M. Bruno Retailleau. Très bien !
M. Jacques Mézard, ministre. Comme je l’ai déjà dit à vos collègues députés, il serait malvenu de ma part de contester la procédure parlementaire et, plus encore, le droit d’amendement (Applaudissements sur les travées du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains. – Mme Colette Mélot applaudit également.),…
M. Bruno Retailleau. Bravo !
M. Jacques Mézard, ministre. … un droit dont j’ai pu largement user, sans trop en abuser, me semble-t-il, lors des années précédentes.
Soyez assurés que le ministre que je suis poursuivra, comme lors des débats à l’Assemblée nationale, une démarche d’amélioration du texte. Je ne doute pas de l’apport du Sénat à cette réforme. Il a d’ailleurs déjà commencé : je n’oublie pas sa contribution à l’occasion de la conférence de consensus, qui a permis d’intégrer plusieurs éléments nouveaux, même si ceux-ci peuvent paraître insuffisants à certains égards, madame la rapporteur…
Nous nous prononcerons uniquement sur le contenu des amendements, quel que soit le groupe. En effet, je crois fondamentalement à la démocratie parlementaire, au bicamérisme et à l’importance du travail réalisé ici. Notre état d’esprit est très clair : nous serons à l’écoute, sans pour autant renoncer, vous le comprendrez, aux principes fondamentaux et aux objectifs premiers de ce projet de loi, qui sont la simplification des procédures et la protection des Français.
À l’Assemblée nationale, des amendements émanant de tous les groupes ont été retenus, ce qui illustre bien notre volonté. C’est aussi la raison pour laquelle le Gouvernement a fait le choix de ne déposer qu’un nombre limité d’amendements de retour à son texte ou à celui issu des travaux des députés.
En premier lieu, le projet de loi a pour objectif de construire plus, mieux et, si possible, moins cher. Il s’agit de libérer et de faciliter les initiatives dans les territoires, en articulant plusieurs leviers.
L’un de ces leviers est la promotion des « opérations d’urbanisme et de revitalisation » ambitieuses via de nouveaux outils de contractualisation entre l’État, les collectivités et divers partenaires.
Le projet partenarial d’aménagement, le PPA, permettra, par exemple, d’assurer la reconversion d’une ancienne caserne désaffectée pour l’intégrer dans un large projet de rénovation prévoyant logements, commerces, équipements et services. La libération du foncier public sera facilitée grâce à la cession par l’État du foncier de son domaine privé aux signataires d’un PPA.
L’outil « grande opération d’urbanisme », ou GOU – ce n’est qu’un outil –, permettra, quant à lui, de déroger à certaines règles du droit commun de l’urbanisme. Cela existe déjà, via les opérations d’intérêt national.
L’esprit de ces mesures est bien de simplifier, de faciliter, de se retrouver entre partenaires qui ont envie d’avancer et de construire la ville autour d’un projet commun. C’est pourquoi l’obligation d’avis conforme pour la constitution d’une GOU, qui fait l’objet d’un désaccord entre nous – c’est la vie parlementaire –, nous apparaît comme un obstacle à cet objectif.
Disons les choses clairement, et ici je m’éloigne un peu de mes excellents éléments de langage, il subsiste un sujet préoccupant : la place et le rôle des maires dans la décision concernant l’urbanisme, le logement et l’habitat.
Il faut le dire devant le Sénat de la République, qui a toujours été, et qui est toujours, le défenseur des collectivités locales…
M. Philippe Dallier. Oui, toujours !
M. Jacques Mézard, ministre. … – et je considère en être un, moi aussi –, les positions des élus locaux et des associations d’élus sur ce sujet ne sont pas univoques. Je me souviens ainsi du débat sur le PLUI, le plan local d’urbanisme intercommunal, qui a eu lieu ici en 2013.
M. Marc Daunis. Oui !
M. Jacques Mézard, ministre. J’ai d’ailleurs eu la curiosité de relire les interventions des uns et des autres.
Passer au PLUI n’était pas évident. La solution retenue consistait à prévoir des minorités de blocage. Je constate qu’aujourd’hui pratiquement la moitié des intercommunalités ont désormais un tel plan. Cela montre que les choses avancent lorsqu’on fait confiance, même si le rythme n’est pas très rapide. Cette évolution a été importante.
Il est aussi question, depuis plusieurs années, de rendre le PLUI obligatoire dans les conditions initialement prévues. Nous ne l’avons pas voulu, car je ne souhaitais pas que de nouvelles mesures soient imposées aux collectivités locales.
Il faut aussi être conscient qu’il y a des demandes d’élus locaux, voire d’associations d’élus, pour que, systématiquement, l’instruction et la signature des permis de construire soient transférées aux intercommunalités.
M. Philippe Dallier. Par l’AdCF très certainement !
M. Philippe Dallier. Un peu moins !
M. Jacques Mézard, ministre. J’ai considéré que cela n’était pas une bonne chose, et notre texte, depuis le début, est parfaitement clair sur ce point.
Il y a un débat, et nous y reviendrons, sur les PPA et les GOU. J’entends que ce débat ait lieu, mais je vous demande de considérer que, globalement, et contrairement à certains propos médiatiques que j’ai pu entendre, le texte que je vous présente préserve très largement l’autonomie, l’indépendance et la responsabilité des maires.
Dans cette même logique, et parce qu’il faudra bien réaliser de nouveaux « morceaux de ville », nous n’avons pas voulu aller au-delà en ce qui concerne le transfert aux intercommunalités. À mon sens, nous avons retenu une solution équilibrée.
En pratique, nous le savons, mesdames, messieurs les sénateurs, l’immense majorité des projets seront coconstruits de façon très apaisée, parce que ces instruments ne seront lancés qu’à la demande des collectivités, et non de l’État. Je le répète, ce sera à la demande des collectivités, pour faciliter et accélérer les procédures et permettre aux grandes opérations d’avancer plus vite et plus fortement.
Nous savons tous aussi, par expérience, qu’il arrive qu’une commune décide de faire barrage à une grande opération. C’est une réalité ! Nous savons également, même si ce sentiment n’est pas forcément partagé par tout le monde, que nombre de constructeurs, de promoteurs, quand ils s’expriment librement, se plaignent de freins à la construction. Un certain nombre de maires, considérant que le PLU est un plafond, font de la préinstruction en amont pour signifier aux constructeurs qu’il ne faut pas aller jusqu’au bout de ce que permet le PLU. C’est aussi une réalité de terrain.
J’entends, et j’en suis convaincu, qu’il faut défendre et préserver la responsabilité et les compétences de droit des maires, mais il faut aussi avoir cela à l’esprit. C’est pour cette raison que notre texte est, à mon avis, équilibré. En tout cas, telle était ma volonté.
Autre levier pour faciliter la construction : la simplification des documents d’urbanisme. Si nous allons, comme le souhait en est partagé, vers la simplification, avec une procédure d’instruction dématérialisée et un nombre limité de pièces à fournir pour les permis de construire, nous allons gagner du temps et économiser de l’argent. Certes, comme certains d’entre vous l’ont relevé, la dématérialisation nécessite des investissements ab initio, mais elle permet ensuite d’aller plus vite et d’éviter certains errements que nous avons tous connus, par exemple la demande de pièces complémentaires inutiles pour freiner les dossiers quelques mois. C’est une méthode à laquelle il faut mettre fin !
À l’Assemblée nationale, nous avons débattu de l’articulation de ces mesures avec la loi Littoral. Ce débat, nous l’aurons également ici. Sur cette question, qui sera également abordée à l’occasion d’une motion tendant à opposer la question préalable, il me paraît assez extraordinaire d’entendre dire que nous avons détricoté la loi Littoral. Le travail avec les députés nous a au contraire permis de parvenir à une solution équilibrée, souhaitée par l’immense majorité des maires des communes littorales, sans remettre en cause les fondements de ladite loi. Nous avons ainsi amélioré le cadre législatif actuel en conciliant la préservation du patrimoine littoral, auquel nous sommes tous très attachés, et la réalité économique de nos territoires.
Votre commission a déjà apporté quelques évolutions, dont nous débattrons. C’est un sujet sur lequel nous ne devons pas être très éloignés. Je n’ai pas de difficultés, par exemple, à prévoir de façon plus explicite des dérogations sur la question des cultures marines pour régler les incertitudes autour de la production conchylicole, mais je veux le réaffirmer très clairement ici : il n’est pas question de revenir sur les règles fondamentales de la loi Littoral, qui est indispensable à la préservation de la biodiversité et du paysage de nos côtes. Elle s’inscrit d’ailleurs pleinement dans le cadre du plan Biodiversité que le Gouvernement a présenté voilà quelques semaines. Ce n’est pas pour rien que j’ai pu envoyer, à la suite des débats à l’Assemblée nationale, un communiqué commun avec Nicolas Hulot sur ce thème.
Autre sujet : la simplification des normes de construction pour permettre, par exemple, l’utilisation de nouveaux matériaux, notamment biosourcés, ou encore le développement de logements « évolutifs », pour un meilleur équilibre entre adaptation aux besoins de la société, coût de construction et confort des occupants.
Là encore, j’entends les interrogations sur le thème de l’accessibilité. Nous en avons largement débattu depuis la loi de 2005 dans cet hémicycle, et, vous le savez, les délais ont souvent été repoussés pour tenir compte des difficultés d’application des dispositions de cette loi. J’aimerais préciser que ces mesures ont été pensées depuis de nombreux mois et, dès l’origine, dans le cadre d’un travail de concertation. Il s’agit d’accorder aux personnes plus de souplesse en leur permettant d’adapter plus facilement leur environnement aux événements de la vie, plutôt que d’appliquer à tous un même cadre rigoureux et mal adapté.
M. Jean-Claude Requier. Très bien !
M. Jacques Mézard, ministre. La synthèse est une chose, le résumé une autre. Quand on résume trop, on oublie de dire que, lorsque l’on habite à R+1, R+2 ou R+3, la question de l’accessibilité du logement ne se pose pas, parce que l’on n’y accède pas, le plus souvent. Il faut donc revenir aux fondamentaux avant de se perdre dans les digressions.
J’ai pris connaissance des amendements adoptés par la commission des affaires économiques du Sénat, notamment pour porter le taux de logements adaptés à 30 %. Ce chiffre fera l’objet de discussions, mais j’espère que les débats en séance ou lors de la navette, voire dès la CMP, nous permettront de trouver le point d’équilibre.
Concernant le traitement des recours contentieux – c’est un sujet important sur lequel nous avons, me semble-t-il, beaucoup avancé, en tenant compte des rapports parlementaires, du Sénat en particulier –, des mesures législatives et réglementaires sont prévues en concertation avec la Chancellerie, dans le but très clair d’accélérer les délais de jugement et de sanctionner davantage les recours abusifs.
Sur le premier point, l’objectif est simple : passer de vingt-quatre mois de procédure en moyenne à un délai d’environ dix mois pour les logements collectifs. Cela va accélérer les cycles de construction dans nombre d’agglomérations, ce qui est très attendu. Aujourd’hui, on estime à 30 000 le nombre de logements dont la construction est bloquée en France par des recours. Un maire d’une métropole du sud-ouest m’indiquait récemment que 60 % des permis de construire dans sa ville étaient frappés d’un recours.
C’est une réalité à laquelle il faut mettre fin ! Comment ? Avec les dispositions que contient ce texte, mais aussi avec des mesures réglementaires relevant de la cristallisation des moyens, qui sera non plus facultative, mais obligatoire, ainsi que l’encadrement des délais de jugement. Il n’est pas acceptable que des recours puissent perdurer pendant huit, dix ou douze ans, comme c’est le cas actuellement, avec l’utilisation de tous les moyens de procédure possible. Il s’agit d’empêcher non pas le droit au recours, qui est un droit démocratique qu’il faut préserver, mais l’abus de droit. Il s’agit d’empêcher que des recours soient faits uniquement pour négocier une lamentable transaction financière en échange de son abandon. C’est aussi une réalité contre laquelle nous allons lutter de la manière la plus vigoureuse possible.
Nous proposons également des mesures de simplification portant sur les avis des architectes des Bâtiments de France, sujet cher au rapporteur pour avis Jean-Pierre Leleux. (Sourires.) Je connais sa position. Comme elle est fondée sur une conviction, elle est éminemment respectable, même si je ne la partage pas totalement.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Au moins, c’est dit ! (Nouveaux sourires.)
M. Jacques Mézard, ministre. L’objectif est de rendre ces avis simples pour les installations nécessaires au déploiement de la téléphonie mobile et les opérations de résorption de l’habitat indigne. Ce n’est pas une révolution ! Disons-le clairement, c’est un message !
Je suis de ceux qui considèrent que l’on a besoin des architectes des Bâtiments de France. Pour aller chaque semaine dans des villes moyennes, voire petites, je suis bien placé pour savoir que nous avons dans ce pays un patrimoine exceptionnel qu’il convient de préserver et de mettre en valeur. Je ne risque pas de dire le contraire. Mais il ne s’agit pas non plus de « geler » la ville. Toutes les générations dans ce pays, et c’est la force de notre patrimoine, ont ajouté l’expression de leur architecture générationnelle. En revanche, depuis plusieurs décennies, on a gelé la ville sur la ville. Dans certains cas, on a empêché les maires de réaliser ce qu’ils pensaient bon et opportun pour leurs concitoyens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, on ne peut pas, d’un côté, considérer que nous enlèverions du pouvoir aux maires et, de l’autre, opposer un refus lorsque nous proposons de leur en rendre. Cela n’est pas très logique. Nous avons donc proposé une solution profondément équilibrée.
Je sais que nombre d’ABF, ceux qui font bien leur métier en recherchant la concertation avec les élus locaux, peuvent entendre ce message. En revanche, beaucoup d’entre vous ont connu ces situations où, au changement d’ABF, il fallait aussi changer les couleurs.
M. Philippe Dallier. Ça, oui !
M. Jacques Mézard, ministre. C’est juste un petit exemple parmi tant d’autres. Tenons compte de la réalité du terrain !
Nous proposons enfin, dans le cadre de ces évolutions, un élargissement de la procédure de réquisition des locaux vacants depuis plus d’un an à des fins d’hébergement. Si vous confirmez cette mesure, elle s’inclura dans la stratégie globale que nous mettons en œuvre pour le Logement d’abord, qui permettra, comme nous nous y sommes engagés au début du quinquennat, de créer 50 000 places supplémentaires d’intermédiation locative, qui est un très bel outil, et de pensions de famille, dont nous avons besoin pour sortir de l’hébergement d’urgence.
En deuxième lieu, ce texte a pour objet de faire évoluer le secteur du logement social.
Ce sujet a fait l’objet de discussions importantes. En relisant les débats sur les précédentes lois, y compris ceux de la Haute Assemblée, je me suis rendu compte que ce n’est pas la première fois que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Toucher à certains secteurs provoque les mêmes réactions, quels que soient les majorités et les gouvernements en place.
M. Philippe Dallier. Pas dans ces proportions-là !
M. Jacques Mézard, ministre. Oh, vous savez, monsieur Dallier, après avoir relu les interventions des uns et des autres – les vôtres sont toujours pertinentes dans tous les domaines, mais particulièrement dans celui-ci –, je puis vous dire qu’il y a eu un certain nombre d’évolutions ou de tentatives d’évolution qui étaient encore plus frappantes. Il est bien normal que, chaque fois que l’on propose une évolution qui, parfois, est vécue comme une révolution, des résistances se fassent jour. Nous savons ce qu’il en est pour les niches fiscales, mais c’est vrai dans tous les domaines.
Nous souhaitons, avec cette réforme du secteur HLM, qui est le deuxième acte de la réforme d’ensemble, une restructuration des organismes du logement social, en posant comme principe qu’un organisme de logement locatif social qui n’a pas une taille suffisante doit rejoindre un groupe, sauf, j’y ai tenu, dans les territoires où le parc et les bailleurs sont peu nombreux. Il ne faut surtout pas mettre fin à la proximité en coupant le lien avec les territoires. Ceux qui ont voulu la fusion des régions doivent bien se rendre compte que le regroupement de ces organismes dans les treize nouvelles grandes métropoles régionales causerait de grandes difficultés, dans ce domaine comme dans bien d’autres. Le but est donc d’atteindre le bon équilibre entre la proximité, d’un côté, et la mutualisation, de l’autre. Le lien avec les territoires est ainsi garanti, ce qui est pour moi essentiel.
Je précise de nouveau qu’il s’agit non pas de contraindre les opérateurs à fusionner, sauf dans le cadre de la même intercommunalité, ce qui concerne un nombre très limité de cas, ni de faire disparaître la diversité des organismes d’HLM ou de leur faire perdre leur identité, mais seulement de fixer l’objectif et de leur fournir une boîte à outils complète pour y arriver. Ce que nous avons fait avec la fédération des SCOP, chère à Marie-Noëlle Lienemann, ou avec la fédération des EPL, en est la stricte démonstration.
Les travaux à l’Assemblée nationale ont permis de mieux prendre en compte certaines dimensions opérationnelles et d’en simplifier la mise en œuvre. Je pense, par exemple, à la réalité des situations des activités des bailleurs sociaux, notamment des entreprises publiques locales, pour lesquels des règles adaptées ont été définies.
Vous avez, là aussi, apporté une modification substantielle en abaissant le seuil de regroupement de 15 000 à 10 000 logements. Je comprends vos interrogations par rapport à cette évolution du secteur – j’ai bien dit « je ». Nous aurions pu obliger les bailleurs à fusionner pour devenir de grands acteurs régionaux, voire nationaux : tel n’est pas notre projet ! Il faut que, collectivement, nous gardions bien à l’esprit que l’objectif est d’aider les organismes à se renforcer mutuellement, tout en conservant leur diversité. Il n’y a aucun doute à avoir sur ce point. C’est la condition du maintien d’un système du logement social français fort. Or des sociétés de coordination trop petites à l’échelle des territoires ne pourront pas jouer le rôle qui est attendu d’elles. Il faut qu’elles puissent s’arrimer à des organismes de taille intermédiaire.
Par ailleurs, nous souhaitons la simplification du cadre juridique applicable aux bailleurs sociaux, avec de nouvelles mesures pour rendre leur maîtrise d’ouvrage plus efficace et compétitive. C’est d’ailleurs à la demande expresse des bailleurs sociaux que nous avons proposé ces mesures.
J’observe notamment que de plus en plus de bailleurs sociaux ont recours aux VEFA avec la promotion privée, car ils ne luttent plus à armes égales quand ils sont en compétition sur le foncier. Aujourd’hui, quasiment la moitié des logements sont construits ainsi, et même plus de 60 % dans certaines agglomérations tendues. Nous avions donc proposé, non pas de se passer des architectes, comme cela a pu parfois être grossièrement caricaturé, mais de donner plus de souplesse au cadre d’intervention qui est celui des bailleurs sociaux, et ce à leur demande, je le rappelle.
Quand on me dit que nous allons remettre en cause la qualité architecturale, je fais observer que la disposition obligeant les bailleurs sociaux à organiser des concours d’architecture remontait à moins d’un an et demi. On ne peut pas dire que ce qui s’était fait avant avait abaissé le niveau de qualité architecturale.
Je le répète, il s’agit simplement de donner plus de souplesse au cadre intervention qui est celui des bailleurs sociaux, qui plus est parce que ce cadre d’intervention est disparate entre les différentes familles de bailleurs sociaux, ce qui n’est pas justifié. Cette disposition engendrera non seulement des économies pour les bailleurs sociaux, mais surtout plus de réactivité, sans leur interdire de recourir aux concours d’architecture s’ils le souhaitent. Ils pourront également mieux s’adapter aux nouveaux modes de fabrication des logements, notamment avec les technologies numériques. Je pense au BIM. Bien sûr, je le répète une nouvelle fois, ils pourront toujours avoir recours aux mêmes procédures s’ils le souhaitent. Je le dis très clairement, c’est un objectif sur lequel nous n’entendons pas revenir. J’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer à M. le rapporteur pour avis.
Nous souhaitons également simplifier l’accession à la propriété pour les locataires d’HLM avec un double objectif simple : d’une part, permettre à des locataires d’acquérir leur logement quand ils le peuvent et le souhaitent et, d’autre part, soutenir la construction ou la rénovation de logements sociaux neufs par les bailleurs.
J’ajoute que c’est aussi une solution pragmatique pour stabiliser les classes moyennes dans certains quartiers où la mixité sociale est un enjeu réel. À ce titre, et même si je considère qu’il faut effectivement pouvoir prendre en compte encore plus finement les enjeux des territoires – je l’ai déjà exprimé en séance à l’Assemblée nationale –, je ne suis pas favorable à l’ajout d’une contrainte, avec cet avis conforme du maire pour l’autorisation des ventes d’HLM.
Vous le voyez, quand le Gouvernement souhaite accorder plus de pouvoirs aux maires, certains ne sont pas d’accord. Là, certes, c’est l’inverse, mais à la différence qu’à ce jour l’avis conforme n’existe pas. C’est donc une contrainte supplémentaire qui serait proposée, là où, justement, il faut de la fluidité pour favoriser ces ventes. Je rappelle qu’aujourd’hui – je sais que le débat aura lieu, souvent en adoptant des postures – 8 000 logements trouvent acquéreurs, alors que 100 000 sont en vente. Ce n’est donc pas une nouveauté en soi. La nouveauté, c’est de permettre que les objectifs, y compris ceux fixés par les bailleurs sociaux, soient tenus.
En troisième lieu, le projet loi cherche à répondre aux nombreux besoins de nos concitoyens en matière de logements et à favoriser la mixité sociale. Pour ce faire, nous avons mené de nombreuses consultations, ce qui est bien naturel, et fait des déplacements sur le terrain.
Concernant le parc social, nous proposons de renforcer la transparence des attributions grâce à la généralisation de la cotation dans les grandes agglomérations, ce qui ne me paraît pas poser de gros problèmes, et de renforcer la mobilité des locataires dans le parc social en réexaminant tous les trois ans leur situation. J’ai vu que la commission proposait six ans. Je n’ai pas d’états d’âme par rapport à cette proposition, mais il faut savoir que nous avions proposé six ans à l’Assemblée nationale – j’ai toujours considéré que les deux assemblées étaient très différentes, ce qui fait tout le charme de la démocratie parlementaire française – et que nous sommes passés à trois ans à la demande de tous les groupes.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Les députés manquent de métier ! (Rires.)
M. Jacques Mézard, ministre. Nous verrons comment le débat se passe ici.
Je souhaiterais également vous dire dès aujourd’hui que je ne suis pas favorable à ce que l’on revienne sur certaines dispositions de la loi Égalité et citoyenneté ou d’autres lois antérieures sur la mixité sociale. Je ne pense pas que cela soit une bonne chose.
Concernant le parc privé, nous entendons agir avec la création du bail mobilité, contrat de location de un à dix mois non renouvelable et sans dépôt de garantie pour les logements meublés. Il permettra de répondre concrètement aux besoins de personnes en mobilité, étudiants ou travailleurs en mission professionnelle pour une courte durée. J’ai vu d’ailleurs que des amendements intéressants avaient été déposés sur le sujet.
Il s’agit là encore d’adapter notre législation à la réalité des évolutions sociétales et de tirer les conclusions de la mobilité croissante des jeunes et des travailleurs. Nous avons de surcroît mis en place des garanties. Je pense notamment à la garantie VISALE, sur laquelle nous avons beaucoup travaillé avec M. le secrétaire d’État, Julien Denormandie.
J’en viens au développement de l’offre de logements intermédiaires. En zone tendue, les PLH, les programmes locaux de l’habitat, devront fixer un objectif de production de logements intermédiaires, car nous constatons un manque de logements à des loyers abordables pour permettre à des locataires de sortir du parc social. Il s’agit simplement de remettre de la fluidité, de permettre la création de parcours résidentiels.
Nous avons aussi la volonté, qui est largement partagée, de favoriser la mixité intergénérationnelle, de plus en plus plébiscitée. Nous avons ainsi prévu une disposition pour sécuriser les aides au logement en cas de cohabitation intergénérationnelle.
S’agissant de la colocation dans le parc social, les débats à l’Assemblée nationale ont permis l’adoption d’un amendement tendant à élargir la colocation pour personnes handicapées à une mesure de portée plus générale.
Nous proposons, par ailleurs, d’améliorer les procédures existantes, par exemple en coordonnant mieux celles relatives à l’expulsion et au surendettement pour la colocation. Nous souhaitons en effet simplifier les procédures dans l’intérêt des personnes particulièrement fragiles. Il faut favoriser au maximum la prévention des expulsions. Il y a à peu près 150 000 décisions d’expulsion ; heureusement, même si c’est déjà beaucoup, il n’y en a que 15 000 qui sont mises à exécution. Plus on interviendra en amont, moins il y aura de difficultés ensuite. Nous devons arriver à articuler la procédure devant les tribunaux d’instance et la procédure de surendettement, car il n’est pas sain qu’elles vivent leur vie de manière indépendante l’une et l’autre.
Enfin, le texte permettra aux territoires de mieux réguler l’activité, parfois problématique, de la location meublée touristique – tout le monde connaît Airbnb, mais ce n’est pas la seule plateforme. Si cette activité est souvent très utile pour le pouvoir d’achat des Français et l’attractivité touristique de nos régions, dans certaines villes, le marché locatif privé en est trop fortement impacté, au détriment de ceux qui cherchent à se loger. Des sanctions accrues contre les propriétaires ne respectant pas leurs obligations, ainsi que de nouvelles amendes pour les plateformes, ce qui n’existait pas jusqu’ici, ont été adoptées de façon consensuelle à l’Assemblée nationale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il y a le sujet SRU.
Je veux rappeler ici que le projet de loi ÉLAN n’entend pas toucher aux fondamentaux de la loi SRU, qui a fait la preuve de son efficacité au cours des ans. J’ai entendu ici ou là dire que, jamais au grand jamais, personne n’avait osé toucher à la loi SRU. C’est faux ! Il y a eu des évolutions législatives, y compris dans loi Égalité et citoyenneté. Il y en a même eu avant, et de manière assez positive. Il s’agit non pas d’en faire un tabou, mais d’essayer de trouver des solutions correspondant aux réalités du terrain.
Si, à l’Assemblée nationale, une large majorité de députés n’a pas souhaité modifier sur cette question le texte du Gouvernement, à l’inverse, votre commission a adopté de nombreuses évolutions, certaines avec une portée plutôt limitée, que je qualifierai de raisonnables – n’en prenez pas ombrage –, d’autres beaucoup plus impactantes et de nature à bouleverser les équilibres de la loi SRU.
Ce débat, nous l’aurons. Je reconnais que vos amendements s’appuient sur un certain nombre de situations concrètes que nous connaissons bien. Si le Sénat devait faire évoluer la loi SRU, je ne doute pas, et je le souhaite, qu’il trouvera aussi un équilibre raisonnable, empreint de sagesse.