M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour présenter l’amendement n° 369 rectifié ter.
M. Martin Lévrier. Je ne vais pas évoquer Versailles, quoique j’en sois moi aussi originaire !
Notre amendement vise non pas à détricoter la loi SRU, mais simplement à rectifier une anomalie que M. Schmitz a fort bien exposée et qui pénalise toutes les villes qui accueillent des fonctionnaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission n’a pas souhaité modifier les modalités de calcul de la population des communes servant de seuil pour l’application de la loi SRU. Je demande donc le retrait de ces amendements, faute de quoi l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Je compatis aux immenses difficultés de la commune de Versailles, que chacun ici connaît. (Sourires.)
Plus sérieusement, je ne pense pas que l’adoption de ces amendements constitue la solution au problème soulevé, dont on ne peut nier la réalité, compte tenu de l’importance des divers établissements, au-delà du château, qui sont situés sur le territoire cette commune. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, il faut que nous trouvions les modalités adéquates d’application de la loi SRU afin de faciliter les choses. Il ne me paraît pas possible d’inscrire dans ce texte une disposition législative consacrée à la seule commune de Versailles.
L’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques est donc défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 246 et 369 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 420 rectifié, présenté par Mme Mélot et MM. Fouché, Chasseing et Lagourgue, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 302-5 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … - En Île-de-France, les communes dont la population est comprise entre 1 500 et 3 500 habitants peuvent comptabiliser dans leur quota de logement social, les centres d’accueil et les établissements pour personnes en grande difficulté, installés sur leur territoire, au même titre que les centres d’hébergement et de réinsertion sociale. » ;
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Je tiens à défendre cet amendement, bien que je connaisse à l’avance le sort qui lui sera réservé.
De fait, il concerne un sujet très important. Il s’agit d’intégrer dans le quota obligatoire de logements sociaux, pour certaines communes, tous les logements et établissements accueillant des personnes en grande difficulté.
Je voudrais faire comprendre à tous mes collègues, ainsi qu’au Gouvernement, que ce n’est pas parce les communes rurales de l’Île-de-France sont voisines d’une commune importante qu’elles ne rencontrent pas les mêmes difficultés que les communes rurales de province. Elles connaissent peut-être encore davantage de difficultés, quand il arrive qu’un hôtel Formule 1 ou un château soit vendu à une association qui le transforme en centre d’hébergement d’urgence de populations en grande difficulté. Je connais ainsi le cas d’un château qui a été vendu au Secours catholique à cette fin. Ces communes rurales ne sont pas à même d’accueillir autant de personnes. J’y reviendrai peut-être ultérieurement.
Pour l’heure, je retire l’amendement, monsieur le président. (MM. Yves Bouloux et Pierre Louault applaudissent.)
M. le président. L’amendement n° 420 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 46, modifié.
(L’article 46 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 46 (précédemment réservé)
M. le président. L’amendement n° 659 rectifié, présenté par MM. Dallier et Bascher, Mmes Boulay-Espéronnier et Chain-Larché, M. Daubresse, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche et Deromedi, M. P. Dominati, Mmes Dumas et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier et Guené, Mme Lamure, MM. Lefèvre, H. Leroy et Mandelli, Mme Micouleau, MM. Milon, Panunzi, Rapin et Sido, Mmes Thomas et Garriaud-Maylam et M. Savin, est ainsi libellé :
Après l’article 46
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce taux est également fixé à 20 % pour les communes bénéficiant de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, prévue à l’article L. 2334-15 du code général des collectivités territoriales, dans lesquelles le taux de pauvreté des ménages dépasse les 25 % dans le parc locatif. »
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Il s’agit de l’amendement que j’ai évoqué lorsque je suis intervenu sur l’article 46.
Cet amendement vise à ramener de 25 % à 20 % le taux de logements sociaux à atteindre pour les communes qui, souvent pour des raisons historiques, ne disposent pas d’un parc important alors qu’elles accueillent un assez grand nombre de familles pauvres.
Les deux critères que je propose de retenir pour définir les communes concernées ne sont pas forcément les meilleurs, mais nous pourrons les affiner d’ici à la commission mixte paritaire, monsieur le ministre.
Le premier de ces critères est l’éligibilité à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, la DSU. Cette éligibilité repose sur le nombre de logements sociaux dans la commune, le revenu des ménages, le nombre d’allocataires de l’APL et le potentiel financier. Sur le plan de la mixité sociale, il y a déjà un problème quand une commune est éligible à la DSU sans compter de 20 % à 25 % de logements sociaux.
J’ai croisé ce premier critère avec celui du nombre de ménages pauvres au sens de l’INSEE rapporté à la population totale. Je fais bien référence au taux de pauvreté, et non aux ménages dont les revenus sont inférieurs aux plafonds définis en matière de logement social.
Je me suis demandé si le taux de ménages pauvres à retenir devait être de 30 % ou de 25 %. Avec un taux de 25 %, on trouve une soixantaine de communes ; avec un taux de 30 %, vingt-huit communes. Il n’est pas impossible que quelques erreurs se soient produites, mais la réalité n’est en tout cas pas très éloignée de ces chiffres.
Il s’agit vraiment d’examiner le cas de ces communes auxquelles on demande de construire encore et toujours du logement social alors que leur population comporte déjà un fort pourcentage de pauvres.
En Seine-Saint-Denis, l’enjeu au regard de la mixité sociale n’est pas d’accueillir des familles modestes : il est de retenir et d’attirer les classes moyennes, ce qui est extrêmement difficile. À l’exception peut-être du Raincy, toutes les communes de la Seine-Saint-Denis sont en train de plonger, y compris celles qui sont soumises à l’article 55 de la loi SRU.
De grâce, messieurs les ministres, prêtez une oreille attentive au problème que j’évoque ! Il est vrai que le dispositif de mon amendement implique un changement de regard sur la loi SRU. Je le défends depuis 2004, sans succès.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Philippe Dallier. Peut-être les choses sont-elles enfin mûres aujourd’hui ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Comme je l’ai dit au début de nos échanges à propos de la loi SRU, nous avons décidé d’émettre un avis favorable sur l’amendement de Philippe Dallier. Même si son dispositif implique un changement de paradigme, il nous paraît encadré et, du coup, raisonnable. (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Je ne suis pas convaincu que le dispositif de cet amendement soit encadré. Je ne me permettrais pas de dire qu’il n’est pas raisonnable, connaissant la pertinence des travaux de Philippe Dallier, mais je ne peux l’approuver, ce qui ne signifie pas qu’il ne faut pas essayer de trouver d’autres solutions.
En fait, l’adoption de cet amendement modifierait profondément l’esprit de la loi, puisque son dispositif vise à décorréler les niveaux d’obligation de production de logement social des niveaux de tension de la demande. Si on l’appliquait en l’état aujourd’hui, 55 des 1 219 communes qui étaient soumises en 2017 à l’obligation posée par la loi SRU s’en trouveraient exemptées. Ces communes sont situées dans les grandes agglomérations où les besoins en logement social sont forts : je citerai à titre d’exemple Avignon, Marseille, Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon, Montpellier, Paris, Strasbourg, Toulon…
Cela poserait tout de même un problème fondamental au regard de ce que j’appelle, depuis le début, la « colonne vertébrale » de la loi SRU.
M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour explication de vote.
M. Marc-Philippe Daubresse. Je soutiens avec force l’amendement de Philippe Dallier, qui est très encadré.
Qu’est-ce qu’un logement social ? Un logement est-il social en raison de son mode de financement, sachant que ce financement est de plus en plus précaire, le nouveau modèle de logement social que vous venez d’instaurer, monsieur le ministre, le rendant de plus en plus aléatoire, d’autant que les taux d’intérêt vont probablement remonter, ou est-il social en raison de la situation des personnes qui l’habitent ?
Le tiers le plus pauvre de la population de notre pays occupe un peu plus de 2,5 millions de logements locatifs privés et un peu moins de 2,5 millions de logements locatifs publics. Autrement dit, les populations les plus pauvres habitent aussi dans le secteur locatif privé. On ne peut pas ne pas en tenir compte !
Avec notre excellent ex-collègue Michel Delebarre, j’ai participé à la réforme de la DSU, devenue ensuite la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale. Nous avons alors défini des critères, que Philippe Dallier a rappelés : le potentiel financier, le nombre de bénéficiaires des APL, le nombre de logements sociaux et le revenu moyen. Ce dernier critère est très important, car, pour évaluer la mixité sociale, il faut bien prendre en compte la situation concrète des ménages. De ce point de vue, la pauvreté est évidemment un paramètre essentiel.
Dans ces conditions, le croisement des deux critères que propose Philippe Dallier me semble mériter réflexion.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je soutiens la position du Gouvernement.
Si l’on accepte la décorrélation évoquée par M. le ministre, le seuil de 25 % de logements sociaux – HLM ou conventionnés – n’a plus de sens. En effet, s’il s’agit de prendre en compte les populations les plus pauvres, le taux minimal doit être fixé bien au-delà de 25 %. Le seuil de 25 % tient compte d’une partie de l’offre existante pour les catégories les plus modestes.
Je comprends le souci de M. Dallier. Sa commune se trouve dans une situation difficile, avec une population globalement plus pauvre que la moyenne. Le problème tient au fait que les bailleurs privés refusent le conventionnement. Ce n’est pas neutre, sachant qu’ils ont tout intérêt au conventionnement si leurs locataires ont de faibles ressources. Il faut donc, à mon sens, se préoccuper de la mutation de ce parc privé, dont une partie n’est pas de très bonne qualité et n’est pas bien régulée, plutôt que de remettre en question l’accord trouvé sur le taux de 25 % de logements sociaux, conventionnés ou HLM. Je pense qu’il faut plutôt travailler sur le conventionnement du parc privé. Cela dit, je ne crois pas que votre commune, monsieur Dallier, risque d’être considérée comme carencée !
M. Marc-Philippe Daubresse. On n’en est pas loin !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je me suis montré prudent quant aux résultats du croisement de fichiers que j’ai effectué, mais il me paraît meilleur que le vôtre, monsieur le ministre ! De fait, j’ai failli tomber de mon siège lorsque vous avez indiqué que Paris était éligible à la DSU ! Paris ne peut pas être concerné par mon dispositif !
Nous sommes au moins d’accord sur le fait qu’une cinquantaine ou une soixantaine de communes sur plus de 1 200 le seraient. Vous semblez considérer qu’une telle entorse serait trop importante… Encore une fois, monsieur le ministre, c’est le principe qui m’intéresse : s’il faut retenir un taux de ménages pauvres de 30 %, soit ! Mes chers collègues, pour être intéressés par les questions du logement, vous savez tous ce que signifie un taux de pauvreté de 30 % !
Madame Lienemann, c’est bien de la mixité sociale que nous parlons ici, et non du nombre de logements produits.
Mme Valérie Létard. C’est vrai !
M. Philippe Dallier. On continue de nous demander à produire du logement social alors que notre population compte déjà beaucoup de pauvres ! Que les logements soient conventionnés ou pas n’y change rien !
Quand accepterons-nous de considérer la notion de « mixité sociale » sous un angle différent quand nous parlons de la Seine-Saint-Denis ? Je vous assure, mes chers collègues, que ce département part à la dérive ! Lisez le rapport de MM. Cornut-Gentille et Kokouendo ! Avez-vous déjà entendu parler de Montfermeil ? Même si elle n’en est pas très éloignée, cette commune n’atteint pas l’objectif de 25 % de logements sociaux. Ne pensez-vous pas que ramener pour elle cet objectif à 20 % serait une bonne chose ? Je ne demande pas la suppression des obligations posées par la loi SRU en matière de logement social : je demande seulement leur adaptation pour un petit nombre de communes. D’autres villes moins emblématiques sont dans la même situation que Montfermeil !
Mes chers collègues, je vous invite à consulter le site internet salairemoyen.com, qui s’appuie sur des données de l’INSEE. En quinze ans, les quatre communes de Seine-Saint-Denis auxquelles je pense ont perdu 7 000 places dans le classement des 35 000 communes de France selon le salaire médian annuel…
Nous sommes en train de faire des bêtises ! Avec les meilleures intentions et les meilleurs sentiments du monde, nous recréons des poches de pauvreté dans certains endroits.
Mon amendement ne vise que 5 % des communes soumises aux obligations définies par la loi SRU. De grâce, votons-le, mes chers collègues ! Nous pourrons, d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire, réfléchir à la manière d’ajuster les critères. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. On ne peut pas rester insensible au plaidoyer de Philippe Dallier. Les questions que soulève son amendement méritent vraiment d’être approfondies d’ici à la tenue de la CMP.
Marie-Noëlle Lienemann a livré d’autres éléments, qui montrent bien que le sujet n’est pas simple. Dieu sait si, depuis des années, j’ai toujours ferraillé pour défendre une position plus en retrait que celle de Philippe Dallier, mais le contexte a profondément évolué. Les objectifs sont de plus en plus exigeants, et les financements des opérateurs de logement social ne sont plus toujours au rendez-vous. Dans ma région, nous ne connaissons que trop bien les situations décrites par notre collègue. Qu’est-ce que le logement social ? Qu’est-ce que la mixité sociale ? Des pans entiers de nos territoires sont confrontés à ces interrogations. Nous devons nous y intéresser de près.
Je ne dis pas que l’amendement de notre collègue représente la meilleure des solutions, mais, compte tenu de l’évolution du contexte, il me semble qu’il faut le soutenir, ne serait-ce que pour bien marquer les choses dans la perspective de la CMP. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Sonia de la Provôté applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.
M. Sébastien Meurant. Le problème est effectivement celui de la paupérisation des territoires, en Seine-Saint-Denis mais aussi dans d’autres départements, qui comptent des villes dont la situation est tout à fait comparable à celle de Montfermeil.
On a pu lire voilà une quinzaine de jours dans un journal tout à fait honorable, Le Figaro, que la Seine-Saint-Denis compte de 150 000 à 400 000 clandestins. Évidemment, cette population n’a pas beaucoup de moyens ! Ces personnes que nous accueillons, légalement ou illégalement, il faut les loger, les nourrir. On ne peut pas continuer à accueillir des populations qui n’ont pas le sou et qui se concentrent inévitablement là où sont déjà implantées des diasporas, avec tous les problèmes liés à la pauvreté et tous les besoins sociaux que cela implique. La Seine-Saint-Denis en est l’exemple le plus criant, mais il en va de même dans bien d’autres territoires de notre pays.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, il convient de prendre en compte cette réalité. Vous rendez-vous compte de ce que peut représenter, sur le terrain, la présence de 150 000 à 400 000 clandestins ?
Mme Éliane Assassi. Par définition, on ne sait pas combien sont les clandestins !
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je comprends le débat qui oppose Philippe Dallier à M. le ministre sur la manière de chiffrer.
Je ne souhaite pas que nous allions trop loin dans l’introduction d’une nouvelle composante dans la loi SRU. Cependant, je peux dire que, pour le gouvernement d’aujourd’hui comme pour les gouvernements qui lui succéderont, l’évolution du département de la Seine-Saint-Denis est devenue un problème d’État. (M. Philippe Dallier approuve.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Absolument !
M. Alain Richard. Il faut trouver, dans la palette d’outils dont le Gouvernement dispose, des modes de gestion sociale et territoriale adaptés aux problèmes particuliers de ce département. Je crois qu’il y va de l’intérêt national.
Mme Valérie Létard. C’est vrai !
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Messieurs les ministres, l’objectif affiché du présent projet de loi est de stimuler la construction de logements. Il est vrai que l’amendement de Philippe Dallier ne va pas dans ce sens : c’est un plaidoyer pour la mixité sociale et pour un certain nombre de villes qui connaissent des difficultés récurrentes, grandissantes, inquiétantes. Nous ne pouvons pas ne pas regarder en face les difficultés de ces villes.
Je soutiens évidemment l’amendement de Philippe Dallier. Est-il parfait ? Certainement pas. Dévoie-t-il l’esprit de la loi SRU concernant ces villes en grand danger ? Peut-être ; et alors ? Ce n’est pas si grave, compte tenu de la gravité de la situation des villes en question. (Mmes Éliane Assassi et Marie-Noëlle Lienemann protestent.) Mes chers collègues, il me semble que nous sommes tous préoccupés par la situation en Seine-Saint-Denis et dans d’autres territoires de notre pays.
Adoptons cet amendement et voyons comment en affiner le dispositif afin de ne pas reproduire les erreurs qui ont pu être commises par dogmatisme. C’est notre responsabilité.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je n’ai pas dit que vous l’étiez, monsieur le ministre !
M. Jacques Mézard, ministre. … et je crois être capable d’écouter. Nous savons qu’il y a un problème en Seine-Saint-Denis. Faut-il pour autant le régler de cette manière ? Je ne suis pas convaincu que ce soit la bonne solution.
Le dispositif de cet amendement est sous-tendu par les préoccupations très fortes que vous inspire légitimement la situation de votre département, monsieur Dallier, mais la loi s’appliquera sur l’ensemble du territoire national. Il n’y a pas que la Seine-Saint-Denis qui connaisse des difficultés.
M. Philippe Dallier. Cinquante communes !
M. Jacques Mézard, ministre. Oui, 50 ou 55, mais, comme je l’ai dit déjà tout à l’heure, sans être dogmatique, notre position doit être cohérente par rapport à l’ensemble du dispositif du texte concernant la loi SRU. Je crois avoir démontré que le Gouvernement était capable d’entendre un certain nombre de préoccupations exprimées par les membres de la Haute Assemblée. Cependant, l’adoption de votre amendement ouvrirait une véritable brèche. Il convient de travailler pour trouver des solutions concrètes répondant plus particulièrement aux difficultés de certains territoires, mais je ne suis pas fanatique des plans qui ne valent que pour un département. D’autres territoires que la Seine-Saint-Denis, qu’ils soient fortement urbanisés ou ruraux, connaissent eux aussi de grandes difficultés. Je reconnais néanmoins la spécificité des problématiques de votre département.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 46.
L’amendement n° 624 rectifié, présenté par MM. Bérit-Débat, J. Bigot et Iacovelli, Mme Guillemot, MM. Daunis et Kanner, Mme Artigalas, MM. Cabanel et M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé et Tissot, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mmes M. Filleul, Grelet-Certenais, Harribey et Lienemann, MM. P. Joly, Jomier et Kerrouche, Mmes Lubin, Monier et S. Robert, MM. Roger et Sueur, Mme Taillé-Polian, M. Temal, Mme Tocqueville, MM. Tourenne, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 46
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le V de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Une commune nouvelle, telle que définie à l’article L. 2113-1 du code général des collectivités territoriales, issue de la fusion de communes dont aucune n’était préalablement soumise aux dispositions de l’article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains avant fusion, et qui atteindrait le seuil de 3 500 habitants du fait de sa fusion doit atteindre ses obligations au plus tard à la fin de l’année 2030, par dérogation au délai mentionné au premier alinéa de l’article L. 302-7 du présent code et aux délais mentionnés aux I et II de l’article L. 302-8. »
La parole est à M. Marc Daunis.
M. Marc Daunis. Cet amendement concerne les communes nouvelles dont la création a été amorcée par la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.
Depuis lors, plusieurs dispositions législatives sont venues simplifier, consolider ou stimuler les projets de regroupement. Toutefois, la fusion des communes rurales est parfois freinée par la perspective du franchissement éventuel du seuil démographique de 3 500 habitants, entraînant l’obligation de respecter le taux minimal de 20 % de logements sociaux.
Il semblerait que le délai fixé dans la loi soit trop court. Nous proposons, à travers cet amendement, que l’échéance soit reportée de 2025 à 2030. Cela nous paraît raisonnable, compte tenu du caractère spécifique des regroupements concernés, particulièrement dans des zones qui ne sont pas tendues, où il est objectivement difficile de trouver des opérateurs à même d’aider les communes à satisfaire à leurs obligations en matière de logement social.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
D’abord, il n’y a pas de différence de traitement entre les communes entrant dans le dispositif de la loi SRU selon qu’elles se trouvent en zone tendue ou en zone détendue : toutes sont soumises à l’obligation d’atteindre le taux de 25 % de logements sociaux.
Comme l’a fait la commission, vous proposez, monsieur le sénateur, un calendrier spécifique pour les communes nouvelles. Toutefois, le vôtre ne va que jusqu’en 2030. Pourquoi les communes nouvelles devraient-elles satisfaire à leurs obligations en douze ans, quand les autres communes auront eu vingt-cinq ans pour ce faire ?
Par ailleurs, que se passerait-il en cas de fusion de communes intervenant en 2025 ou en 2029 ?
Nous pensons très sincèrement que le calendrier retenu par la commission des affaires économiques, qui va jusqu’en 2040, est beaucoup plus juste, puisqu’il prévoit que les communes entrant dans le dispositif de la loi SRU disposent exactement du même nombre d’années pour respecter leurs obligations que les communes qui y sont entrées en 2000, à savoir vingt-cinq ans.
Nous avons également voulu que la mesure soit rétroactive, dès lors que les communes entrantes et nouvelles ont été assujetties aux obligations de la loi SRU à compter du 1er janvier 2015, mais cela vaut bien sûr pour toute commune nouvelle ou entrante qui le deviendra du fait de sa création ou de l’augmentation de sa population.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. La sagesse commanderait probablement de retenir une voie médiane.
La question posée par M. Daunis est juste, mais son amendement ne traite que de la question des communes fusionnées. Or, manifestement, le problème se pose pour un certain nombre de communes entrant dans le dispositif de la loi SRU du fait du franchissement du seuil de population. Il convient de trouver une solution à cette difficulté.
Les délais retenus par la commission nous paraissent extrêmement longs. En tout cas, je ne pense pas qu’il soit judicieux de traiter à part le cas des fusions de communes.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Je crois que, sur cette question, il faudra essayer de trouver un équilibre en CMP. Cela fera partie des équilibres globaux du texte.
Pour l’heure, je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 624 rectifié est retiré.
L’amendement n° 297 rectifié ter, présenté par MM. Lafon et Bascher, Mme Billon, MM. Bockel, Bonnecarrère, Charon, Cambon et Chasseing, Mmes L. Darcos et F. Gerbaud, MM. Grosdidier, Guerriau et Janssens, Mme Lassarade, MM. Laugier et Longeot, Mme Vullien, M. Longuet, Mmes Sollogoub et Bonfanti-Dossat, MM. Détraigne, Savin, Cadic, Schmitz et L. Hervé, Mme Garriaud-Maylam, MM. Cuypers, Cigolotti, Médevielle et Danesi, Mme Vérien et MM. Canevet, Mizzon et Dufaut, est ainsi libellé :
Après l’article 46
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un article L. 302-5-… ainsi rédigé :
« Art. L. 305-5-… – Dans les communes où le nombre de logements financés en prêt locatif aidé d’intégration excède 30 % des résidences principales d’une commune, le ministère chargé de la construction et de l’habitation ne peut prendre une décision favorable à l’octroi des subventions et des prêts prévus à l’article R. 331-1 pour la livraison de logements sociaux neufs à usage locatif financés en prêt locatif aidé d’intégration. »
La parole est à M. Laurent Lafon.