M. le président. Il faut conclure.
Mme Françoise Cartron. Quelles mesures entendez-vous prendre dès l’année prochaine pour raccourcir les délais d’attente dont ont souffert certains élèves, engendrant un stress bien compréhensible ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Martin Lévrier. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Madame la sénatrice, moins d’un an après l’annonce du plan Étudiants et à peine plus de six mois après la promulgation de la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, les trois engagements qui avaient été pris par le Premier ministre et moi-même ont été tenus.
M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !
Mme Frédérique Vidal, ministre. Il s’agissait de n’affecter aucun étudiant par tirage au sort, de remettre de l’humain dans le système et de faire en sorte que la rentrée universitaire 2018 coûte moins cher que la rentrée universitaire 2017.
Le bilan est clair, les chiffres sont là : nous sommes très loin des légendes urbaines qui ont circulé pendant l’été.
Ce sont effectivement 23 % de boursiers de plus accueillis dans l’enseignement supérieur, en particulier 28 % de boursiers supplémentaires dans les classes préparatoires les plus sélectives de Paris. Ce sont 20 % de plus de bacheliers professionnels qui ont trouvé une place en BTS cette année par rapport à l’an dernier. Ce sont aussi près de 19 % de plus de bacheliers technologiques qui, cette année, sont inscrits en IUT.
M. Jean-Pierre Grand. Tant mieux !
Mme Frédérique Vidal, ministre. Les professeurs principaux, l’ensemble des équipes pédagogiques des établissements ont travaillé d’arrache-pied afin d’obtenir ces résultats ; c’est à eux que nous les devons. Si Parcoursup et la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants sont une réussite, c’est parce que l’immense majorité du corps enseignant soutenait l’idée qu’il était temps de changer les méthodes d’accès à l’enseignement supérieur. (M. Jean-Marc Todeschini s’exclame.)
Enfin, élément extrêmement concret, le passage au régime général de la sécurité sociale représente 100 millions d’euros d’économies pour les familles et les étudiants dès cette rentrée…
M. le président. Il faut conclure.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Bien sûr, les aménagements nécessaires seront réalisés pour que les choses se passent encore mieux l’année prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Françoise Gatel et M. Daniel Dubois applaudissent également.)
financement des transports en île-de-france
M. le président. La parole est à M. Olivier Léonhardt, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Olivier Léonhardt. Ma question s’adresse à Mme la ministre chargée des transports.
Le 6 septembre dernier, M. Gilles Carrez, député du Val-de-Marne, remettait à M. le Premier ministre son rapport sur le financement du Grand Paris Express. À cette occasion, la presse a rapporté plusieurs pistes de travail à l’étude, notamment la hausse de la taxe sur les surfaces de bureaux, la hausse de la taxe de séjour et la hausse de la taxe Grand Paris.
Madame la ministre, s’il n’est pas question de remettre en cause le bien-fondé du Grand Paris Express, il faut enfin être lucide sur ce projet pharaonique qui engloutira, durant plusieurs dizaines d’années, les investissements en transport de toute la région Île-de-France, au détriment de la modernisation du réseau existant qui est au bord de l’implosion.
Pour rappel, ce projet, dont vous avez hérité, était initialement estimé à 26 milliards d’euros. Nous en sommes aujourd’hui à 35 milliards d’euros, et nous sommes nombreux à penser que la note va encore s’alourdir dans les années à venir.
Avec ses 200 kilomètres de tunnels, ce projet de transports a été conçu comme il y a trente ans, alors que d’autres solutions existaient et existent encore ; des solutions plus rapides à mettre en œuvre, plus écologiques, plus adaptées aux bassins de vie et, surtout, beaucoup moins coûteuses.
Par ailleurs, le compte n’y est pas pour les 5,5 millions d’habitants de la grande couronne ni pour les entreprises qui se battent pour se développer en périphérie de Paris et subissent la dégradation du réseau existant, notamment sur les lignes du RER.
Il y a urgence. Nous ne pourrons pas attendre quinze ans de plus. Les accidents sur les voies se multiplient et des drames ont eu lieu récemment, comme à Brétigny-sur-Orge dans mon département de l’Essonne.
Alors, madame la ministre, ma question est simple : envisagez-vous réellement d’augmenter la taxe Grand Paris, ce qui aurait pour conséquence de continuer à faire payer aux habitants et aux entreprises de grande banlieue des infrastructures de transport qui se développent quasiment uniquement dans la zone dense ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des transports.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur Léonhardt, vous l’avez rappelé, le Grand Paris Express est un projet essentiel pour le développement de la région-capitale, qui va profondément transformer la vie de millions de Franciliens. C’est un projet d’une ampleur exceptionnelle, avec la construction de 200 kilomètres de lignes nouvelles, 68 gares.
Le Grand Paris Express représente un défi absolument hors normes, mais qui doit bénéficier à l’ensemble des habitants d’Île-de-France, grâce notamment aux nombreuses gares d’interconnexion, ainsi qu’aux lignes de rabattement. Il ne faut pas opposer la réalisation du métro du Grand Paris et la modernisation, l’amélioration des réseaux existants.
C’est tout le sens du plan de mobilisation pour les transports en Île-de-France qui associe la région, les collectivités et l’État. Je rappelle que 7,6 milliards d’euros sont prévus dans le cadre du contrat de plan État-région 2015–2020 au profit de projets et d’améliorations très concrètes pour les Franciliens, qu’il s’agisse du prolongement du RER E, des schémas directeurs des RER, dont le RER C que vous connaissez bien, des prolongements de lignes de métro ou de tramway, des lignes de tram-train, sans parler de l’effort exceptionnel sur la régénération ferroviaire. Je rappelle que nous allons consacrer 50 % de financement de plus dans cette décennie que ce qui a été fait au cours des dix dernières années.
C’est donc un programme extrêmement ambitieux, nécessaire, qui bénéficie à tous les territoires franciliens et qui est conforme à notre priorité : améliorer les déplacements du quotidien des Français pour donner à chacun la possibilité d’accéder aux emplois, aux services et à la formation. (MM. Martin Lévrier et Richard Yung applaudissent.)
avenir des ports français face au projet européen
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le cadre des négociations sur le Brexit, la Commission européenne a choisi, par une décision autoritaire et technocratique, de redessiner les routes maritimes européennes. Si l’objectif est d’éviter l’isolement de l’Irlande en créant de nouveaux corridors, la solution retenue au cœur de l’été exclut les ports français de la façade nord, du Havre à Dunkerque.
Nos ports faisaient déjà face à la « concurrence libre et non faussée » des ports belges et néerlandais, en particulier Anvers et Rotterdam, dont les moyens ne sont pas les mêmes – 900 millions d’euros de fonds européens pour Rotterdam contre 174 millions d’euros pour tous les ports français.
Maintenant, la Commission change les règles, en bafouant elle-même le sacro-saint principe du libéralisme, en discriminant la France. Comme mes collègues de Seine-Maritime ou du Nord, je suis indignée par cette décision, qui aura évidemment des conséquences directes sur le port de Calais, pour lequel le commerce transmanche représente une part non négligeable du trafic.
Nos ports, malgré les désengagements successifs de l’État, ont lancé toute une série d’investissements, 600 millions d’euros pour le seul port de Calais, visant également à la modernisation de leurs équipements, qu’il s’agisse du Havre ou de l’extension en cours du port de Dunkerque.
Quel message pour les investisseurs, les salariés, les dockers et les industries ! Comment, madame la ministre, une telle décision a-t-elle pu être prise sans l’aval de la France et de son gouvernement ? Où en êtes-vous dans vos échanges avec la Commission ? Comptez-vous regarder passer les navires ou réagir ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mmes Maryvonne Blondin et Martine Filleul applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des transports
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice Apourceau-Poly, je vous rassure, le Gouvernement ne regarde pas passer les navires, il agit ! Je le répète, cette proposition de la Commission européenne n’était pas acceptable – j’ai eu l’occasion de le dire à la commissaire lors de ma rencontre le 18 septembre dernier –, d’autant qu’elle fait fi de la réalité des trafics actuels, puisque la majorité des flux de marchandises entre l’Irlande et le continent passe aujourd’hui par le Royaume-Uni. L’analyse de la Commission fondée sur les échanges maritimes entre l’Irlande et la France ne peut donc pas préjuger les futurs échanges maritimes entre l’Irlande et le continent.
J’ai donc défendu l’inscription de l’ensemble des ports concernés lors de ma rencontre avec la commissaire. Il en ressort d’ores et déjà que les ports qui figuraient dans le corridor mer du Nord-Méditerranée y resteront. Je le redis, les ports français doivent avoir toute leur place dans les nouvelles routes maritimes à l’issue du Brexit. C’est non seulement une évidence, mais une conviction forte du Gouvernement. Il s’agit de permettre à nos ports de tirer parti de tous leurs atouts. Nous allons nommer prochainement un coordinateur interministériel pour le Brexit qui pourra mener ce travail, en étroite liaison avec chaque port et les collectivités concernées.
Nos ports disposent d’atouts essentiels pour ces échanges avec l’Irlande. Le port de Calais, comme vous l’avez rappelé, joue un rôle majeur dans les échanges entre le Royaume-Uni, la France et l’Europe. En termes de temps de parcours, il faut vingt heures pour assurer la liaison entre Dublin et Cherbourg, contre trente-huit heures pour rallier Zeebruges. L’enjeu est donc clair : faire en sorte que l’ensemble des ports de la façade maritime soit bien intégré dans ces futurs échanges ; je pense à Calais, à Dunkerque ou au Havre, aux ports de l’axe Seine, mais aussi à Cherbourg, ainsi qu’aux ports bretons de Brest et Roscoff. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour la réplique, en quelques secondes.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la ministre, je vous ai bien entendue. Je vous ai écrit le 13 septembre 2018 à ce sujet, en vous proposant un plan B : un accord bilatéral franco-britannique pour préserver le hub logistique exceptionnel du Calaisis. J’attends encore votre réponse à mon courrier. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Martine Filleul applaudit également.)
nomination du procureur de paris
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe socialiste et républicain. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jérôme Durain. Madame la garde des sceaux, il flotte dans l’air un parfum désagréable d’ingérence du pouvoir exécutif.
Vis-à-vis du Parlement, d’abord : le gouvernement auquel vous appartenez a tenté d’impressionner, voire d’intimider la commission d’enquête présidée par M. Philippe Bas. Malgré quelques coups de fil déplacés, notre commission a tenu bon et poursuivi ses travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Vis-à-vis du pouvoir judiciaire, ensuite : les trois candidatures présentées pour la succession de François Molins ont toutes été écartées, en dépit d’un grand oral passé devant le Premier ministre. Ce rejet sonne comme une mauvaise manière faite à ces magistrats et comme un désaveu pour vous-même.
Nous vous savons très préoccupée par le vaudeville de la place Beauvau et les portes qui claquent. Malgré tout, madame la garde des sceaux, pouvez-vous nous rassurer sur l’indépendance de la justice ? Pouvez-vous nous garantir la crédibilité du futur procureur de Paris ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Durain, je voudrais vous rassurer : je ne crois pas, comme c’est d’ailleurs le cas pour l’actuel procureur de Paris, M. François Molins, que l’on puisse mettre en doute l’indépendance des procureurs en général, celle du procureur de Paris sur lequel vous m’interrogez en particulier.
Un sénateur du groupe Les Républicains. Et du suivant ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Qu’il s’agisse des commissions d’enquête créées par le Parlement comme des nominations des procureurs, il est toujours important de rappeler les principes constitutionnels. C’est ce que je voudrais faire en quelques mots, monsieur le sénateur.
M. Jean-François Husson. Ah ! On nous fait la leçon !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le dialogue qui est naturellement entretenu entre la garde des sceaux, le Premier ministre et le Président de la République autour de la nomination d’un procureur important, celui de Paris, est un dialogue normal reposant sur un fondement constitutionnel, l’article 20 de la Constitution, qui précise que le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. Monsieur le sénateur Durain, quelle politique plus importante que la politique pénale de notre Nation ? Il est donc tout à fait naturel que les procureurs de la République soient situés sous mon autorité dans une chaîne hiérarchique et sous l’autorité du Premier ministre ; cela me semble tout à fait évident.
Par ailleurs, la Constitution garantit également l’indépendance de ces magistrats, d’une part parce qu’ils sont libres de l’opportunité des poursuites, d’autre part parce que strictement aucune instruction individuelle ne leur est adressée. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Et mieux, même, le projet de révision constitutionnelle que j’espère avoir le plaisir prochain de porter devant vous (Exclamations sur de nombreuses travées.) conforte ces garanties en donnant au Conseil supérieur de la magistrature un avis conforme sur la nomination des magistrats du parquet.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Pour conclure, le dialogue que j’évoquais devant vous est une question de bon sens. Comment imaginer, sur un poste aussi important, qui a en charge le plus grand parquet de France, des questions extrêmement sensibles, qu’il n’y ait pas de dialogue entre les autorités ? (MM. Arnaud de Belenet et Martin Lévrier applaudissent. – Exclamations sur de nombreuses travées.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour la réplique.
M. Jérôme Durain. Madame la garde des sceaux, nous avons entendu vos arguments, nous les connaissons, mais nous ne sommes qu’imparfaitement convaincus par ces arguments.
Vous avez parlé de la réforme constitutionnelle. Il faut garantir l’indépendance de la justice, rompre le lien entre votre ministère et le parquet.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Ce n’est pas ce que vous avez proposé, monsieur le sénateur.
M. Jérôme Durain. Donc, quand connaîtrons-nous le calendrier de la révision constitutionnelle ?
Par ailleurs, nous souhaitons obtenir quelques garanties sur l’ambiance gouvernementale. Finalement, il y a ceux qui sont déjà partis - ils sont six -, ceux qui s’apprêtent à partir, font et défont leurs valises - y a-t-il encore un ministre de l’intérieur ? –, ceux qui regardent les prochaines municipales - quatre pour la seule ville de Paris… Nous avons besoin d’un Gouvernement concentré sur ses tâches, au travail, où règne un peu d’ordre, d’un Gouvernement respectueux des autres pouvoirs, la justice et les parlementaires. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
ruralité
M. le président. La parole est à M. Jacques Genest, pour le groupe Les Républicains.
M. Jacques Genest. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Il y a quelques années, Roger Gicquel ouvrait son journal télévisé en déclarant : « La France a peur ». Aujourd’hui, je peux vous l’affirmer, les ruraux en ont ras-le-bol. Ras-le-bol d’être oubliés, ignorés et, plus grave, méprisés.
La taxation du carburant atteint un niveau intolérable. Nos concitoyens vivant en montagne subissent donc une double peine entre la route et le coût du chauffage. Tributaires de leurs voitures, les ruraux sont donc les premiers ciblés par la limitation uniforme et aveugle de la vitesse à 80 kilomètres par heure.
Dans les territoires, les cabinets des médecins généralistes ferment, aggravant les déserts médicaux ; et ne parlons pas des spécialistes !
Le sentiment d’enclavement n’est en rien diminué par l’internet, qui constitue une nouvelle fracture. Déjà privés d’un niveau acceptable de couverture mobile, les ruraux se voient aussi régulièrement privés de téléphonie fixe sur de longues périodes : qui s’en émeut ?
Cette année, le Gouvernement a refusé de porter les pensions des agriculteurs retraités à 85 % du SMIC. Faire des cadeaux fiscaux aux super-riches et refuser une augmentation à ceux qui perçoivent 700 euros de retraite mensuelle est une bien curieuse manière de pratiquer la solidarité ! Les retraités ruraux, dans leur majorité, perdent du pouvoir d’achat. En effet, ayant pour nombre d’entre eux des revenus très faibles, ils sont déjà exonérés de la taxe d’habitation.
La colère gronde dans les campagnes. L’élément déclencheur sera certainement la taxation du transport routier, souvent le seul moyen d’approvisionnement et d’exportation des productions locales. Après la révolte dans les urnes, nous verrons, je le crains, la révolte dans les champs.
Les ruraux ne sont ni les premiers ni les derniers de cordée, mais les oubliés de la Macronie. Monsieur le Premier ministre, que comptez-vous faire pour redonner l’espoir aux millions de Français de la ruralité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Valérie Létard et Nadia Sollogoub applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires. (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Genest, je sais votre attachement au monde rural, que vous représentez excellemment, attachement que je partage totalement, nul ici, je crois, ne pourrait dire le contraire.
Cela étant, nous devons éviter, les uns et les autres, une sorte de poujadisme rural. Nous avons aussi, et je le dis tel que je le pense, pour porter depuis longtemps ces dossiers, la nécessité de montrer que le monde rural avance, qu’il est source d’initiatives, d’innovations. Or ce monde, vous avez raison, considère qu’il est plus éloigné des centres de décisions qu’autrefois, qu’avant même la décentralisation. Cela, nous le vivons, et je dois dire que les fusions autoritaires de régions ou d’intercommunalités n’ont pas facilité les choses… (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)
Je vous le dis, au nom du Gouvernement, nous n’entendons pas changer une nouvelle fois les institutions. Nous entendons respecter les communes,…
Mme Sophie Joissains. Très bien !
M. Jacques Mézard, ministre. … car elles jouent un rôle fondamental dans nos territoires ruraux.
Néanmoins, je ne partage pas totalement votre bilan. En ce qui concerne la désertification médicale, le plan Santé de la ministre est, je le crois, excellent pour nos territoires et pour nos établissements de santé qui y sont implantés. Dans le domaine du numérique, l’action que nous menons avec plusieurs ministres représente un progrès important, et vous le savez bien puisqu’un nombre important de pylônes seront installés en Ardèche dès cette année. Enfin, vous avez raison, nous avons besoin de donner davantage de liberté aux services déconcentrés de l’État, parce qu’ils connaissent mieux le territoire que l’administration centrale.
Ce sont des voies essentielles pour progresser…
M. le président. Il faut conclure.
M. Jacques Mézard, ministre. … dans l’intérêt du monde rural, intérêt que nous partageons ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. François Grosdidier. Il faudrait renouveler le Gouvernement !
M. le président. La parole est à M. Jacques Genest, pour la réplique.
M. Jacques Genest. Monsieur le ministre, si défendre la ruralité, c’est être poujadiste, eh bien, je le suis ! En tout cas, je vous invite, avec le Premier ministre et le Président la République, à venir constater le désarroi des habitants des territoires très ruraux comme la Montagne ardéchoise. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
routes nationales non concédées
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Jean-Pierre Corbisez. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs, mes chers collègues, « Faites une pause for me… formidable », pouvait-on lire ce matin sur les panneaux d’information de la SANEF sur l’autoroute A1.
Madame la ministre chargée des transports, ma question concerne les modalités de financement de nos infrastructures routières, un sujet d’actualité puisque le Gouvernement finalise son projet de loi sur les mobilités et que sont enfin connues, après de nombreux mois d’attente, les conclusions de l’audit externe sur l’état de notre réseau routier national.
Le constat, comme on pouvait s’y attendre, est sans appel. Il confirme la dégradation progressive de ce réseau, puisque, depuis 2007, le pourcentage de chaussées en bon état est passé de 57 % à 47 %, tandis que la proportion de chaussées nécessitant un entretien urgent, de surface ou de structure, a, elle, considérablement augmenté.
Concernant les ouvrages d’art, si le rapport établit une relative stabilité du nombre de ponts en mauvais état, il alerte sur le volume croissant de ceux qui nécessitent un entretien.
Dans ma région, 67 % du réseau routier non concédé mériteraient des travaux d’entretien. Pire encore, plus de la moitié des ponts dénombrés par la Direction interdépartementale des routes, la DIR, justifieraient des interventions préventives et une centaine présente des risques pour la sécurité, sans parler du viaduc d’Echinghen, au sud de Boulogne-sur-Mer sur l’A16, certes concédé, construit en 1997 et déjà dans un état critique.
Ces chiffres montrent la nécessité de réaliser un important effort d’investissements.
Les tragiques événements de Gênes nous obligent à la plus grande vigilance en la matière et commandent une intervention affirmée de la part du Gouvernement. Notre commission de l’aménagement du territoire a d’ailleurs décidé la mise en place d’une mission d’information sur les ouvrages d’art.
Le budget annoncé par le Gouvernement pour sa politique d’investissement, bien que considérable, reste malgré tout en deçà des attentes, notamment celles qui ont été formulées dans le cadre du Conseil d’orientation des infrastructures, le COI. Ainsi, les 13,4 milliards d’euros ne permettront pas d’atteindre le scénario 2, alors que, je le rappelle, le COI l’a bâti pour permettre la réalisation des ambitions affichées par le Président de la République.
Je souhaiterais donc connaître, madame la ministre, les modalités de l’arbitrage ainsi réalisé, à la fois sur le montant global de l’enveloppe et sur les clés de répartition entre les différents secteurs de transports. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des transports.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur Corbisez, l’entretien de notre réseau routier, sa remise en état sont la priorité des priorités. Personne ne peut transiger avec cette exigence, qui ne doit plus être une variable d’ajustement, comme cela l’a été trop longtemps. C’est une priorité que je porte depuis mon arrivée à la tête du ministère, et c’est un choix que nous avons eu le courage de faire dès l’été 2017, le drame de Gênes nous ayant rappelé cet impératif.
Mais nous n’avons pas perdu de temps pour agir et inverser la tendance à la dégradation de notre réseau routier. Dès 2018, nous avons augmenté de 100 millions d’euros le budget consacré à l’entretien et à la régénération des routes nationales.
Nous avons aussi fait le choix de la transparence, en lançant des audits sur tous nos réseaux, notamment le réseau routier, audits qui ont été rendus publics en juillet dernier. J’ai également pris la décision de publier la liste des principaux ponts et leur état, car les citoyens ont le droit de savoir.
Ce que cette liste nous montre, c’est que notre réseau n’est pas neuf et que nous avons des infrastructures qui vieillissent. Notre réseau fait toutefois l’objet d’un suivi extrêmement précis et rigoureux et, je tiens à le dire, il n’y a pas de situation d’urgence sur notre réseau. Quand des travaux sont nécessaires, ils sont entrepris. C’est notamment le cas sur le viaduc d’Echinghen que vous connaissez, sur lequel la SANEF est en train de réaliser des travaux.
La programmation des investissements de transports portera cette ambition forte. Nous atteindrons un niveau jamais atteint : 850 millions d’euros d’ici à 2022, 930 millions d’euros sur le quinquennat suivant, à savoir 70 % de plus au cours de cette décennie que ce qui a été fait au cours des années précédentes. Néanmoins, ces investissements supplémentaires représentent des besoins de financements supplémentaires. Nous devrons trouver des ressources pour financer ces besoins prioritaires, et je sais pouvoir compter sur votre sagesse pour nous en donner les moyens. (Mme Patricia Schillinger et M. Alain Richard applaudissent.)
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