Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question. Vous mentionnez deux belles entreprises, Balsan et Protecop, positionnées respectivement sur les uniformes et les équipements de protection individuelle. Je salue la transformation qu’elles ont su apporter, l’une et l’autre, à leur offre, avec un service sur mesure extrêmement appréciable.
Vous l’avez mentionné, l’une a perdu un marché, ce qui est évidemment une mauvaise nouvelle. La direction des achats de l’État du ministère de l’économie et des finances échange de manière permanente avec les ministères concernés et veille à ce que, même dans un contexte budgétaire contraint, les modalités de choix des fournisseurs tiennent compte au mieux des qualités et spécificités des produits des entreprises concernées et maximisent le recours aux entreprises nationales. Le contexte juridique est néanmoins contraint par les règles des marchés publics et les règles européennes en la matière.
S’agissant de l’entreprise Ascoval, sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir à l’occasion d’une autre question, je puis vous indiquer que les services de mon ministère sont extrêmement présents sur ce dossier. Leur rôle est d’accompagner les propositions de reprise, pour s’assurer qu’elles sont solides et crédibles. C’est bien la phase dans laquelle nous sommes actuellement, avec des projets de reprise qui doivent encore être travaillés, pour faire en sorte que l’avenir de l’entreprise et de ses salariés soit véritablement assuré.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, l’avenir de notre industrie automobile dépendra de sa capacité à innover et à s’adapter au développement du véhicule électrique, mais aussi à prendre en compte les enjeux du développement durable.
C’est pourquoi, madame la secrétaire d’État, je vous interroge sur le bouleversement qui s’annonce et qui sera tout aussi radical que le passage de la machine à vapeur au moteur à explosion.
Je me réjouis de constater que le véhicule électrique va prendre toute sa place, avec une part de marché qui va bondir de 1 % à 30 % d’ici à 2030. Autant dire que les constructeurs, mais également les garagistes, les équipementiers et les pétroliers vont affronter un véritable big bang, une révolution importante pour répondre à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, à la diminution de la dépendance énergétique au pétrole du secteur des transports et à l’amélioration de la qualité de l’air en milieu urbain.
Cette révolution va s’accompagner d’une incroyable révolution économique, puisque, en termes d’emploi automobile, la fabrication d’un véhicule hybride nécessitera, selon les constructeurs, 50 % de temps en plus que pour un véhicule thermique, soit un coût du véhicule plus élevé.
Si les véhicules électriques sont propres, leur fabrication, avec les matériaux qui composent les imposantes batteries et les métaux rares de la partie électronique, ne l’est pas vraiment. En effet, les batteries au lithium des voitures électriques contiennent des matériaux polluants, ce qui implique de proposer leur recyclage, dans le cadre de la protection de l’environnement.
Pour que la voiture électrique soit vraiment intéressante sur le plan environnemental, il est primordial de mettre en place des filières de recyclage des batteries. Aussi, dans le cadre de la mission d’information que j’ai présidée en 2016 sur le devenir des composants des téléphones mobiles, il a été souligné l’insuffisance de la collecte des téléphones inutilisés, puisque 100 millions de téléphones dorment dans les tiroirs des Français. Seuls 15 % des téléphones portables usagés sont collectés.
C’est pourquoi la mission a effectué plusieurs propositions visant à mettre en œuvre une stratégie nationale de recyclage des métaux, en s’inspirant des deux déplacements effectués auprès d’une entreprise de l’économie sociale et solidaire dans les Deux-Sèvres et d’un site industriel de recyclage des métaux précieux à Anvers.
Avons-nous bien prévu la mise en place de filières de recyclage pour les batteries du véhicule électrique ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur Longeot, vous avez absolument raison : nous avons bien identifié le recyclage des batteries comme un enjeu majeur pour le développement de la mobilité électrique.
Les batteries de la mobilité sont notamment constituées de ressources rares – le lithium, le cobalt, le nickel, les terres rares –, peu ou pas produites en Europe.
Les compétences françaises existent, en revanche, dans la R&D et la mise en œuvre du recyclage des batteries. La France est active, en matière de R&D, dans le recyclage des métaux issus des déchets de batteries. Selon l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, 16 % des projets de R&D français sur les métaux critiques traitent du recyclage des batteries, dont 44 % ont trait aux batteries lithium-ion.
Des compétences industrielles nationales existent dans la récupération de métaux critiques, et des compétences de recherche de haut niveau dans la pyrométallurgie et l’hydrométallurgie. Des projets stratégiques sont en cours de définition, notamment dans le cadre du comité stratégique de filière « Mines et métallurgie » du Conseil national de l’industrie. En effet, celui-ci a inscrit dans son contrat de filière le projet structurant de développement d’une filière intégrée du recyclage des batteries lithium. L’enjeu est de faire émerger en France une filière leader dans le recyclage des batteries, utilisant les meilleures technologies disponibles et s’appuyant sur un modèle économiquement soutenable.
Le Gouvernement examine avec intérêt ce projet et soutient la filière de recyclage des batteries de véhicules électriques, tant en amont, dans la R&D, qu’en aval, dans l’accompagnement de l’émergence d’un cluster industriel spécialisé et performant.
Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled.
M. Dany Wattebled. Madame la secrétaire d’État, revenons sur la stratégie de l’État en matière de politique industrielle.
Force est de constater que, depuis quelque temps, la France a perdu une part de sa souveraineté. En effet, avec Alstom, elle a cédé ses turbines et ses réseaux électriques, après avoir vendu ses téléviseurs, son imagerie médicale, son aluminium, son acier et son ciment, ainsi que ses équipements de télécommunication. Vous en conviendrez avec moi : c’est à un véritable démantèlement et à des cessions complètes auxquels nous assistons.
Mais revenons à l’affaire Alstom.
Fleuron de l’industrie française, déjà amputé de sa branche énergie dès 2014, Alstom voit désormais sa branche ferroviaire passer sous pavillon allemand. On nous avait vendu un « Airbus du rail », un « géant européen de la mobilité ». Certes ! Mais, si l’on regarde attentivement, on voit bien qu’Alstom a été finalement bradé à Siemens sur l’autel de l’amitié franco-allemande, et que c’est l’Allemand qui sera le vrai patron du nouvel ensemble, comme l’est le conglomérat américain pour la branche énergie. La vérité est que nous assistons à une braderie des intérêts stratégiques français au profit d’intérêts étrangers.
Nous avons donc manqué l’occasion de créer un Airbus du rail, un groupe fondé sur une relation équilibrée, gagnant-gagnant, qui préserve les savoir-faire, les technologies et les emplois. Rappelons que General Electric avait promis de créer 1 000 emplois. Où sont-ils ?
Avons-nous donc, par le choix malheureux de Siemens, perdu la bataille du rail aux niveaux européen et mondial ? L’avenir nous le dira.
Quel enseignement en tirer ?
D’une part, l’industrie européenne est nécessaire pour peser face aux mastodontes étrangers. D’autre part, il nous faut veiller à l’équilibre dans nos cessions. Soyons vigilants s’agissant des cessions de participations que vous envisagez dans le cadre du projet de loi PACTE, comme celles qui concernent Aéroports de Paris ou Engie.
Ma question est donc la suivante : avec ces cessions, l’État ne se prive-t-il pas de leviers stratégiques de long terme pour sauvegarder son outil industriel ainsi que sa souveraineté nationale ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Dany Wattebled, je vous remercie de votre question.
Il faut comprendre que les cessions que nous réalisons, ou que nous proposons de réaliser, s’agissant d’un certain nombre d’entreprises – je rappelle que le projet de loi PACTE porte autorisation pour l’État de diminuer en dessous d’un certain seuil sa participation au capital d’Aéroports de Paris, de la Française des jeux et d’Engie –, prennent place dans un contexte stratégique qui est très fermement défini, avec, en particulier pour Aéroports de Paris et la Française des jeux, une régulation renforcée, extrêmement précise et surtout protectrice du consommateur.
Nous pourrons réinvestir les produits de ces cessions dans les innovations de rupture. C’est là, bien évidemment, que se situe notre stratégie, qui consiste à repositionner l’action de l’État en orientant notre effort sur les technologies au profit des entrepreneurs et des entreprises.
Deux tiers du fonds pour l’innovation et l’industrie serviront à financer de grands défis, dans les domaines de l’intelligence artificielle, du stockage des énergies, de la mobilité connectée, tous domaines extrêmement importants pour l’avenir de nos entreprises. Un tiers de ce fonds ira à des start-up innovantes et très intenses en recherche technologique.
Là encore, il y va d’un positionnement de nos investissements et de nos priorités sur les enjeux futurs de l’industrie.
Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled, pour la réplique.
M. Dany Wattebled. Créer un fonds de réserve pour le développement de l’industrie du futur, de l’intelligence artificielle par exemple, c’est bien ; mais ce n’est pas en bradant des fleurons de l’industrie française qu’on avancera en matière d’emploi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Mes questions vont en rejoindre deux autres, déjà posées.
Au cours de ses travaux, notre mission d’information a souligné l’intérêt stratégique et opérationnel d’un « actionnariat d’État ». Pour autant, l’intervention capitalistique de l’État doit s’effectuer avec parcimonie, au regard de la situation des finances publiques et aussi des règles européennes.
C’est pourquoi notre mission a estimé qu’il pouvait être souhaitable de redéfinir le niveau des participations de l’État dans certaines entreprises, sans tabou de principe, pour les recentrer, le cas échéant, sur les actifs les plus stratégiques. Mais trois conditions, à notre sens, doivent être posées pour ce faire.
D’une part, le désengagement éventuel de l’État ne doit pas conduire à le priver d’une manne financière durable – cela a été dit plusieurs fois – et à créer du même coup un effet d’aubaine pour des investisseurs privés ; je crois pourtant être plus libérale que certains de mes collègues dans cet hémicycle… (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
En outre, toute réorganisation ou réorientation de l’actionnariat de l’État, qui conduirait notamment à faire perdre à ce dernier la qualité d’actionnaire majoritaire ou d’actionnaire de référence d’une entreprise stratégique, doit intervenir parallèlement à la mise en place de mécanismes d’information, de contrôle et de décision spécifiques, afin qu’il garde des moyens d’action lorsque les intérêts de la Nation sont en jeu. Cela est particulièrement vrai à l’heure où le projet de loi PACTE organise les conditions de la cession des participations de l’État dans Aéroports de Paris et Engie.
D’autre part, il nous semble que les sommes découlant de ces cessions d’actifs ne doivent pas être uniquement réservées au fonds pour l’innovation de rupture ou aux start-up. Il faut pouvoir réinvestir directement dans certaines entreprises aux activités plus classiques, afin de soutenir leur transformation, dans la perspective, notamment, de l’industrie du futur.
Enfin, madame la secrétaire d’État, le Parlement doit être associé sur le long terme et de façon régulière à la définition de la politique actionnariale de l’État, avant que certaines décisions lourdes de cession ou d’investissement ne soient prises.
Sur ces différents points, je souhaiterais vous entendre.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice Sophie Primas, j’ai cru comprendre que vous n’étiez pas défavorable à un rôle plus sélectif de l’État en tant qu’actionnaire. C’est bien l’état d’esprit qui est le nôtre, celui d’une gestion des participations de l’État qui reflète l’importance stratégique respective de chacune des différentes entreprises concernées.
Il s’agit de préserver notre rôle au capital d’entreprises stratégiques, dans le domaine de l’énergie, du nucléaire ou de la défense, par exemple, et dans celui des grands services publics nationaux pour lesquels le rôle de régulateur ne nous semble pas suffisant. Au chapitre de ce qu’il s’agit de préserver, j’ajouterai une capacité d’intervention au capital d’entreprises qui présentent une importance systémique pour l’économie en France.
Sélectivité, donc, mais aussi agilité dans le choix des priorités et dans la capacité à faire évoluer ces priorités, avec, en effet, dans le cas des cessions que nous avons évoquées à l’instant et qui sont proposées dans le cadre du projet de loi PACTE, des mécanismes très fermes de régulation, d’information et de droit de regard de l’État sur un certain nombre de décisions qui concernent ces entreprises.
J’ajoute que le projet de loi PACTE comporte aussi une modernisation des dispositifs d’action spécifique, qui peuvent être utiles dans certaines circonstances, l’objectif étant d’étendre ces dispositifs et de les rendre plus efficaces.
Enfin, vous souhaitez que le Parlement soit associé. C’est exactement ce que nous avons prévu avec le chapitre II du projet de loi PACTE. Je suis convaincue qu’un dialogue important, riche, aura lieu ici, au Sénat, sur ces sujets de participation publique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour la réplique.
Mme Sophie Primas. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de votre réponse.
Mes propos n’étaient évidemment pas un blanc-seing à la politique que vous menez aujourd’hui. Ma question portait en particulier sur Aéroports de Paris, qui est, selon moi, d’un intérêt stratégique pour la France, en matière d’accès à l’air et de mobilités internationales et même nationales. Je pense en effet que nous aurons ce débat.
Quant à la discussion avec le Parlement, elle aura lieu, évidemment, pendant l’examen du projet de loi PACTE, mais nous l’attendons de façon régulière et continue. Comme vous l’avez dit, le portefeuille d’actionnariat de l’État est quelque chose de vivant, qui doit être géré avec agilité ; or il me semble que M. Chatillon, qui représente le Sénat en matière de participations de l’État, n’est pas suffisamment informé au fil du temps. Il faut donc prévoir un dispositif d’association du Parlement dans le traitement de ces questions.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Je crois que nous partageons tous ce constat : la France, depuis une bonne vingtaine d’années, a laissé filer sa politique industrielle et, malheureusement, les emplois afférents. Car c’est l’industrie, essentiellement, qui crée les emplois !
J’ai été frappé, lors d’une visite en Italie, il y a quelques mois, de voir comment ce pays avait su préserver son capital industriel, en tout cas dans sa partie nord, avec un réseau d’entreprises industrielles, relevant souvent du capitalisme familial, très actif. Résultat : son PIB d’origine industrielle est probablement deux fois supérieur à celui de la France – pourtant, l’État italien n’a pas mené une politique particulièrement active en la matière. Nous avons donc à nous inspirer de cet exemple.
Quant à nos entreprises, en particulier nos PME, elles se retrouvent aujourd’hui avec des gammes de produits un peu démodés, un peu anciens ; nous sommes peu présents à l’exportation ; notre compétitivité est faible. Il y a donc une action importante à mener.
Madame la secrétaire d’État, j’entends bien que vous développez des stratégies dans de grands secteurs comme ceux des énergies nouvelles ou de la mobilité. En même temps – c’est ce qui motive ma première question –, nous avons beaucoup d’outils en la matière : Bpifrance, l’Alliance industrie du futur, les pôles de compétitivité, etc. C’est un défaut français : on multiplie les outils, avec, à la clé, des problèmes de coordination entre ces outils.
Ma première question est donc la suivante : comment comptez-vous vous y prendre pour établir une stratégie cohérente pour l’ensemble de ces outils ?
Deuxième question, sur l’ouverture des marchés publics, en particulier aux États-Unis : comment procéderez-vous pour faire en sorte que les Américains ouvrent leur marché ?
Troisième et dernière question, sur la politique européenne : la politique industrielle est à l’ordre du jour du prochain Conseil Compétitivité, qui se réunira au mois de novembre. Quelles seront les propositions de la France en la matière ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Yung, je vous remercie de vos questions, qui sont un peu nombreuses pour les deux minutes qui me sont imparties. (Sourires.) Reste que je suis absolument d’accord avec vous sur l’exemple de l’Italie – vous savez que nous avons travaillé sur ce sujet dans le cadre du projet de loi PACTE.
Concernant la cohérence des outils, vous avez raison : nous avons certes besoin de leviers dans différentes dimensions, encore faut-il que tous ces leviers s’appuient les uns les autres. Il faut aussi que nous sachions travailler avec les régions. De plus en plus, les partenariats avec les régions sont indispensables pour faire avancer les grands projets industriels.
Nous faisons en sorte, dans le cadre de la stratégie par filière par exemple, d’importer la vision qui est celle des pôles de compétitivité et de l’Alliance industrie du futur. C’est la structure du Conseil national de l’industrie, qui est organisé à la fois par filière et par thématiques transversales, numérique et export, qui nous donne cette approche matricielle et qui fait tenir ensemble les différentes dimensions de notre politique industrielle.
Les marchés publics aux États-Unis ? Ce n’est pas un sujet facile. Nous disposons d’un instrument en matière de marchés publics au sein de l’OCDE, mais nous n’avons aucun instrument de réciprocité au plan européen. En termes de marchés publics, l’Europe est la zone du monde la plus ouverte. Des discussions ont lieu aujourd’hui, en Europe, sur l’élaboration d’un règlement qui permettrait de créer des outils de réciprocité un peu plus affûtés. Je ne vous cache pas que ce dossier est complexe à faire avancer.
Enfin, la politique industrielle européenne est l’un des grands sujets que nous voulons porter à l’agenda de la prochaine Commission. Nous avons commencé à y travailler avec nos partenaires européens, en échangeant des papiers de problématique et en cherchant à agréger un petit consortium « d’amis de l’industrie ». Nous allons continuer à travailler pour faire des propositions concrètes à la prochaine Commission.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Alstom réduit au seul secteur ferroviaire, ce sont tout de même 8 500 emplois directs, des dizaines de milliers d’emplois induits et douze sites sur le territoire national. Ce sont également des centaines de sous-traitants et de PME et PMI, au cœur d’un secteur industriel considéré comme stratégique par l’État français.
Le besoin de transport est une réalité toujours plus importante, en France et en Europe. Le transport ferroviaire est l’une des réponses aux défis de l’aménagement du territoire et de la lutte contre le réchauffement climatique.
Les contrats de commande publique signés par Alstom sont énormes. Je citerai, par exemple, le TGV du futur, ou TGV 20-20, ou les métros du Grand Paris Express. Pourtant, l’opacité règne sur la part de ces commandes qu’Alstom va concevoir et produire en France et en Europe et sur les sous-traitants auxquels l’entreprise fera appel. Cela a déjà des conséquences. Par exemple, un sous-traitant métallurgique a déjà fait faillite cet été près de La Rochelle.
Par ailleurs, Alstom pousse toujours l’externalisation vers des pays socialement moins-disants – j’aurais beaucoup à dire sur l’usine de Katowice.
Autre exemple : l’usine de Belfort. Le contrat pour vingt-deux locomotives de manœuvre, dont la SNCF a besoin, ne lui est toujours pas attribué, et Alstom n’investit plus dans cette usine. Pourtant, la réponse à la question de l’avenir industriel de notre pays passe par le traitement de ces questions concrètes, celles du lien entre commande publique et stratégies de conception et de production en France et en Europe.
L’absorption d’Alstom par Siemens ne semble pas remise en cause par l’État, alors qu’elle l’est par l’autorité de la concurrence européenne et même par les autorités britannique et australienne ! Ce qui est pire, l’État français continue de préciser qu’il n’entrera pas au capital de la société, alors même qu’il avait des droits de vote chez Alstom et que Bouygues veut en sortir.
Madame la secrétaire d’État, il semble que les mêmes erreurs se répètent. Comment pouvez-vous encore justifier une telle absorption d’Alstom par Siemens ? Pourquoi les questions des salariés et des syndicats d’Alstom quant à la répartition du travail de conception et de production, s’agissant notamment des trous de charge qui s’annoncent dans de nombreux sites en France à l’horizon de 2019, restent-elles à ce jour sans réponse ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. le rapporteur de la mission d’information applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Gay, concernant Alstom et le plan de charge de ses sites, les situations sont sans doute contrastées.
Dans l’ensemble, le volant de commande publique est néanmoins extrêmement important pour les prochaines années. Sachez que, dans le cadre de la filière ferroviaire, nous nous attachons à faire en sorte que le carnet de commandes du donneur d’ordre profite à l’ensemble de son écosystème d’entreprises en France. C’est d’ailleurs aussi l’esprit des accords que nous avons passés au moment du rapprochement avec Siemens.
S’assurer que ces commandes bénéficient à l’écosystème dans son ensemble, qu’elles permettent de le structurer, de renforcer le tissu industriel et d’engager les investissements nécessaires en France : cette ambition est évidemment au cœur de notre stratégie de filière, avec des outils, comme les plateformes numériques, au service de la transparence des plans de charge, qui amélioreront l’information et permettront aux PME de se préparer.
Vous mentionnez le marché, qui est attendu, de vingt-deux locomotives. L’appel d’offres est en cours ; je ne peux donc pas vous en dire beaucoup plus.
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. La fusion entre Alstom et Siemens a suscité des inquiétudes pour l’emploi, concernant notamment l’avenir des unités de production présentes sur notre territoire.
Dans les Hautes-Pyrénées, nous disposons, à Tarbes-Séméac, d’un site d’excellence qui emploie aujourd’hui 630 salariés et une centaine d’intérimaires. Cette usine participera notamment à la construction de quatorze trains de série à hydrogène, à la suite d’une commande émise par la Basse-Saxe auprès d’Alstom, et au développement ainsi qu’à la fabrication des cent TGV « du futur » commandés par la SNCF fin juillet.
Lors de sa venue dans les Hautes-Pyrénées en juillet dernier, le PDG du groupe Alstom m’a confirmé ses propos tenus lors de son audition par la commission des affaires économiques : le site d’Alstom à Tarbes étant considéré comme un centre de compétence mondial en matière de recherche et développement, et donc comme moins susceptible de subir des creux de charge, son avenir ne semble pas compromis.
Au vu des récentes commandes, nous avons toutes les raisons de le croire. En effet, le site tarbais est l’un des fleurons de notre industrie, et il est capital de maintenir ce bassin d’emplois vital pour notre territoire – mais jusqu’à quand sera-ce possible ?
Cela étant dit, la direction a soulevé, lors de sa visite, la question importante de la commande publique en France.
La commande des trains à hydrogène est un exemple parlant : c’est l’Allemagne qui fait cette commande. C’est une bonne nouvelle pour l’usine de Tarbes.
Par ailleurs, la région Occitanie est l’un des principaux clients du site pyrénéen.
Ne faudrait-il pas, dès lors, encourager les régions, mais aussi des opérateurs comme la SNCF, à diversifier leurs projets et à oser des expérimentations telles que le train à hydrogène pour dynamiser les sites de production français ?
Madame la secrétaire d’État, quelle stratégie comptez-vous mettre en œuvre pour favoriser et développer le maintien de la commande publique aux entreprises industrielles françaises et pérenniser nos sites de production en France ?
Mme la présidente. Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice, vous évoquez le cas du site de Tarbes et de la technologie hydrogène pour le ferroviaire. Nous avons tous, en effet, été frappés par l’annonce de la mise en service du premier train à hydrogène en Allemagne. Cette technologie est intéressante ; elle sera à explorer dans le cadre du contrat de filière, puisque l’innovation en matière de mobilité ferroviaire décarbonée est l’un des axes sur lesquels nous travaillons.
Plus généralement, pour toutes celles et tous ceux qui ont des questions relatives à des sites ou à des territoires en particulier, je tiens à rappeler que, dans le cadre de l’accord trouvé avec Siemens, il y a maintien de l’emploi et des sites pendant quatre ans à dater de la fusion et maintien du volume de la R&D réalisée en France. Notre volonté est donc de préserver l’outil industriel et sa capacité d’innovation et d’investissement, ainsi que les compétences associées.
Encore une fois, je suis persuadée que l’excellence des sites français et des ingénieurs et chercheurs français fera beaucoup pour maintenir cette industrie extrêmement vivace sur notre territoire.