M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Pascal Savoldelli. Pour ce qui concerne l’investissement mis à mal des collectivités, la mise en cause de leurs ressources et de leur autofinancement, je vous fais une suggestion, monsieur le ministre : prenez l’engagement clair et définitif, au nom du Gouvernement, de consentir un dégrèvement total au titre de la suppression de la taxe d’habitation. Ce serait un message de confiance envoyé par le Gouvernement à l’ensemble des collectivités territoriales.
Nous avons mieux à faire avec l’encours du livret A que de le mobiliser sur les marchés financiers à financer des start-up ou autres shut-up à durée de vie limitée à trois ans, avant cession ou fusion.
Je termine en répétant qu’il faut apporter une réponse aux besoins collectifs. Je vous le dis, nous trouverons des terrains d’accord à partir du moment où nous déciderons de remettre du droit commun partout dans la société. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. Monsieur le ministre, vous avez un temps d’avance, oui, un temps d’avance sur le débat de la réforme institutionnelle, qui va concerner les lois de finances.
Pourquoi ? Loi de programmation des finances publiques, programme de stabilité, débat d’orientation des finances publiques, loi de finances, loi de financement de la sécurité sociale ; il y en a trop, et vous venez de montrer, au travers du document que vous avez livré, que le débat d’orientation des finances publiques ne servait plus à rien.
Ce document est indigent : peu chiffré, pas de plafond d’emplois, pas de trajectoire crédible, non documenté. Pas d’insincérité non plus, parce qu’il n’y a pas grand-chose dans ce document…
Or il y a la loi et il y a le Parlement. Et voilà qu’on les bafoue. Jean-Marie Vanlerenberghe l’a très bien dit, on attend toujours, conformément à la loi, le rapport sur les liens entre la sécurité sociale et l’État. La loi organique sur les lois de finances dispose également que le débat doit avoir lieu un peu plus tôt dans l’année, sur le fondement de documents sérieux ; cela n’est pas non plus respecté.
Est-ce cela, la réforme institutionnelle voulue par ce que j’appellerai la « technocrature » et le populisme antiparlementaire ambiant ?
M. Jérôme Bascher. Je sais que ce n’est pas votre conviction, monsieur le ministre, et que ce n’est pas votre cas. C’est pour cela que je le précise.
Venons-en à la loi de règlement. Je suis très heureux, sincèrement, que nous soyons sortis de la procédure de déficit excessif. Enfin ! La France était quasiment le dernier pays d’Europe dans cette situation. Ce n’est quand même pas une grande gloire, mais ça nous permettra de continuer à donner des leçons au reste du monde.
M. Jérôme Bascher. La Cour des comptes l’a très bien dit, c’est très largement grâce à la croissance que nous en sommes sortis, mais aussi, je le reconnais, grâce à un effort sur les dépenses de l’État, engagé à la suite de l’audit de juin 2017.
Cela dit, vous avez coupé un peu fortement ; l’improvisation de la situation a fait que vous avez dû mener une politique de stop and go incompréhensible sur les contrats aidés et faire des annonces difficiles sur les aides au logement ; tout cela a largement perturbé votre message. C’est donc surtout grâce à la croissance et aux recettes que nous sommes sortis de ce déficit excessif, mais, je le répète, je suis content qu’il y ait de la croissance.
Néanmoins, je n’ai pas toujours confiance dans la météo pour avoir chaud. J’aime bien qu’il y ait des éléments dans la chaudière de la croissance. On vous attend donc au charbon ; je dis bien « au charbon »,…
M. Jean-François Husson. À la biomasse ?…
M. Jérôme Bascher. … et non « à l’éolienne », parce que cette dernière fonctionne avec du vent. Or c’est justement du vent que l’on trouve, pour l’instant, dans ce document. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
En ce qui concerne les perspectives, je m’appuie une fois de plus sur la Cour des comptes.
Au rythme où nous allons – la baisse des dépenses publiques que vous nous annoncez n’a jamais été faite, il n’y a toujours pas la moindre mesure concrète, donc je dois me fonder simplement sur la réduction des effectifs de l’année 2017 –, il faudra cinquante ans pour obtenir une diminution de 50 000 emplois. Vous serez encore là pour y assister, monsieur le ministre.
M. Jérôme Bascher. Nous, c’est moins sûr. (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Et même au-delà ! (Nouveaux sourires.)
M. Philippe Dallier. Pour l’éternité !
M. Jérôme Bascher. Si j’en crois le gouverneur de la Banque de France, qui a écrit au Président de la République au mois de juin dernier, il y a, dans la sphère sociale, des économies à faire partout – pas forcément sur les prestations, mais dans la gestion de la protection sociale. Il y a donc des pistes dans cette direction, puisque vous en demandiez tout à l’heure, monsieur le ministre.
Vous êtes seul au Gouvernement à vous atteler à cette tâche de réduction de la dépense publique, monsieur le ministre. On le constate en observant le banc des ministres : le départ de Mme la secrétaire d’État est, hélas, une illustration patente.
M. Julien Bargeton. C’est mesquin !
M. Jérôme Bascher. Le débat des finances publiques est présenté en commun par deux ministres. Ils doivent, à tout le moins, être présents tous les deux jusqu’au bout. C’est aussi cela, le respect du Parlement.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Jérôme Bascher. Je conclus en soulignant que l’on atteint la limite du « en même temps ». Le plan d’économies Cap 2022 sera annoncé en septembre prochain ; en même temps, le plan Pauvreté sera mis en œuvre. Moins de fonctionnaires et, en même temps, plus de fonctionnaires sur le terrain selon le Président de la République ; on ne sait pas où l’on va. Moins de parlementaires, sans faire d’économies ; on ne sait pas où l’on va. Moins de dépenses sur la sécurité sociale, mais plus sur l’ANPE, l’UNEDIC et Pôle emploi ; on ne sait pas où cela nous mène.
Je constate d’ailleurs que votre document ne mentionne que l’administration publique centrale ; on ne fait donc plus la distinction entre l’État et les organismes divers d’administration centrale.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jérôme Bascher. On voit bien que des débudgétisations vont être mises en œuvre.
Oui, monsieur le ministre, vous êtes bien seul. La politique du « en même temps », c’est l’ambiguïté, et on ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens. Ce n’est pas grave si c’est aux dépens des sondages du Président de la République. Ça l’est davantage si c’est aux dépens des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque année, nous dénonçons le peu de temps dont nous disposons pour examiner le projet de loi de règlement. Au travers de celui-ci, c’est la réalité financière que nous sommes censés examiner ! Nous devrions lui consacrer bien plus de temps.
Aujourd’hui, à l’Assemblée nationale, on parle de « printemps de l’évaluation ». Tout à l’heure, monsieur le ministre, vous avez parlé de « semestres d’évaluation ». Je vous ai trouvé très optimiste ! Pour notre part, nous avons plutôt l’impression de ne disposer que de quelques jours pour évaluer ce projet de loi de règlement.
Le texte nous est parvenu très tardivement, et les quelques ministres que nous avons pu auditionner sont venus en commission des finances sans présenter aucun chiffre, ce qui n’est guère pratique. Lors de votre présentation du texte devant la commission, vous ne nous avez vous-même communiqué aucun chiffre, monsieur le ministre ! (M. le ministre proteste.)
Pour ce qui me concerne, j’aime travailler sur la base de chiffres. En cela, je ressemble à M. Savoldelli, qui, comme il l’a dit tout à l’heure, est un spécialiste des chiffres. En tout état de cause, je suis favorable à ce que l’on travaille à partir du réel.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué la réforme du calendrier budgétaire. J’ai relevé que, dans la version actuelle du projet de révision constitutionnelle dont nous disposons, vous préconisez de baisser de soixante-dix à cinq jours la durée d’examen du projet de loi de finances. Pourquoi pas,…
M. Philippe Dallier. Ah non !
M. Vincent Delahaye. … à condition que vous nous laissiez suffisamment de temps pour que nous puissions travailler sur le projet de loi de règlement.
Puisque vous nous invitez à vous faire des propositions, je vous propose de réduire progressivement, de quinze jours par an, le délai de présentation du projet de loi de règlement, de manière que celui-ci puisse, au bout de quatre ans, être soumis au Parlement à la fin de mois d’avril plutôt qu’à la fin juin. (M. le ministre opine.)
Cela permettrait d’éviter des situations bâtardes, comme celles que nous avons connues l’an dernier, lorsque vous avez été obligé de présenter un projet de loi de règlement qui était, en réalité, celui de vos prédécesseurs, ou cette année, avec un projet de loi de règlement à cheval sur deux années et sur deux gouvernements. Ce n’est ni sain ni normal.
M. Vincent Delahaye. En outre, les années d’élection présidentielle, les Français auraient connaissance de la réalité des chiffres de la dernière année du quinquennat avant le premier tour. Ce serait une bonne chose, et cela nous permettrait de travailler concrètement.
Cette année, le déficit baisse de 1,4 milliard d’euros. On s’en réjouit, mais, pour ma part, je considère que cette diminution est un trompe-l’œil. En réalité, le déficit continue de s’établir à 67,7 milliards d’euros et représente 22 % des recettes. Pour le combler, il faudrait doubler l’impôt sur le revenu. Rendez-vous compte, mes chers collègues ! (Exclamations amusées.)
On se réjouit également que, en 2017, la richesse nationale soit revenue, en proportion, au niveau de 2007. Mais, entre-temps, on a dépensé 66 milliards d’euros supplémentaires ! Pour autant, pensez-vous, monsieur le ministre, que les Français vivent mieux et sont mieux administrés aujourd’hui qu’en 2007 ? Pour ma part, je ne le pense pas.
Aux 66 milliards d’euros de dépenses supplémentaires s’ajoutent 50 milliards d’impôts et de taxes prélevés sur les entreprises et sur les particuliers et un niveau de dette supérieur de 1 000 milliards d’euros à ce qu’il était en 2007. Nous devons nous en rendre compte. On ne saurait accepter une telle gestion des deniers publics.
En bons centristes que nous sommes, mes collègues et moi-même balançons, face à ce projet de loi de règlement, entre sévérité et indulgence.
M. Philippe Dallier. C’est le « en même temps »… (Sourires.)
M. Vincent Delahaye. Monsieur Raynal, notre sévérité est inspirée par l’insincérité du précédent gouvernement. Cette insincérité a été relevée, non seulement par le Sénat, lorsqu’il a refusé d’examiner la seconde partie du projet de loi de finances, mais aussi par la Cour des comptes, qui est un organisme totalement indépendant et déconnecté des échéances électorales.
Nous nous sommes également aperçus que l’année 2017 avait donné lieu à beaucoup de dépenses électoralistes, entraînant, sur une seule année, une augmentation de 12 milliards d’euros des dépenses et une hausse de 4 % de la seule masse salariale, quand celle-ci n’avait augmenté que de 2,9 % entre 2011 et 2016. Il semble que, après cette période, on n’ait, soudain, plus du tout fait attention… Cette augmentation inconsidérée des dépenses n’est pas acceptable. Elle justifierait à elle seule que nous nous opposions au présent projet de loi.
En même temps, monsieur le ministre, nous avons envie d’être indulgents à l’égard du Gouvernement, compte tenu des efforts de sincérité que vous avez consentis, sur à peu près 5 milliards d’euros. Nous saluons ces efforts.
M. Julien Bargeton. Bravo !
M. Vincent Delahaye. Cependant, l’effort pour réduire le déficit a finalement été assez limité. En réalité, nous avons eu de la chance. On a travaillé sur la croissance, ce qui a permis une forte hausse des recettes, à hauteur de 8 milliards d’euros pour la TVA.
D’ailleurs, je serais intéressé par une analyse précise de l’élasticité de ces recettes par rapport à la croissance. En effet, je trouve que l’on n’a jamais, ni de la part du Gouvernement ni de la part de la Cour des comptes, d’explication véritablement convaincante de l’augmentation de 3 % ou 4 % des recettes de TVA quand la hausse de la croissance s’établit, elle, à 2 %. J’avoue que je ne comprends pas très bien ce phénomène, et je serais ravi que vous puissiez me l’expliquer.
Balançant entre sévérité et indulgence, nous allons nous abstenir sur ce texte. Toutefois, cette abstention doit être interprétée non pas comme un blanc-seing, mais comme une invitation au Gouvernement à aller plus loin. De fait, le présent débat d’orientation budgétaire nous fait penser qu’il faut aller nettement plus loin !
Sur le plan de la sincérité, je pense que vous avez fait ce que vous avez pu. Nous vous savons gré de vos intentions en la matière. Il faut continuer. Je veux formuler deux autres remarques.
Premièrement, monsieur le ministre, je ne trouve pas que vous êtes très prudent quand vous affirmez que la croissance continuera à s’établir autour de 2 % dans les cinq prochaines années. Voilà cinquante ans que l’on n’a pu constater un tel phénomène !
À cet égard, je veux vous faire une deuxième proposition. Comme le dit M. le rapporteur général, les économistes ont été inventés pour que les météorologues se sentent moins seuls… (Sourires.) De fait, il faudrait systématiquement retrancher 0,5 point au consensus des économistes. Ce faisant, nous ferions preuve de prudence et nous nous réserverions plutôt de bonnes surprises pour la suite.
Deuxièmement, vous reportez toutes les économies sur la fin du quinquennat. Cela ne me paraît pas raisonnable. Je pense qu’il faut avoir le courage de faire les économies beaucoup plus rapidement.
Puisque vous demandez des propositions, je vous suggère de faire en sorte que tous les fonctionnaires travaillent réellement 35 heures, voire de faire passer leur temps de travail de 35 à 37 heures. Je suis sûr qu’il en résulterait des économies importantes.
Je ne dessinerai pas d’autres pistes, pour ne pas dépasser mon temps de parole. Il faut dire que, en tant que président de séance, j’apprécie que les orateurs respectent le temps qui leur a été alloué… (Sourires.) Je me permettrai de reprendre la parole sur les articles, comme le font nombre de mes collègues, pour approfondir un certain nombre des points que j’ai évoqués rapidement.
En tout état de cause, le groupe Union Centriste s’abstiendra sur ce projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Julien Bargeton applaudit également.)
M. le président. Je vous remercie d’avoir respecté votre temps de parole, mon cher collègue.
La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les présidents de commission, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, l’année 2017 a été marquée par une croissance économique de niveau inattendu, à 2,2 %, soit le niveau de l’année 2011, alors que la loi de finances initiale prévoyait une croissance de 1,5 %.
Cette croissance retrouvée est une bonne nouvelle pour notre économie et, bien sûr, pour nos finances publiques. Elle a notamment permis de réduire le déficit public de la France et de repasser en dessous de la fameuse barre des 3 %, sortant ainsi de neuf années de procédure pour déficit excessif.
Le Gouvernement tend à s’attribuer le bénéfice de cette amélioration du déficit. À dire vrai, la réalité est un peu différente, car cette amélioration s’explique, pour l’essentiel, par des mesures exceptionnelles ou exogènes au budget de l’État.
Pour ma part, je l’explique par cinq raisons : une hausse de 1 % du taux de croissance du PIB ; une augmentation de 1 point de l’investissement, grâce notamment à la hausse de 5 points des dépenses d’investissement des collectivités territoriales ; un excédent budgétaire de 5 milliards d’euros des administrations de sécurité sociale et de 800 millions d’euros des administrations publiques locales ; une élasticité exceptionnelle de la croissance des prélèvements obligatoires en 2017, avec, au passage, un gain budgétaire de près de 10 milliards d’euros ; une moindre contribution au budget de l’Union européenne, qui nous a permis d’économiser 2,3 milliards d’euros par rapport à 2016.
Néanmoins, le solde budgétaire demeure largement déficitaire et ne diminue que très faiblement – la baisse est de 1,4 milliard d’euros –, alors même que l’État bénéficie d’une diminution des prélèvements sur ses recettes de plus de 5 milliards d’euros et d’une hausse importante de ses recettes, grâce au niveau de croissance inattendu en 2017.
En réalité, il faut le dire, les dépenses de l’État ont fortement dérapé au cours de l’année 2017, puisque les dépenses des ministères augmentent à un niveau jamais vu depuis dix ans, avec une hausse de plus de 4 %, soit plus de 9 milliards d’euros de dépenses supplémentaires.
Si cette évolution peut s’expliquer, en partie, par les nécessaires abondements de certains budgets, elle est aussi liée à un certain nombre de mesures catégorielles : je pense notamment à l’augmentation du coût des mesures « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » et du dégel du point d’indice des fonctionnaires sur les dépenses de personnel, qui représente tout de même 3 milliards d’euros en 2017.
Les dépenses de personnel ont ainsi augmenté de près de 4 points l’an passé, soit plus qu’au cours des six dernières années cumulées. Avec la reprise des dépenses d’investissement, nécessaires à la croissance, cette hausse imposée des dépenses de personnel explique plus de 90 % de la hausse de 1,5 point des dépenses des administrations locales en 2017.
C’est la raison pour laquelle nous dénonçons la contractualisation, telle qu’elle est proposée par le Gouvernement, lequel a manifestement oublié, jusqu’à présent, de s’appliquer la recette à lui-même. En matière d’exemplarité, on a fait mieux.
M. Claude Raynal. Bien dit !
M. Jean-François Husson. L’intégration, dans l’objectif maximal d’évolution des dépenses publiques, des mesures catégorielles, normes ou dépenses imposées par l’État aux collectivités territoriales est inique, monsieur le ministre.
L’objectif de dépense, inflation comprise, sera très difficile à tenir, et le malus qui sera alors automatiquement appliqué va, une nouvelle fois, porter atteinte aux finances des collectivités, déjà durement malmenées ces dernières années, tandis que l’application du bonus, pour sa part, dépendra du seul bon vouloir des préfets, selon les départements. C’est ce que j’appelle une nouvelle forme de tutorat, monsieur le ministre.
M. Jean-François Husson. Ainsi que vous l’avez entendu, nous ne sommes pas ici les seuls à le penser. D’ailleurs, toutes les grandes collectivités n’ont pas accepté de s’engager.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, nous ne voterons pas ce projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2017. Comme d’autres, nous choisissons l’abstention. Surtout, comme d’autres, nous invitons le Gouvernement à prendre le taureau par les cornes et à s’attaquer vraiment à la réduction de la dépense publique pour l’exercice qui est devant nous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier. (Mme Jacky Deromedi applaudit.)
M. Roger Karoutchi. Nous allons connaître quelques minutes de bonheur ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les présidents de commission, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, avec ce débat, nous allons enfin pouvoir non pas solder les comptes du quinquennat de François Hollande – ce serait trop beau et trop simple ! –, mais en tourner la page et porter une appréciation sur la première année de ce nouveau quinquennat.
Que dire du dernier budget adopté par l’ancienne majorité, pour ne pas être trop cruel ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Qu’il fut, à l’image du quinquennat, une somme de contradictions, des mesures d’économies structurelles sans cesse repoussées et finalement jamais adoptées, malgré une rigueur de façade, qui vous a coûté cher politiquement (M. Claude Raynal s’exclame.), et, en fin de parcours, année électorale oblige, un relâchement des vannes de la dépense publique, masqué par des sous-budgétisations importantes.
Si l’on compare ce bilan de l’année 2017 aux objectifs affichés en 2012 – je les ai relus pour l’occasion –, tout est dit ! Que nous disait-on en 2012 ? Que nous reviendrions sous les 3 % de déficit en 2013, que nous atteindrions l’équilibre budgétaire en 2015 et que l’inversion des courbes du chômage et de la dette se produirait en 2013 ou 2014.
Rien de tout cela n’est advenu, cher Claude Raynal ! C’est en dire suffisamment sur l’échec du quinquennat qui s’est achevé en 2017… (M. Claude Raynal s’exclame.)
Pour redresser la barre, le Gouvernement a fait, à l’été dernier, des choix parfois brutaux, comme la diminution de 5 euros de l’aide personnalisée au logement, valable pour tous, la réduction du nombre de contrats aidés ou encore la baisse des aides à la pierre.
Ce sont ces décisions, en partie, et, surtout, l’embellie conjoncturelle de fin d’année qui ont permis de revenir sous les 3 % de déficit. Certes, avec 2,6 %, nous retrouvons le niveau d’avant la crise, mais ce nouveau taux repose en grande partie sur la conjoncture favorable.
Il est à noter que la masse salariale de l’État a continué de croître très fortement, à la suite des décisions prises par l’ancien Gouvernement. Pour la première fois depuis 2012, l’effort structurel est négatif, et l’essentiel de l’effort d’économies a reposé sur les collectivités locales – il faut le répéter – et sur la sécurité sociale. Qui pourrait s’en satisfaire ?
De surcroît, l’amélioration du PIB ne doit pas cacher le fait que la France demeure nettement à la traîne de l’Union européenne. Douze pays européens sont en excédent budgétaire. L’Allemagne l’est depuis 2014, ce qui, d’ailleurs, pose une vraie question au regard des traités européens.
Au-delà de ce simple constat, nous devrions surtout, mes chers collègues, nous interroger, pour l’avenir, sur la pérennité de cette embellie conjoncturelle de fin d’année.
Monsieur le ministre, je veux vous poser une question simple : ne vous êtes-vous pas laissé un peu griser par cette embellie ? (M. le ministre fait un geste de dénégation.)
En effet, pendant que certains s’en disputaient la paternité, les uns revendiquant le fruit tardif de la politique de la majorité sortante et les autres invoquant l’enthousiasme suscité par l’élection du nouveau Président de la République, les indicateurs se sont assombris, sur fond d’une guerre commerciale qui pourrait avoir de lourdes conséquences.
En même temps, le Gouvernement multipliait les annonces de dépenses nouvelles : suppression complète de la taxe d’habitation – certes, le Conseil constitutionnel y pousse, mais son financement pose question ; création d’un service universel pour les jeunes, promesse électorale qui n’a été ni cadrée ni chiffrée ; défiscalisation des heures supplémentaires, dont la réapparition aura un coût certain ; plan de lutte contre la pauvreté – de fait, il y a un vrai problème de pouvoir d’achat et de redistribution dans notre pays.
Comment allez-vous financer ces différentes mesures, tout en réduisant notre déficit et notre dette, puisque vous affichez toujours, et fort heureusement, cet objectif ? Voilà, finalement, la question à se poser.
Il y a trois jours, devant le Congrès, le Président de la République s’est encore voulu ambitieux, déclarant : « Il nous faut la meilleure école, la meilleure université, la meilleure recherche », mais aussi « la meilleure armée ». Très bien ! Mais encore faut-il, au-delà des mots, se donner les moyens de ses ambitions !
Réaliser des économies budgétaires ? Oui, mais lesquelles ? Il faut les documenter, monsieur le ministre ! Trouver de nouvelles recettes ? Oui, si elles sont le fruit de la croissance ! Il ne faut certainement pas d’impôts nouveaux. Creuser le déficit ? J’espère que le Gouvernement ne retiendra pas cette option, même si la suppression de la taxe d’habitation suscite quelques inquiétudes.
Le Président de la République nous a annoncé un plan d’économies. Nous l’attendons. Pour l’instant, nous nous interrogeons !
Pour terminer, monsieur le ministre, je forme le vœu que la crainte de vous voir commettre, peut-être à une autre échelle, la même erreur que François Hollande en 2012 – il était persuadé que la croissance revenait et qu’il pouvait repousser les décisions difficiles – ne se réalise pas.
Une année s’est déjà écoulée. Il vous en reste moins de quatre, monsieur le ministre ! Il est certain que le temps presse. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui du projet de loi de règlement pour l’année 2017 et de l’orientation de nos finances publiques.
Cette discussion générale conjointe est particulièrement bienvenue. En effet, l’examen du passé permet d’éclairer l’avenir, même si celui-ci manque singulièrement de précision cette année, faute d’éclairages détaillés du Gouvernement sur les grandes options qu’il pourrait retenir pour le projet de loi de finances pour 2019.
Mon propos ne consistera pas à commenter les chiffres. Intervenant en conclusion de ce débat, je veux en tirer quelque enseignement pour alimenter la réflexion sur la procédure budgétaire ouverte par la réforme constitutionnelle, laquelle doit être conduite d’ici à l’automne prochain.
Néanmoins, je reviendrai brièvement sur l’année 2017. Le déficit public a été ramené de 3,4 % à 2,6 % du PIB. La France est ainsi parvenue, pour la première fois depuis 2007, à passer sous la barre des 3 % du PIB, donc à sortir de la procédure pour déficit excessif, ouverte à son encontre au plan européen depuis 2009.
Certains observent que cette situation est entièrement due à la croissance, qui a atteint, l’an passé, 2,2 %, soit son plus haut niveau depuis 2011, ainsi qu’aux recettes qui en ont bien entendu découlé. Le Gouvernement met en valeur ses efforts en matière de dépenses pour tenir compte de l’audit quelque peu alarmiste que la Cour des comptes a réalisé en juin 2017. La vérité est que la réduction de nos déficits publics s’est poursuivie de manière aussi constante qu’ininterrompue depuis 2012, année où l’on enregistrait encore un déficit de 5 % du PIB.