M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je suis presque étonné de la proposition du Gouvernement ! Il y a plusieurs mois, le texte relatif à l’asile et à l’immigration – mauvaise formulation, d’ailleurs – arrivait devant le Sénat. J’étais alors, je l’avoue, favorable à la recherche de solutions permettant d’éviter l’extraction, parmi lesquelles, éventuellement, la visioconférence. J’ai d’ailleurs cru comprendre qu’à la fin de notre débat, le ministre s’était plus ou moins rallié à la position selon laquelle la visioconférence est en fin de compte compliquée et assez dangereuse ; on en reste donc au vis-à-vis avec le magistrat.
Par ailleurs, de moi-même ou du fait de mes fonctions antérieures de rapporteur spécial chargé de l’immigration au sein de la commission des finances, j’ai effectué un certain nombre de visites dans des centres de rétention. Sincèrement, tous les policiers et les gendarmes que j’y ai rencontrés m’ont confié que l’extraction leur prenait beaucoup de temps : ce n’était pas possible de continuer ainsi !
Je me suis pourtant laissé convaincre par l’argumentation développée en séance qui a conduit à ne pas faire figurer ce dispositif dans le texte consacré à l’immigration.
C’est pourquoi je ne comprends pas très bien comment, pour faire écho aux propos de M. le rapporteur, si l’on ne peut pas prendre le risque, dans le cas de l’immigration, de mettre quelqu’un en rétention pour dix jours, quinze jours, trois semaines au plus sans comparution directe, on pourrait prendre ce risque pour l’ensemble des citoyens, dans tous les cas de délinquance, et pour des durées de détention provisoire beaucoup plus longue !
Il y a là selon moi quelque chose d’incohérent. Soit l’on dit que la visioconférence est dangereuse, représente un vrai risque constitutionnel et est donc impossible – auquel cas, n’en parlons plus, et tenons-nous en au vis-à-vis avec le juge ! –, soit l’on dit qu’il n’y a aucun risque. Dans ce cas, pourtant, je ne comprends pas pourquoi on n’appliquerait pas ce dispositif de manière globale ; or on ne l’a pas fait, et tout le monde s’est laissé convaincre des dangers de ce dispositif lors de l’examen des textes précédents.
Pour ma part, je pense qu’il n’y a pas de solution miracle. Certes, je sais le poids que représente l’extraction pour la police, la gendarmerie et les magistrats, mais peut-être faut-il en rester à la solution actuelle.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je veux répéter ce que nous proposons par le biais de cet amendement : il s’agit de mettre en place le système de visioconférence uniquement pour le renouvellement de la détention provisoire, et non pour le premier placement. Pour celui-ci, je comprends tout à fait qu’il faille un vis-à-vis, un contact physique avec le juge ; cela, nous en convenons.
Simplement, pour le renouvellement de la détention provisoire, nous désirons pouvoir passer outre le manque d’accord de la personne prévenue. Évidemment, si le magistrat souhaite que celle-ci vienne devant lui, cela pourra se faire, on ne le lui interdira pas. En revanche, dans certains cas, le magistrat pourra passer outre.
Par ailleurs, monsieur Karoutchi, peut-être ne nous sommes-nous pas bien compris : vous avez voté en faveur d’une telle disposition au sein de la loi Asile et immigration, et cela a été acté dans la loi ! Là aussi, dans certains cas, nous pouvons passer outre le refus.
En somme, premièrement, il s’agit uniquement de la prolongation de la détention, et deuxièmement, ce mécanisme est déjà prévu pour le placement d’étrangers en rétention ; je ne vois pas très bien quelle est la différence avec la situation qui nous préoccupe en cet instant.
Troisièmement, ce qui est important dans la mise en œuvre de ce dispositif de visioconférence, c’est évidemment la qualité du parc : si vous ne voyez pas la personne avec laquelle vous communiquez par visioconférence, cela pose problème ! Or nous sommes en train d’améliorer considérablement le parc de la visioconférence, de sorte qu’il n’y ait plus de difficultés. C’est un point important.
Quatrièmement, ce système fonctionne déjà. J’étais récemment en Guyane : vous n’ignorez pas les impossibilités physiques qu’il y a à communiquer dans ce territoire… (Mme Éliane Assassi s’exclame.) C’est la réalité !
Mme Éliane Assassi. C’est la réalité de la Guyane !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Ces impossibilités physiques font que la visioconférence est utilisée en permanence ; or on n’a pas le sentiment qu’il y a là violation de droits majeurs.
Voilà pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je soumets cet amendement à votre vote.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la garde des sceaux, j’avoue que mes références sont peut-être trop simplistes, mais je veux tout de même rappeler que nos lois pénales prévoient sept motifs pour une détention préventive – chacun les connaît bien – et, notamment, le risque que la personne s’éloigne, le risque pour l’ordre public, ou encore le risque que l’intéressé fasse pression sur d’autres personnes mêlées à l’affaire, auquel cas la bonne tenue de l’enquête justifie cette détention provisoire.
Je crois profondément que la distinction que vous faites entre la première mise en détention et le renouvellement de la détention provisoire est très contestable. Au fond, pour ce qui est de la première décision, on peut avoir une appréciation qui justifierait que la procédure soit relativement plus souple que pour la prolongation. Celle-ci, en quelque sorte, est plus grave que la mise en détention. En effet, quand vous avez été deux mois en détention provisoire et qu’on renouvelle celle-ci pour plusieurs mois supplémentaires, cette détention prend une autre tournure : c’est presque une peine qui s’applique sans le nom.
Je ne vois donc pas pourquoi la procédure devrait être plus souple pour le renouvellement que pour la première mise en détention provisoire. Je dirais même que, si l’on devait distinguer entre les deux décisions, il faudrait que la procédure soit plus souple pour la première mise en détention que pour la décision de prolongation. C’est d’ailleurs ce que la commission des lois a souhaité. Voilà pourquoi mes collègues rapporteurs ont émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je ne partage pas le raisonnement de M. le président de la commission, tout en ayant beaucoup de respect pour la manière dont il l’a énoncé.
En effet, selon moi, dans le cadre d’une détention provisoire, c’est tout de même le premier contact entre le juge et la personne soumise à cette mesure qui est le plus important : c’est à cette occasion que se mesurent l’ampleur de l’infraction commise et la réalité des motifs pour lesquels on place l’intéressé en détention provisoire.
Monsieur le président de la commission, nous ne parlons pas d’un renouvellement unique, qui serait plus grave que la première mise en contact du juge et du prévenu, mais de renouvellements réitérés à intervalle régulier. Les décisions de renouvellement du juge interviendront à plusieurs reprises. On peut dès lors estimer que, ce qui compte, c’est le premier contact, la première décision de mise en détention provisoire, parce que c’est là qu’est appréciée la réalité des critères imposant la détention provisoire. Je maintiens donc cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Nous ne suivrons pas la position du Gouvernement, pour les raisons que je vais exposer.
Chacun est sensible à la situation, et nous comprenons bien ce que Mme la garde des sceaux vient de nous expliquer. Il est vrai que c’est au moment du premier placement en détention que l’examen le plus approfondi est réalisé, parce qu’il se pose alors un vrai choix pour le magistrat : faut-il, ou non, permettre à la personne qu’on a devant soi de rester en liberté ? C’est pourquoi de nombreuses vérifications sont alors faites.
La difficulté qui demeure, madame la ministre, c’est le risque de facilité. Lorsque la personne ne sera pas devant le juge et que l’enquête sera toujours en cours, dès lors qu’il n’y aura plus cette capacité de dialogue réel, de présence du prévenu et de son avocat, de solliciter des vérifications, il y a fort à parier – nous pourrons en faire le bilan dans quelque temps – que la reconduction de la détention provisoire sera faite mécaniquement.
Pour avoir vécu de telles situations en tant qu’avocat, je sais combien cet enjeu est réel : c’est bien la présentation devant le juge qui fait la réalité de l’échange et donc celle des droits de la défense !
M. le président. L’amendement n° 345, présenté par MM. Buffet et Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 22
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article 884 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase, le mot : « premier » est remplacé par le mot : « deuxième » ;
2° À la troisième phrase, les mots : « cinquième et septième » sont remplacés par les mots : « sixième et huitième ».
La parole est à M. le corapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 346, présenté par MM. Buffet et Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
1° Alinéa 25, première phrase
Remplacer le mot :
accusé
par le mot :
avis
2° Alinéa 27, première phrase
Remplacer le mot :
accusé
par les mots :
demande d’avis
La parole est à M. le corapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 35, modifié.
(L’article 35 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 35
M. le président. L’amendement n° 270 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme Costes, MM. Guérini, Guillaume et Gabouty, Mme Jouve, MM. Menonville, Requier, Roux et Vall et Mme Laborde, est ainsi libellé :
Après l’article 35
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal est ainsi rédigé :
« N’est pas pénalement responsable la personne qui est réputée avoir été atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli ou gravement altéré son discernement ou empêché l’exercice de sa volonté sur le contrôle de ses actes. Des soins psychiatriques adaptés lui sont apportés. »
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Les personnes malades ou handicapées psychiques sont aujourd’hui surreprésentées en prison au regard de leur proportion dans la population totale. Certes, des maladies psychiques liées à l’enfermement sont développées en incarcération, mais l’incarcération est également la conséquence de ces maladies psychiques puisqu’il est rare que les responsabilités soient reconnues.
Dans sa rédaction actuelle, l’article 122-1 du code pénal établit en effet une distinction théorique entre l’abolition du discernement et du contrôle des actes d’une personne et l’atténuation du discernement ou entrave au contrôle de ses actes.
Dans le premier cas, cela se traduit par la reconnaissance d’une irresponsabilité pénale, mais dans le second cas la responsabilité pénale peut être engagée, avec une adaptation des peines prononcées le cas échéant.
Si cette distinction est satisfaisante sur le plan théorique, dans la pratique il apparaît qu’elle reste difficile à établir par les neuroscientifiques et les psychiatres, en particulier concernant les états de crise des personnes malades psychiques. Il existe un consensus pour préciser que, dans ces cas – crise d’hallucinations, violentes angoisses, sentiment de persécution, etc. –, la capacité d’exercer sa pleine volonté dans le contrôle de ses actes est particulièrement affectée, en plus du discernement.
Le présent amendement tend donc à préciser les circonstances dans lesquelles l’irresponsabilité pour trouble psychique ou neuropsychique peut-être constatée.
De façon plus globale, une réflexion approfondie sur les failles du système actuel de prise en charge de ces personnes doit être conduite, en particulier dans un contexte de surpopulation carcérale. Cet amendement vise explicitement à ouvrir ce débat, qui pourra s’appuyer sur l’excellent rapport d’information récemment réalisé par plusieurs de nos collègues sur la situation de la psychiatrie des mineurs en France.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Il s’agit bien sûr d’un sujet extrêmement important. L’irresponsabilité pénale, dont les principes viennent d’être rappelés, existe dès lors que l’altération psychologique de la personne qui a commis l’infraction est totale.
Le présent amendement tend à interroger le caractère souhaitable ou non du placement en détention des personnes dont l’altération psychologique n’est que partielle. Si ce placement est possible, il est certain qu’il pose une difficulté réelle.
Je rappelle que la législation a évolué, puisque, depuis 2011, les personnes qui sont victimes d’altération psychologique partielle peuvent voir leur responsabilité pénale engagée. S’il appartient au juge de déterminer à quel niveau et d’adapter la peine à chaque cas particulier, on ne peut exclure la possibilité d’un placement en détention.
La commission des lois estime que si la problématique soulevée est réelle, elle mérite d’être analysée de manière beaucoup plus approfondie, afin d’adapter la législation, sans exclure d’emblée un possible placement en détention.
La solution réside vraisemblablement dans les conditions de la détention. Nous avons pu constater à l’occasion d’autres travaux que les personnes incarcérées souffrant de difficultés psychologiques, voire de troubles psychotiques, sont de plus en plus nombreuses. Il nous faut trouver les moyens de traiter l’exécution de la peine, ou de prendre en compte ces situations particulières avant le prononcé de la peine.
C’est pourquoi, à ce stade, la commission des lois est plutôt défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame Laborde, je suis également défavorable à l’amendement que vous défendez, non pas évidemment pour la réflexion que vous souhaitez lancer sur ce sujet, qui me tracasse beaucoup – nous avons déjà eu l’occasion d’en parler –, mais pour les deux raisons que je vais développer.
Sur la forme, le présent projet de loi porte sur la procédure pénale. Il s’agit certes d’un argument purement formel, mais nous ne traitons pas du fond.
Sur le fond, dans la situation actuelle, le trouble grave du discernement justifie une diminution de la peine, comme le Sénat l’a d’ailleurs réaffirmé en adoptant la loi Taubira de 2014, mais non une totale irresponsabilité pénale, qui n’est justifiée qu’en cas d’abolition du discernement, autrement dit d’altération totale du discernement.
Sans doute faut-il approfondir la réflexion, comme l’a suggéré M. le corapporteur, mais, dans la situation actuelle, je souhaite que nous en restions aux dispositions en vigueur. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Madame Laborde, l’amendement n° 270 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Non, je vais le retirer, d’autant qu’un travail a été entrepris sur ce sujet au travers du rapport Amiel et par d’autres collègues encore. Mais nous reviendrons en deuxième semaine, si j’ose dire, madame la garde des sceaux ; vous pouvez compter sur nous !
Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 270 rectifié est retiré.
L’amendement n° 271 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme Costes, MM. Gabouty, Guérini, Guillaume, Menonville, Requier, Roux et Vall et Mme Laborde, est ainsi libellé :
Après l’article 35
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 132-41 du code pénal, il est inséré un article L. 132-41-… ainsi rédigé :
« Art. 132-41-… – Lorsque la santé mentale de la personne condamnée est reconnue comme sujette à des altérations identifiées, la juridiction peut décider que le sursis probatoire consiste en un suivi renforcé pluridisciplinaire et évolutif comprenant une obligation de soins psychiatriques faisant l’objet d’un suivi régulier par le service pénitentiaire d’insertion et de probation visant à fournir à la personne les meilleures chances d’améliorer sa santé et de pouvoir ainsi se réinsérer au sein de la société. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Dans le même esprit que le précédent, cet amendement vise à souligner que les personnes atteintes de maladies psychiques n’ont pas leur place en prison.
Selon l’Observatoire international des prisons, près de 17 000 détenus en France présentent des troubles et des maladies psychiatriques. C’est plus que le nombre de places que le Gouvernement s’était engagé à construire. En outre, en détention pénitentiaire, à l’exception des unités hospitalières spécialement aménagées, les UHSA, seuls des soins ambulatoires limités aux jours ouvrables et aux horaires de bureau sont dispensés aux malades volontaires.
C’est pourquoi le présent amendement vise à développer, parmi les mesures alternatives à l’emprisonnement, le sursis probatoire incluant l’observance de soins psychiatriques adaptés. Cette mesure permettrait de favoriser l’insertion ou la réinsertion des personnes et de prévenir le risque de récidive.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Ce sujet est également très important. Permettez-moi d’indiquer que, dans le droit positif, le suivi socio-judiciaire et l’accompagnement des personnes souffrant de ce type de troubles dans le cadre de la probation sont déjà assurés. Dans le texte de la commission, nous proposons d’ailleurs une redéfinition de l’échelle des peines visant notamment l’autonomisation de la peine de probation, dont nous espérons qu’elle deviendra une peine principale.
Cet amendement étant satisfait par le droit positif, j’en sollicite le retrait ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je souscris aux propos de M. le corapporteur.
Monsieur Requier, nous nous heurtons actuellement à de grandes difficultés en matière de soins psychiatriques en détention. Mme la ministre des solidarités et de la santé et moi-même avons entamé un travail sur ce sujet. Celui-ci sera alimenté par le rapport sur la prise en charge des soins psychiatriques qui nous sera remis dans les semaines à venir.
Comme vous le savez, actuellement les soins psychiatriques sont pris en charge soit dans les prisons par les services médico-psychologiques régionaux, les SMPR, soit par les UHSA, qui sont au fond des prisons dans l’hôpital.
Les difficultés – ce n’est pas nouveau, vous le savez – tiennent premièrement au manque de personnel médical dans le domaine psychiatrique, deuxièmement au manque de places – ce point relève de mon ministère, et il sera intégré dans les programmations pour les établissements pénitentiaires – et troisièmement à la nature des soins et à ce que peuvent faire les personnels médicaux dans les prisons.
En effet, si un détenu placé en hôpital psychiatrique a l’obligation de suivre les thérapies qui lui sont proposées, il peut les refuser à son retour en détention trois ou quatre jours plus tard. Cela entraîne des ruptures de soins problématiques. Je souhaiterais que nous puissions faire évoluer les choses, car il s’agit d’un sujet très sensible.
Ces différents chantiers ne répondent pas directement à l’objet de votre amendement, monsieur le sénateur, mais ils me semblent correspondre à la réalité des difficultés que nous rencontrons.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Permettez-moi d’apporter un complément d’information à Mme la garde des sceaux, ou du moins d’insister sur ce qu’elle sait déjà.
En juin dernier, j’ai organisé au Sénat un colloque réunissant des psychiatres, des personnels de santé et des personnels pénitentiaires. Ils ont été nombreux à insister sur le fait que, à défaut de places dans les hôpitaux psychiatriques, on place actuellement de nombreux détenus souffrant de troubles psychiatriques en prison, et que cette situation est ingérable.
Telle fut la conclusion de cet après-midi de débats. Il me semble qu’il faut faire quelque chose pour régler ce problème.
M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 271 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. En écoutant le débat, je constate que l’on manque de places partout !
Nous sommes heureux d’avoir versé notre contribution à cette réflexion. À présent, en coordination avec mes collègues, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 271 rectifié est retiré.
Sous-section 3
Dispositions relatives à la clôture et au contrôle de l’instruction
Article 36
I. – L’article 84-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les références : « les articles 161-1 et 175 » sont remplacées par la référence : « l’article 161-1 » et, à la fin, les mots : « ces articles » sont remplacés par les mots : « cet article » ;
2° Le dernier alinéa est supprimé.
II. – L’article 175 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 175. – I. – Aussitôt que l’information lui paraît terminée, le juge d’instruction communique le dossier au procureur de la République et en avise en même temps les avocats des parties ou, si elles ne sont pas assistées par un avocat, les parties. L’avis est notifié, soit verbalement avec émargement au dossier, soit par lettre recommandée. Lorsque la personne est détenue, il peut également être notifié par les soins du chef de l’établissement pénitentiaire, qui adresse sans délai au juge d’instruction l’original ou la copie du récépissé signé par l’intéressé.
« II. – Le procureur de la République dispose alors d’un délai d’un mois si une personne mise en examen est détenue ou de trois mois dans les autres cas pour adresser ses réquisitions motivées au juge d’instruction. Copie de ces réquisitions est adressée dans le même temps par lettre recommandée aux avocats des parties ou, si elles n’ont pas d’avocats, aux parties.
« III. – Dans un délai de quinze jours à compter de l’envoi de l’avis prévu au I du présent article, les parties peuvent faire connaître au juge d’instruction, selon les modalités prévues à l’avant-dernier alinéa de l’article 81, qu’elles souhaitent exercer l’un ou plusieurs des droits prévus aux IV et VI du présent article.
« IV. – Si elles ont indiqué souhaiter exercer ces droits conformément au III, les parties disposent d’un même délai d’un mois ou de trois mois, selon les distinctions prévues au II, pour :
« 1° Adresser des observations écrites au juge d’instruction, selon les mêmes modalités ; copie de ces observations est alors adressée en même temps au procureur de la République ;
« 2° Formuler des demandes ou présenter des requêtes, selon les mêmes modalités, sur le fondement du neuvième alinéa de l’article 81, des articles 82-1, 82-3, du premier alinéa de l’article 156 et du troisième alinéa de l’article 173, sous réserve qu’elles ne soient pas irrecevables en application des articles 82-3 et 173-1.
« À l’expiration du délai mentionné au II du présent article, les parties ne sont plus recevables à adresser de telles observations ou formuler ou présenter de telles demandes ou requêtes.
« V. – Si les parties ont adressé des observations en application du 1° du IV, le procureur de la République dispose d’un délai de dix jours si une personne mise en examen est détenue ou d’un mois dans les autres cas pour adresser au juge d’instruction des réquisitions complémentaires à compter de la date à laquelle ces observations lui ont été communiquées.
« VI. – Si les parties ont indiqué qu’elles souhaitaient exercer ce droit conformément au III, elles disposent d’un délai de dix jours si une personne mise en examen est détenue ou d’un mois dans les autres cas pour adresser au juge d’instruction des observations complémentaires à compter de la date à laquelle les réquisitions leur ont été communiquées.
« VII. – À l’issue, selon les cas, du délai d’un mois ou de trois mois prévu aux II et IV, ou du délai de dix jours ou d’un mois prévu aux V et VI, le juge d’instruction peut rendre son ordonnance de règlement, y compris s’il n’a pas reçu de réquisitions ou d’observations dans ces délais.
« VIII. – Le III, le 1° du IV, le VI et, s’agissant des requêtes en nullité, le 2° du IV sont également applicables au témoin assisté. »
III. – (Supprimé)
IV. – Au deuxième alinéa de l’article 185 du code de procédure pénale, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « dix ».
V à VII. – (Supprimés)
M. le président. L’amendement n° 35, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’article 36 simplifie le renvoi par le juge d’instruction à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, la CRPC, qui a été instaurée en 2004 afin de désengorger les tribunaux correctionnels.
Cette procédure ne peut être mise en place que sous certaines conditions, notamment la reconnaissance des faits de la part de la personne poursuivie, ce qui en fait une procédure de « plaider-coupable » à la française.
Cependant, depuis la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles, le juge d’instruction a la possibilité de renvoyer, avec l’accord des parties et du ministère public, des faits correctionnels reconnus pour être jugés selon cette procédure.
Cette procédure en vigueur est depuis près de sept ans, mais elle n’est que très peu utilisée – les juges n’y ont recours que pour 1 % des informations judiciaires correctionnelles selon l’étude d’impact du projet de loi, soit environ une centaine de dossiers par an au niveau national –, essentiellement car elle ne correspond pas à un besoin véritable, les informations judiciaires auxquelles elle est susceptible d’être appliquée étant de fait très rares.
La CRPC, mode de jugement dégradé et superficiel, apparaît en effet peu compatible avec le niveau de gravité et de complexité que suppose par principe le recours à une information judiciaire.
Le projet de loi prévoit néanmoins de renforcer ce mode de jugement en permettant au parquet de se dispenser du travail de règlement de la procédure et au juge d’instruction d’éviter la rédaction d’une ordonnance de renvoi motivée – une exigence pouvant pourtant considérée comme une garantie fondamentale dans la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, adoptée à la suite de l’affaire dite « d’Outreau ».
Ainsi est étendu le recours à une procédure dont plus de six ans d’expérience n’ont pas démontré l’utilité et qui est de nature à créer de lourdes difficultés dans les quelques dossiers pour lesquels elle serait utilisée, dans l’espoir de gains de temps tout de même très hypothétiques.
Cette extension ne semble être justifiée que par une foi aveugle, et j’oserai dire quelque peu naïve, dans la procédure de CRPC.