M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote sur l’amendement n° 504.
Mme Laurence Rossignol. J’entends bien, madame la rapporteur, votre argument selon lequel de nombreux référents existent déjà. Cela étant, notre collègue qui a contribué à supprimer le référent dont il est ici question aurait dû aller jusqu’au bout de sa logique. Pourquoi uniquement celui-là ? Il aurait fallu qu’elle supprime tous les autres !
Pourquoi choisir de laisser tomber le référent en matière d’égalité professionnelle femmes-hommes et de lutte contre les violences sexuelles, et pas un autre ? C’est toujours la même histoire : dès lors qu’on en arrive au sujet de l’égalité femmes-hommes et de la lutte contre le sexisme, on nous dit que beaucoup a déjà été fait.
Au demeurant, je vais me rallier à l’amendement n° 504, d’autant que, s’il est adopté, comme cela semble devoir être le cas, il fera tomber tous les autres. Madame la ministre, certes, il n’y a pas souvent de service de ressources humaines dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Mais il y en a dans les entreprises de deux cents salariés, pourtant au-dessous du seuil fixé. L’écart est grand entre cinquante et deux cent quarante-neuf salariés…
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 504.
(L’amendement est adopté.) (Marques de satisfaction sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 592, 405 rectifié, 591 et 406 n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 398 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, Grelet-Certenais et Meunier, M. Daudigny, Mmes Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann et Lubin, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après l’avant-dernier alinéa de l’article L. 8112-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Tout signalement de harcèlement sexuel au travail, de violences sexuelles ou sexistes, ou d’agissement sexiste transmis aux agents de contrôle de l’inspection du travail doit faire l’objet d’une enquête par ces mêmes agents. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement vise à prévoir que tout signalement de harcèlement sexuel au travail transmis aux agents de l’inspection du travail doit faire l’objet d’une enquête par ces mêmes agents.
Nous avons trop d’exemples, trop de dossiers sur nos bureaux qui mentionnent que de tels signalements n’ont pas été suivis d’effet. Cela est dû non pas à de la mauvaise volonté ou du désintérêt de la part de l’inspection du travail, mais à un problème de moyens, et donc de priorités. Comme je le disais à l’instant à propos du référent, ces priorités sont souvent défavorables aux femmes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Là aussi, la commission émet un avis défavorable. Cet amendement, relatif à l’enquête obligatoire de l’inspection du travail en cas de signalement d’un fait de harcèlement sexuel, est satisfait par le droit, notamment par l’article L. 8112-2 du code du travail, aux termes duquel les délits de harcèlement sexuel entrent pleinement dans les matières qu’ont à constater les agents de l’inspection du travail.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable. Chaque inspecteur du travail est assujetti à une obligation de diligence : s’il dispose d’éléments suffisants pour caractériser une situation de harcèlement sexuel au travail, de violences sexuelles ou d’agissements sexistes, il doit agir. Cette obligation lui est d’ores et déjà rappelée par l’article R. 8124-27 du code du travail. Pour autant, au regard du cadre d’exercice des missions d’inspecteur du travail, tel que défini par la convention n° 81 de l’Organisation internationale du travail, l’agent de contrôle doit conserver un pouvoir d’appréciation, dans ses modalités d’intervention, des suites juridiques qu’il y apporte.
L’objet de l’amendement n° 398 rectifié est donc à la fois satisfait et encadré.
M. le président. Je mets aux voix l’article 62, modifié.
(L’article 62 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 62
M. le président. L’amendement n° 589, présenté par Mmes Rossignol, Grelet-Certenais et Meunier, M. Daudigny, Mmes Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann et Lubin, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 62
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1153-2 du code du travail est complété deux alinéas ainsi rédigés :
« Un acte de licenciement d’une victime de harcèlement sexuel est présumé nul, sauf si ladite victime refuse la réintégration au sein de l’entreprise.
« Dans le cadre d’une procédure contentieuse engagée suite au licenciement d’une victime de harcèlement sexuel au travail, le juge ne doit pas examiner les autres éventuels motifs dudit licenciement. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Il convient de faire un bref historique sur l’évolution de notre droit en la matière, en fonction de la jurisprudence et des dernières ordonnances.
La Cour de cassation admet, depuis plusieurs années, que le licenciement d’une salariée pour dénonciation de faits de harcèlement sexuel est nul de plein droit, sauf à ce que l’employeur puisse démontrer la fausseté de ces allégations, et ce quand bien même d’autres motifs de licenciement auraient été mentionnés dans la lettre de licenciement. Ces motifs complémentaires n’ont pas à être examinés, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, dès lors que le licenciement a été prononcé à l’encontre d’une victime de faits de harcèlement.
La législation récente, par le biais des ordonnances, est revenue sur cette jurisprudence, juste et constante, de la chambre sociale de la Cour de cassation, alors même que les licenciements intervenus pour avoir dénoncé des faits de harcèlement sont assez rares, les employeurs utilisant, en général, d’autres motifs pour licencier ces salariés. Aussi, l’intérêt patronal de ces dispositions est, quoi qu’il en soit, minime.
Cet amendement vise donc à revenir sur ce qui avait été décidé au travers des ordonnances et à rétablir, dans le code du travail, la jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation, qui permet d’interdire aux juges, en cas de harcèlement sexuel au travail, d’examiner les autres motifs de licenciement. C’est un amendement important, et je n’ose imaginer, madame la ministre, que les ordonnances avaient pour finalité de mettre fin à la jurisprudence de la Cour de cassation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Ne croyez pas que nous vous en voulions personnellement, ma chère collègue, mais, ici encore, prévaut la logique de satisfaction par le droit. Aux termes actuels de l’article L. 1153-2 du code du travail, le licenciement d’un salarié ayant refusé de subir un harcèlement sexuel ou ayant souhaité alerter la direction de l’entreprise sur des actes dont il a été témoin sera annulé par le conseil de prud’hommes.
Le premier alinéa de l’amendement, outre qu’il tend à introduire l’innovation d’une présomption subséquente à un jugement, se trouve donc satisfait par le droit en vigueur. Le second, en tant qu’il porte une atteinte manifeste à la séparation des pouvoirs, présente un risque élevé d’inconstitutionnalité.
La commission vous demande donc de retirer cet amendement. À défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 587, présenté par Mmes Rossignol, Grelet-Certenais et Meunier, M. Daudigny, Mmes Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann et Lubin, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 62
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, le mot : « six » est remplacé par le mot : « douze ».
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement vise à augmenter de six à douze mois de salaires l’indemnisation plancher prévue par l’article L. 1235-3-1 du code du travail pour tout salarié licencié en raison d’un motif discriminatoire, lié au sexe, à la grossesse, à la situation familiale, ou à la suite d’un harcèlement sexuel ou moral.
Il s’agit de tirer la conséquence de la recommandation n° 17 formulée par la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes dans le cadre de son rapport d’information intitulé Projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes : contribution au débat. Pareille recommandation avait également été formulée par le Défenseur des droits.
Dans la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a été votée une disposition prévoyant que l’indemnisation du préjudice liée à la rupture du contrat de travail d’une salariée ayant dénoncé des faits de harcèlement sexuel ne pouvait être inférieure aux salaires des douze derniers mois. Jusqu’à l’entrée en vigueur de cette loi, la jurisprudence de la Cour de cassation fixait ce plancher à six mois. Ce n’était pas satisfaisant. Or le plancher désormais prévu par les ordonnances est défavorable aux victimes de harcèlement ou de discrimination.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Avis défavorable. Ce débat a déjà eu lieu dans l’hémicycle, lors de la ratification des dernières ordonnances Travail. Notre assemblée s’était alors prononcée pour une harmonisation du plancher à six mois pour toutes les indemnisations pour licenciement abusif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 593 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, Grelet-Certenais et Meunier, M. Daudigny, Mmes Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann et Lubin, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 62
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les violences sexuelles ou sexistes sont ajoutées en tant que domaine spécifique aux domaines déjà existants de la négociation collective.
Les accords conclus sur cette base contiennent un plan de prévention des violences sexistes et sexuelles, intégrant la lutte contre le harcèlement sexuel et l’agissement sexiste, au sein duquel doit figurer une procédure adaptée aux victimes desdites violences au sein de l’entreprise.
Ce plan de prévention est présenté chaque année au comité social et économique de l’entreprise pour les entreprises de plus de onze salariés.
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement vise à renforcer la prise en charge de la lutte contre les violences sexistes ou sexuelles dans le cadre de la négociation collective. Il est inspiré par des préconisations portées par des spécialistes de l’égalité professionnelle, particulièrement sur les violences sexistes ou sexuelles au travail.
Il est donc proposé d’ajouter les violences sexistes et sexuelles en tant que domaine spécifique aux domaines déjà existants de la négociation collective. Je pressens que l’on va me rétorquer qu’il est inutile de prévoir un domaine supplémentaire compte tenu des nombreux domaines déjà existants ou que mon amendement est satisfait par je ne sais quelle disposition. J’insisterai tout de même sur le fait qu’il faut faire évoluer tout le monde, en particulier en matière de négociation collective, et j’entends par là les représentants aussi bien des employeurs que des syndicats de salariés. Inclure cette dimension permettrait en outre de donner une concrétisation supplémentaire à la grande cause nationale voulue par le Président de la République.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Je ne suis pas là pour défendre la grande cause nationale portée par le Président de la République, Mme la ministre s’en chargera ! En tout état de cause, nous y sommes tous attentifs. L’article L. 2241-1 du code du travail intègre déjà les conditions de travail, et englobe donc la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. La prévention des violences sexuelles et sexistes et la lutte contre ce phénomène ne sont pas des objets de négociation, c’est une obligation absolue de l’employeur. Ce dernier est donc directement responsable des aspects liés à l’organisation des rapports de travail, qui peuvent induire un contexte particulier.
Bien sûr, il faut renforcer l’information des salariés, la prévention et la prise en charge, d’où les référents de tous ordres. En revanche, il peut être utile, au niveau de chaque branche, de prévoir des outils susceptibles d’aider, notamment, les petites et moyennes entreprises. C’est pour cela que le projet de loi prévoit que les branches négocient sur la mise à disposition d’outils aux entreprises pour prévenir et agir – je fais la nuance entre les deux – en matière de harcèlement sexuel et d’agissements sexistes.
L’intention des auteurs de l’amendement, je la partage, le texte même, non. C’est donc un avis défavorable que j’émets.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 593 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 62 bis
Le 2° de l’article L. 2241-1 du code du travail est complété par les mots : « ainsi que sur la mise à disposition d’outils aux entreprises pour prévenir et agir contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes ».
M. le président. L’amendement n° 594, présenté par Mmes Rossignol, Grelet-Certenais et Meunier, M. Daudigny, Mmes Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann et Lubin, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Au début, insérer les mots :
Au premier alinéa de l’article L. 2241-1 du code du travail, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « deux » et
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement vise à diminuer la périodicité à laquelle sont négociés les thèmes relatifs aux salaires, aux mesures tendant à favoriser l’égalité professionnelle, aux conditions de travail, à la situation des personnes handicapées et au régime de formation professionnelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Les ordonnances de septembre 2017 ont effectivement redéfini la périodicité de la négociation des thèmes des accords de branche à quatre ans maximum, mais elles ont laissé la possibilité de réduire cette périodicité dans le cadre de la négociation collective. L’amendement nous semble par conséquent satisfait : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. L’important, et les ordonnances ont été rédigées dans cet esprit, est que la négociation soit efficace et utile, d’où la possibilité offerte aux partenaires sociaux de la mener tous les deux, trois ou quatre ans.
Élaborer un plan d’ampleur sur quatre ans, avec des étapes bien définies chaque année, c’est aussi bien qu’un plan à un horizon de deux ans. Ce n’est pas la périodicité qui compte, c’est la qualité du plan, étant entendu qu’une borne maximale, à savoir quatre ans, a été fixée, pour inciter les partenaires sociaux à négocier. Il leur reviendra de choisir les thèmes sur lesquels portera la négociation et de fixer la périodicité de cette dernière.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 62 bis.
(L’article 62 bis est adopté.)
Article 62 ter
Le 3° de l’article L. 2242-17 du code du travail est ainsi rédigé :
« 3° Les mesures permettant de lutter contre toute discrimination en matière de recrutement, d’emploi et d’accès à la formation professionnelle, en favorisant notamment les conditions d’accès aux critères définis aux II et III de l’article L. 6315-1 ; ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 62 ter
M. le président. L’amendement n° 407, présenté par Mmes Rossignol, Grelet-Certenais et Meunier, M. Daudigny, Mmes Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann et Lubin, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 62 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Avant le dernier alinéa de l’article L. 2222-3-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La convention ou l’accord collectif prend en compte la prévention et la lutte contre les violences sexuelles ou sexistes, et notamment le harcèlement sexuel et l’agissement sexiste, ainsi que les droits familiaux dévolus aux salariés. » ;
2° Après le premier alinéa de l’article L. 2222-3-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’accord conclu au niveau de la branche et définissant la méthode applicable à la négociation au niveau de l’entreprise prend en compte la prévention et la lutte contre les violences sexuelles ou sexistes, et notamment le harcèlement sexuel et l’agissement sexiste, ainsi que les droits familiaux dévolus aux salariés. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement vise à sanctuariser, au sein de la négociation collective, la préservation des droits familiaux et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Il est nécessaire d’associer davantage les branches professionnelles à un travail d’envergure en ces domaines.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. L’amendement n° 407 est quasi similaire à l’amendement n° 593 rectifié, à une nuance près. L’argumentaire de la commission sera donc identique : le code du travail porte déjà sur les conditions de travail, qui visent par capillarité les violences sexistes et sexuelles. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 197 rectifié quater, présenté par MM. Iacovelli et Antiste, Mme Blondin, MM. M. Bourquin, Durain et Duran, Mmes Espagnac, M. Filleul, Lepage, Meunier, Monier et Préville et M. Tissot, est ainsi libellé :
Après l’article 62 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3142-3 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3142-3. - Il est interdit d’employer le salarié dans les quatorze jours qui suivent la naissance survenue au foyer du salarié ou l’arrivée d’un enfant placé en vue de son adoption. »
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Cet amendement vise à rendre obligatoire le congé pour naissance ou adoption, sujet sur lequel la France accuse un retard par rapport à ses voisins. Une réforme du congé de paternité constituerait un levier essentiel pour réduire les inégalités professionnelles.
Aujourd’hui, les pères bénéficient d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant de onze jours consécutifs, qui s’ajoute au congé de naissance de trois jours. Ce congé est optionnel. Rappelons que le taux de recours au congé de paternité n’est que de 68 %. Pourtant, les comparaisons européennes montrent que, dans les pays où la législation promeut des congés parentaux plus longs et parfois obligatoires, les inégalités se réduisent et une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie personnelle est constatée. C’est notamment observable au Portugal, où les pères ont droit à un mois de congé de paternité, dont deux semaines obligatoires.
Le Gouvernement a récemment rejeté l’idée de rendre obligatoire le congé de paternité. Pourtant, sur les seize semaines de congé de maternité, huit sont obligatoires, dont six après la naissance, afin de s’assurer que l’employeur ne fait pas pression sur sa salariée pour qu’elle ne prenne pas le congé auquel elle a droit. Pourquoi en serait-il autrement pour les hommes ? Le taux de non-recours de 32 % au congé de paternité s’explique notamment par la pression professionnelle subie. Il est donc indispensable de garantir ce droit en le rendant obligatoire. Cet amendement est une première étape en ce sens.
M. le président. L’amendement n° 363, présenté par Mme Meunier, M. Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 62 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3142-3 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3142-3. – Il est interdit d’employer le salarié dans les trois jours qui suivent la naissance survenue au foyer du salarié ou l’arrivée d’un enfant placé en vue de son adoption. »
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Cet amendement a un objet similaire au précédent. Je reprends les arguments déjà avancés, en y ajoutant des considérations liées à l’intérêt de l’enfant. La sociologue Olga Baudelot parlait, dans les années 1990, d’un « état de grâce » au moment de la naissance ou de l’arrivée d’un nouveau-né dans un couple. Plus on accoutume le corps du nourrisson à recevoir des soins nourriciers et de bientraitance, moins les risques de mauvais traitement sont importants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. À l’évidence, la naissance ou l’arrivée d’un enfant est un moment important pour les pères comme pour les mères. Cela étant, ces deux amendements sont probablement inconstitutionnels, puisque leur objet va à l’encontre de la liberté d’embauche. La commission y est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Vous l’avez mentionné, monsieur le sénateur, près de sept pères sur dix prennent le congé de paternité : c’est à la fois beaucoup et peu. Effectivement, cela a des conséquences sur l’égalité professionnelle, peut-être sur la santé de l’enfant, sur celle de la mère assurément, et je suis bien placée pour le savoir : c’est bien pour la mère de ne pas se retrouver seule en ces moments.
Néanmoins, la réforme que vous proposez me paraît aujourd’hui prématurée. Vous savez que le Gouvernement a engagé une réflexion pour faire évoluer le dispositif du congé de paternité. Il a commandité un rapport à l’IGAS, en cours de finalisation. Il y aura une réflexion plus générale non seulement sur le congé de paternité, mais aussi sur le congé de maternité, car certaines femmes n’y ont pas accès pour des raisons pratiques. Cette réflexion s’élargira au congé parental dans l’optique de la directive européenne attendue sur ce sujet.
Il paraît nécessaire d’attendre les conclusions de ces travaux avant d’engager une réforme plus globale. J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements, non sur l’intention, mais sur le moment choisi pour légiférer à ce propos.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 197 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 196 rectifié quater, présenté par M. Iacovelli, Mme Grelet-Certenais, M. Antiste, Mme Blondin, MM. M. Bourquin, Durain et Duran, Mmes Espagnac, M. Filleul, Lepage, Meunier, Monier et Préville et MM. Tissot et Tourenne, est ainsi libellé :
Après l’article 62 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 3° de l’article L. 3142-4 du code du travail, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « dix-sept ».
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Cet amendement vise à rééquilibrer entre les deux parents l’impact d’une naissance sur la carrière et à réduire les inégalités professionnelles, en donnant la possibilité au père de s’impliquer un peu plus dans les premiers jours qui suivent la naissance de l’enfant.
En matière d’égalité professionnelle et de partage des tâches, nous sommes loin du compte. Il est donc indispensable de revoir la durée des congés, notamment du congé de paternité. Aujourd’hui, les pères bénéficient d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant de onze jours consécutifs, qui s’ajoute au congé de naissance de trois jours accordé et rémunéré par l’employeur.
L’application de l’article 40 de notre Constitution ne nous permet pas d’allonger le congé de paternité. Seul le congé de naissance peut l’être, car son financement est à la charge du seul employeur.
C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, d’allonger le congé de naissance de trois à dix-sept jours. Pourquoi dix-sept ? Parce que cela permettrait de doubler la durée cumulée actuelle du congé de naissance, trois jours, et du congé de paternité, onze jours, en la passant de quatorze à vingt-huit jours.
Rappelons que, pour rejeter le droit individuel à un congé parental d’au moins quatre mois, contenu dans le projet de directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et aidants, actuellement en discussion au Parlement européen, le Gouvernement a avancé des arguments de coût budgétaire et a indiqué qu’il préférerait allonger le congé de paternité.
J’espère que le Gouvernement fera preuve de cohérence et émettra un avis favorable sur cet amendement.