Mme Claudine Lepage. La réforme du baccalauréat concernera bien entendu également les établissements du réseau d’enseignement français à l’étranger. Cette année, le taux de réussite au baccalauréat de ces établissements est de 97,3 %. Sur 117 609 candidats, quelque 17 134 ont été reçus.
En tant que parlementaire représentant les Français de l’étranger, je suis très attachée au bilinguisme, voire au plurilinguisme, indispensable dans le monde d’aujourd’hui. Il n’est pas rare qu’un lycéen issu du réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, maîtrise trois, voire quatre langues, à la fin de sa scolarité.
Pourquoi ne pas encore renforcer et développer l’enseignement des langues dans les lycées en France ? L’expérience du réseau AEFE prouve qu’il est parfaitement possible aux élèves d’étudier trois langues sur une même période.
Par ailleurs, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir à quelle date les élèves du réseau AEFE bénéficieront du numéro d’identifiant national élève, ou INE. Ils n’en ont pas actuellement, et cette absence est très dommageable, puisque les élèves de seconde ne pourront pas effectuer le test numérique de positionnement en français et en mathématiques faute de cet identifiant.
Dans le cadre des inscriptions au portail Parcoursup, l’absence de cet identifiant est également très préjudiciable. Les familles doivent saisir manuellement tous les bulletins scolaires. Les élèves ne peuvent pas effectuer les démarches de téléinscription à l’université dès le mois de juillet. Ils doivent attendre la fin du mois d’août et leur arrivée en France pour effectuer la démarche d’inscription.
Afin de garantir les mêmes droits à ces élèves, il me paraît urgent, monsieur le ministre, de trouver une solution rapide à ces difficultés d’ordre technique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Je vous remercie, madame Lepage, d’évoquer les lycées à l’étranger, que je cite également très souvent. Eux aussi font partie des locomotives de notre système, et ils démontrent d’ailleurs que l’ADN du système français est très fort. Ces lycées présentent une telle attractivité qu’ils sont la preuve que les façons d’enseigner à la française, loin d’être désuètes, sont au contraire très séduisantes à l’échelle mondiale.
Comme vous, je ne puis que souligner l’importance des langues. Mme Manes et M. Taylor viennent de me remettre un rapport sur le renouveau de l’enseignement des langues en France. Nous irons très loin en la matière, dans le sens que vous souhaitez. Il s’agit notamment de favoriser la réelle maîtrise d’une première langue vivante à l’école primaire. Par ailleurs, conformément aux souhaits exprimés par le Président de la République lors de son discours à la Sorbonne, chaque élève devra sortir du système scolaire en maîtrisant deux langues vivantes étrangères. C’est un objectif que nous devons viser.
Bien évidemment, les lycées de l’AEFE peuvent nous servir de modèle. Nous conduisons, vous le savez, une réflexion importante et approfondie sur les lycées français à l’étranger.
Jean-Yves Le Drian et moi-même organiserons un grand séminaire au cours des prochaines semaines pour plus d’ambition pour l’AEFE. La réforme du baccalauréat est une occasion de modernisation et d’internationalisation de cet examen, non seulement parce que cette réforme s’appuie sur des inspirations étrangères – on a cité l’Italie et l’Angleterre, bien que d’autres pays soient également concernés –, mais aussi parce que sa dimension plus modulaire permettra davantage d’interactions avec d’autres baccalauréats mondiaux. Nos baccalauréats binationaux non seulement ne sont pas mis en cause par cette évolution, mais ils s’en trouvent valorisés.
En ce qui concerne le point technique de l’INE, j’ai le plaisir de vous annoncer qu’une réponse positive sera apportée à ce problème dès la rentrée de 2019. Les élèves des lycées français de l’étranger auront un INE. Ce sont justement les différentes modernisations, comme Parcoursup ou la réforme du baccalauréat, qui ont suscité cette avancée, qui était devenue de toute façon indispensable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour la réplique.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le ministre, si j’ai bien compris, l’INE sera attribué aux élèves à partir de la rentrée de 2019. Toutefois, le problème se posera encore pendant une bonne année aux élèves qui sont actuellement scolarisés.
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Monsieur le ministre, bien des orientations contenues dans votre réforme du baccalauréat vont dans le bon sens. C’est le cas des enseignements de spécialité, qui offriront une plus grande personnalisation des parcours. C’est le cas d’un calendrier qui permettra la prise en compte d’une partie des notes dans Parcoursup et mettra un terme à un mois de juin sans cours. C’est le cas du renforcement de l’oral.
L’introduction du contrôle continu dans la notation finale, à hauteur de 40 %, aurait pu être également considérée comme un élément positif. Toutefois, ces 40 % seront en fait constitués pour 10 % des notes du livret et pour 30 % de notes issues d’épreuves de type « bacs blancs » ou partiels organisées à partir de sujets tirés d’une banque nationale.
Je crains donc que, à l’inverse de l’objectif, nous assistions à un étalement du bachotage tout au long des classes de première et de terminale, puisque, concrètement, les élèves entreront dans des périodes de révisions à répétition, et qu’à défaut de contrôle continu, on ait plutôt du bachotage continu.
Cela pourrait également mener à un formatage de ces rendez-vous dans chaque établissement. Ils rythmeront leur cadre pédagogique et empêcheront ainsi les initiatives plus innovantes, qui ne peuvent reposer que sur la liberté donnée aux enseignants. Le risque est donc grand que le lycée reste le parent pauvre de l’innovation pédagogique et que le baccalauréat continue de formater la pédagogie.
Ma question est donc la suivante. Lors de votre audition le 4 juillet dernier devant notre commission, vous affirmiez : « Le risque de bachotage est réel, il a été identifié et un travail est fait pour l’éviter. » Pouvez-vous nous éclairer sur ce travail ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Monsieur Brisson, c’est là en effet une question importante, à laquelle j’ai partiellement répondu dans mon discours liminaire.
Le risque est identifié. Il serait absurde de reporter du mois de juin vers d’autres moments de l’année les lourdeurs du baccalauréat actuel. Les dispositions que nous avons prises permettent de garantir deux objectifs, l’objectivité et la simplicité : d’abord l’objectivité, avec l’existence de banques de sujets nationaux ; ensuite, la simplicité, une autonomie étant offerte à l’établissement pour l’organisation des épreuves.
Je le redis, les établissements y sont habitués, puisqu’ils organisent d’ores et déjà des bacs blancs. Nous ne leur imposerons pas de dates spécifiques : ils détermineront des fourchettes de dates assez larges pour permettre une souplesse de fonctionnement.
Cette organisation des épreuves ne saurait être décrite, comme vous l’avez fait, comme du « bachotage continu ». Cette expression est une sorte d’oxymore, comme « la ville à la campagne » ! Un travail en continu des élèves de première et de terminale, une préparation sereine et approfondie de ce qui les attend dans l’enseignement supérieur, c’est exactement l’objectif que nous souhaitons atteindre. Il est démontré que des tests réguliers chez l’enfant, l’adolescent ou l’adulte permettent de « cranter » la connaissance. Ce nouveau rythme nous paraît donc, au contraire, très sain.
Bien entendu, ces différentes étapes seront encadrées par des recommandations pédagogiques, qui leur donneront un sens. Le travail du Conseil supérieur des programmes vise d’ailleurs à donner un rythme trimestriel aux programmes de première et de terminale.
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.
M. Max Brisson. Monsieur le ministre, si mes calculs sont bons, on aura quasiment une épreuve toutes les sept semaines. Il s’agira donc bien de bachotage continu !
Vous n’avez pas voulu du contrôle continu. Vous avez reculé devant les organisations syndicales et vous n’êtes pas allé dans le sens du rapport Mathiot, qui proposait 40 % de contrôle continu. Or il faut faire confiance aux professeurs et à leur capacité d’évaluer les élèves tout au long de l’année, donc donner toute sa place au contrôle continu.
Enfin, vous n’avez pas répondu à ma question sur la liberté pédagogique et l’autonomie des professeurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Monsieur le ministre, nul ne peut le nier, aujourd’hui, le baccalauréat est à bout de souffle. Trop d’épreuves, une organisation complexe pesant sur la vie des établissements et le travail des élèves, un diplôme sans réelle valeur et ne garantissant pas la réussite dans l’enseignement supérieur : tout plaidait pour une réforme de grande ampleur.
La réforme que vous proposez à l’horizon de 2021 peut être un atout pour nos jeunes. La nouvelle organisation des études appelle toutefois l’élaboration de nouveaux programmes d’enseignement. C’est la raison pour laquelle vous avez saisi le Conseil supérieur des programmes, qui a d’ores et déjà constitué une quarantaine de groupes d’experts ayant pour mission de concevoir des projets pour les quatre-vingt-deux nouveaux programmes prévus pour le futur lycée.
Il s’agit d’une procédure longue, d’autant plus que les enseignements traditionnels vont être modifiés en profondeur, que la fin des séries générales bouleversera le contenu des matières et que de nouveaux enseignements verront également le jour. Je renouvelle mon soutien à la présidente du CSP, Souâd Ayada, mais j’espère que les tensions internes ne ralentiront pas le rétroplanning de ces programmes. Car, pour les éditeurs de livres scolaires, une véritable course contre la montre est engagée.
Nul n’ignore en effet la place du livre scolaire lors d’une réforme d’ampleur ; il constitue le premier outil de mise en œuvre opérationnelle de cette réforme, auquel les enseignants se réfèrent prioritairement par rapport au Bulletin officiel.
Avec la décentralisation, il ne m’a pas échappé que les régions sont en première ligne pour financer les manuels scolaires papier au lycée. En 2019, il leur faudra intégrer le coût de la réforme sur deux niveaux, seconde et première, pour la voie générale et technologique et sur un niveau pour la voie professionnelle. Selon les estimations de Régions de France, le coût total de la réforme pour un équipement complet des élèves des voies générale et technologique sur deux ans et trois niveaux s’élèvera à plus de 300 millions d’euros. À titre d’exemple, la région Île-de-France devra débourser 30 millions d’euros.
Nous leur devons, bien entendu, une visibilité totale à court terme, afin qu’elles déterminent aussi exactement que possible leur politique de soutien en la matière. Je crois savoir que les éditeurs sont en contact avec chacune des régions et sont prêts à fournir conjointement des manuels papier et/ou numériques.
Ma question sera précise, monsieur le ministre : à quelle date les programmes définitifs seront-ils publiés, et ce calendrier permettra-t-il à tous les partenaires de l’éducation nationale – enseignants, familles, libraires, régions – de disposer, dès la rentrée de 2019, des nouveaux manuels et ressources pédagogiques ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Madame Darcos, votre question va me permettre de compléter ma réponse à M. Brisson.
Si je reculais devant les organisations syndicales ou les lobbies à chaque occasion, cela se verrait et cela se saurait, et nous ne serions même pas là pour parler de la réforme du baccalauréat ! C’est clairement en fonction de choix d’équilibre et de maturité que nous avons retenu ces options. D’ailleurs, le rapport Mathiot ne préconisait pas 40 % de contrôle continu. Nous avons introduit 10 % de contrôle continu, ce qui constitue déjà une avancée très intéressante.
Pour ce qui concerne les manuels scolaires, il existe des problèmes structurels, qui ne sont pas liés à la réforme du baccalauréat et des programmes du lycée. Quant à cette réforme, comme toutes celles qui touchent aux programmes, elle suscite des interrogations, ce qui est bien normal.
Pour répondre précisément à votre question, madame la sénatrice, le rythme est parfaitement tenu. Le CSP fait bien son travail, ce qui agace peut-être certaines personnes. À la fin du mois d’octobre, les programmes élaborés par tous les groupes de travail, qui sont tout à fait mixtes et composés de personnalités diverses, seront remis. Ils seront publics et feront l’objet d’une consultation au cours du mois de novembre.
L’ensemble de la société française, notamment les professeurs, sera alors en situation d’analyser ces propositions et de formuler des observations, lesquelles seront pleinement prises en compte, afin que les programmes définitifs soient élaborés tout au long du mois de décembre. Cela signifie que dès maintenant, ou à la fin du mois d’octobre au plus tard, les éditeurs peuvent prendre connaissance de ce qui se dessine. En réalité, ils sont déjà en contact avec le CSP pour avoir les premières tendances et faire travailler les équipes.
Ce calendrier correspond à de précédentes situations, qui avaient obligé les éditeurs à réagir avec une certaine rapidité, mais c’est parfaitement faisable.
Sur le plan du financement, des transformations sont nécessaires. La question du coût s’est toujours posée. Nous travaillons à ce qu’il soit considéré comme un investissement. Vous avez cité l’exemple de la région Île-de-France : nous dialoguons avec elle et avec d’autres pour voir comment cela peut être mis en place.
Ce coût, tout à fait supportable, doit être considéré selon moi comme un investissement, d’un point de vue tant philosophique que budgétaire. C’est aussi une occasion de modernisation ; je pense à la région Grand Est et à ses initiatives en matière de mixité des ressources numériques et des ressources papier.
Mme la présidente. La parole est à Mme Vivette Lopez.
Mme Vivette Lopez. Monsieur le ministre, bien des choses ont été dites, mais je souhaite attirer votre attention sur la nécessaire adéquation du profil de chaque élève à la formation proposée dans notre système éducatif, et plus particulièrement au baccalauréat.
Si la réforme du baccalauréat, que nous appelions tous de nos vœux, va dans le sens d’une meilleure adaptation aux exigences de la modernité, cet examen demeure l’une des seules voies possibles pour les enseignants et les élèves, lesquels ont l’impression de manquer quelque chose en n’accédant pas aux études supérieures.
Nous connaissons tous la pression sociale qui tend à faire passer le baccalauréat au plus grand nombre d’élèves, comme si ce seul diplôme était à même de garantir la réussite dans le monde professionnel. Pourtant, cette généralisation du baccalauréat, cette fameuse politique des « 80 % de bacheliers », lui a fait perdre son statut et a eu pour conséquence majeure une dégradation de sa valeur.
Malheureusement, malgré quelques efforts entrepris, les autres voies scolaires – les filières technologiques ou professionnelles – souffrent d’une image qui va encore trop à l’encontre de l’idée d’excellence académique. Or chacun s’accorde à reconnaître que seule la volonté politique d’un bac plus sélectif serait à même de lui rendre sa vocation première et de permettre à d’autres filières de se développer et de devenir attractives aux yeux des élèves.
À cet égard, on accuse chaque année le système de correction du baccalauréat d’être partiellement responsable de la démonétisation de cet examen, les professeurs étant amenés à donner des notes acceptables à des copies qu’ils trouvent pourtant bien en deçà des exigences attendues. Il ne se passe plus désormais une année sans que l’on fasse état de dysfonctionnements graves lors des épreuves, de tricheries plus ou moins importantes ou bien de problèmes de notation des candidats. Comme le déplorait un professeur, « décidément, le bac n’est plus un examen équitable ». Ou, comme le dit si bien Michel Fize, dans son livre Le Bac inutile, « les bacheliers sont de grands bernés de la République ».
Il ne faut pas oublier que le baccalauréat est un diplôme coûteux pour la Nation, que de plus en plus d’entreprises recrutent sans curriculum vitae, mais sur des tests psychotechniques, et que dans certains pays émergents il n’y a ni notes, ni évaluation, ni diplôme ; et pourtant, à dix-huit ans, les jeunes y sont admis dans les plus hautes écoles supérieures et réussissent fort bien.
Mme la présidente. Veuillez poser votre question, ma chère collègue !
Mme Vivette Lopez. Aussi, monsieur le ministre, comment comptez-vous encadrer sur le terrain l’amélioration qualitative de ce diplôme aujourd’hui très dévalué ? Les exigences en matière de correction vont-elles être renforcées ? Qu’est-il envisagé pour rendre les corrections plus sincères ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Madame Lopez, d’une certaine façon, la réforme a été conçue aussi pour répondre aux interrogations que vous avez exprimées. J’ai souvent dit, en effet, que nous prenions un « chemin de sincérisation » du baccalauréat. Le choix par les élèves de leur spécialité répond ainsi à un objectif d’approfondissement, donc de plus grande exigence.
Cette exigence est d’autant plus recevable qu’elle correspond aux choix du lycéen. Ce point est à mes yeux majeur, parce qu’il permet de combiner la notion d’effort et celle de désir. Pour résumer cette réforme, on peut dire qu’il s’agit de sortir de l’artificialité, celle des séries, du bachotage et du travail accompli à la dernière minute.
Le baccalauréat a peut-être connu une certaine dévalorisation, mais il ne faut pas forcer le trait. J’invite chacun à passer ces épreuves telles qu’elles existent aujourd’hui ; elles ne sont pas aussi simples que l’on le dit parfois.
Nous avançons vers cette sincérité que vous appelez de vos vœux, pour obtenir, aussi, une objectivation. L’un des éléments qui contribuent à cette objectivation est le lien renforcé entre les attendus de l’enseignement supérieur et les différentes étapes qui mènent au baccalauréat, ce qui donne aux contenus une cohérence et une plus grande authenticité.
Le baccalauréat prend plus de sens au travers de cette réforme. Bien entendu, les corrections ont vocation à être sincères, ce qui sera davantage le cas après 2021 qu’aujourd’hui.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. Monsieur le ministre, un nouveau baccalauréat va donc s’extraire d’une chrysalide que vous avez façonnée. Inévitablement, quelques esprits anciens auront la nostalgie de cette épreuve jadis tant redoutée. Comme s’il y avait eu un âge d’or, le temps pas si lointain où bien peu de nos concitoyens pouvaient accéder à cette acropole lycéenne…
Parce que ses taux de réussite sont désormais particulièrement élevés – près de 90 % –, parce que le nombre de mentions « Très bien » atteint des niveaux records, certains estiment que le baccalauréat est quasiment donné. Ce discours est difficile à admettre pour les néo-bacheliers qui ont travaillé avec cœur et abnégation durant toute l’année pour obtenir ce diplôme.
Cependant, il est vrai que l’harmonisation de la notation, dont de nombreux correcteurs ont souvent déploré l’indulgence ou la bienveillance, par son opacité, pour ne pas dire son obscurité, suscite de légitimes interrogations. Régulièrement, de mini-scandales éclatent, pointant les consignes de correction à la hausse émanant des inspecteurs de l’éducation nationale.
Pour évacuer cette suspicion de « bac au rabais », et même si l’introduction du contrôle continu va logiquement changer la donne, il serait souhaitable de rendre publics les barèmes de notation.
Voilà dix ans, l’un de nos prédécesseurs, le sénateur Jacques Legendre, dans un rapport sur le sujet, regrettait cette absence de transparence autour du processus d’harmonisation. À propos de ces fameuses commissions et des consignes qui y sont données, il écrivait ainsi : « À tort ou à raison, elles sont soupçonnées de contribuer à augmenter de manière artificielle les taux de réussite et d’affaiblir ainsi la valeur du baccalauréat. »
Monsieur le ministre, vous qui êtes un grand promoteur des évaluations dès les plus petites classes, afin d’obtenir une vision objective du niveau des élèves français, allez-vous appliquer cette même ligne de conduite et une volonté de clarté dans la notation pour le nouveau baccalauréat ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Monsieur Paccaud, votre question étant dans le prolongement de la précédente, je formulerai une réponse voisine : nous allons dans le sens de l’authenticité, de la sincérité et de la fin d’une forme d’inflation dont vous avez pointé les inconvénients. Encore une fois, c’est lorsque le nouveau baccalauréat sera parvenu à maturité que l’on pourra vraiment répondre à votre question.
Il ne faut pas caricaturer la situation actuelle. L’harmonisation est absolument indispensable pour créer de l’objectivité et davantage de justice entre les différents jurys. Il est exact qu’il peut se produire parfois des « phénomènes ascensionnels », qui n’ont jamais recueilli pleinement mon assentiment, et que nous devons revenir à une certaine raison en la matière.
Il est tout à fait souhaitable qu’une grande majorité de nos enfants et adolescents réussissent à passer la barrière du baccalauréat. Sans éprouver de la nostalgie par rapport aux temps anciens, dont on pourrait pointer les inconvénients, on peut convenir qu’il est tout à fait normal, au XXIe siècle, de mener la plus grande partie de la population jusqu’à ce niveau.
C’est d’autant plus vrai qu’il y a une grande diversité de baccalauréats. N’oublions pas que l’objectif des 80 % d’une génération inclut en réalité le baccalauréat général, le baccalauréat technologique et le baccalauréat professionnel. Il n’y a donc rien d’anormal qu’une nation moderne ait un très fort pourcentage de ses enfants réussissant un tel diplôme de fin d’enseignement secondaire et de début d’enseignement supérieur. Tel est l’objectif que nous visons.
L’un des sens de la réforme est l’authenticité. Le contrôle continu et les disciplines de spécialités s’inscrivent totalement dans cette logique. Par définition, le contrôle continu crée une objectivité et une authenticité de terrain. Par ailleurs, on peut attendre de ces spécialités une montée du niveau, puisque les élèves auront davantage approfondi leurs connaissances et choisi leurs matières, lesquelles seront plus en relation avec leur désir d’enseignement supérieur.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour la réplique.
M. Olivier Paccaud. Le baccalauréat étant un « monument historique » de notre société, sa réforme est évidemment symbolique et politiquement délicate. J’espère sincèrement que vous et votre administration ne retomberez pas, pour éviter d’éventuelles critiques en cas de baisse du pourcentage des reçus, dans les faux-semblants et le clair-obscur.
Nos jeunes ont besoin d’être bien formés, bien évalués, pas d’être bercés par de fausses vérités.
Conclusion du débat
Mme la présidente. Pour conclure le débat, la parole est à Mme la présidente de la commission auteur de la demande.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Je vous remercie, monsieur le ministre, de vous être prêté à cet exercice quelque peu contraint par le temps. Nous sommes parfois un peu frustrés de ne pas pouvoir développer notre raisonnement, et vous-même l’êtes sans doute de ne pas avoir pu répondre dans le détail à l’ensemble des questions qui étaient posées.
Vous avez réaffirmé la nécessité que le baccalauréat soit un tremplin pour l’enseignement supérieur. Au Sénat, nous souhaitons qu’il soit, plus largement, un tremplin pour la réussite et l’épanouissement des élèves, ainsi que pour leur insertion professionnelle. C’est ce qui nous rassemble aujourd’hui. Quel que soit notre territoire, que l’on soit issu des grandes villes, du milieu rural, d’un pays étranger – je remercie Claudine Lepage d’avoir posé une question sur les lycées français de l’étranger et le baccalauréat passé hors de France – ou d’outre-mer, il nous paraît important que l’équité de cette épreuve soit assurée.
Vous l’avez compris, l’équité territoriale est le maître mot ici, au Sénat. Nous voulons donc que soient réunies les conditions de la réussite de cet examen dans sa nouvelle formule.
Je souhaite seulement attirer votre attention sur quelques points restés en suspens. Nous auditionnerons le 9 octobre Mme Frédérique Vidal, que nous avons déjà entendue en juillet dernier, sur le bilan de Parcoursup, car nous voulons faire un deuxième point d’étape. Ce sera l’occasion d’approfondir la question du calendrier, qu’il nous semble nécessaire d’affiner et de préciser. Ainsi, entre le moment où se déroulent les premières épreuves, au retour des vacances de printemps, et le début des vœux, les élèves auront-ils la garantie d’avoir leurs résultats avant de formuler leurs vœux ? Nous serons attentifs aux réponses qui nous seront apportées.
Autres points restés en suspens : les conséquences pour les classes préparatoires et sur l’autonomie des établissements. Monsieur le ministre, je propose à mes collègues de vous adresser leurs questions, si vous n’avez pas eu le temps de répondre aux sujets qui les préoccupent.
En tout état de cause, nous serons très attentifs à cette réforme. Nous souhaitons travailler sur sa cohérence avec les autres réformes engagées, notamment celle de Parcoursup. Il y a une frustration à ne pas avoir eu ce débat bien en amont des décrets parus au mois de juillet dernier. Néanmoins, l’agenda parlementaire législatif était tellement contraint que nous n’en avons pas eu le temps. Nous mettrons à profit les semaines et les mois prochains pour poursuivre la réflexion.
La réussite de cette nouvelle épreuve du baccalauréat sera aussi liée aux moyens budgétaires – je parle sous le contrôle de notre nouveau rapporteur pour les crédits de la mission « Éducation ». Nous souhaitons y voir un peu plus clair sur les conditions requises pour mettre en œuvre la réforme. Nous voulons également approfondir la question, soulevée par Sonia de la Provôté, de l’orientation des élèves. Notre commission a fait un important travail sur ce sujet ; tout est lié.
Nous souhaitons également réfléchir à la réforme de la scolarité que vous avez annoncée. Ce sujet recouvre la scolarité obligatoire des enfants de trois ans, mais aussi la question de l’enseignement. Je veux de nouveau saluer, à cet égard, l’excellent travail de nos collègues Max Brisson et Françoise Laborde. Si le baccalauréat est amené à changer de forme, sans doute faut-il aussi questionner une fois encore les enseignements, le métier de professeur et l’autonomie des enseignements. La loi sera l’occasion d’approfondir ce sujet, qui me semble de prime importance.
J’ai certainement oublié d’évoquer des points, mais le débat se poursuivra. Nous devons d’ailleurs vous auditionner très prochainement, monsieur le ministre, pour évoquer les questions budgétaires. Je vous remercie encore d’avoir été présent parmi nous cet après-midi. (Applaudissements.)