M. Fabien Gay. Nous proposons, au travers de cet amendement, de procéder à une sensible augmentation de la contribution due par les bénéficiaires d’un certain nombre de retraites à prestations définies, versées notamment aux cadres dirigeants de plusieurs entreprises importantes.
Je nous invite collectivement à ouvrir les pages de ce que l’on appelle un « document de référence », c’est-à-dire le document de promotion que les grands groupes inscrits à la cote officielle de la bourse mettent en circulation pour narrer le roman de leur entreprise.
Regardons de près le document de Danone, celui d’Engie ou de n’importe quelle autre entreprise : un chapitre y est toujours consacré à la gouvernance, notamment au dispositif mis en place pour fidéliser les administrateurs de ce type d’entreprise. Nul doute qu’entre les plans d’achat, les plans d’action de performance, les jetons de présence, les éléments de rémunération variable, les plans de retraite à prestations définies et les rémunérations annuelles à six zéros derrière le premier chiffre, nous sommes fort loin de la situation des retraités ayant subi une baisse de revenus du fait de l’augmentation de la CSG.
Prenons un seul exemple, celui du PDG de Danone, Emmanuel Faber, dont la retraite sera calculée sur la base de plus de 2 millions d’euros. Voilà qui est assez éloigné, nous en conviendrons toutes et tous, de ce qui est pratiqué par la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Nous proposons donc que ces personnes contribuent un tant soit peu à l’effort national, en vue d’une traduction plus nette de l’égalité républicaine.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces rentes subissant déjà, outre ce prélèvement, les impositions et contributions « classiques », il ne convient pas de basculer au-delà de la taxation cumulée, qui est considérée comme confiscatoire par le Conseil constitutionnel.
Je précise, par ailleurs, qu’il s’agit de contributions spécifiques s’appliquant à des personnes spécifiques, et non à des entreprises.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur le sénateur, vous proposez d’augmenter à hauteur de 34 % le taux de contribution.
Nous rappelons que le Conseil constitutionnel avait déjà censuré une contribution établie à 21 % pour la part des rentes supérieure à 24 000 euros par mois. En effet, le cumul entre l’impôt sur le revenu, les prélèvements sociaux et la contribution salariale spécifique au taux de 21 % pour la fraction des retraites chapeau excédant 24 000 euros, aboutissait à un taux d’imposition de 75 %, jugé confiscatoire par le Conseil.
Au regard de cette jurisprudence, nous sommes défavorables à l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. J’entends bien la réponse de M. le rapporteur général et de Mme la ministre, mais nous parlons budget…
J’ai bien compris aussi qu’il existait une jurisprudence en la matière : lorsque nous demandons aux plus riches de ce pays de contribuer un peu plus à l’effort national, on nous répond à chaque fois : « Attention, c’est confiscatoire ! » Or je n’entends pas cet argument quand on augmente la CSG des petits retraités ou quand le Gouvernement taxe l’essence, le fioul domestique ou le gaz, ce qui pèse lourdement sur le budget des familles populaires et des classes moyennes. Dans ce cas, j’y insiste, on ne nous dit pas que c’est confiscatoire ! Nous connaissons la jurisprudence qui a été invoquée, mais nous voulions avoir ce débat dans l’hémicycle.
On entend répéter qu’il n’y a pas d’argent ; un de nos collègues le disait encore ce matin en commission des affaires économiques. Mais si, mes chers collègues, il y a de l’argent, et même beaucoup, dans ce pays, mais il est accaparé par une minorité ! Et cette réalité est de plus en plus criante aujourd’hui.
Nous faisons, ici, des choix politiques. Avec ce gouvernement, ces choix sont toujours les mêmes : protéger les plus riches, les nantis, et taper sur les classes populaires et moyennes.
J’entends donc bien l’argument du caractère confiscatoire de la mesure que nous proposons, mais je voudrais qu’il soit invoqué, aussi, s’agissant des politiques que vous menez depuis dix-huit mois dans ce pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 128 rectifié quater, présenté par MM. Segouin, Bonhomme et Courtial, Mme Garriaud-Maylam, MM. Paccaud, Grosdidier et Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, M. Mandelli, Mmes Gruny et de Cidrac, M. Charon, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Darnaud, Genest et Laménie, Mmes Delmont-Koropoulis et Procaccia, MM. Babary, Sido et Gremillet et Mme Noël, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l’article L. 161-22-1 A du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 161- 22-1 … ainsi rédigé :
« Art. L. 161-22-1 … – L’article L. 161-22 ne fait pas obstacle à l’exercice par un médecin retraité d’une activité de remplacement dans une zone définie sous-dense par l’agence régionale de santé, pour une durée cumulée n’excédant pas vingt-quatre mois. Les revenus perçus par le médecin retraité au titre de son activité de remplacement sont exonérés de la totalité des cotisations sociales et de retraite dès lors qu’ils n’excèdent pas 50 000 euros nets annuels. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Pour faire face à la désertification médicale, qui progresse partout, la transmission médicale représente un véritable défi pour lequel il faut trouver des solutions.
L’association entre un médecin retraité et un médecin en activité ou un médecin en recherche d’installation en est une. Elle permet d’apporter une réponse au problème de la transmission et d’avoir une prise en charge continue entre un médecin et son successeur sur des territoires fragiles en termes de couverture. Pour cela, l’amendement vise à mettre en place une exonération fiscale à hauteur de 50 000 euros nets annuels pour le médecin retraité.
D’autres amendements visent à aller plus loin. Le chiffre proposé dans le présent amendement, qui correspond à la moitié des bénéfices non commerciaux moyens des médecins en 2016 paraît, à la fois, attractif et raisonnable.
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Cardoux, Mme Morhet-Richaud, M. Huré, Mme Puissat, M. Bascher, Mmes Micouleau, Bruguière et Deseyne, M. Charon, Mmes Deromedi, Di Folco et Procaccia, MM. Morisset et Mouiller, Mme Lopez, M. Brisson, Mmes Bonfanti-Dossat, Lassarade et Estrosi Sassone, MM. Calvet et del Picchia, Mmes Delmont-Koropoulis et Duranton, MM. Kennel, Pierre, Schmitz, Retailleau, B. Fournier, Cuypers, J.M. Boyer, Chaize et Bouchet, Mmes F. Gerbaud et Imbert, M. Saury, Mmes L. Darcos et Garriaud-Maylam, MM. Priou et Lefèvre, Mme M. Mercier, MM. Pointereau et Revet, Mme Gruny, MM. Dufaut et Mayet, Mmes Thomas, Bories et Deroche, MM. Regnard, Gilles, Rapin, de Nicolaÿ, Chatillon, Husson, Laménie, Darnaud et Genest, Mmes Lanfranchi Dorgal et Lamure et MM. Sido et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 161-22-1 A du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 161-22-1 … ainsi rédigé :
« Art. L. 161-22-1 – L’article L. 161-22 ne fait pas obstacle à l’exercice par un médecin retraité d’une activité de remplacement dans une zone définie sous-dense par l’agence régionale de santé pour une durée cumulée n’excédant pas vingt-quatre mois. Les revenus perçus par le médecin retraité au titre de son activité de remplacement sont exonérés de la totalité des cotisations sociales et de retraite dès lors qu’ils n’excèdent pas 90 000 euros annuels. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Madame la ministre, avec mon collègue Yves Daudigny, je vous avais présenté il y a quelque temps un rapport sur la désertification médicale, dans lequel nous formulions un certain nombre de propositions. À notre grande satisfaction, vous avez fait avancer les choses ; je citerai ainsi la pratique des auxiliaires médicaux et la tarification de la télémédecine.
Nous avions aussi proposé d’exonérer de charges sociales – je signale d’ailleurs une erreur de rédaction figurant dans l’amendement : il s’agit bien de charges sociales, et non fiscales – les médecins retraités qui reprennent une activité partielle, dans la mesure où ces cotisations ne produisent pas de retraite.
Vous avez porté, au 1er janvier dernier, à 40 000 euros le plafond en deçà duquel les médecins retraités reprenant une activité partielle ne payaient pas de cotisations à une caisse de retraite. Cette mesure, qui va dans le bon sens, est néanmoins insuffisante compte tenu du besoin urgent qui existe dans les territoires, notamment ruraux.
L’amendement que je présente est tout à fait voisin du précédent. En portant le plafond à 90 000 euros, nous espérons frapper un grand coup, afin d’inciter les médecins retraités à reprendre une activité partielle et à accompagner de jeunes médecins qui souhaiteraient exercer en milieu rural. Ce plafond est élevé, car il représente la contrepartie de la limitation de cette possibilité à vingt-quatre mois, durée qui permet de reprendre une activité et de donner un « coup de collier » pour le suivi d’un jeune médecin. Je considère que ce coût est relativement limité.
Le plafond de 50 000 euros ne nous a pas paru suffisamment incitatif, contrairement à celui de 90 000 euros pendant vingt-quatre mois. Par ailleurs, cette mesure favorisera l’activité dans les territoires ruraux.
Nous avons beaucoup parlé d’agriculture, notamment de maraîchage. Si nous voulons maintenir l’activité dans les territoires ruraux, il faut impérativement que des médecins s’y installent. C’est une solution parmi des dizaines d’autres, mais elle mérite d’être retenue.
M. le président. L’amendement n° 168 rectifié quater, présenté par MM. Longeot et Détraigne, Mmes Vullien et Loisier, M. Médevielle, Mme Goy-Chavent, MM. Le Nay, Maurey, Cigolotti et Kern, Mme Vermeillet, M. Janssens, Mme Férat, M. Louault, Mme Guidez, M. Delahaye, Mme Gatel, M. Delcros, Mme de la Provôté, M. Moga, Mmes Morin-Desailly et Vérien, MM. Lafon, Marseille et Henno et Mme Létard, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 642-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont exonérés par moitié du paiement des cotisations citées à l’article L. 642-1, les médecins bénéficiant de leur retraite qui continuent à exercer leur activité ou qui effectuent des remplacements en zone en tension. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Les dispositions de cet amendement vont dans le même sens que celles des deux précédents.
On consacre beaucoup d’énergie et de réflexion à la question des déserts médicaux. Ont été mis en place, outre les maisons de santé, un certain nombre de dispositifs. Le Gouvernement préconise également de lever le numerus clausus.
On constate qu’aujourd’hui un peu plus de trois millions de nos concitoyens ne se font pas soigner, non parce qu’ils n’ont pas de couverture sociale ou de mutuelle, mais tout simplement parce qu’ils n’ont pas de médecin. Il y a donc des praticiens qui poursuivent leur activité après l’âge du départ en retraite et qui parviennent ainsi à maintenir un léger équilibre en termes de couverture médicale dans les territoires. Il me semblerait intéressant de les exonérer partiellement des cotisations liées à la retraite.
On me rétorquera que l’on cotise à un régime de retraite non pour soi-même, mais pour ceux qui prendront leur retraite après nous. C’est évident, mais je crois qu’il est important de faire ce geste pour maintenir une offre de soins intéressante sur l’ensemble du territoire. Je ne suis pas certain que ce dispositif soit très coûteux ; il rendrait, en revanche, de grands services.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Si ces amendements ne sont pas tout à fait identiques, ils ont tous trois été inspirés par une proposition émanant de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS.
Les auteurs de l’amendement n° 168 rectifié quater du groupe Union Centriste ne prévoient pas de plafond pour ces exonérations. Ceux de l’amendement n° 128 rectifié quater prévoient un plafond de 50 000 euros, et ceux de l’amendement n° 7 rectifié, les plus généreux, un plafond de 90 000 euros.
La commission ayant décidé de soutenir l’amendement n° 7 rectifié présenté par M. Jean-Noël Cardoux, je demande aux auteurs des deux autres amendements de bien vouloir les retirer.
M. Charles Revet. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Nous avons déjà eu ce débat important l’année dernière. Il s’agit de favoriser la poursuite de l’activité de certains médecins généralistes qui souhaiteraient partir à la retraite ou reprendre une activité, en leur donnant la possibilité du cumul emploi-retraite.
L’an passé, nous avons, par arrêté, quadruplé le plafond du cumul emploi-retraite, en le faisant passer de 11 000 euros à 40 000 euros de revenus annuels, soit 3 600 euros par mois. Vous proposez d’augmenter ce plafond, et je l’entends, mais le cadre réglementaire existe d’ores et déjà, puisque, encore une fois, nous l’avons prévu par voie réglementaire.
Le présent débat est la conséquence du rapport des délégués nationaux à l’accès aux soins, votre collègue Mme Élisabeth Doineau et M. le député Thomas Mesnier, qui, lors du périple qu’ils ont effectué afin de trouver quelles mesures pourraient favoriser la persistance de temps médical dans les territoires sous-dotés, ont fait émerger cette proposition d’une augmentation du plafond du cumul emploi-retraite.
Il convient de ne pas fragiliser la Caisse autonome de retraite des médecins de France, la CARMF. Nous vous proposons donc de réfléchir avec l’ensemble des professionnels à une augmentation de ce plafond. Aussi, dans la mesure où il existe déjà un cadre législatif, nous demandons le retrait des amendements.
Le Gouvernement s’engage cependant à augmenter ce plafond, tout en ouvrant le débat sur l’équilibre de la Caisse.
Un plafond de 90 000 euros de cumul emploi-retraite a été proposé. On parle là de médecins qui cumuleraient, avec leur retraite, 90 000 euros de revenus par an, c’est-à-dire quasiment 8 000 euros par mois en plus de leur retraite. (M. René-Paul Savary fait un signe de dénégation.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Non, il s’agit de revenus annuels !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Des médecins généralistes de secteur 1 ne sont pas fréquemment dans ce cas, malheureusement pour eux, dirais-je !
Je demande, encore une fois, le retrait des trois amendements. Je le répète, le Gouvernement proposera aux professionnels d’ici à la fin de l’année une augmentation du plafond, puisqu’il s’y est engagé.
M. le président. Monsieur Brisson, l’amendement n° 128 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Max Brisson. Non, monsieur le président, avec l’accord de Vincent Segouin, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 128 rectifié quater est retiré.
Monsieur Longeot, l’amendement n° 168 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Jean-François Longeot. Cet amendement est différent des deux autres. S’il ne tend pas à prévoir un plafond, il vise toutefois à proposer une exonération partielle des cotisations de retraite, ce qui est important.
Nous avons rencontré un certain nombre de professionnels, notamment les représentants de l’Ordre des médecins, qui mène également une réflexion sur ce sujet.
Encore une fois, ce geste serait important ; aussi, je souhaite maintenir mon amendement. Peut-être sera-t-il sans objet si celui de Jean-Noël Cardoux est adopté, mais, quoi qu’il en soit, ces propositions ne sont pas identiques : nous visons, quant à nous, je le répète, une exonération des cotisations salariales relatives à la retraite.
Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.
Mme Nadia Sollogoub. Je suis étonnée de votre réponse, madame la ministre.
En effet, pour en revenir à l’amendement de Jean-François Longeot, une mesure d’exonération partielle des cotisations de retraite est d’ores et déjà prévue à l’article 22 de la loi montagne du 28 décembre 2016, qui dispose : « L’article L. 642-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé : Sont exonérés par moitié du paiement des cotisations mentionnées à l’article L. 642-1 les médecins bénéficiant de leur retraite qui continuent à exercer leur activité ou qui effectuent des remplacements en zone de montagne. Les médecins bénéficient de cette exonération s’ils exercent dans une zone de montagne caractérisée par une offre de soins insuffisante ou des difficultés dans l’accès aux soins, mentionnée à l’article L. 1434-4 du code de la santé publique. »
À chaque fois que nous vous avons rencontrée, madame la ministre, vous nous avez indiqué que la pénurie de médecins s’étendait désormais à l’ensemble du territoire national et qu’il n’existait plus de zones dans lesquelles les patients accédaient facilement aux soins. Je ne vois donc pas pourquoi cette mesure ne pourrait pas, dans un esprit d’égalité, être élargie à l’ensemble du territoire.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Les auteurs de ces amendements posent la question du cumul emploi-retraite, sur lequel il va nous falloir réfléchir. Nous sommes tout de même à l’aube d’une réforme systémique des retraites ! Cette situation des médecins à la retraite susceptibles de continuer à travailler est une bonne illustration d’un dispositif en passe d’être modifié.
Aujourd’hui, le médecin retraité qui travaille paie des cotisations qui ne lui apportent aucune prestation supplémentaire. Tel est le système, que nous connaissons, de retraite par répartition à prestations définies. Demain, avec le régime de retraite par points qui est proposé – il a été esquissé par le Gouvernement et par le Haut-commissaire à la réforme des retraites –, on passera à un système à cotisations définies : à tout euro cotisé correspondra une prestation.
Le système actuel de retraite repose sur une solidarité dite « implicite » : les cotisations acquittées ne rapportent rien, mais servent à assurer la solidarité avec les autres pensionnés. Il faudra bien poser le problème ! Il convient, dès à présent, d’ancrer un certain nombre de dispositifs.
On peut penser que la loi ne sera pas plus avantageuse qu’aujourd’hui. Si l’on n’ancre pas ces dispositifs, il n’y aura pas d’amélioration, demain, pour ce qui concerne le cumul emploi-retraite. C’est la raison pour laquelle je soutiendrai les amendements proposés.
Madame la ministre, je profite de cette occasion pour vous interroger sur une mesure que vous aviez présentée l’an dernier, lorsque nous avions discuté de la désertification : la cotisation des médecins remplaçants à la CARMF en vue d’améliorer leur couverture sociale.
Comment cette mesure s’est-elle traduite dans les territoires ? En raison du montant prohibitif de cette cotisation, qui s’élève à 3 000 euros, les étudiants ne se sont pas inscrits à la Caisse et n’ont pas effectué de remplacements. Il y a donc encore moins de médecins remplaçants pendant la saison estivale et lors des congés des médecins.
Il faut donc être attentif aux mesures que l’on prend ! Celle qui est proposée, on sait qu’elle marche. Aussi, mieux vaudrait élargir la mesure existante, plutôt que de créer des dispositifs dont l’intérêt n’a pas été démontré.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. J’apporte mon soutien à l’amendement présenté par Jean-Noël Cardoux. En d’autres circonstances, j’avais déposé des amendements de même nature, qui n’avaient pas prospéré.
Je suis de ceux qui pensent que des mesures coercitives visant à l’obligation ou à l’interdiction d’installation sur certains territoires ne sont pas applicables dans la société que nous connaissons. Elles seraient, en tout état de cause, très mal acceptées par les jeunes qui achèvent leurs études médicales.
Vous avez présenté, madame la ministre, un panel de mesures qui sont aujourd’hui appliquées dans les territoires et qui complètent les dispositifs mis en place par le précédent gouvernement.
La mesure qui permet aux médecins retraités de travailler sur une période plus longue peut certainement améliorer la situation pendant une période transitoire, en attendant que des dispositifs plus importants ne produisent leurs effets et que les déserts médicaux ne viennent à disparaître.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je suis favorable à ces trois amendements, qui sont cependant différents.
L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Jean-Noël Cardoux, vise à prévoir un plafond d’exonération de 90 000 euros, et l’amendement n° 128 rectifié quater de Vincent Segouin un plafond de 50 000 euros. L’amendement n° 168 rectifié quater de Jean-François Longeot est encore différent : lorsqu’un médecin retraité perçoit des revenus au titre de remplacements, il devra acquitter des cotisations de retraite, alors que sa retraite est liquidée et que sa pension n’augmentera plus.
Il convient de retenir l’amendement de Jean-François Longeot, qui est modeste, puisqu’il ne vise qu’une exonération partielle de cotisations sociales, tandis que les deux autres vont plus loin. Cette mesure, déjà prévue pour les zones de montagne, pourrait être étendue à l’ensemble du territoire.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Nadia Sollogoub a rappelé que cette exonération était déjà applicable aux zones de montagne. Il est vrai que l’on applique à ces territoires de nouveaux dispositifs plus facilement qu’à d’autres zones défavorisées. Il est temps d’étendre cette mesure.
Je voterai donc l’amendement n° 7 rectifié de Jean-Noël Cardoux. Une lecture attentive montre que le plafond de 90 000 euros correspond au chiffre d’affaires, non pas au bénéfice, et aux revenus perçus, non pas forcément aux revenus nets. Déduction faite des cotisations et des charges, ce sera sans doute un peu différent…
Comme mon collègue Hervé Maurey, j’ai toujours été une fervente partisane des mesures coercitives. Depuis plus de dix ans, nous avons voté en ce sens dans cet hémicycle, mais nous avons compris qu’il n’existait malheureusement aucune baguette magique législative permettant d’installer des médecins en zone rurale.
Les dispositifs que vous avez mis en place, madame la ministre, sont extrêmement importants. Ils seront très bien complétés par les dispositions de ces amendements. Il faudra donner ce signal, car il est important, et faire en sorte qu’il demeure dans le texte définitif – ce n’est pas là le moindre des défis à relever.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.
Mme Véronique Guillotin. Au travers de ces amendements, c’est le problème de la désertification médicale que nous essayons de régler, ou tout au moins d’atténuer.
La proposition que vous nous faites de travailler plus en profondeur sur les retraites est intéressante, madame la ministre, même si l’on pourrait aussi évoquer les situations des médecins non titulaires de thèse et des médecins remplaçants.
Cela a été dit, les jeunes médecins renoncent aujourd’hui aux gardes, aux astreintes et aux remplacements ; économiquement, les internes qui n’ont qu’un petit salaire n’y ont plus intérêt. Les prélèvements ne les incitent pas à effectuer des remplacements, et il y a donc moins de médecins dans les territoires.
Un troisième sujet pourrait être ajouté à la réflexion globale, celui du double cabinet, dispositif qui permet à des médecins ayant un cabinet principal d’exercer dans les territoires sous-dotés.
Ces réflexions prendront du temps. Or il y a aujourd’hui urgence. Mon groupe est plutôt d’avis de soutenir dans un premier temps, dans le cadre du PLFSS, les amendements de MM. Cardoux et Longeot, au motif qu’il s’agit de mesures d’urgence.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. J’ai un regret : la première fois que le Sénat a voté en faveur de l’exonération des cotisations de retraite dans le cadre du cumul emploi-retraite, c’était en 2014. Cela fait tout de même quatre ans ! Nous en avons parlé de nouveau l’année dernière, mais aucun dispositif satisfaisant n’émerge, ce qui est dommage.
Je voterai ces amendements tout en ayant à l’esprit qu’il faudra modifier les règles, puisque nous allons changer de système de retraite. Je les voterai, car, à l’heure actuelle, l’incitation est insuffisante. Bien que cela soit difficile à évaluer, il y a probablement un gisement de temps médical mal exploité. J’entends bien, cependant, ce que dit Mme la ministre sur les niveaux actuels autorisés, qui sont relativement élevés.
Véronique Guillotin a eu raison de rappeler que la caisse de retraite des médecins n’incitait pas à l’activité des jeunes médecins remplaçants. Ce problème aussi n’a que trop duré, et il ne sera pas réglé dans la réforme des retraites.
Sur la question du travail et de l’incitation à l’activité des médecins retraités, il faudra que la future réforme des retraites intègre un dispositif adapté. Il s’agit d’anticiper le fait que les médecins souhaiteront continuer, pour différentes raisons, tenant notamment à leur bonne forme physique et à leur envie de ne pas cesser brutalement de travailler, à exercer leur profession, par exemple à temps partiel ou de façon décroissante. Ils doivent être incités à le faire aussi longtemps qu’ils le souhaitent.