PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen de l’article 18.
Article 18 (suite)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1117, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
trente pour cent de leurs logements, et au moins deux logements lorsque le bâtiment comprend moins de dix logements, sont accessibles
par les mots :
un dixième de leurs logements, et au moins un logement, est accessible
La parole est à M. le ministre.
M. le président. L’amendement n° 1044 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Gabouty, Guillaume, Léonhardt, Menonville et Vall et Mme Guillotin, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
trente pour cent de leurs logements, et au moins deux logements lorsque le bâtiment comprend moins de dix logements
par les mots :
vingt pour cent de leurs logements, et au moins un logement
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. En proposant de ramener la part de logements accessibles de 30 % à 20 %, nous anticipons peut-être une solution de compromis entre le Gouvernement et la commission.
Je suis un peu étonné de nos discussions sur le taux de logements destinés aux handicapés et aux personnes âgées. Malheureusement, les différentes approches ne prennent pas suffisamment en compte les aspects qualitatifs et géographiques du problème. On a par exemple besoin d’un plus grand nombre de logements pour handicapés, ou à destination des personnes âgées dépendantes ou en voie de dépendance, à proximité des centres-villes qu’en périphérie. Il est toujours très difficile de fixer un taux global sans distinguer les situations.
L’offre en matière de logements accessibles doit effectivement correspondre aux besoins et, pour avoir déjà eu un certain nombre d’expériences en la matière, ces besoins peuvent parfois être surestimés. En tout cas, la généralisation de la mise aux normes d’accessibilité de la totalité des logements sociaux n’est pas une bonne méthode, à mon avis, car elle tire la qualité de ces logements vers le bas.
Pour véritablement adapter ces logements, il faudra à l’avenir intégrer une domotique moderne, qui existe d’ores et déjà, ainsi que des prestations de qualité, et non un minima généralisé, qui ne serait utilisé que par moins de 10 % des candidats au logement social.
Avec notre amendement, nous aimerions parvenir à un compromis entre le Sénat, l’Assemblée nationale et le Gouvernement.
M. Xavier Iacovelli. C’est mal parti !
M. le président. L’amendement n° 155 rectifié, présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
trente pour cent
par les mots :
les trois quarts
et les mots :
au moins deux logements
par les mots :
au moins cinq logements
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Messieurs les ministres, on poursuit le débat ! Vous imaginez bien que l’amendement de mon groupe est un amendement de repli, puisqu’il prend en compte la solution retenue par la commission : un taux de 30 % de logements accessibles. De notre côté, nous proposons 75 %. Ce quota de 30 % est, à notre avis, largement insuffisant et constituerait une grave et brutale régression sociale pour les droits des personnes en situation de handicap, même si c’est déjà mieux que le taux de 10 % proposé par le Gouvernement.
Ce qu’on oublie souvent quand on débat de cette question, c’est que le quota de logements accessibles ne s’applique pas aux logements nouveaux, mais aux logements nouveaux réputés, à savoir les logements nouveaux situés au rez-de-chaussée ou desservis par un ascenseur, soit seulement 40 % de la production de logements nouveaux qui, eux-mêmes, ne représentent que 1 % du parc immobilier français.
Par ailleurs, les besoins quantitatifs et qualitatifs des personnes handicapées et des personnes âgées en matière de logements ne sont d’ores et déjà pas satisfaits, même avec le quota actuel d’accessibilité de 100 %, ce qui tient en partie au fait que les obligations en matière d’accessibilité ne portent que sur les logements neufs. Lesdites obligations ne constituent qu’une chimère, peu respectée du fait des nombreuses dérogations délivrées aux constructeurs concernés. En effet, seul 6 % de l’ensemble du parc de logements est adapté. Nous sommes en retard par rapport à nos voisins européens, alors que le nombre de personnes âgées de moins de soixante-quatre ans, vivant à leur domicile et considérées comme handicapées, est estimé à environ 9 millions.
Enfin, le concept d’« évolutivité », qui concernerait les 70 % de logements restants, est à notre avis un peu flou.
Tout d’abord, comme l’a reconnu le directeur de l’Union nationale des propriétaires immobiliers lui-même, les propriétaires auront tout intérêt à avantager les locataires lambda par rapport aux personnes handicapées, afin de ne pas être contraints par l’État d’effectuer des travaux.
Ensuite, il est impossible d’être certain par avance que les travaux, en cas d’occupation du logement par une personne en fauteuil roulant, seront réalisables puisque, depuis 2007, les permis de construire ne font plus figurer que les murs porteurs, les façades et les toitures sur les plans.
Enfin, monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez pas écarté le risque que le financement des travaux d’adaptabilité repose sur les locataires. Pour nous, c’est une aberration !
M. le président. L’amendement n° 156 rectifié, présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
trente pour cent
par les mots :
cinquante pour cent
et les mots :
deux logements lorsque le bâtiment comprend moins de dix logements
par les mots :
un logement par étage
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Comme le précédent, il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à atteindre le seuil de 50 % de logements accessibles pour les personnes à mobilité réduite dans les immeubles nouvellement bâtis. Ce seuil représente, à nos yeux, le minimum acceptable. En outre, ce taux est assorti d’une clause pour ventiler ces logements, afin que chaque étage compte au moins un logement accessible.
Je le répète, ce débat est surréaliste, la proposition du Gouvernement inacceptable. D’ailleurs, le Défenseur des droits a rappelé le 11 mai dernier que l’introduction d’un quota de logements est discriminatoire et vient en contradiction avec le droit des personnes à choisir librement leur lieu de vie, reconnu par l’article 19 de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, qui a été ratifiée par la France en 2010.
Si le Sénat a heureusement rehaussé le seuil en commission en le fixant à 30 %, ce taux nous semble toujours largement insuffisant. Il y va de la liberté d’installation des personnes handicapées ou à mobilité réduite. Il y va également de leur sociabilité ou, plus prosaïquement, de leur capacité à se rendre dans leur famille ou chez leurs amis.
On nous rétorquera que le logement reste évolutif, c’est-à-dire accessible après la réalisation de travaux simples. Or cette notion est tout à fait critiquable, car complètement floue.
Enfin, puisque c’est votre volonté de ne pas rendre tous les logements accessibles, il est important d’introduire un quota par étage. Cette mesure permettra de garantir l’accessibilité des parties communes de l’immeuble, notamment les ascenseurs, et empêchera que les logements accessibles soient cantonnés au rez-de-chaussée, à côté du local à poubelles ou du local à vélos, réduisant encore la liberté de choix des personnes handicapées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques. Sans surprise, la commission a émis un avis défavorable sur ces quatre amendements.
S’agissant de l’amendement n° 1117, je regrette simplement que le Gouvernement n’ait pas jugé bon de rallier notre position, celle d’un taux de 30 % de logements accessibles, le reste des logements neufs étant des logements évolutifs, position qui semble pourtant avoir fait l’objet d’un assez large consensus.
Dans la mesure où la notion de « logement évolutif » sera définie par décret, je profite de cette prise de parole pour vous demander, messieurs les ministres, de prendre des engagements sur la date de publication du décret et, surtout, de nous apporter toutes les assurances nécessaires quant au contenu de ce décret. Même si vous nous avez dit, monsieur le secrétaire d’État, que les associations de soutien aux personnes en situation de handicap sont associées à la rédaction du décret, j’insiste sur le fait que ce point est important et qu’il peut s’agir d’un signal fort à envoyer aux personnes en situation de handicap.
En ce qui concerne les trois autres amendements, qui fixent le taux d’accessibilité des logements à 20 %, 50 % ou 75 %, je vous confirme que la commission souhaite en rester au seuil de 30 %.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 1044 rectifié, 155 rectifié et 156 rectifié.
Madame la rapporteur, le décret en Conseil d’État devrait paraître d’ici au 1er octobre. Nous disposons déjà d’une première version, issue d’au moins deux réunions avec les associations de personnes en situation de handicap. Je m’engage à vous adresser ce décret, y compris cette première version issue de nos échanges, et de vous tenir informée au fur et à mesure de son évolution. Vous l’aurez dès ce soir par courriel.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. « Notre conviction, c’est qu’il faut avancer, non seulement pour les personnes handicapées, mais avec elles, comme membres à part entière et égale de notre société. C’est l’honneur de la France que de promouvoir ainsi une société plus inclusive, fraternelle et solidaire. » À peine un an après ces propos tenus par Emmanuel Macron, le Gouvernement présente un projet de loi qui marque un recul sans précédent de notre société pour toutes les personnes en situation de handicap.
Pour ce qui est des chiffres, la mission est remplie. Nous discutons depuis des mois pour savoir quel sera le bon taux de logements accessibles à l’avenir : 10 %, 25 %, 30 %, 50 %, 75 %… A priori, on en restera à un taux de 30 % au Sénat.
Monsieur le ministre Mézard, dans votre intervention liminaire, lundi dernier, vous avez indiqué qu’il faudrait trouver le point d’équilibre. Alors que le Sénat cherche un compromis sur cet enjeu essentiel pour notre société, vous fermez le débat avec votre amendement.
Cet amendement est brutal, en plus d’avoir été déposé tardivement : brutal pour tous les Français qui aspirent à une société plus ouverte et plus solidaire, brutal pour toutes les associations, pour toutes les personnes handicapées, qui tentent depuis des mois d’infléchir votre décision.
Le Président de la République disait vouloir avancer pour les personnes handicapées et avec elles. Oui, vous avez reçu leurs associations – elles nous l’ont dit –, mais les avez-vous seulement écoutées ?
Avec seulement 6 % de logements accessibles en France, votre mesure va à l’encontre de la nécessité de prendre en compte tant le handicap que le vieillissement de la population et revient sur l’engagement du Président de la République de faire du handicap une priorité du quinquennat.
Monsieur le ministre, il est encore temps, à défaut de retirer l’article 18 de votre projet de loi, de retirer au moins votre amendement !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pendant longtemps, j’ai fait partie de ceux qui considéraient que les normes en matière d’accessibilité étaient tellement contraignantes qu’on en arrivait parfois à construire des appartements dans lesquels la salle de bains et les W.-C. étaient plus grands que les pièces à vivre, comme le salon ou la salle à manger. Je pensais donc qu’il n’était pas forcément absurde de fixer un contingent de logements sociaux accessibles qui, bien entendu, n’aurait pas été fixé à 10 %, mais à un taux plus significatif de 30 % ou 50 %. Pour les autres logements sociaux, je me disais que les organismes d’HLM seraient obligés de les adapter ou de proposer une solution de relogement pour répondre aux besoins des personnes handicapées.
Cela étant, je n’étais pas très optimiste sur la possibilité de généraliser cette méthode au secteur privé. Autant on peut exiger d’un organisme social qu’il finance ce type de travaux ou qu’il trouve une réponse adaptée à l’accessibilité dans le reste de son parc, autant il paraît très difficile de l’imposer à un bailleur privé. En effet, qui paierait ? On risquerait donc de se retrouver face à des blocages.
Après avoir regardé de plus près le concept d’« évolutivité », j’ai fini par me dire que l’écart de prix entre la construction d’un logement adapté et la construction d’un logement évolutif sera epsilonesque et compliquera considérablement le montage des opérations. Si vous devez réserver les potentialités d’une cage d’escalier pour l’installation d’un ascenseur, si vous devez prévoir la possibilité de déplacer une cloison, vous faites face à des contraintes qui, en définitive – il semble que la Fédération française du bâtiment le confirme –, font que les économies seront très faibles. Ce que certains pensent gagner en jouant la carte de l’évolutivité par rapport à l’adaptabilité sera tellement insignifiant…
M. le président. Il faut conclure, chère collègue !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … et entraînera tellement de complications que, de mon point de vue, il vaudrait finalement mieux en rester où nous en étions et peut-être réfléchir davantage aux moyens consacrés aux aides à la pierre, qui doivent être adaptées pour permettre d’atteindre l’objectif d’une société plus inclusive. (M. Xavier Iacovelli et Mme Michelle Meunier applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. J’ai entendu dans le débat que le fait de ne fixer un seuil qu’à hauteur de 30 % permettra de construire plus de logements, parce qu’on aura alors une plus grande manne financière. On assène cet argument comme une vérité. (M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.) Je n’ai jamais dit que c’était vous qui l’aviez dit, monsieur le secrétaire d’État. Ce sont des propos que j’ai entendus depuis certaines travées de l’autre côté de l’hémicycle.
Je me demande si cet argument repose sur une étude d’impact. Est-ce que le fait de passer de 100 % à 30 % de logements accessibles aux personnes en situation de handicap nous permettra de construire davantage ? Est-ce que c’est vrai ou pas ? Si c’est vrai, qu’on nous fournisse l’étude d’impact ! Si vous me dites que c’est faux (M. le secrétaire d’État opine.), il faut arrêter de dire qu’on produira davantage et pour le plus grand nombre.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez également avancé des arguments sur l’évolutivité des logements en évoquant notamment la question des cloisons, alors que je viens d’expliquer que, depuis 2007, les cloisons ne figurent plus sur les plans annexés aux permis de construire.
Il faudrait en outre que vous répondiez aux questions de Mme la rapporteur : quand le décret sera-t-il pris…
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Mais il a déjà répondu !
M. Fabien Gay. … et quelles seront les nouvelles normes de construction ? Il s’agit d’une vraie question de fond !
Ma dernière interrogation porte sur les moyens. On nous explique que cet article est destiné à faire des économies. Mais quand il faudra adapter les logements, ce seront aux bailleurs de payer ! Avec quel argent ? Vous venez de les amputer de 1,5 milliard d’euros ! Et je n’ai pas l’impression que les nouvelles mesures que nous allons adopter dans les prochains jours leur donneront des marges de manœuvre supplémentaires ! On est donc un peu dans le flou sur cette question.
Avec ce taux de 30 % de logements accessibles, on fait un choix fort qui ne répondra pas à la crise de demain. Nous sommes confrontés à un enjeu de société, à un enjeu d’humanité avec le problème du vieillissement. Nous avons besoin d’éléments d’information solides avant de pouvoir nous prononcer.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Le groupe La République En Marche votera l’amendement du Gouvernement (Exclamations ironiques sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.),…
Mme Esther Benbassa. Quelle surprise !
M. Julien Bargeton. … qui ne me paraît pas spécialement brutal, puisqu’il vise à revenir au texte initial.
J’ai entendu dire que l’évolutivité entraînerait des surcoûts. Pour ma part, je ne pense pas que cela engendrera des surcoûts massifs ou une hausse des prix. Il est tout à fait possible de déplacer une cloison…
J’ai aussi entendu les arguments de la rapporteur et les débats qui animent cet hémicycle : faut-il fixer le seuil de logements accessibles à 10 %, 30 % ou 50 % ? Au-delà du vote que nous allons émettre, je souhaite que ce débat puisse se poursuivre au cours de la navette, lors de la commission mixte paritaire,…
M. Didier Guillaume. Voilà !
M. Julien Bargeton. … et que l’on puisse tenir compte des arguments échangés aujourd’hui pour trouver la solution la plus pertinente et la plus optimale afin de parvenir, autant que faire se peut, à un consensus.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Dans les débats à venir, notamment sur la loi PACTE, on verra qui votera les dispositions sur le 1 % logement, qui n’est en réalité que de 0,45 % de la masse salariale…
Notre collègue du groupe La République En Marche nous annonce qu’il va voter l’amendement du Gouvernement – c’est un peu normal –, mais son argumentation n’est vraiment pas convaincante.
M. Julien Bargeton. J’arriverai bien à vous convaincre ! (Sourires.)
M. Pascal Savoldelli. Je veux bien qu’on m’explique qu’on a un exécutif qui répartit, qui redistribue et qui innove, mais le 1 % logement va rester à 0,45 % de la masse salariale ! Et il faut savoir qu’on va nous proposer de cibler les entreprises – là, il y a des recettes, messieurs les ministres ! – qui contribuent à ce 1 % logement, qui n’est que de 0,45 % de la masse salariale, non plus à partir de vingt mais de cinquante salariés !
Il ne faut pas avoir de double discours ! Qui va financer ?
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Je voudrais moi aussi soutenir la position tout à fait raisonnable de la commission. Il convient en effet de prendre en compte la réalité du terrain.
Nous avons recueilli beaucoup de réactions de la part des associations œuvrant dans le secteur du handicap, qui estiment qu’il n’est franchement pas acceptable de passer d’un extrême à l’autre. Il faut que le Gouvernement tienne compte de la réalité des besoins. Il faut aussi, comme l’a fait la commission, trouver des sources d’économies en réduisant la part de logements intégralement accessibles à un niveau raisonnable. En revanche, il ne serait pas judicieux de descendre en dessous d’un certain seuil.
Je considère que la position de la commission est empreinte de bon sens.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Je voudrais vous répondre, monsieur Savoldelli, sur un sujet que vous avez soulevé à plusieurs reprises, à savoir le fameux 1 % logement.
En premier lieu, vous évoquez le fait que ce 1 % logement est en réalité un 0,45 % logement.
M. Philippe Dallier. Ce n’est pas nouveau !
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Comme le dit votre collègue Philippe Dallier, cela fait un bon moment que c’est comme ça. On peut nous imputer beaucoup de choses, mais, sur ce point, je pense très sincèrement que nous n’y sommes absolument pour rien. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Si, depuis la baisse des APL !
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. En second lieu, vous nous demandez, puisque cette contribution repose sur les entreprises d’au moins vingt salariés, ce qu’il va advenir de ce financement avec la suppression de ce seuil prévue dans la loi PACTE.
Dès le premier jour des discussions interministérielles avec notre collègue Bruno Le Maire, notre principale préoccupation à Jacques Mézard et moi-même a été de mettre sur la table le fait qu’il était évidemment hors de question de modifier le seuil de vingt salariés si cette mesure avait un quelconque impact sur le financement du 1 % logement. Les services de Bercy ont donc travaillé pour trouver d’autres voies de financement du 1 % logement, toujours selon le même mécanisme, c’est-à-dire via les entreprises.
Pour être tout à fait certain que vous me croyez, je vous informe également que, lors du dernier point presse avec le président d’Action Logement, M. Arcadipane, celui-ci a confirmé ce que je vous dis, à savoir que la modification du seuil de vingt salariés n’aurait aucun impact sur la collecte du 1 % logement. Je vous renvoie à ses propos : il a indiqué avoir entamé dès le premier jour des discussions avec Bruno Le Maire et qu’un accord avait été trouvé.
Je tiens vraiment à vous rassurer, monsieur le sénateur : ce sujet nous a vraiment tenu très à cœur et est fondamental pour Jacques Mézard et moi-même. Je prends donc l’engagement devant vous que cette disposition n’aura pas d’impact sur le financement du 1 % logement.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Ce qui m’importait, c’est que l’article 18 ne soit pas supprimé et que l’engagement pris par le Gouvernement et l’Assemblée nationale d’innover puisse être tenu.
Sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, nous affirmions qu’il ne se construisait pas assez de logements ; la majorité nous répondait « si ! ». Au cours du précédent quinquennat, nous déclarions construire des logements ; l’opposition nous répondait « non, pas assez ! ». On ne peut pas continuer avec un tel manichéisme : on n’arrive pas à construire assez de logements sociaux dans ce pays ni suffisamment de logements adaptés pour les personnes handicapées ou à mobilité réduite.
Je ne sais pas si l’innovation envisagée donnera des résultats, mais je sais que la formule précédente ne fonctionnait pas. Jusqu’à présent, nous avons rencontré les pires difficultés pour loger les personnes handicapées et, comme cela a été souligné ce matin, nous constatons, dans tous nos départements, que le stock est énorme.
Je vais voter l’amendement du Gouvernement, par souci de cohérence, mais je ne doute pas du sort qui lui sera réservé par le Sénat : l’article 18, nouvelle formule, retiendra le taux de 30 %. J’espère que, dans la suite de la discussion, comme les ministres s’y sont d’ailleurs engagés, il sera possible de trouver un compromis entre le Sénat, le Gouvernement et l’Assemblée nationale. Il faut faire en sorte d’aboutir, dans l’intérêt des personnes handicapées.
De grâce, mes chers collègues, évitons tout manichéisme et toute opposition stérile ! Nous avons tous géré des collectivités et des offices d’HLM ; nous nous sommes tous heurtés aux mêmes problèmes ! (MM. Julien Bargeton et Martin Lévrier applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Je réaffirme, à la suite de mon collègue Michel Canevet, le soutien de notre groupe à la position de la commission. Si celle du Gouvernement pouvait évoluer pour que nous aboutissions à un taux de 30 % après la CMP, ce serait merveilleux…
Nous comprenons que les ministres défendent une position qu’on leur a demandé de défendre, mais en rester à un taux de 10 % de logements accessibles, avec une définition aussi peu sécurisante de l’évolutivité, c’est tout de même un problème. Pour pouvoir encore croire un peu à la société inclusive, il faut que cette évolutivité permette à chaque famille qui aurait besoin de transformer son logement de trouver une solution. On en est loin, au regard de la définition qui est donnée !
Qu’est-ce que l’évolutivité ? Comment le Gouvernement compte-t-il la financer ? Comment sécurisera-t-il les moyens, non seulement d’Action Logement, mais aussi de l’ANAH ? L’ANAH, me semble-t-il, dispose de moyens, mais provenant partiellement de la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, laquelle a, elle-même, des moyens limités et en diminution.
Telles sont toutes les questions que nous nous posons. C’est bien d’essayer de trouver des solutions pragmatiques allant dans le sens de l’intérêt général, mais encore faut-il que ce ne soit pas des illusions. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Corbisez. Étant moi-même en situation de handicap, j’aimerais témoigner de mon expérience médicale imposée et vous faire prendre conscience, mes chers collègues, de ce qu’est un logement, appartement ou de plain-pied, adapté au handicap avec les normes du XXIe siècle.
Vous vous êtes beaucoup focalisés, ce matin, sur la salle de bains. D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, je vous invite à aller ce week-end dans un magasin de bricolage, où on trouve tout ce qu’il faut, pour changer votre baignoire en douche à l’italienne. Sauf à mettre la bonde chez le voisin du dessous, je ne sais pas comment vous ferez !
Dans la salle de bains d’un logement adapté, il n’y a pas de douche à l’italienne. Une douche à l’italienne a une paroi vitrée, alors qu’une douche dans une salle de bains pour personne handicapée n’en a pas ! C’est même prohibé, si je ne me trompe pas.
Dans cette même salle de bains, vous avez aussi des sanitaires rehaussés et un bloc lavabo, avec meuble et miroir, monté sur crémaillère, pour pouvoir l’adapter en fonction de la taille de la personne ou si celle-ci se déplace en chaise roulante, et intégré au mur.
Parlons de la cuisine. Les plans de travail et les placards sont aussi montés sur crémaillère, c’est-à-dire à hauteur variable. Il faut que ce soit effectif dès l’entrée du locataire handicapé dans le logement.
On a beaucoup parlé de domotique ce matin. Aujourd’hui, les logements adaptés aux personnes en situation de handicap en sont blindés ! Il n’y a plus d’interrupteur : l’éclairage se déclenche à distance, avec une télécommande ou sur le mini-ordinateur embarqué sur la chaise roulante. L’éclairage peut même suivre la personne handicapée dans ses déplacements à travers l’appartement ou la maison.
Une personne handicapée a aussi le droit de sortir de son logement, appartement ou de plain-pied. Disposer d’une terrasse ou d’un balcon, cela implique d’office une baie vitrée coulissante, motorisée et pouvant, elle aussi, être déclenchée à distance, avec une télécommande ou depuis la chaise roulante.
Je vous passe, mes chers collègues, tout ce que la recherche et développement, la silver economy ou le e-médical peuvent apporter comme confort dans ce type de logements.