M. Jean-Marc Boyer. C’est vrai !
M. Bruno Retailleau. Enfin, alors que la grande réforme eût été de rapprocher l’enseignement professionnel et technique de la voie de l’alternance, le texte que nous propose le Gouvernement va malheureusement contribuer à cloisonner un peu plus l’enseignement et à écarter l’éducation nationale de cette formule gagnante d’excellence qu’est l’apprentissage.
Nous ne voterons donc pas cette motion ; je voulais seulement exprimer, au nom de mon groupe, les raisons pour lesquelles nos rapporteurs ont fait un travail de fond pour modifier substantiellement le texte initial du Gouvernement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Daniel Chasseing. Notre groupe votera contre la motion tendant à opposer la question préalable. En effet, nous estimons que ce texte apporte un plus très important pour la formation professionnelle et pour l’apprentissage.
Celui-ci, nous le savons, est une formation très importante ; nous espérons qu’il apportera le plein-emploi. Pourquoi les entreprises ne prennent-elles pas d’apprentis actuellement ? C’est du fait de la complexité du système et des aides : les chefs d’entreprise ne peuvent accepter ces contraintes. C’est pourquoi cette simplification est très importante.
En outre, ce texte permet la formation professionnelle tout au long de la vie, ce qui nous paraît fondamental pour tendre vers le plein-emploi. En Allemagne et en Suisse, le taux de chômage des jeunes de 16 à 25 ans est trois fois moindre qu’en France ; or l’Allemagne a 1,3 million d’apprentis, contre 400 000 dans notre pays. En somme, on y compte trois fois plus d’apprentis, et trois fois moins de chômage des jeunes !
Ce texte va dans le bon sens ; nous voterons donc contre la motion déposée par le groupe CRCE. (Mme Colette Mélot applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Véronique Guillotin. Ce texte, s’il n’est à l’évidence pas parfait, est en revanche absolument nécessaire. Notre pays, on le sait bien, est englué dans un chômage de masse qui touche principalement la jeunesse ; or la voie de l’apprentissage est un outil essentiel qu’il nous faut revoir en profondeur, car il est aujourd’hui sous-utilisé.
Nous voterons donc contre cette motion, car nous privilégierons le débat pour faire évoluer ce texte, qui, je le répète, va dans le bon sens. (Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Yves Daudigny. Nous ne voterons pas la motion tendant à opposer la question préalable, et ce pour deux raisons.
En premier lieu, nous ne voulons pas que le travail très important qu’ont accompli, pendant de longues semaines, de très nombreux collègues de notre groupe dans les différents domaines affectés par ce projet de loi passe par pertes et profits.
Mme Laurence Cohen. Nous aussi, nous avons travaillé !
M. Yves Daudigny. En second lieu, nous pensons qu’il faut débattre de ce sujet, qui est aujourd’hui au cœur des défis que doit affronter notre société pour le travail, mais aussi pour la cohésion sociale.
En revanche, nous serons cohérents. Cet après-midi connaît une ambiance un peu particulière du fait de l’annonce du dépôt par le Gouvernement, aujourd’hui seulement, d’un amendement au titre II. C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur cette motion. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 202, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 203 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 269 |
Pour l’adoption | 15 |
Contre | 254 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Mes chers collègues, j’ai été saisi, par le groupe socialiste et républicain, d’une motion n° 749 tendant au renvoi à la commission du texte en discussion. Comme le règlement le prévoit, elle sera examinée à l’issue de la discussion générale, avant la discussion des articles.
Discussion générale (suite)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi nous est présenté comme un outil de lutte contre la résignation qui gagne notre pays face au chômage, à l’exclusion et aux inégalités. Madame la ministre, vous refusez – du moins le dites-vous – la dévalorisation de l’image de l’apprentissage et de la formation professionnelle, et vous souhaitez agir. Mais votre projet de loi fait tout le contraire. Vous avez imposé votre feuille de route, avec un calendrier restreint, sans prendre le temps de la concertation.
Ce projet de loi sort du même moule que la loi El Khomri ou que celle qui habilitait le Gouvernement à légiférer par ordonnances sur le droit du travail. Toutes les lois que les différents gouvernements portent depuis des années s’inscrivent dans une même vision libérale.
Loin, très loin d’une vision émancipatrice et donc forcément efficace, les réformes du droit du travail se succèdent depuis plus de dix ans, avec toujours la même logique : beaucoup d’assouplissement pour un zeste de protection. Ce projet de loi est un nouveau coup porté à notre système social, aux droits des travailleurs et des travailleuses, en activité ou en devenir.
Or le constat est là : le chômage ne recule pas significativement, mais la précarité augmente, particulièrement pour les jeunes que vous prétendez aider ; la chasse et la culpabilisation des chômeurs continuent et s’amplifient, tandis que le patrimoine des premiers de cordée a doublé en dix ans, jusqu’à représenter 650 milliards d’euros cumulés, soit un tiers du PIB.
Ainsi, votre projet porte en son cœur le transfert de la responsabilité du chômage vers les personnes et non les entreprises. En individualisant le compte personnel de formation, en le monétisant, on réduira forcément le temps annuel de formation. En remplaçant les instances de formation professionnelle par des applications numériques personnalisées, en instituant un journal de bord pour les demandeurs d’emploi, qui rappelle d’ailleurs en partie les portefeuilles de compétences déjà mis en œuvre dans l’éducation nationale, vous cassez la responsabilité collective de la formation et de l’orientation professionnelle pour ne plus suivre que le seul critère de l’employabilité.
L’employabilité, plutôt que l’épanouissement personnel de chacun, l’employabilité au seul profit des entreprises, quitte à risquer une surspécialisation pour un poste de travail donné, quand celui-ci n’est pas garanti ; on assiste ici aux suites d’un changement de paradigme majeur dans notre société : la sécurité sociale a failli disparaître au profit de la protection sociale.
M. Bruno Sido. Oh là là !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Celui qui offrait son travail est devenu demandeur d’emploi ; maintenant, c’est à lui de veiller à sa propre employabilité par la mise en œuvre, dès l’école, d’un parcours professionnel. S’il est au chômage, ce sont ses choix qui seront sanctionnés.
Ce système devient d’ailleurs terrible pour les jeunes, qui ne peuvent plus s’appuyer sur les aides à l’orientation, madame la ministre, puisque vous supprimez les centres d’information et d’orientation, ou CIO, qui jouaient un rôle important dans les territoires pour l’orientation des jeunes, ainsi que les conseillers d’orientation-psychologues. Vous réorganisez les DRONISEP, les délégations régionales de l’Office national d’information sur les enseignements et les professions, en les confiant aux régions sans garantie de cohérence nationale, et vous réduisez les missions de cet office national. Où est l’égalité républicaine, où est l’égalité des droits, quand il n’existe plus de service public de référence pour l’orientation ?
Je suis intimement convaincue que la formation professionnelle et l’apprentissage peuvent être des voies d’excellence permettant à des jeunes et à des moins jeunes de monter en qualification, d’obtenir des diplômes, et donc de prétendre à de meilleurs salaires et à de meilleures conditions de travail. Cette valorisation du travail permet de donner sa chance à chacun et chacune, quel que soit son milieu d’origine ; c’est cela, l’ascenseur social, et c’est ce que nous défendons !
C’est le cas pour des jeunes issus de milieux populaires qui complètent un premier diplôme et qui font le choix de poursuivre leur cursus en apprentissage pour obtenir un diplôme d’ingénieur ou de formation supérieure. Ayant déjà une formation initiale de bon niveau, ces jeunes, généralement, réussissent.
Le projet de loi qui nous est présenté aujourd’hui n’est pas fait pour ces cas : il réduit systématiquement les obligations des employeurs, il renforce les dispositifs de préapprentissage, il met les CFA en concurrence entre eux, il livre l’apprentissage au monde économique à travers les branches professionnelles, enfin il met en concurrence les régions, puisque, malgré toutes les ambitions qu’il entend déployer, cette révolution se fera à enveloppe constante.
L’ambition doit être complète et intégrer les lycées professionnels, qui jouent un rôle primordial en offrant aux jeunes une formation sous statut scolaire. J’étais vendredi dernier à Avion et Sallaumines, dans le bassin minier du Pas-de-Calais, en plein cœur de cités populaires, aux côtés des élus, des élèves et des professeurs dont les classes d’enseignement professionnel sont menacées de fermeture. Aujourd’hui, le CAP électricité du lycée professionnel de Sallaumines risque de fermer, demain ce sera son BEP et son BTS. C’est inacceptable ! Nous pourrions vous citer des centaines d’exemples de ce type en France.
De même, du fait de ce texte, les territoires vont être mis en concurrence les uns avec les autres : les moins attractifs d’entre eux vont être vidés de leurs jeunes, qui se verront poussés vers des CFA plus compétitifs et donc mieux dotés.
Une fois encore, ce projet de loi est surtout celui de la liberté des entreprises. Le relèvement de 11 à 250 salariés du plafond qui encadre la possibilité de bénéficier des aides régionales détournera l’aide à l’apprentissage de son but initial, au risque de voir ces aides dévoyées…
M. le président. Il faut conclure, vraiment conclure.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Elles ne serviront plus à accompagner les apprentis et leurs tuteurs, mais à faire baisser encore le coût du travail ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Martine Filleul applaudit également.)
M. le président. J’ai laissé un peu de temps supplémentaire à Mme Apourceau-Poly, qui est nouvelle sénatrice, mais je ne le ferai pas pour les plus expérimentés ! (Sourires.)
La parole est à M. Yves Daudigny. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, mon collègue Jean-Louis Tourenne traitera avec tout le talent qui est le sien du titre II de ce projet de loi.
Je veux pour ma part faire un point d’histoire sur la formation professionnelle. Le 9 juillet 1970 était signé le premier accord national interprofessionnel, un mythe dans l’histoire de la formation professionnelle. Le 16 juillet 1971, par une « révolution silencieuse », la loi imposait une contribution obligatoire des entreprises au financement du système, système qui allait évoluer au fil de nouveaux accords et de leurs transcriptions dans la loi.
Quarante-sept ans après la loi Delors, dans une économie mondialisée en mutation profonde, le taux de chômage est voisin de 9 % ; il est souvent estimé que, en 2020, plus de deux millions d’emplois requérant au minimum le baccalauréat pourraient ne pas être pourvus. Jamais la formation professionnelle n’a autant été au cœur des défis économiques, sociaux et sociétaux de notre pays. Avec un agrégat de dépenses de 32 milliards d’euros et 8 500 entreprises de formation, la France demeure en retrait au sein de l’OCDE, moins de 40 % des adultes participant sur un an à des actions de formation.
Au début de 2018, les prémisses de ce texte sont plutôt favorables : l’accord national interprofessionnel du 22 février dernier comporte de nouveaux droits pour les salariés, tel que l’accompagnement gratuit et renforcé de tous les salariés dans leur carrière professionnelle ou le renforcement du compte personnel de formation, dont l’abondement passe de 24 à 35 heures annuelles, voire 55 heures pour les personnes peu qualifiées.
Pour vous, en revanche, madame la ministre, « le compte n’y est pas » ; pourtant, votre big-bang donne naissance à de vives oppositions et des interrogations partagées.
S’exprime, d’abord, l’opposition à la monétisation et à la désintermédiation du compte personnel de formation. Là, vraiment, le compte n’y est pas ! Un bilan de compétences qui se finance aujourd’hui en un an à raison de 24 heures ne pourra l’être demain qu’en trois ou quatre ans à raison de 1 500 à 2 600 euros. Nous présenterons un amendement de suppression de ces dispositions.
Autre changement lié à la monétisation, le salarié pourra commander une formation sur son smartphone comme un produit courant de consommation. Le seul pivot de la liberté individuelle, sur lequel vous vous appuyez, madame la ministre, est ici insuffisant. Il est dangereux de s’adresser à l’individu sans prendre en compte l’exercice réel de la liberté par toutes et tous. Comment faire naître un besoin de formation chez des travailleurs faiblement qualifiés qui n’ont retiré de la formation initiale qu’une expérience d’échec, et de leurs activités professionnelles qu’une expérience de soumission hiérarchique dans des activités routinières ? À défaut de muer chaque être humain en start-up de sa propre existence, dans une société d’incertitudes et de transformations permanentes, l’accompagnement professionnel est un enjeu stratégique.
L’incompréhension s’exprime quant à elle face à une nouvelle gouvernance proposée sans aucune concertation, en rupture avec le texte de 1971. Je veux ici citer Jacques Delors : « les finalités et les moyens d’une politique de formation permanente ne peuvent être admis et compris par tous que s’ils font l’objet d’une réflexion en commun, parce que les besoins culturels et professionnels des travailleurs appellent des solutions adaptées à la fois à leurs aspirations et aux exigences de leur vie professionnelle ».
L’opposition, madame la ministre, se fait jour quand, par la reprise en main du dispositif par l’État, vous ne gardez qu’un paritarisme résiduel et proposez, aux dépens des régions, la première recentralisation d’une compétence depuis trente ans. Pourquoi une telle défiance à l’égard des corps intermédiaires ?
Quant à la perplexité et à l’inquiétude exprimées pour l’apprentissage, notre collègue Corinne Féret en développera les raisons. Le projet de loi organise le financement des CFA par les branches professionnelles au prorata du nombre de contrats signés, avec une totale liberté d’ouverture et de fermeture. L’apprentissage, voie d’excellence – c’est un enseignant qui l’affirme –, doit garder sa place dans la formation initiale ; nous défendons sur ce point un copilotage par les régions et les branches professionnelles.
Trois interrogations demeurent.
Le renforcement du conseil en évolution professionnelle, ou CEP, a fait l’objet d’un total consensus des partenaires sociaux. Mais quelle obsession du marché que de demander à France compétences de désigner, par appel d’offres, les acteurs privés pouvant être opérateurs du CEP pour les salariés ?
La deuxième interrogation porte sur la place et le rôle de l’entreprise. Vous avez écrit, madame la ministre, qu’investir massivement dans les compétences des salariés relève d’abord de la responsabilité des entreprises. Comment ne pas mettre au cœur du dialogue social dans l’entreprise le plan de développement des compétences ? Quelles incitations pour les entreprises à aborder les questions de long terme ?
Enfin, la troisième interrogation porte sur les transitions professionnelles. Le CEP transition est en retrait sensible du congé individuel de formation. Voici le plus grave : l’émergence de la démission comme séquence ordinaire des transitions professionnelles, écartant ainsi tout engagement de l’entreprise.
Non, ce projet de loi n’est malheureusement pas le volet « sécurité » d’une flexisécurité à la française. Devant des inégalités sociales superposées sur les fractures territoriales, et sans l’objectif d’assurer du « mieux pour tous », l’avenir de notre démocratie risque d’être sombre ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
7
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, M. le Premier ministre, qui est retenu à l’Assemblée nationale par un projet de loi portant réforme de la Constitution, vous prie de l’excuser. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat. Chacun aura à cœur, tout à la fois, de respecter son temps de parole et de faire preuve de courtoisie.
assises de l’outre-mer
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour le groupe La République En Marche. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)
M. Georges Patient. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la ministre des outre-mer.
Madame la ministre, depuis la présentation, toute récente, à l’Élysée, du Livre bleu outre-mer, des voix ne cessent de s’élever pour dénoncer deux mesures : la modulation des paramètres du dispositif d’abattement d’impôt sur le revenu ; la suppression de la TVA « non perçue récupérable ».
Parce qu’elles mettent en cause des avantages acquis de longue date, ces décisions font l’objet de vives critiques. Pour certaines, il s’agit « purement et simplement d’un coup de massue fiscal au milieu des promesses ». Pour d’autres, « ce tour de passe-passe faisant passer des économies faites sur le dos des Ultramarins pour un investissement accru de l’État en outre-mer est tout simplement méprisable ».
Aussi, madame la ministre, même si vous dites agir au nom d’une plus grande justice fiscale, des clarifications s’imposent. Pouvez-vous nous garantir que ces économies de 680 millions d’euros, réalisées à partir de ces deux impôts d’État, seront réellement et intégralement reversées aux outre-mer, que les collectivités d’outre-mer, au nom du droit à la différenciation, auront chacune leur mot à dire quant à ce reversement ?
J’en viens à l’abattement d’impôt : quel sera le niveau de revenu fiscal de référence retenu pour désigner les foyers fiscaux les plus aisés ? Permettra-t-il aux nombreux ménages modestes qui échappaient jusqu’à présent à l’impôt sur le revenu de rester non imposables ? Quid de tous les autres – professionnels, actifs – que cette mesure incitait à investir, à venir et à résider en outre-mer, en dépit du coût de la vie ? Je pense tout particulièrement à la Guyane et à Mayotte, qui ont déjà des taux d’abattement supérieurs aux autres DROM ?
Madame la ministre, un dernier point fait également polémique. Le Président de la République est revenu une fois de plus sur la sur-rémunération, déclarant : « C’est la sur-rémunération des uns qui crée la pauvreté des autres. Soyons lucides. » Faut-il comprendre que le Gouvernement nous prépare à la suppression de la sur-rémunération ? Merci, madame la ministre, de me répondre sur ces points. (Mme Lana Tetuanui et M. Jean-Louis Lagourgue applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur Georges Patient, je vous remercie de cette question. En effet, certains tentent aujourd’hui, en délivrant des informations partielles, de faire de la polémique ou de la politique à l’ancienne (Huées sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Des sénateurs du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste martèlent leurs pupitres.), jouant sur les peurs et sur les inquiétudes.
Mme Éliane Assassi. Ah non, cela suffit !
Mme Annick Girardin, ministre. Je ne sais pas pourquoi vous vous sentez concernés ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
Il n’y a pas d’entourloupe (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.),…
M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues, laissez Mme la ministre répondre !
Mme Annick Girardin, ministre. Tout est écrit dans le Livre bleu. Il n’y a pas d’entourloupe, monsieur le sénateur, et vous le savez.
Cela fait des mois que je dis que la TVA NPR – non perçue récupérable – sera supprimée en faveur d’outils qui rendent plus efficients les financements que l’État compte mettre à la disposition des territoires d’outre-mer, en garantissant des prêts (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains), en préfinançant des subventions, en améliorant la trésorerie des PME. Ce sont bien 100 millions d’euros par an qui seront rendus aux territoires d’outre-mer.
Oui, je reprends à mon compte une mesure d’égalité visant à ajuster à la marge le dispositif d’abattement d’impôt sur le revenu. En revanche, j’ai décidé qu’il ne serait pas supprimé et que plus de 80 % de ceux qui bénéficient de cet avantage continueront à en bénéficier.
Quant aux paramètres, permettez-moi de vous dire que nous travaillerons sur le taux et sur le plafond : nous le ferons tous ensemble à l’occasion du projet de loi de finances pour 2019, puisque plusieurs scenarii seront proposés.
Là encore, si j’ai repris à mon compte cette proposition, c’est que 100 % de l’économie faite sera reversée aux territoires d’outre-mer pour construire des écoles, des routes et faire en sorte que puissent être rattrapés les retards que les territoires d’outre-mer accusent, surtout ceux qui sont les plus en difficultés, et, en effet, pour la Guyane et Mayotte, il y a une mesure particulière.
M. le président. Je déduis le temps des exclamations, mais il va falloir conclure.
Mme Annick Girardin, ministre. Merci beaucoup, je continue !
Parce que ces territoires ont besoin d’être attractifs, ils seront classés totalement en zone franche d’activité renforcée.
Non, nous ne laissons pas l’outre-mer seul. Au contraire, la solidarité nationale est bien au rendez-vous, vous le savez.
M. le président. Il faut conclure maintenant !
M. Pierre Charon. Assez ! Assez !
Mme Annick Girardin, ministre. … la sur-rémunération ne sera pas remise en cause dans les territoires d’outre-mer par ce gouvernement. (Mme Patricia Schillinger, ainsi que MM. François Patriat et Claude Haut applaudissent.)
égalité des territoires et transports aériens
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Jean-Claude Requier. Ma question s’adresse à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Depuis près de vingt-cinq ans, l’accessibilité d’une part importante du Sud-Ouest et du Massif central s’est dégradée : suppression du train le Capitole, défaut d’entretien des petites lignes et des routes nationales.
Plusieurs villes moyennes sont confrontées à une grave chute de leur démographie.
Le Gouvernement a hérité de cette situation, mais l’incertitude sur les petites lignes et la limitation de vitesse ont aggravé les inquiétudes et posent la question de l’égalité des territoires.
Les liaisons aériennes d’aménagement du territoire, largement subventionnées par l’État et les collectivités et concédées à Hop !, ont précisément été mises en place pour pallier ces inégalités.
Petits avions, mais gros soucis ! (Sourires.)
Le service a atteint au quotidien un niveau indigne pour les usagers comme pour les habitants : annulations des vols à répétition, avec des taux oscillant entre 8 % et 16 % pour juin sur les lignes d’Agen, d’Aurillac, de Brive-la-Gaillarde et de Castres, taux qui s’aggrave depuis un an, déroutements de dernière minute imposés aux passagers sans préavis, absence de communication efficiente, vétusté des appareils qui met gravement en cause leur sécurité – voilà quelques semaines, le capot du train d’atterrissage d’un ATR s’est décroché en plein vol. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Ah !
M. Jean-Claude Requier. Cette situation est devenue intolérable. Elle met en cause l’accès et l’attractivité de ces territoires, leur tissu économique comme leur capacité touristique.
Je sais, madame la ministre, que vous avez pris ce dossier à bras-le-corps, tout comme le ministre de la cohésion des territoires. Que comptez-vous faire pour rétablir l’accessibilité de ces territoires et mettre fin aux inégalités qui les affectent gravement et durablement ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Éric Bocquet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des transports.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Jean-Claude Requier, le désenclavement du territoire est au cœur de la politique des mobilités que je défends et sera au cœur de la future loi d’orientation sur les mobilités.
Le transport aérien est, dans certains cas, le mode le plus adapté, notamment lorsque les temps de parcours par la route ou par le rail ne sont pas compétitifs. C’est aussi le sens de la politique de relance des liaisons d’aménagement du territoire que je promeus et qui est débattue actuellement dans le cadre des assises nationales du transport aérien.
Pour désenclaver les territoires, nous disposons d’outils puissants. Je pense à la faculté d’imposer des obligations de service public et, lorsque c’est nécessaire, de mettre en place des délégations de service public financées par l’État et les collectivités. Lorsque le marché ne répond pas, ces outils sont très précieux pour répondre aux besoins des populations et des entreprises. Encore faut-il que la qualité de service soit au rendez-vous ! Je connais les difficultés rencontrées par les passagers à Brive-la-Gaillarde, Aurillac, Castres ou Agen, les élus m’ont alertée voilà quelques jours : de nombreux vols sont retardés, annulés, voire avancés.
Monsieur le sénateur, je vais être très claire : le compte n’y est pas.