M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Avis défavorable. Je voudrais profiter de cette occasion pour redire la philosophie du projet de loi quant au rôle des acteurs en matière d’apprentissage.
Nous avons besoin de l’ensemble des acteurs pour réussir. Cela fait plus de vingt-cinq ans que la compétence en matière d’apprentissage a été décentralisée, et autant de temps que des freins existent dans le code du travail. Cela fait bien plus longtemps encore que nous avons en France un préjugé culturel selon lequel la tête et les mains ne peuvent aller ensemble et l’apprentissage est une filière moins noble que celle des études classiques, même si, paradoxalement, l’apprentissage s’est surtout développé dans l’enseignement supérieur : sur 420 000 apprentis, 150 000 sont dans l’enseignement supérieur. Malgré cela, l’image de l’apprentissage n’a pas changé.
Il existe donc de nombreux freins, qui ne sont pas le fait d’un unique acteur. Désormais, l’enjeu est d’impliquer tous les acteurs.
Dans les pays nordiques, en Suisse ou en Allemagne – lorsque j’ai emmené les partenaires sociaux et les représentants des régions en Suisse, j’ai trouvé que le modèle de l’apprentissage y était encore plus avancé sur certains points que celui de l’Allemagne –, les branches et les entreprises sont à bord. Comment peut-on espérer réussir à développer massivement l’apprentissage sans cela ? Or, aujourd’hui, comme elles l’ont dit lors de toutes les concertations, les entreprises françaises ont le sentiment d’en être réduites à occuper un strapontin.
Nous devons tout faire pour que davantage de jeunes entrent en apprentissage et que davantage d’entreprises les accueillent. C’est dans cet esprit que nous proposons, au travers du projet de loi, de modifier les compétences des uns et des autres. Cependant, il est faux d’affirmer qu’il s’agit d’un transfert de compétences des régions aux branches, car les régions n’avaient pas la compétence en matière de diplômes professionnels et les branches n’auront pas le pouvoir, qu’avaient jusqu’à présent les régions, d’approuver la création de CFA ou de s’y opposer. En fait, il s’agit de renforcer le rôle de branches et, surtout, celui des entreprises, pour qu’elles puissent, si elles veulent signer un contrat d’apprentissage avec un jeune, être certaines de disposer du financement nécessaire. Tout le dispositif du projet de loi est centré sur le jeune, l’entreprise, le centre de formation d’apprentis.
Par voie de conséquence, cela conduit à déplacer un certain nombre de responsabilités jusqu’alors dévolues aux régions, mais aussi aux partenaires sociaux ou à l’État, dont certaines compétences seront transférées aux branches.
L’enjeu est d’aider beaucoup plus de jeunes à réussir grâce à cette voie d’excellence qu’est l’apprentissage. Elle représente un véritable ascenseur social et permet l’insertion professionnelle de sept jeunes sur dix à l’issue de leur formation.
Dans cette perspective, c’est sur les points de freinage du système que les compétences vont bouger. Nous supprimons par exemple l’autorisation administrative et prévoyons un financement reposant sur la péréquation nationale, dont l’intervention est nécessaire pour développer l’apprentissage dans les branches les plus dynamiques et les régions les plus disposées à s’engager. Il faut le savoir, aujourd’hui une région sur deux n’utilise pas la totalité du budget de l’apprentissage pour l’apprentissage : c’est leur droit absolu au titre des compétences décentralisées, qu’il ne m’appartient nullement de remettre en cause, mais la jeunesse est notre priorité nationale. C’est grâce à cette péréquation que le nombre d’apprentis va pouvoir fortement augmenter. J’y reviendrai au cours du débat, mais des engagements importants ont d’ores et déjà été pris par certaines branches ou entreprises, qui ont compris que ce texte permettra beaucoup plus d’initiatives.
Un débat parlementaire a vocation à aller au fond des choses, sans en rester au leitmotiv, repris par les médias, suivant lequel il s’agirait de transférer des compétences des régions aux branches. L’idée est de renforcer le rôle des branches, tout en étendant certaines des compétences des régions et en en réduisant d’autres. Il ne s’agit en aucun cas de compensation : en termes d’orientation, par exemple, on sait bien que les régions, compte tenu de leurs compétences en matière de développement économique, sont les mieux placées pour aider l’éducation nationale. S’agissant du financement, tous les crédits de l’apprentissage doivent aller à celui-ci. Pour cela, on a besoin de la péréquation interprofessionnelle.
Nous réussirons l’apprentissage si tous les acteurs sont sur le pont : les régions, les partenaires sociaux, les branches, l’éducation nationale. Tel est l’esprit du présent projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Si le président Retailleau et de nombreux collègues ont cosigné cet amendement, c’est qu’ils voulaient poser un acte politique.
Madame la ministre, vous établissez des comparaisons avec d’autres pays d’Europe. À ma connaissance, aucun ne se trouve engagé dans un processus de recentralisation. Que la situation actuelle ne soit pas bonne, qu’il faille développer l’apprentissage, qu’il faille un copilotage, nous en convenons, mais faut-il pour autant retirer une compétence aux régions ? Il aurait mieux valu associer davantage les branches. Hier, j’ai entendu à la télévision M. Gattaz, président du MEDEF, tenir en substance les propos suivants en sortant de votre ministère : « Donnez-nous l’argent, nous on sait faire ! » Pour ma part, je doute que toutes les branches sachent faire sur tous les territoires. Je doute que toutes les branches soient suffisamment structurées pour organiser l’apprentissage.
Un copilotage, cela doit se construire sur une base égalitaire ; or vous affaiblissez les régions pour donner davantage de compétences aux branches. Vous avez trouvé un accord avec une partie du MEDEF, avec quelques branches qui sont certainement en mesure de faire mieux qu’aujourd’hui en matière d’apprentissage, mais vous n’avez pas permis aux régions de faire mieux elles aussi.
Ce copilotage ne peut s’organiser en affaiblissant la décentralisation. Nous sommes l’un des rares pays d’Europe, pour ne pas dire le seul, à avoir le culte de la centralité. Vous pensez que l’on avance mieux en décidant de tout depuis Paris, de manière verticale. Moi, je crois aux territoires, je crois aux régions et je crois à la décentralisation ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Pour mémoire, les régions sont devenues des collectivités territoriales de plein exercice en 1982. Il serait dommage de leur retirer des compétences en matière de formation professionnelle et d’apprentissage, même si elles les exercent en partenariat avec l’État, par le biais de l’éducation nationale et des CIO, eux aussi destinés à être transférés, ainsi qu’avec l’ensemble des autres collectivités territoriales. Comme l’indique l’objet de l’amendement, il y a un risque de disparition de CFA. Or ceux-ci jouent un rôle fondamental pour la formation des jeunes. Il est regrettable de bouleverser en permanence l’organisation de ce qui fonctionne tout de même assez bien. Le rôle d’acteur de proximité des régions doit être soutenu et renforcé, dans l’intérêt des jeunes et des métiers de demain.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. Quel est le cœur du réacteur de cette réforme ? C’est l’adéquation de la formation des jeunes, de l’apprentissage avec les emplois d’aujourd’hui et de demain. Les moyens mis en œuvre actuellement ne sont pas les bons puisque nous n’y arrivons pas.
Les régions font un travail extraordinaire, mais malheureusement pas toujours suffisant. Permettez-moi de vous livrer une anecdote : assez récemment, une demande d’ouverture d’une unité de formation licence en gestion des ressources humaines pour soixante jeunes, avec soixante entreprises associées, s’est vu opposer un refus de la région. Nous avons ouvert cette formation en lycée professionnel en recourant à un montage très complexe : les soixante jeunes ont obtenu leur licence. Le problème tient parfois à la lenteur de nos structures à répondre aux demandes des jeunes et des entreprises.
Nous devons donc revoir notre logiciel ! Il ne s’agit pas d’une recentralisation,…
M. Max Brisson. Mais si !
M. Martin Lévrier. … puisque l’État ne reprend pas la main.
M. Max Brisson. Mais si !
M. Martin Lévrier. On confie aux branches de nouvelles compétences, afin que leurs besoins puissent être satisfaits. L’éducation nationale garde toute sa place, mais elle doit être beaucoup plus réactive. La région jouera toujours un rôle central en matière d’aides à l’investissement et au fonctionnement pour les centres de formation d’apprentis, en particulier dans les zones tendues. Par conséquent, ne parlez pas de reprise en main par l’État, ce n’est pas la réalité ! Je vous le demande instamment, pensez aux jeunes (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), aux entreprises qui veulent créer de l’emploi !
Un sénateur du groupe Les Républicains. C’est facile !
M. Martin Lévrier. Ce n’est pas facile, c’est du vécu ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour explication de vote.
Mme Anne Chain-Larché. Avec cet article, nous sommes aujourd’hui au cœur du débat.
M. Charles Revet. Tout à fait !
Mme Anne Chain-Larché. Sur ce sujet, je ne défends pas du tout une vision politique, au sens péjoratif du terme. Nous sommes tous conscients qu’il y a un problème, mais pensez-vous sincèrement, madame la ministre, que ce que vous proposez permettra de le résoudre ?
Un jeune qui veut s’inscrire dans un CFA a-t-il du mal à trouver un établissement pour l’accueillir ? Non : les CFA, qui relèvent des régions, sont répartis sur l’ensemble du territoire. La difficulté est de trouver une entreprise qui accepte de prendre ce jeune en apprentissage.
À cet égard, associer les branches professionnelles est une bonne chose, madame Cohen, car il faut mettre en adéquation la demande, très importante, et l’offre. Cependant, l’intervention des régions est indispensable, d’autant que nous les avons agrandies : leur vision est plus large que celle des branches professionnelles, elle transcende les clivages.
Or, en vertu du présent texte, les régions ne conserveront, en matière d’apprentissage, que le droit de le financer : elles ne pourront plus définir et mettre en place leur politique.
Nous sénateurs représentons les territoires et les collectivités : vous ne pouvez pas nous demander de voter en faveur d’une telle dépossession des régions. Il y a deux ans, au conseil régional d’Île-de-France, nous avons décidé de subordonner l’octroi d’une subvention à toute collectivité à l’embauche de stagiaires. Cette mesure a beaucoup fait parler, mais les jeunes voient les résultats !
Les régions doivent conserver cette compétence pour pouvoir mener, demain, une politique ambitieuse et audacieuse.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Anne Chain-Larché. Je ne voterai pas ce projet de loi, car, selon moi, il ne va pas dans le bon sens ! (Mme Marta de Cidrac et M. Jackie Pierre applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Nous sommes face à un véritable sujet d’organisation territoriale. Chacun constate que le système en vigueur ne fonctionne pas aussi bien que l’on voudrait. À cet égard, le dispositif de cet article représente un pari ; il ne suffira pas de l’adopter pour que l’avenir de nos jeunes s’en trouve brutalement transformé. Il restera à impliquer l’ensemble des acteurs locaux. Ainsi, l’insertion relève encore des départements, qui établissent les schémas départementaux d’insertion avec leurs partenaires. Ces schémas concernent des bénéficiaires des minima sociaux, notamment le RSA, dont certains sont inscrits à Pôle emploi et entrent tout à fait dans la catégorie des personnes à former, en lien avec les régions.
Madame la ministre, vous avez dit que les régions n’avaient pas toutes dépensé l’intégralité des crédits destinés à l’apprentissage. Cela tient au fait que celles qui résultent de la fusion de plusieurs anciennes régions en vertu de la mise en œuvre de la loi NOTRe portant nouvelle organisation territoriale de la République ont dû étendre leurs politiques à leur nouveau périmètre.
Ainsi, la région Grand Est regroupe trois anciennes régions : harmoniser la politique de formation et le schéma régional de formation de la région Champagne-Ardenne avec ceux des régions Lorraine et Alsace n’est pas d’une évidence absolue… C’est la raison pour laquelle on a pu observer quelques difficultés. Alors que les nouvelles régions sont maintenant organisées, que les chambres consulaires et les branches se sont adaptées à la nouvelle carte régionale, on modifie une nouvelle fois le dispositif.
Cela étant, la commission des affaires sociales a fait le choix de suivre la proposition du Gouvernement de modifier les actes de la décentralisation, d’assumer ce pari qui a été fait. (M. Michel Forissier, rapporteur, acquiesce.) En tant que vice-président de cette commission, je me rallie bien sûr à l’orientation qu’elle a arrêtée. C’est pour cette raison que je n’ai pas cosigné l’amendement déposé par le président du groupe auquel j’appartiens, malgré toute l’estime que j’ai pour lui !
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Nous abordons le cœur de la réforme avec une part de doute, car nous avons conscience qu’il s’agit là d’un pari.
Je veux à nouveau saluer le travail des rapporteurs. Nous dressons tous le même constat : l’apprentissage ne fonctionne pas dans notre pays. Il y a quelques instants, j’ai même entendu un chiffre dont je n’avais pas connaissance : la France compte 420 000 apprentis, dont 150 000 sont inscrits dans l’enseignement supérieur.
Lorsque les études supérieures ont été ouvertes aux apprentis, j’étais membre du conseil d’administration d’une grande école de commerce. Le succès de cette mesure a dépassé les espérances – je ne crois pas qu’à l’origine on pensait atteindre le chiffre de 150 000 apprentis inscrit dans le supérieur –, mais cela n’a pas réellement changé l’image de l’apprentissage.
Le problème concerne surtout les niveaux IV et V. Je l’ai vécu à titre personnel, ayant un fils dyslexique, pour lequel j’ai eu bien du mal à trouver un contrat d’apprentissage dans le domaine de la plomberie. En revanche, j’en ai trouvé un immédiatement pour mon autre fils qui fait des études d’ingénieur.
M. Charles Revet. Bien sûr !
M. Olivier Henno. Cette situation tient à ce que, aujourd’hui, les entreprises et les branches professionnelles de notre pays ne sont pas mobilisées en faveur de l’apprentissage. Or ce sont elles, les acteurs. Les régions font ce qu’elles peuvent, leur action va dans le bon sens, mais si l’on veut changer les choses dans le domaine de l’apprentissage, il faudra parvenir, par un biais ou par un autre, à beaucoup plus impliquer les branches et les entreprises. C’est la raison pour laquelle je suivrai l’avis de M. le rapporteur et ne voterai pas cet amendement. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. En tant que conseillère régionale, je puis témoigner que, lorsque Bruno Retailleau a pris la tête de la région Pays de la Loire, celle-ci connaissait un déficit d’apprentis, lié à la politique du gouvernement précédent, qui avait sacrifié l’apprentissage.
Le conseil régional a pris le problème à bras-le-corps et, en l’espace de quelques mois, nous avons transformé le paysage de l’apprentissage dans les Pays de la Loire, en allant au plus près des territoires, des entreprises, des centres de formation des apprentis. Nous avons agi rapidement, en faisant en sorte que les acteurs se rencontrent.
Pour ma part, je voterai cet amendement : ses dispositions correspondent à ce qu’il est possible de faire dans les régions. Ce n’est pas en vidant ces dernières de leur compétence sur ce sujet que l’on fera progresser les choses.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Que l’on me permette un petit rappel historique. Lorsque la décentralisation a été introduite dans notre législation, en 1982, tout le monde n’en approuvait pas le principe. (M. Martin Lévrier sourit.) Le projet de loi dont j’étais rapporteur à l’Assemblée nationale avait même été vigoureusement combattu… Depuis, les esprits ont évolué.
Je voudrais toutefois souligner que, normalement, dans un pays unitaire – la France n’est pas une fédération –, le fait que des compétences soient décentralisées en vue de la réalisation d’un certain nombre de missions de service public ne prive pas l’État de fixer les objectifs de ces missions.
En écoutant certaines interventions, j’en viens à me demander si, pour certains de nos collègues, les collectivités territoriales ne devraient pas être structurellement les adversaires et les empêcheurs de l’État !
Mme Marta de Cidrac. Ce n’est pas cela !
M. Alain Richard. Si j’ai mal compris le sens de ces interventions, veuillez m’en excuser !
Par ailleurs, sur le fond, nous savons tous que, pour moitié au moins, sinon pour les deux tiers, notre problème de chômage structurel est lié à des déficits de formation. Pense-t-on réellement que les outils utilisés actuellement ont donné des résultats satisfaisants et qu’il faut se résigner à ce chômage structurel ? À mon sens, s’il y a un domaine où il faut innover, bousculer les habitudes, c’est bien celui-là. Ceux qui y sont opposés jouent le rôle de conservateurs. Cela a certes été l’un des rôles du Sénat, mais pas le seul ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste. – Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Antoine Lefèvre. Merci pour la caricature…
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Mme Deroche vient de rappeler les efforts que certaines régions ont déployés pour développer l’apprentissage. Je peux comprendre la déception que peuvent éprouver ceux qui ont agi avec volontarisme dans leur région et, à cet égard, j’interprète l’amendement de M. Retailleau comme un amendement d’appel.
Pour ma part, je suivrai l’avis de la commission, qui a obtenu des avancées en confortant le rôle des régions dans le pilotage de l’apprentissage. Celles-ci seront ainsi chargées d’élaborer une stratégie pluriannuelle de la formation en alternance et pourront conclure des conventions d’objectifs et de moyens avec les CFA. La commission a également renforcé les moyens d’action des régions en matière d’orientation et d’information sur les professions et les formations.
La région, qui est compétente en matière d’emploi et d’économie, devra bien sûr être étroitement associée au travail fait par les branches. Grâce aux apports de la commission, son rôle se trouve renforcé. En particulier, les CFA ruraux pourront bénéficier de 250 millions d’euros de crédits de fonctionnement et de 180 millions d’euros de crédits d’investissement. En adoptant cet amendement, on changerait complètement l’orientation du texte.
M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez, pour explication de vote.
Mme Vivette Lopez. Comme l’a dit Mme Chain-Larché l’a dit, nous devons raisonner à l’échelle des grandes régions qui ont été créées, qu’on l’ait voulu ou non. Selon moi, les régions doivent rester la pierre angulaire de l’organisation et du financement de l’apprentissage, les branches professionnelles n’étant pas toutes en mesure de reprendre leur rôle en la matière.
Pour accompagner la refonte de l’apprentissage, peut-être faudrait-il se pencher sur les freins qui, au quotidien, découragent les professionnels, notamment dans le milieu agricole : contraintes, lourdeurs administratives, risques juridiques, voire judiciaires, coût…
Il y a quelques instants, M. Lévrier nous a dit de penser à nos jeunes : c’est bien ce que nous faisons, car ils représentent l’avenir !
Je soutiens cet amendement, mais je ne suis pas sûre de voter ce projet de loi, qui me semble perdre son sens au fil de la discussion… (Mme Christine Bonfanti-Dossat et M. Jackie Pierre applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour explication de vote.
Mme Marta de Cidrac. Nous sommes en fait en train de débattre de la liberté, pour chacun, de choisir son avenir professionnel. Somme toute, l’apprentissage n’est qu’un outil pour permettre à nos jeunes de trouver un emploi.
Personnellement, je voterai cet amendement, car ses dispositions vont dans le bon sens. À mes yeux, les régions sont les mieux à même de connaître les bassins d’emploi de nos territoires. Il ne faut pas négliger cet aspect.
En outre, il faut tenir compte des acteurs qui jouent un rôle important dans nos territoires. Je pense par exemple à Dynam Jeunes, une mission locale que je préside. Nous avons tissé avec la région des liens forts, grâce auxquels nous pouvons orienter parfaitement nos jeunes, que ce soit vers une formation ou l’apprentissage, en tenant compte du marché de l’emploi. Il ne faut négliger aucun acteur.
M. Antoine Lefèvre. Voilà !
Mme Marta de Cidrac. J’en ai l’intime conviction : en éloignant la prise de décision des bassins d’emploi, on ne rend pas service à nos jeunes.
Enfin, monsieur Richard, les collectivités territoriales ne sont pas contre l’État : ce n’est pas du tout l’objet de cette discussion.
M. Alain Richard. C’est pourtant ce que j’entends…
Mme Marta de Cidrac. L’État ne nous rend pas service en centralisant davantage encore la prise de décisions qui concernent l’échelon local. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous invite à faire preuve de concision, car vous êtes particulièrement nombreux à vouloir intervenir.
La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Certes, les interventions sont nombreuses, mais ce sujet interpelle fortement les représentants des territoires que nous sommes.
Ce projet de loi retire aux régions une compétence essentielle, l’apprentissage. Nous avons tous ici la volonté de trouver des solutions pour endiguer le chômage, pour préparer l’avenir de nos jeunes et leur permettre de se former, notamment par la voie de l’apprentissage : il n’y a aucune divergence politique entre nous sur ce point. Que nous souhaitions que les régions conservent la compétence en matière d’apprentissage ne signifie pas que nous serions moins motivés que d’autres pour agir en faveur de l’avenir de nos jeunes.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire : retirer aux régions la compétence en matière d’apprentissage est véritablement une mesure de recentralisation. C’est du jamais-vu depuis 1982 et les premières lois de décentralisation ! (M. Alain Richard manifeste son scepticisme.) Cette décision ne va pas dans le bon sens. Les régions exercent bien sûr cette compétence selon leurs spécificités, d’une façon qui n’est pas uniforme sur l’ensemble du territoire, mais elles ont toutes fait beaucoup d’efforts. Le conseil régional de Basse-Normandie, dont j’ai été élue membre en 2004, a répondu aux demandes de l’État, en déployant des efforts considérables pour développer l’apprentissage, depuis le CAP jusqu’à l’enseignement supérieur.
Les régions ont mobilisé des moyens d’action et ont déjà l’habitude de travailler avec les partenaires sociaux comme avec les branches professionnelles. Les exclure purement et simplement de l’organisation de l’apprentissage n’irait pas dans le bon sens !
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.
Mme Colette Mélot. La formation est un enjeu national. Je n’entends pas remettre en cause le rôle des régions. À mon sens, elles doivent continuer à exercer leurs compétences, notamment en matière d’emploi, mais il faut aller plus loin car, nous le savons très bien, les résultats en termes de formation professionnelle et d’apprentissage ne sont pas satisfaisants.
Il faut, dans cette perspective, accroître le rôle des branches professionnelles pour que l’action dans ce domaine soit beaucoup plus homogène à l’échelle nationale. En Allemagne, l’apprentissage représente véritablement une voie d’excellence et le chômage des jeunes est au plus bas. Si la formation et l’éducation sont du ressort des Länder, ce sont les branches professionnelles qui ont la main en matière d’apprentissage : à mes yeux, c’est vraiment l’exemple à suivre.
Nos régions pourront continuer à exercer une compétence, mais il faut déployer une action à l’échelon national afin que tous les jeunes de ce pays, et les moins jeunes pour ce qui concerne la formation continue, puissent bénéficier d’une politique digne de ce nom. (Mme Michèle Vullien applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Au-delà de quelques dérapages de langage, nous voulons tous faire en sorte que les jeunes puissent préparer leur avenir dans les meilleures conditions.
Le Sénat a bien entendu vocation à défendre les territoires, qu’il s’agisse des régions, des départements ou des communes. Mais il est aussi la seconde chambre du Parlement.
M. Alain Richard. Eh oui !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. En définitive, le texte qui s’appliquera, pour les quatre années qui viennent au minimum, aura été élaboré soit conjointement par l’Assemblée nationale et le Sénat, soit par l’Assemblée nationale seule. Je tenais à souligner ce point.
Vous connaissez, mes chers collègues, les relations amicales que j’entretiens avec le président Retailleau, mais, si nous adoptons cet amendement, ses dispositions ne seront pas appliquées (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)…
Mme Vivette Lopez. Nous ne servons à rien, alors ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. … et tout le travail accompli par ailleurs par nos rapporteurs n’aura pas servi à grand-chose.
Je rappelle à cet égard que les rapporteurs ont réintroduit dans ce projet de loi le rôle de copilotage des régions, via notamment l’élaboration des stratégies régionales pluriannuelles en matière d’apprentissage, la conclusion de conventions d’objectifs et de moyens avec les CFA ou les actions d’information sur les métiers et les formations dans les établissements d’enseignement. En outre, pour ne pas pénaliser les CFA soumis à des sujétions particulières, les rapporteurs ont inscrit dans le présent texte la définition du coût au contrat. Enfin, même si nous ne sommes pas sûrs que cette disposition sera retenue par nos collègues députés à l’occasion de la commission mixte paritaire, les rapporteurs ont supprimé le critère d’âge pour la fixation de la rémunération des apprentis.
Ce sont là des apports extrêmement importants, qui permettent au Sénat de jouer son rôle de seconde chambre du Parlement en contribuant pleinement à l’élaboration du texte de loi qui sera appliqué dans les mois à venir.
Une nouvelle fois, j’en appelle à la raison, pour la survie du Sénat en tant que tel. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste. – Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.) Vous savez que le Sénat est actuellement menacé. Vous savez combien certains membres du Gouvernement et le Président de la République lui-même souhaitent diminuer son influence.