est également claire : il faut compenser les exonérations. On procède ainsi depuis près de trente ans : continuons comme cela !
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. On peut entendre l’analyse de M. le président de la commission sur l’arbitrage financier entre les différents enjeux. Toutefois, Mme la ministre l’a rappelé, une réforme des retraites est en cours d’élaboration et fait l’objet d’une concertation. Il nous paraît donc tout à fait inopportun que le Parlement modifie soudain, au détour d’un amendement, l’âge légal de départ à la retraite : ce n’est ni respectueux de la concertation ni conforme à notre conception du dialogue social.
Par ailleurs, le report de l’âge légal de départ à la retraite s’appliquerait à très brève échéance, sans prise en compte de la situation et des projets de vie des personnes proches de l’âge de la retraite.
Quelle que soit la légitimité du débat sur l’âge légal de départ à la retraite, cette méthode n’est pas acceptable. Nous ne voterons pas cet amendement et nous demandons qu’il soit mis aux voix par scrutin public.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.
Mme Patricia Schillinger. Notre groupe ne peut évidemment pas voter cet amendement visant à reporter l’âge minimum légal de départ à la retraite de soixante-deux à soixante-trois ans.
Dans le contexte actuel de réforme de l’ensemble du système, cette proposition fait figure à la fois de chiffon rouge et de leurre. Seule la réforme d’ensemble à laquelle travaillent M. Jean-Paul Delevoye et le Gouvernement est de nature à assurer la pérennité des retraites.
Reporter l’âge minimum de départ à la retraite à soixante-trois ans, c’est surtout punir injustement les seniors, en particulier les moins qualifiés d’entre eux. En effet, pour ceux qui ont la chance d’avoir un emploi, le recours au temps partiel s’accentue avec l’âge. Les 55-64 ans ont 1,5 fois plus de chances de travailler à temps partiel que les 30-54 ans et 2 fois plus de chances que ce soit pour des raisons de santé. J’ajoute que les ouvriers ont 5,6 fois plus de chances que les cadres de devoir travailler à temps partiel pour des raisons de santé.
La situation sera plus dramatique encore pour les seniors qui cherchent du travail, car les chances de reprise d’emploi diminuent fortement avec l’âge, conformément à une perception malheureusement commune aux employeurs, aux travailleurs et aux cabinets de recrutement. Le taux de sortie des listes de Pôle emploi est ainsi en baisse de 1,3 % pour les plus de 55 ans et de 1,2 % pour les 60-64 ans. En France, une forte proportion des chômeurs de longue durée ont plus de 55 ans.
Mes chers collègues, ces réalités m’interdisent de voter cet amendement ; je le dis au nom de la justice et de la cohésion de notre société.