compte rendu intégral
Présidence de M. Philippe Dallier
vice-président
Secrétaires :
Mme Agnès Canayer,
M. Yves Daudigny.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Modification de l’ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date du 4 juillet 2018, le Gouvernement a demandé à ce que l’ordre du jour des séances à compter du jeudi 12 juillet soit modifié.
La discussion générale du projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique est avancée au lundi 16 juillet. La discussion de ce texte se poursuivra toute la semaine et pourra se prolonger les lundi 23 et mardi 24 juillet.
En conséquence, l’examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre les rodéos motorisés et la nouvelle lecture de la proposition de loi relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération, initialement prévus le mardi 24 juillet, sont décalés au jeudi 26 juillet.
L’ordre du jour résultant de l’ensemble de ces modifications est publié sur le site du Sénat.
Acte est donné de ces modifications.
3
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, lors du scrutin n° 187, M. Alain Bertrand souhaitait voter contre.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
4
Lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes (projet n° 487, texte de la commission n° 590, rapport n° 589, rapport d’information n° 574).
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II du titre Ier, aux amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 2.
TITRE Ier (SUITE)
DISPOSITIONS RENFORÇANT LA PROTECTION DES MINEURS CONTRE LES VIOLENCES SEXUELLES
Chapitre II (suite)
Dispositions relatives à la répression des infractions sexuelles sur les mineurs
Articles additionnels après l’article 2
M. le président. L’amendement n° 131, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 222-24 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 15° Lorsqu’une substance a été administrée à la victime, à son insu, afin d’altérer son discernement ou le contrôle de ses actes. »
II. – L’article 222-28 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 11° Lorsqu’une substance a été administrée à la victime, à son insu, afin d’altérer son discernement ou le contrôle de ses actes. »
III. – L’article 222-30 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 8° Lorsqu’une substance a été administrée à la victime, à son insu, afin d’altérer son discernement ou le contrôle de ses actes. »
IV. – Après l’article 222-30 du même code, il est inséré un article 222-30-1 ainsi rédigé :
« Art. 222-30-1. – Le fait d’administrer ou de tenter d’administrer à son insu à une personne une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes afin de commettre à son égard un viol ou une agression sexuelle est puni de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
« Lorsque les faits sont commis sur un mineur de quinze ans ou une personne particulièrement vulnérable, les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende. »
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Il s’agit, d’une part, de faire de l’usage de la « drogue du violeur » une circonstance aggravante du viol et de l’agression sexuelle, d’autre part d’instituer un délit obstacle pour sanctionner l’administration, à l’insu d’une personne, d’une substance afin de commettre sur elle un viol ou une agression sexuelle.
L’utilisation par l’auteur d’un viol ou d’une agression sexuelle, pour parvenir à ses fins, d’une substance nuisible autrement appelée « drogue du viol » n’est pas prise en compte par le droit actuel.
Pourtant, la préméditation et la dangerosité pour la santé et la sécurité de la victime imposent de faire une circonstance aggravante de l’administration, à son insu, d’une substance afin d’altérer son discernement ou le contrôle de ses actes.
Un délit obstacle doit, par ailleurs, être institué pour sanctionner le fait d’administrer ou de tenter d’administrer à son insu à une personne une substance, quelle qu’elle soit, de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes afin de commettre à son égard un viol ou une agression sexuelle. Ces faits seront punis de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende et, s’ils sont commis sur un mineur de quinze ans ou sur une personne particulièrement vulnérable, de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende.
M. le président. Le sous-amendement n° 140, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 131
A. – Alinéa 10
Supprimer les mots :
ou de tenter d’administrer
B. – Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
– À l’article 222-31 du même code, la référence : « 222-30 » est remplacée par la référence : « 222-30-1 ».
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Ce sous-amendement rédactionnel vise à clarifier la disposition relative à la tentative de délit d’administration de substances de nature à altérer le discernement d’une victime.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État. Le sous-amendement vise à clarifier cette disposition. Le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 131 ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Favorable !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je partage l’objectif du Gouvernement, mais je me demande si son amendement n’est pas satisfait par l’amendement n° 58 rectifié, que nous avons adopté hier, lequel prévoit des dispositions interprétatives de la violence, de la menace et de la surprise. Il inclut justement l’usage de cette drogue dite « drogue du violeur ». L’amendement du Gouvernement étant satisfait, ne doit-il pas être considéré comme n’ayant plus d’objet, ainsi que cela se produit parfois pour les miens ?…
À moins qu’il ne faille inverser les rôles et demander au Gouvernement de retirer son amendement pour soutenir en commission mixte paritaire l’amendement que nous avons adopté hier ? (Sourires.)
M. le président. Je vous trouve bien audacieuse, ce matin, ma chère collègue ! (Sourires.)
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie Mercier, rapporteur. L’amendement du Gouvernement n’est pas satisfait par l’adoption du vôtre, ma chère collègue, car il s’agit ici de créer un délit autonome. (Mme Laurence Rossignol manifeste son incompréhension.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote sur l’amendement n° 131.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Mme la rapporteur nous dit que l’amendement du Gouvernement ne tombe pas dans la mesure où il s’agit de créer un délit autonome. Mais de quoi parle-t-on ? Il me semble tout au contraire que c’est une circonstance. J’aimerais des explications plus détaillées de Mme la rapporteur pour comprendre comment le délit peut être autonome en l’occurrence.
M. le président. J’aime la précision : un amendement ne tombe pas parce qu’il serait satisfait, ma chère collègue !
Mme Laurence Rossignol. Cela fera jurisprudence… (Sourires.)
M. le président. Pourquoi pas ! (Nouveaux sourires.)
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Simplement, nous sommes soucieux du processus de fabrication de la loi, monsieur le président.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Mais si, monsieur Pillet !
Il serait problématique que cette disposition ne soit pas cohérente par rapport à celle que nous avons adoptée hier, d’où mon interrogation. Mais Mme la rapporteur ne semble voir aucune difficulté…
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie Mercier, rapporteur. Je reformule.
Est ici visé le fait de donner de l’acide gamma-hydroxybutyrique, ou GHB, à une personne dans l’intention de la violer puisque l’article 222-30-1 serait ainsi rédigé : « Le fait d’administrer ou de tenter d’administrer à son insu à une personne une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes afin de commettre à son égard un viol ou une agression sexuelle est puni de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende ». Il y a bien l’intention.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.
L’amendement n° 106 rectifié, présenté par Mme Cohen, M. Collombat et Mme Prunaud, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 225-12-1 du code pénal, il est inséré un article 225-12-… ainsi rédigé :
« Art. 225-12-… – La prostitution doit être entendue comme tout acte de nature sexuelle réalisé, à titre personnel et exclusif, sur sa personne ou celle d’autrui, moyennant rémunération financière, matérielle ou en nature, ou en contrepartie de tout autre avantage, afin de satisfaire les désirs sexuels d’autrui. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Actuellement, il n’y a pas dans notre droit de définition légale de la prostitution. Seule la jurisprudence en a établi une il y a plus de vingt ans, qui précise que « la prostitution consiste à se prêter, moyennant rémunération, à des contacts physiques de quelque nature qu’ils soient, afin de satisfaire les besoins sexuels d’autrui ».
Or cette définition est aujourd’hui largement dépassée, ce qui nécessite non seulement de codifier dans notre droit une nouvelle définition, mais aussi de prévoir une définition qui prenne en compte les nouvelles formes de prostitution.
Je pense, bien sûr, aux sites internet – nous en avons parlé hier – qui mettent des femmes, voire de très jeunes filles, à disposition via des webcams. Je pense également aux petites annonces, à peine voilées, qui proposent différents « services », lesquels sont de la prostitution déguisée.
Face à ces pratiques, la définition de la prostitution n’est plus adaptée. Par exemple, dans le cas de l’utilisation d’une webcam, il n’y a aucun contact physique entre le client et les jeunes filles. Par conséquent, au sens strict du terme, cette pratique ne peut être considérée comme de la prostitution.
Mes chers collègues, à l’heure où nous parlons de violences sexuelles et sexistes, de protection des mineurs, il faut que nous ouvrions grand les yeux sur l’ampleur qu’est en train de prendre la prostitution des mineurs.
L’appât de l’argent facile met grandement en danger ces jeunes filles et ces jeunes garçons, qui ne réalisent pas toujours les impacts physiques et psychologiques de leurs actes. Soyons conscientes et conscients que cette prostitution des mineurs touche tous les milieux sociaux.
Alors que la France s’est dotée, il y a deux ans, d’une loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées pour pénaliser les clients, il est temps que notre Haute Assemblée puisse évaluer ce phénomène au travers d’une mission d’information.
La procureure générale de la cour d’appel de Paris vient d’alerter sur ces faits en très forte augmentation depuis 2014. Le préfet de mon département me l’a d’ailleurs confirmé la semaine dernière concernant le Val-de-Marne.
Selon l’association Agir contre la prostitution des enfants, ACPE, que j’ai eu l’occasion de rencontrer, 6 000 à 8 000 mineurs se prostituent en France, que ce soit dans les toilettes du collègue ou via internet.
Cet amendement est de nature à contribuer à la protection de l’enfance, car il permet de mieux appréhender la notion de prostitution et de mieux caractériser ainsi les infractions qui y sont associées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Une telle définition n’apparaît pas utile, a fortiori concernant des actes qui font l’objet d’une jurisprudence abondante depuis des années.
Les juridictions n’ont jamais eu aucun mal à définir la prostitution, même si nous savons que le phénomène augmente, en particulier chez les très jeunes filles, ce que nous déplorons. Le développement des nouvelles technologies a évidemment été pris en compte, comme pour tous les autres délits.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, je partage bien évidemment votre préoccupation. Néanmoins, pour les raisons juridiques invoquées par Mme la rapporteur, j’émets également un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Le groupe socialiste et républicain votera cet amendement, en cohérence avec ce que nous avons déjà voté en 2016 dans le cadre de la loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.
Le texte que nous examinons aujourd’hui vise à lutter contre les « violences sexuelles et sexistes ». Même si les formes changent et si les conditions d’entrée en prostitution sont différentes, il s’agit bien ici d’une violence sexuelle et sexiste faite à des femmes et parfois des hommes.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. L’amendement déposé par notre collègue Laurence Cohen est utile. Le fait que la jurisprudence ait déjà eu l’occasion d’identifier ce qu’est la prostitution ne me paraît pas de nature à entamer l’efficacité de l’amendement.
Par ailleurs, cet amendement a toute sa place dans ce projet de loi : la prostitution est une violence sexuelle faite aux personnes prostituées, femmes, enfants, filles ou garçons.
La loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées a posé les moyens de lutter contre l’usage et l’achat de services sexuels. Or nous constatons aujourd’hui un phénomène nouveau dans les violences sexuelles, qui nous est signalé par tous les services de police, je veux parler de l’augmentation spectaculaire de la prostitution des mineurs, qui a été multipliée par quatre au cours des deux ou trois dernières années. Il est important de dire à ces jeunes filles que, ce qu’elles font, c’est de la prostitution, car elles sont convaincues d’être dans le droit à disposer de leur corps et dans l’exercice d’une liberté sexuelle qui leur est due.
La mise en œuvre de la loi devrait être une priorité du Gouvernement et du ministère de l’intérieur, je pense en particulier à la formation des policiers. Il serait utile de mettre en place dans les préfectures des cellules d’accompagnement de parcours de sortie de la prostitution.
Voilà pourquoi, comme vient de le dire à l’instant Michelle Meunier, nous voterons cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je voterai cet amendement, car il est important. La réponse de Mme la rapporteur, reprise par le Gouvernement, est curieuse.
Il est vrai que l’on apprend en première année de droit que la jurisprudence est une source de droit, ainsi que la loi et la coutume. Sauf qu’il existe une infraction spécifique qui concerne la prostitution lorsque des mineurs sont concernés. Dans ce texte, il est très important, me semble-t-il, d’être extrêmement clair sur la nature de l’infraction visée.
À vrai dire, je ne comprends pas ce refus. L’amendement aurait le mérite, au-delà de la jurisprudence – certes, source de droit, mais elle peut changer –, d’inscrire clairement dans la loi ce qui est réprimé.
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.
M. Arnaud de Belenet. Je comprends le besoin d’accentuer la prophylaxie du code pénal. Néanmoins, cette pédagogie repose aussi sur le dispositif global, sur la formation, sur la pédagogie, sur la sensibilisation ; nous y reviendrons à l’article 2 bis A. Le dispositif de sensibilisation, de prise de conscience, existe donc dans le texte de loi et existera davantage en pratique.
En revanche, il y a un biais dans le raisonnement, même si j’adhère à la démarche de fond : les jeunes filles, qui sont l’objet principal de la préoccupation des auteurs de l’amendement, n’ont pas conscience qu’elles pratiquent la prostitution, qui est condamnée. Lorsqu’elles en prennent conscience, il est déjà trop tard. Je ne suis pas certain que nous atteignions l’objectif avec cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Dans cet hémicycle, nous avons longuement débattu de la prostitution les années précédentes. Or nous n’avons voté que la prohibition, et nous n’avons jamais pris de mesures pour orienter et accompagner les personnes prostituées ni pour éduquer les jeunes. Nous n’avons voté aucune mesure positive pour éviter que des personnes ne se prostituent. Pourquoi revenir de nouveau sur cette question puisque la pénalisation des clients a été décidée ici même, surtout si c’est de nouveau pour prohiber sans rien proposer de positif ?
Je m’abstiendrai donc sur cet amendement, comme d’autres personnes de mon groupe au sein duquel des divergences sont apparues sur cette question. La discussion de ce texte n’est pas le lieu adéquat pour rouvrir les débats sur la prostitution.
Mme Marie Mercier, rapporteur. Exactement !
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je voterai cet amendement. Il n’est pas tant question de prohiber, même si c’est essentiel, que de protéger. Nous avons eu hier de longs débats sur la protection des mineurs. Ce projet de loi comporte des propositions, que j’approuve, sur les « raids numériques ». De nouvelles pratiques existent, il convient donc d’adapter la loi.
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. Je suis surprise par cette façon de faire la loi.
Lors des auditions que nous avons menées au sein de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, des situations extrêmement difficiles ont pu être évoquées, et parfois des mots plus difficiles encore à entendre. Je suis d’autant plus étonnée devant les mesurettes qui nous sont soumises et surtout devant la manière restrictive avec laquelle sont accueillies les vraies propositions, comme celles de Mme Cohen.
Je ne comprends pas que l’on écarte d’un revers de la main tout ce qui pourrait faire évoluer les choses. Il s’agit tout de même de violences sexuelles et sexistes ! Pour améliorer les dispositifs, il est essentiel de tenir compte de nos propositions. À quoi bon légiférer de nouveau si vous ne voulez ni entendre ni comprendre ?
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. Cet amendement vise à préciser ce qu’est la prostitution. Effectivement, madame la rapporteur, il existe une jurisprudence, mais on m’a toujours dit que ce qui allait sans dire allait mieux en le disant… Pour moi, ce serait encore mieux en l’écrivant dans la loi !
Par ailleurs, je relève, et c’est important pour les cours d’assises qui seront saisies de ces faits, qu’il est question dans cet amendement non plus de « besoins sexuels », mais de « désirs sexuels » : les prédateurs ont des désirs, pas des besoins ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 106 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 197 :
Nombre de votants | 333 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Pour l’adoption | 101 |
Contre | 211 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 107 rectifié, présenté par Mme Cohen, M. Collombat et Mme Prunaud, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 225-5 du code pénal est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « quiconque » est remplacé par les mots : « toute personne physique ou morale, ou tout prestataire de services » ;
2° Au 2°, les mots : « d’en partager » sont remplacés par les mots : « de partager ».
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Je ne me fais pas beaucoup d’illusion sur le sort de cet amendement, qui s’inscrit dans la continuité du précédent. Il vise également à faire évoluer une définition pour l’actualiser, celle du proxénétisme. J’insiste, il s’agit d’une définition et non de mesures draconiennes, comme certains collègues le laissent entendre…
À l’heure actuelle, l’article 225-5 du code pénal est ainsi rédigé : « Le proxénétisme est le fait, par quiconque, de quelque manière que ce soit :
« 1° D’aider, d’assister ou de protéger la prostitution d’autrui ;
« 2° De tirer profit de la prostitution d’autrui, d’en partager les produits ou de recevoir des subsides d’une personne se livrant habituellement à la prostitution ;
« 3° D’embaucher, d’entraîner ou de détourner une personne en vue de la prostitution ou d’exercer sur elle une pression pour qu’elle se prostitue ou continue à le faire. »
Je propose de remplacer le terme « quiconque » par « toute personne physique ou morale, ou tout prestataire de services ». Comme je l’ai expliqué précédemment, les nouvelles formes prostitutionnelles, notamment via internet, nous invitent à être plus précis pour être plus efficaces dans la répression. Cela aiderait également les services de police et de gendarmerie, qui nous ont alertés sur leurs difficultés lorsque la prostitution passe par internet.
Ainsi, avec cette nouvelle rédaction, la notion de proxénète sera élargie aux prestataires de services, aux hébergeurs. Je pense répondre ici à une préoccupation que nous avons tous et toutes.
Même si l’un de ces sites les plus connus vient récemment de fermer sa rubrique « Rencontres » suite à l’enquête dont il a fait l’objet pour proxénétisme aggravé, ne soyons pas dupes : d’autres ouvriront. Il me paraît donc essentiel de poser clairement l’illégalité de telles activités commerciales au moyen d’une définition large permettant d’introduire la responsabilité pénale des acteurs d’internet.
Ces sites ont un véritable pouvoir de nuisance et nous devons nous montrer vigilants. Les femmes et les mineurs sont les premières victimes de la prostitution. Cet amendement va donc tout à fait dans le sens du projet de loi défendu par le Gouvernement et de la loi que nous avions votée il y a deux ans.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Nous avons le même objectif, mais cet amendement est satisfait par le droit actuel. Le mot « quiconque » inclut toutes les personnes physiques ou morales. Les articles 225-5 à 225-12 prévoient déjà la responsabilité des personnes morales, comme le démontrent les dispositions de l’article 225-12 du code pénal.
De surcroît, la notion de « prestataire de services » est déjà incluse dans la notion de « personnes morales ». Je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État. Nous partageons la préoccupation des auteurs de cet amendement, mais celui-ci semble satisfait par le droit.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je prends bonne note de vos remarques, et je vous en remercie, madame la rapporteur, madame la secrétaire d’État. Je retire cet amendement, qui m’aura toutefois permis de redire nos préoccupations.
M. le président. L’amendement n° 107 rectifié est retiré.
L’amendement n° 25 rectifié, présenté par Mmes M. Filleul, de la Gontrie, Rossignol, Lepage, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 706-52 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « d’un mineur victime » sont remplacés par les mots : « d’une victime » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « du mineur » sont remplacés par les mots : « de la victime ».
La parole est à Mme Martine Filleul.