M. Fabien Gay. Exactement !
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le secrétaire d’État, tout à l’heure, lorsque vous avez parlé de « casser le monopole bancaire », je me suis dit : pas mal ! (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Malheureusement, M. Dallier vient de vous répondre. Les éléments de langage ne suffisent pas : vous savez qu’une partie des bailleurs seront en autofinancement négatif.
Ce que vous ne dites pas non plus, c’est que cela va conduire à la vente d’une partie du parc de logements sociaux. Que vendront les bailleurs ?
M. Philippe Dallier. Le meilleur !
M. Pascal Savoldelli. Le meilleur, dans une perspective court-termiste !
Pardonnez-moi de parler un peu brutalement, mais quand vous dites que vous cassez le monopole bancaire, c’est du cinéma ! Que feront les banques du produit de la vente des logements sociaux ?
Vous parlez aussi de valeur ajoutée. C’est une expression qui nous parle ! Une valeur ajoutée, c’est une richesse nouvelle, productive, que l’on répartit sous forme de revenus. Quelle sera la valeur ajoutée des regroupements que vous prévoyez, qui étaient déjà possibles et que vous rendez obligatoires ?
Il ne s’agit pas de polémiquer pour polémiquer, mais, face à une telle crise du logement, il nous faut savoir combien de logements ces regroupements obligatoires permettront de construire ou de rénover. Le législateur peut changer de point de vue si on lui apporte des réponses convaincantes.
Nous le savons, dans de nombreux endroits, une réhabilitation du logement social s’impose si l’on ne veut pas que les souffrances de la population débouchent sur des révoltes ; je suis de ceux qui savent faire la différence entre une révolte et une révolution.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour explication de vote.
M. Marc-Philippe Daubresse. Je souhaiterais compléter les propos de Philippe Dallier, que je partage entièrement. D’ailleurs, je partage aussi assez largement ce qu’a dit Mme Lienemann !
Depuis le début, monsieur le secrétaire d’État, vous dites inscrire votre démarche dans une volonté de territorialisation. Nous vous répondons qu’elle est en réalité inspirée par une volonté financière. Vous avez dû accepter, Mme la rapporteur l’a dit, des réductions drastiques du budget du logement, comme jamais on en avait vu depuis des années, quels que soient les gouvernements qui se sont succédé. Bercy a systématiquement essayé de plumer les différents ministres du logement, mais ils ont résisté peu ou prou pour sauvegarder un modèle du logement social qui a ses imperfections – bien sûr, il existe des « dodus dormants » –, mais qui repose, sur le terrain, sur des logiques forgées au fil des ans.
Lors de la discussion générale, je vous ai alerté sur le fait que vous cassiez la relation de confiance avec les élus locaux. Vous ne parlez pas des élus locaux. Depuis des années, des relations de confiance, parfois conflictuelles, se sont développées entre des offices d’HLM ou des SA d’HLM et des élus locaux. D’ailleurs, les élus locaux ont apporté des garanties au logement social.
M. Pascal Savoldelli. Oui, tout à fait !
M. Marc-Philippe Daubresse. Aujourd’hui, il n’y a plus d’autofinancement. Dans mon département du Nord, l’office départemental a réalisé l’année dernière un chiffre d’affaires de 230 millions d’euros et dégagé 23 millions d’euros d’autofinancement. L’année prochaine, ce sera zéro !
M. Pascal Savoldelli. Voilà !
M. Marc-Philippe Daubresse. Et que se passe-t-il ? Nous avons tous fait le point dans nos circonscriptions : dans les zones rurales, dans les villes moyennes, dans tous les endroits qui ne sont pas des zones tendues, il n’y a plus de bailleur social pour construire !
Mme Cécile Cukierman. Bien sûr !
M. Marc-Philippe Daubresse. On abandonne complètement des pans entiers du territoire.
Or, dans ces endroits, ce n’est pas une question de seuil ; c’est une question d’aménagement du territoire ! Il faut pouvoir offrir des logements aux plus démunis, que ce soit en accession sociale ou en locatif social. À défaut, le risque est de créer une France à deux vitesses et de se concentrer sur les métropoles et les zones les plus tendues.
Monsieur le secrétaire d’État, Mme la rapporteur vous l’a dit, nous allons évidemment poursuivre le débat.
Je rappelle que, lorsqu’il était ministre du logement, mon collègue Benoist Apparu avait lui aussi tenté de regrouper différentes SA d’HLM. Qu’avons-nous constaté ? À titre d’exemple, j’évoquerai un cas que je connais bien, celui d’une très grosse société d’HLM du Nord. Pour atteindre le seuil requis, elle s’est regroupée avec deux petites sociétés, l’une située à Angoulême, l’autre à Avignon. Ces petites sociétés ne connaissaient évidemment pas les élus locaux du Nord, et cela s’est mal passé sur le terrain. On a cassé la relation de confiance forgée depuis des années entre les élus locaux et les bailleurs sociaux.
M. Fabien Gay. Bien sûr !
M. Marc-Philippe Daubresse. Or, même si leurs relations peuvent parfois être un peu musclées, tous ont la même volonté de loger des populations qui en ont de plus en plus cruellement besoin dans notre pays.
Nos amendements, monsieur le secrétaire d’État, visent à améliorer la gouvernance, car le diable est dans les détails ! Le nouveau modèle que vous voulez nous imposer conduirait à une concentration de tous les moyens, dans une logique de massification des flux financiers. La Caisse des dépôts et consignations et les très grosses sociétés d’HLM vont pouvoir tout manger. Parallèlement, je le répète, on va casser les relations qui existent entre les élus locaux et les SA d’HLM de taille moyenne.
Je ne pense pas que vous alliez dans la bonne direction, monsieur le secrétaire d’État. Il faudra donc rectifier cet article sur la gouvernance si vous voulez notre appui. Tel est l’objet de plusieurs amendements en discussion commune.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.
M. Laurent Lafon. Pratiquement tout le monde est d’accord sur la nécessité de réorganiser le secteur du logement social. Le problème que pose l’article que nous sommes en train d’étudier, c’est qu’il prévoit une organisation uniforme sur tout le territoire. Le même seuil de 15 000 logements sociaux, abaissé à 10 000 par la commission, s’appliquera de la même façon, quelle que soit la situation des territoires en termes de logements.
Le seuil de 15 000 logements a peut-être du sens dans une ville comme Paris, mais je ne suis pas sûr qu’il en ait beaucoup dans la Creuse… C’est tout le problème que pose la vision très uniformisée que vous avez de la réorganisation, monsieur le secrétaire d’État.
Vous cassez effectivement le lien entre les politiques de l’habitat et l’outil logement social. Or ces politiques diffèrent en fonction des zones, qu’elles soient tendues ou non, rurales ou urbaines, qu’elles comptent ou non plus de 25 % de logements sociaux.
Mme Cécile Cukierman. Bien sûr !
M. Laurent Lafon. Nous avons besoin, pour faire le lien entre les politiques de l’habitat et les opérateurs de logements sociaux, de souplesse et d’adaptation, en fonction des problématiques locales. La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi SRU, dont nous aurons peut-être l’occasion de parler au cours de ce débat, prévoit bien des différences en fonction des objectifs, des caractéristiques et des histoires de chacune des communes.
Comment voulez-vous que l’on poursuive dans l’esprit de la loi SRU si vous imposez une uniformisation sur l’ensemble du territoire, sans prendre en compte les réalités locales existantes ? C’est toute la difficulté du seuil.
Nous ne sommes pas contre votre objectif de réorganisation du secteur du logement social, mais cette dernière doit prendre en compte la réalité et les différences de nos territoires, lesquelles expliquent que les politiques locales de l’habitat ne peuvent pas être les mêmes partout. Nous avons besoin de nous appuyer sur des outils qui prennent en compte les spécificités territoriales.
Tel est le sens des amendements que nous avons déposés sur cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Monsieur le secrétaire d’État, je ne reviens pas sur l’essentiel, qui a déjà été dit, la question étant : combien cette réorganisation permettra-t-elle de produire de logements ?
Pour ma part, je voudrais savoir quel est votre projet final. Il faut que l’on comprenne ! J’ai eu la même discussion avec Mme Borne sur la SNCF. Je lui ai demandé si son projet était de privatiser la SNCF. La main sur le cœur, elle m’a répondu que non. Deux mois plus tard, on privatisait la gare du Nord ! (M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.) Et c’est une première étape.
Il faut que vous nous disiez à quel point vous souhaitez regrouper les organismes de logement social, jusqu’où vous voulez aller. Il en existe 860 aujourd’hui. Nous, nous pensons que, pour aboutir à la grande massification, nous pourrions n’en conserver que quatre, par exemple. L’un pourrait être affilié à la Caisse des dépôts et consignations, un autre à la Caisse d’Épargne, un autre à une compagnie d’assurances – pourquoi pas AXA ? – et le dernier à Action Logement.
M. Antoine Lefèvre. Ne leur donnez pas des idées ! (Sourires.)
M. Fabien Gay. Se pose alors une question : qu’allez-vous faire des élus locaux qui dirigent des offices publics de l’habitat ? Souhaitez-vous faire disparaître ce modèle ? Dans ce cas, il faut nous le dire !
Autre question : souhaitez-vous également la disparition du paritarisme, de l’ESH, la Fédération des entreprises sociales pour l’habitat par exemple ? C’est une question importante. Nous avons besoin d’avoir tous les éléments en main pour prendre une décision.
En vérité, ce que vous souhaitez, c’est la financiarisation, pour pouvoir vendre le meilleur. Vous souhaitez vendre le patrimoine et rémunérer le capital, à charge pour les HLM de se débrouiller seules finalement ! Votre projet, c’est la fin du logement conventionné et de la solidarité nationale. À terme, ce sont les plus pauvres qui financeront les logements des plus modestes.
Nos craintes sont-elles fondées ou non, monsieur le secrétaire d’État ?
Nous posons deux questions : jusqu’où voulez-vous aller ? Combien votre réforme va-t-elle produire de logements ? Quand nous aurons les réponses à ces deux questions, nous pourrons tous ici nous déterminer en notre âme et conscience. Pour l’instant, nous ne les avons pas.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Je suis d’accord avec nombre des propos qui ont été tenus.
Monsieur le secrétaire d’État, sans doute est-ce parce que je n’appartiens pas au nouveau monde, mais il y a un élément de logique que j’ai du mal à comprendre dans l’attitude du Gouvernement.
Alors que vous proposez d’inscrire dans la Constitution un droit à la différenciation, vous nous expliquez aujourd’hui vouloir instaurer un seuil unique sur l’ensemble du territoire. Pourriez-vous donc nous expliquer ce qu’est un droit à la différenciation ?
C’est sans doute là l’illustration des limites du « en même temps »… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Le « en même temps » peut être un attrape-tout électoral, mais, là, vous n’êtes pas en campagne. Nous sommes en train d’écrire la loi. Et dans une loi, il faut être cohérent avec son discours !
Je vous saurais donc gré d’avoir la gentillesse de m’expliquer comment vous pouvez envisager d’instaurer à la fois un droit à la différenciation et un seuil unique. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Notre collègue Laurent Lafon a exposé tout à l’heure les craintes des élus du groupe Union Centriste concernant ce projet.
Pour autant, nous ne voterons pas l’amendement du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, tout simplement parce que la discussion doit avoir lieu. Des évolutions doivent certes intervenir, mais pas de façon uniforme, comme vient de le dire à l’instant Dominique De Legge.
S’il est un secteur important pour l’aménagement du territoire, c’est bien le logement. Nous devons donc être particulièrement attentifs à son devenir.
Le logement social est important pour un bon nombre de nos compatriotes, en particulier pour les familles monoparentales et pour les ménages ayant des ressources particulièrement faibles.
Que s’est-il passé ces dernières années ? Contrairement à ce qu’a dit Marc-Philippe Daubresse tout à l’heure, l’État a progressivement réduit l’ensemble de ses aides à la construction de logements locatifs publics sur les territoires. Les collectivités territoriales ont bien souvent pris le relais. Quant aux opérateurs, ils ont été obligés d’abonder les opérations sur leurs fonds propres pour pouvoir les réaliser, singulièrement dans les zones rurales.
Je le répète, le logement locatif public aujourd’hui est véritablement un facteur d’aménagement du territoire, particulièrement dans les zones rurales. Si l’on déconnecte totalement les opérateurs des territoires, cela entraînera une concentration de la construction de logements dans les zones très urbanisées et le délaissement des zones rurales et des zones les plus excentrées.
J’appelle donc le Gouvernement à bien réfléchir avant de mettre en œuvre des dispositions d’ordre général, qui auraient des conséquences particulièrement négatives.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je tiens tout d’abord à rassurer un certain nombre de mes collègues : avec cet amendement, la question n’est pas de clore le débat, sauf si vous avez déjà accepté la logique du Gouvernement de procéder à des regroupements forcés et imposés.
Notre amendement vise simplement à empêcher de rendre obligatoire ce qui est aujourd’hui possible. Je rappelle à ceux avec qui nous avons examiné en 2014 la loi NOTRe, portant nouvelle organisation territoriale de la République, que l’on disait déjà alors que chacun devait rester libre, mais qu’il fallait tout de même des seuils, avant de découvrir que c’était un peu plus compliqué que cela dans nos territoires. D’aucuns ont par la suite déposé des propositions de loi, afin d’essayer d’améliorer les dispositions votées quelques années plus tôt.
Monsieur Dallier, je vous ai bien entendu. Selon vous, on ne peut pas faire autrement. Vous avez en partie raison. L’état financier dans lequel le Gouvernement a mis les offices aujourd’hui fait que la situation devient très compliquée. Dans un certain nombre d’endroits, si les organismes de logement social veulent survivre, ils devront se regrouper, qu’on les y oblige ou non. Il est vrai que l’on est toujours un peu plus fort à plusieurs. Il n’est donc pas utile de rendre obligatoires de tels regroupements.
Malheureusement, compte tenu des baisses drastiques des dotations aux territoires ces dernières années, les communes nouvelles sont des projets contraints, non des projets partagés. Il s’agit d’essayer de sauvegarder encore quelques services sur les territoires.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons aujourd’hui la suppression de l’article 25. Je suis convaincue que le seuil des 10 000 logements ne répondra pas aux besoins d’un certain nombre de territoires, notamment les territoires dits « détendus » et les territoires ruraux. Dans ces territoires, il faut au contraire des offices de proximité qui répondent aux besoins des villages et des populations, des plus jeunes comme des plus anciens, en construisant de petites unités, en faisant du logement social de proximité et à taille humaine.
Nous maintenons bien évidemment notre amendement, mes chers collègues, et nous vous présenterons ensuite un certain nombre d’amendements de repli.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Bien des choses ont été dites, et j’ai compris que je n’arriverai pas à convaincre tout le monde. Je souhaite néanmoins vous apporter quelques éclaircissements, mesdames, messieurs les sénateurs.
Je rappelle tout d’abord que, le 4 avril dernier, nous avons signé un protocole d’accord avec l’USH, l’Union sociale de l’habitat – monsieur le sénateur Dallier, vous pourriez dire qu’elle y a été obligée, mais je ne pense pas que ce fut le cas. Nous avons aussi signé avec plusieurs familles du logement social, à l’exception des OPH, les offices publics de l’habitat.
Ce protocole prévoit précisément que la grande famille de l’USH et le Gouvernement vont, ensemble, vers des regroupements. Je dis cela non pour vous convaincre, mais afin que vous sachiez que ces regroupements ne sont pas une mesure, sortie de notre chapeau pour faire des économies budgétaires. Nous avons réalisé un véritable travail avec l’USH.
J’évoquerai ensuite un point fondamental, le volet territorial. L’imposition de seuils est-elle la meilleure politique territoriale ? D’évidence non. Je ne vous dirai pas le contraire. Dès lors que l’on instaure un seuil, c’est que l’on n’a pas trouvé de meilleure solution.
Cela dit, le projet de loi, à l’issue du travail qui a été effectué à l’Assemblée nationale, prévoit des spécificités territoriales, dès lors que des problèmes ont été identifiés. On a ainsi introduit, à la suite de la conférence de consensus sur le logement, la spécificité départementale. Il doit absolument y avoir au moins un office par département. Dans les cas où il n’y aurait qu’un office dans le département, il ne serait pas soumis au seuil.
J’évoquais tout à l’heure, madame Cukierman, les spécificités des établissements publics territoriaux franciliens. Nous avons travaillé avec des sénateurs sur un certain nombre d’amendements, afin de faire de la dentelle, si j’ose dire. Pour en revenir à l’exemple francilien, il subsistait en effet des trous dans la raquette.
Vous avez également évoqué à plusieurs reprises le rôle essentiel des élus locaux. Or le projet de loi prévoit clairement que ces derniers doivent faire partie des SAC, les sociétés anonymes de coordination, les fameuses sociétés mères dans le contrat de mariage, pour reprendre cette comparaison. La loi est d’ailleurs redondante, car, les SAC ayant un statut d’office d’HLM, les élus locaux y siégeaient déjà. Nous l’avons tout de même réinscrit dans la loi, pour montrer à quel point leur rôle est essentiel.
J’aborderai un dernier point sur le volet territorial. J’insiste encore une fois sur le fait que les toutes les conventions d’utilité sociale, les CUS, et tous les plans stratégiques de planification sont toujours faits à l’échelon du territoire. Toujours ! Il ne peut en aucun cas y avoir de CUS au niveau de la structure de tête ou du regroupement. En aucun cas !
J’ajoute que l’on parle non pas d’une fusion, mais d’un regroupement. Quels sont les bénéfices d’un regroupement, pour répondre à vos interrogations ? Il permet quelques économies d’échelle.
Objectivement, je fais partie de ceux qui considèrent que le gain ne réside pas essentiellement dans l’économie d’échelle. En revanche, je crois profondément que le fait que plusieurs bailleurs sociaux puissent se prêter de l’argent,…
M. Fabien Gay. Quel argent ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. … échanger et planifier ensemble des projets est tout à fait bénéfique.
Monsieur Gay, je n’ai jamais fait partie de ceux qui ont caricaturé les bailleurs sociaux et parlé de « dodus dormants »,…
M. Fabien Gay. Il n’y a plus de sous, monsieur le secrétaire d’État !
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. … y compris quand on me tendait une perche. D’autres élus, y compris du côté gauche de l’hémicycle, n’ont eu de cesse de parler de chasse aux dodus ; pas ici, mais à l’Assemblée nationale. Relisez les comptes rendus des débats.
M. Fabien Gay. Ce sont les députés. Ici, c’est le Sénat !
M. Marc-Philippe Daubresse. Ils manquent d’expérience ! (Sourires.)
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Ils ne font pas preuve de la même sagesse, c’est sûr !
Cela dit, on ne peut pas nier que certains bailleurs ont beaucoup d’argent, quand d’autres n’en ont pas.
J’en viens au volet financier. Sur ce sujet, je veux bien entendre beaucoup de choses, mais je pense qu’il faut vraiment prendre conscience de certains éléments. Il est clair qu’il n’est pas évident de faire une réforme du logement, mais on a fait une erreur il y a quarante ans en décidant d’arrêter la construction et d’aider la personne. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) Cela pouvait se justifier il y a quarante ans, mais c’est fondamentalement une erreur aujourd’hui.
Les APL, les aides personnalisées au logement, représentent aujourd’hui 18 milliards d’euros, soit la moitié du budget de la défense nationale ! De budget en budget, on multiplie les coups de rabot. Certains amendements au projet de loi de finances visent même parfois à introduire des taux d’effort pour les personnes percevant les APL. À la fin, ces allocataires y sont perdants.
Pour notre part, nous avons tenté une réforme compliquée, vous l’avez dit, madame Cukierman, à savoir la réduction de loyer de solidarité, ou RSL. Sa valeur ajoutée, c’est qu’on n’introduit pas de taux d’effort. On traite le sujet au niveau non des allocataires, mais des bailleurs sociaux. Cela ne signifie pas pour autant que c’est plus facile, mais c’est une immense différence.
Monsieur Daubresse, il est un autre scandale, immense, que j’aurais aimé voir traité. Ces cinq dernières années, les bailleurs sociaux se sont endettés auprès de la Caisse des dépôts et consignations à des taux exorbitants.
M. Marc-Philippe Daubresse. Ces cinq dernières années, oui.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Le plus gros scandale, c’est que, pendant des années, on ne se soit jamais demandé comment revoir complètement le financement du logement social.
Je reprends la comparaison de Mme Lienemann : au moment où nos voisins allemands et britanniques bénéficiaient de taux très faibles, les bailleurs sociaux français se voyaient infliger des taux exorbitants. C’est pour cela, comme vous l’avez dit, monsieur Dallier, que l’on a fait ce package financier avec la Caisse des dépôts et consignations et pris des dispositions concernant le livret A. Il faut aller encore plus loin.
M. Marc-Philippe Daubresse. Mais qui a la tutelle sur la Caisse des dépôts ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Comme vous le savez, monsieur Daubresse, la Caisse des dépôts n’a pas vraiment de tutelle….
M. Marc-Philippe Daubresse. Qui nomme son directeur ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Ce combat, nous l’avons enfin engagé. Nous avons enfin essayé de trouver des solutions qui, même si elles ne sont peut-être pas encore à la hauteur, je vous l’accorde, monsieur le sénateur, vont dans le bon sens. Si cela avait été fait avant, les choses seraient plus simples aujourd’hui, je vous l’accorde aussi. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame)
Mme la présidente. L’amendement n° 560, présenté par Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Daunis et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… - Le premier alinéa de l’article L. 364-1 du code de la construction et de l’habitation est complété par deux phrases ainsi rédigées : « À ce titre, il est chargé de piloter les projets de regroupements des organismes de logements sociaux implantés sur le territoire de la région et d’évaluer la pertinence territoriale des projets qui lui sont soumis, en termes d’évolution stratégique, de moyens financiers, de gouvernance locale. Il peut proposer au représentant de l’État dans la région la modulation du seuil de taille minimale d’un groupe selon la réalité et les besoins du territoire. »
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. La méthode de regroupement fondée sur un seuil obligatoire ne tient pas compte de la diversité des territoires et des réalités locales ; notre collègue Lafon l’a dit tout à l’heure. C’est une position qui a été défendue à l’Assemblée nationale et qui emporte également l’adhésion ici de la majorité du Sénat. Mais le Gouvernement tient à un seuil et, nous l’avons compris, vous ne reculerez pas, monsieur le secrétaire d’État.
La commission a abaissé le seuil à 10 000 logements, au lieu de 15 000 logements. Nous sommes satisfaits de cette première évolution, car nous sommes nombreux à le dire : la taille ne présume en rien de l’efficacité de la gestion d’un organisme. Plutôt que la taille d’un organisme, c’est la concentration géographique de son patrimoine qui constitue l’élément prépondérant de la maîtrise des coûts de gestion.
Cet amendement vise à proposer une deuxième évolution : confier aux comités régionaux de l’habitat et de l’hébergement, les CRHH, une mission de pilotage et d’évaluation des projets de regroupements, pour assurer la pertinence financière de ces derniers et la capacité des organismes à rester connectés avec les territoires.
Le CRHH pourra aussi, le cas échéant, proposer au préfet de région une modulation du seuil des 10 000 logements pour tenir compte des spécificités de l’offre et de la demande de logements sociaux sur le territoire concerné.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je ne pense pas que votre proposition aille dans le bon sens. Je pense au contraire qu’elle complexifierait la procédure de regroupement. Il faut maintenant se faire à l’idée de ces regroupements et faire confiance aux bailleurs sociaux. En outre, que se passerait-il si le comité régional de l’habitat et de l’hébergement considérait que le projet n’était pas pertinent ?
Vous l’avez rappelé, la commission a voulu trouver un équilibre en proposant un seuil à 10 000 logements et un chiffre d’affaires de 25 millions d’euros pour les sociétés d’économie mixte. Elle n’a pas souhaité prévoir en outre de modulations du nombre de logements.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 560.
Mme la présidente. L’amendement n° 884 rectifié, présenté par Mme Létard, M. D. Dubois et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 411-9 du code de la construction et de l’habitation est ainsi rédigé :
« Art. L. 411-9. - Les organismes d’habitations à loyer modéré élaborent un plan stratégique de patrimoine qui définit leur politique patrimoniale, les adaptations de leur patrimoine permettant de répondre à la demande dans les différents territoires dans lesquels ils interviennent, ainsi que les évolutions à moyen et long terme des différentes composantes du parc, en tenant compte des orientations fixées par les programmes locaux de l’habitat et les politiques de l’État. »
La parole est à M. Michel Canevet.