M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin pour répondre à M. le secrétaire d’État.
M. Arnaud Bazin. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de ces précisions sur l’état du patrimoine de l’État en matière d’ouvrages d’art et sur vos intentions. Mes questions étaient toutefois plus centrées sur le dossier du Val-d’Oise.
J’attends de la ministre chargée des transports qu’elle donne des instructions à son administration, afin, d’abord, que les services routiers du département du Val-d’Oise, qui sont prêts à collaborer avec ceux de l’État, soient sollicités. Ils ont été quelque peu oubliés au début de cette crise, ce qui a donné lieu à des inconvénients regrettables, comme la détermination d’itinéraires de déviation non pertinents.
Ensuite, j’espère que le préfet du Val-d’Oise fera preuve de transparence sur la question des délais et des variantes envisagées pour réparer cet ouvrage, parce que cette situation est vraiment intenable, au point que notre territoire apprécierait vraiment de gagner seulement une semaine !
Je forme également le vœu que les services de l’État fassent preuve de sympathie et de bienveillance envers les entrepreneurs qui risquent de se trouver en difficulté, car nombre d’entre eux vont travailler dans la petite couronne ou dans Paris.
Enfin, j’espère que l’administration a vraiment pris conscience de l’extrême gravité des conséquences de cette situation particulièrement difficile, pour les habitants et pour les acteurs économiques de l’ensemble du département du Val-d’Oise.
prolongement de la ligne 11 du métro de rosny-sous-bois à noisy-champs
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, auteur de la question n° 379, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Gilbert Roger. Je veux attirer l’attention de Mme la ministre sur la nécessité de voir se réaliser le prolongement de la ligne 11 du métro de Rosny-sous-Bois à Noisy-Champs.
Si le dossier de la liaison des Lilas à Rosny-sous-Bois, commune de Grand Paris Grand Est, a avancé, la suite du parcours semble plus incertaine, alors que ce projet est acté par le décret n° 2011-1011 du 24 août 2011, qui approuve le schéma d’ensemble du nouveau réseau de transports en commun du Grand Paris.
Si ce tronçon du Grand Paris Express ne voyait pas le jour, de nombreux projets immobiliers et zones d’activités pourraient en pâtir : les projets Maison-Blanche et Ville-Evrard, avec 7 000 logements à Neuilly-sur-Marne, plus de 2 000 logements prévus à Villemomble, près de 3 000 logements à Champs-sur-Marne, le projet de rénovation urbaine des Fauvettes, dans lequel 150 millions d’euros ont été investis, ainsi que les zones d’aménagement concerté, ou ZAC, de Noisy-le-Grand.
Pour rappel, ces projets de construction dans le parc social comme privé ont été lancés sur la base de l’engagement de l’État, qui n’a cessé de demander leur exécution. Or les futurs bâtiments ne pourront accueillir de nouveaux habitants ou de nouvelles entreprises dans de bonnes conditions que si leur desserte est assurée.
Aussi, je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir m’indiquer de façon claire et précise comment le Gouvernement compte s’engager pour réaliser ce projet de prolongement de la ligne 11, qu’il a lui-même validé.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Roger, permettez-moi d’excuser l’absence de la ministre des transports, qui m’a confié la charge de répondre à votre question.
Le prolongement de la ligne 11 de Rosny-Bois-Perrier à Noisy Champs appartient au réseau complémentaire du Grand Paris Express. Il a été introduit dans le schéma d’ensemble établi par la Société du Grand Paris au titre des réseaux structurants. Il relève donc non pas de la maîtrise d’ouvrage de la Société du Grand Paris, mais de celle d’Île-de-France Mobilités.
Le tracé de ce prolongement comporte une fourche à partir de Rosny-Bois-Perrier, avec une branche en direction de Champigny et une autre en direction de Noisy-Champs. Lors de la définition du schéma du nouveau Grand Paris, en mars 2013, l’option visant à réaliser cette seconde branche sous la forme d’un prolongement de la ligne 11 avait été envisagée, sous réserve d’études approfondies.
Île-de-France Mobilités a donc confié à l’Institut d’aménagement et d’urbanisme une mission en vue d’actualiser les données sociodémographiques prises en compte pour les études de ce prolongement, en lien avec les communes concernées. Ce travail a conduit à une légère amélioration des résultats, qui restent, malgré tout, négatifs d’un point de vue socio-économique.
Face à des choix qui engagent des investissements publics importants, la démarche d’Île-de-France Mobilités, qui consiste à en évaluer la pertinence, apparaît légitime ; il lui revient de se prononcer sur leur opportunité. Pour autant, il convient d’assurer dans les meilleures conditions possible, la desserte de ces territoires, en particulier au sud-est de la Seine-Saint-Denis.
L’État, monsieur le sénateur, y sera attentif et y prendra sa part, notamment dans le cadre du contrat de plan État-région.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger pour répondre à M. le secrétaire d’État.
M. Gilbert Roger. Le projet initial de cette desserte était de faire passer la ligne 15 Est du Grand Paris Express à Neuilly-sur-Marne, par Villemomble, avant de rejoindre Noisy-le-Grand et l’intersection.
Le Gouvernement et la société du Grand Paris ont finalement privilégié un autre trajet pour cette ligne et ont lancé l’étude du prolongement de la ligne 11. En conséquence, nous nous retrouvons sans aucune solution. Ce n’est pas une bonne méthode de travail avec les collectivités territoriales, qui, une fois de plus, sont méprisées.
avenir des concessions hydroélectriques
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, auteur de la question n° 388, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Viviane Artigalas. M. le ministre a transmis à la Commission européenne une liste d’ouvrages hydroélectriques qui pourraient être proposés à l’ouverture à la concurrence. Sur quatre cents barrages, cent cinquante pourraient ainsi être soustraits à la gestion d’EDF d’ici à 2022.
L’article 126 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique prévoit pourtant que, dans le cas d’investissements importants réalisés par les opérateurs industriels, les ouvrages ne peuvent être soumis à la concurrence.
Or la Commission européenne conteste cette disposition et exige que la France renouvelle ses concessions hydrauliques, sous prétexte que la situation existante nuit à la concurrence auprès des clients finaux. Je rappelle que plus d’un million de nos concitoyens ont changé de fournisseur en 2017, preuve que la concurrence sur le marché de l’électricité existe déjà.
Par ailleurs, les concessions hydroélectriques participent d’un service public d’intérêt général : l’accès à l’électricité, qui est un bien de première nécessité pour tous nos concitoyens et qui doit donc rester une compétence exclusivement française.
Cette ouverture à la concurrence menace également la gestion des multiples usages de l’eau, avec toutes les conséquences que cela peut avoir en termes environnementaux et sociaux, suscitant des craintes quant aux autres spécificités et fonctions des barrages, telles que la sécurité, l’irrigation des cultures, l’alimentation en eau potable, la gestion des crues, l’approvisionnement des industries, le tourisme, ainsi que des inquiétudes sur le maintien des emplois directs et indirects locaux.
Une telle décision risque, notamment, de compromettre le développement, voire la sécurité sanitaire, de la région Occitanie, déjà confrontée à un problème majeur de ressources en eau dans les années à venir.
S’il doit y avoir une mise en concurrence, il faut que les opérateurs historiques soient traités avec équité. Or nous avons l’impression que ce n’est pas le cas. Ma question est donc simple. Le Gouvernement peut-il éclairer les élus sur ce qu’il compte faire à ce sujet ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame Viviane Artigalas, merci de cette question sur l’hydroélectricité.
Vous le savez, le Gouvernement soutient totalement cette énergie renouvelable flexible et compétitive, qui est importante à la fois pour notre système électrique, afin qu’il atteigne ses objectifs de développement des énergies renouvelables, et pour le développement économique de nos territoires. De plus il s’agit d’une énergie pilotable, qui participe donc pleinement de la transition énergétique.
Le droit français, en conformité avec le droit européen, prévoit que les concessions hydroélectriques échues doivent être renouvelées par mise en concurrence. Cette situation est désormais ancienne, nous en héritons. La loi relative à la transition énergétique et ses textes d’application ont justement réformé le cadre du renouvellement des concessions électriques, en prévoyant la possibilité, pour les collectivités locales, d’être associées à la concession, notamment via des sociétés d’économie mixte hydroélectriques, des SEMH.
L’option de regrouper des concessions hydrauliquement liées pour faciliter leur exploitation et favoriser la sûreté répond à une demande des élus locaux, mais également du corps préfectoral pour la gestion des vallées.
De nombreux échanges ont lieu avec la Commission européenne, afin de parvenir à une mise en œuvre équilibrée de ces dispositifs, qui me semblent faire consensus chez nous. Néanmoins, un accord n’a pu être trouvé à ce stade.
Bien entendu, le Gouvernement compte poursuivre les discussions dans le même état d’esprit : la prise en compte de l’ensemble des enjeux et de l’intérêt public. L’objectif est d’aboutir rapidement à une sortie du statu quo, qui nuit aux investissements dans le secteur pour chacun des ouvrages et constitue une source d’incertitude pour les entreprises, pour les salariés et pour les collectivités territoriales concernées.
Le Gouvernement continuera donc à défendre les regroupements de concessions indispensables à la cohérence des vallées, les projets de prolongation transmis à la Commission et la possibilité, pour EDF, de participer au processus de mise en concurrence. Madame la sénatrice, vous savez que ce dernier point est particulièrement important, vous qui connaissez bien ce dossier.
Le Gouvernement a pris conscience des inquiétudes des salariés et des élus – je suis d’ailleurs allé moi-même à leur rencontre –, mais la remise en concurrence est une politique nationale que nous souhaitons mener. On s’y dérobe depuis des années, et il faut trancher ce problème, afin d’optimiser la gestion de nos barrages et de relancer l’investissement, tout en redistribuant des ressources financières vers les différents territoires.
Le statut des personnels sera préservé dans tous les cas – il faut le dire encore, puisque des inquiétudes peuvent naître ici ou là – et les cahiers des charges devront prévoir la reprise des personnels par le nouvel exploitant, le cas échéant.
Je rappelle enfin un fait intangible : les barrages appartiennent et continueront d’appartenir à l’État, et nous devons les valoriser comme tels.
Les discussions se poursuivent avec la Commission, nous aurons l’occasion d’en tenir le Parlement informé.
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour répondre à M. le secrétaire d’État.
Mme Viviane Artigalas. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, mais elle ne me satisfait pas tout à fait.
Je rappelle que les grands barrages des Pyrénées, du Massif central et des Alpes sont à la base de notre politique énergie énergétique d’électrification, qu’ils font partie du patrimoine industriel national et qu’ils doivent donc rester français.
En outre, vous l’avez dit, miser sur l’énergie hydraulique s’inscrit pleinement dans une perspective d’évolution vers les énergies renouvelables. EDF et les opérateurs historiques ont fait leurs preuves dans ce domaine.
Pour ces deux raisons, il me semble important, en tant qu’élue de territoire, que les opérateurs historiques gardent la main sur notre production hydroélectrique, afin de préserver certaines garanties.
Dans ma commune des Pyrénées, EDF gère deux barrages. Elle en assure surtout la sécurité en y réalisant, malgré la perspective de la remise en concurrence, des investissements importants. En 2013 comme cette année, ces ouvrages ont assuré une régulation des crues, grâce à la gestion d’EDF, qui a produit sans besoin, de manière à limiter les inondations.
Les élus de mon territoire, qui connaissent bien cette gestion d’EDF, souhaitent que notre opérateur ne perde pas la maîtrise de ces ouvrages. C’est très important pour nous, et vous devez l’entendre.
situation de la psychiatrie publique
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, auteur de la question n° 258, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Maryvonne Blondin. Je devais recevoir la réponse de Mme Agnès Buzyn, puis de M. Jean-Michel Blanquer, mais il semble, monsieur le secrétaire d’État, que vous alliez hériter de la lourde tâche de vous exprimer en matière de santé publique !
Lors des multiples grèves du secteur hospitalier et médico-social, les hôpitaux psychiatriques ont dénoncé la dégradation de leurs conditions de travail et de l’accueil des patients, ainsi que le manque patent de moyens.
La discipline connaît une paupérisation d’ampleur, alors même que les besoins ne cessent de croître. Entre 2010 et 2016, quelque 300 000 personnes supplémentaires ont en effet été suivies en psychiatrie ! Faut-il évoquer la nécessité de prévenir et de soigner les enfants souffrant de troubles ? Ceux-ci concernent un enfant sur dix, en France – je voulais en parler au ministre de l’éducation nationale.
Pourtant, les budgets alloués au secteur régressent, si j’en juge par la décision prise récemment de neutraliser la hausse du forfait journalier hospitalier.
Depuis cinq ans, cinq rapports ont été rendus sur la situation, dont celui d’une mission d’information du Sénat, le 4 avril 2017, auquel j’ai pris part, consacrée à la situation de la psychiatrie. (M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, prend place au banc du Gouvernement.) Je salue l’arrivée parmi nous de M. le ministre de l’éducation nationale !
Les auteurs de chacun de ces rapports répètent les mêmes constats et débouchent sur les mêmes recommandations : manque de personnel, désaffection du secteur, avec 25 % de postes vacants, et nombre des lits insuffisant. Les soins psychiatriques sont réduits à la prise en charge d’urgence, le recours à la chambre d’isolement s’accroît, conduisant la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté à évoquer « des pratiques indignes ».
Le 26 janvier dernier, Mme la ministre a annoncé douze mesures en faveur de la psychiatrie. Si elle a indiqué ainsi la volonté du gouvernement de préserver les moyens, elle n’a pas évoqué d’augmentation des budgets dédiés, y voyant une solution de facilité. Elle appelle à une meilleure organisation des professionnels et des services concernés, alors que celle-ci est déjà mise en œuvre.
Face à cette situation, quelles solutions concrètes le Gouvernement entend-il proposer pour améliorer la situation de la psychiatre ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Madame Blondin, comme vous le soulignez, la santé mentale est un déterminant essentiel de la santé, sur lequel il faut évidemment agir le plus en amont possible. Cette question est certainement insuffisamment prise en compte dans notre pays jusqu’à présent, et la psychiatrie a été laissée à l’écart des différentes réformes.
Le Gouvernement s’engage à changer de stratégie. La ministre des solidarités et de la santé a présenté, le 28 juin 2018, lors de l’installation du nouveau comité stratégique de la santé mentale et de la psychiatrie, une feuille de route très ambitieuse, dont l’un de ses axes vise précisément à garantir des parcours de soins coordonnés et soutenus par une offre en psychiatrie accessible, diversifiée et de qualité.
Pour organiser les parcours de soin des patients, chaque territoire devra se doter d’un projet territorial de santé mentale, auquel participeront tous les acteurs de l’organisation territoriale.
Pour concrétiser ces ambitions, la ministre porte une attention particulière aux moyens de la psychiatrie, notamment de la pédopsychiatrie, qui est une discipline trop délaissée. Elle souhaite ainsi accroître le nombre de professionnels formés. Cela passe par les effectifs dévolus à la psychiatrie, mais aussi par le renforcement de la formation des médecins généralistes dans le champ de la santé mentale. Il faut promouvoir l’accès à des stages de formation en psychiatrie des étudiants en deuxième et troisième cycle.
Par ailleurs, un travail sur les pratiques avancées en psychiatrie sera réalisé. Enfin, la ministre souhaite résolument développer la recherche dans cette spécialité.
Afin que soient adaptées les ressources, une réflexion a été engagée début 2018 avec les agences régionales de santé pour concevoir des critères de modulation interrégionale. Celle-ci a déjà conduit à un renforcement de la dotation de trois régions historiquement sous-dotées. Parallèlement, des travaux sont menés sur la réforme des modes de financement. Il faut faire en sorte que les établissements de santé mentale soient incités à s’inscrire dans des démarches de qualité.
Cette feuille de route traduit l’ambition de ce gouvernement en faveur de la psychiatrie, afin de garantir à cette discipline la juste place qu’elle mérite au sein de notre système de santé.
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour répondre à M. le ministre.
Mme Maryvonne Blondin. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces annonces, qui sont récentes, puisqu’elles datent du 28 juin dernier, disiez-vous.
Des comités de pilotage ont été organisés et une assemblée des établissements en santé mentale, qui en regroupe plus de deux cent vingt, avait émis des propositions pour lutter contre tous les manques dont souffre ce secteur.
Vous avez souligné avec pertinence, et j’ai bien pris note de vos propos, monsieur le ministre de l’éducation nationale, la question de la santé à l’école. Vous avez évoqué la prise en charge des problèmes de souffrance psychique des enfants – ils touchent un enfant sur dix en France – qui les empêchent d’acquérir les connaissances voulues et qui constituent un frein à leur apprentissage. J’aurais également souhaité vous parler des pratiques avancées, que vous avez évoquées en psychiatrie et qui existent également en médecine scolaire.
En tout cas, monsieur le ministre, il faut absolument que vous souteniez les établissements de santé mentale, non seulement par des mots, mais aussi par des actes et par des moyens.
financement des services municipaux de santé scolaire
M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, auteur de la question n° 254, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Ma question concerne le financement des services municipaux de médecine scolaire.
La médecine à l’école connaît une anémie profonde, qui conduit à une prise en charge inégale des élèves. En dix ans, le nombre de médecins scolaires a chuté de près d’un tiers. Si 57 % des enfants sont vus par un médecin pendant leur scolarité, l’amplitude des visites varie de 0 % à 90 % selon les départements. Vous-même, monsieur le ministre, avez reconnu, lors d’une audition au Sénat, que la visite médicale « n’était pas une réalité pour tous les élèves de France ».
Nous sommes donc d’accord sur le constat. Notre approche diffère toutefois quant à la solution proposée. Vous souhaitez mobiliser la protection maternelle et infantile, ou PMI, et les médecins libéraux. Je vous propose une autre solution, simple et efficace, qui est déjà mise en application dans onze villes, parmi lesquelles Villeurbanne, Antibes, Bordeaux, Rennes, Grenoble, Vénissieux ou Lyon, qui disposent d’un service de médecine scolaire. Ceux-ci répondent aux besoins des enfants, qui sont parfois dans des situations de grande pauvreté.
Cette prévention bénéficie aux enfants, mais aussi à la société tout entière : détectées plus tôt, certaines pathologies sont mieux traitées, alors qu’elles coûteraient plus cher, notamment à l’État, si elles étaient diagnostiquées plus tard.
Aujourd’hui, ces services municipaux sont pourtant sur la sellette. Leur situation révèle une double inégalité : inégalité dans la prise en charge des enfants quand l’État gère le service de médecine scolaire, mais aussi inégalité financière entre les communes, dont certaines se substituent à l’État. Certes, ces dernières sont volontaires, mais pas à n’importe quel coût. Celui de la prise en charge par l’État a été évalué à près de 40 euros par enfant et par an, mais l’État verse une subvention moyenne de 9,50 euros seulement aux onze villes volontaires.
Ma question est simple, monsieur le ministre : le Gouvernement entend-il revaloriser ces subventions à hauteur du coût de la prestation ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Monsieur Devinaz, comme vous l’avez dit au début de votre intervention, nous sommes d’accord sur le constat. Le grand objectif est notamment de parvenir à la visite médicale systématique pour tous les enfants avant l’âge de six ans.
L’école a une responsabilité en matière de santé, celle-ci étant entendue au sens large, considérée dans sa dimension psychique, physique et environnementale. J’en suis conscient et je souhaite que nous l’assumions pleinement, pour favoriser la réussite scolaire des élèves et permettre, de ce fait, la réduction des inégalités sociales.
Notre politique de santé repose sur trois axes : l’éducation à la santé, la prévention et la protection. Ces axes sont mis en œuvre dans le cadre du parcours éducatif de santé, qui constitue un ensemble continu de la maternelle à la terminale, cohérent et progressif.
Pour veiller à la santé des élèves et à leur bien-être, l’institution scolaire s’appuie sur les médecins et les infirmiers de l’éducation nationale, qui participent à la mise en œuvre de ce parcours de santé, mais elle peut également recourir à d’autres intervenants. Le code de l’éducation, dans son article L. 141-1, lui fait obligation d’assurer à tous les élèves au cours de leur sixième et douzième année une visite médicale ou de dépistage, une prise en charge et un suivi adapté, notamment en prenant les mesures appropriées pour que les familles soient aussitôt informées des constatations médicales.
Il est arrivé, en effet, que les collectivités prennent en charge cette mission pour l’école primaire, vous l’avez rappelé. Le ministère de l’éducation nationale leur verse alors une subvention. C’est encore le cas de onze villes, qui continuent à prendre en charge les missions de santé scolaire.
Comme il s’agit d’une compétence de l’État, le versement de la subvention est assis sur une convention de délégation négociée par chaque service académique en tenant compte des spécificités locales.
Or il n’est pas possible de comparer les dépenses des collectivités en la matière et celle de l’État, d’abord parce qu’elles ne concernent pas le même périmètre : les prestations des communes sont circonscrites au premier degré, tandis que celles de l’État concernent le premier et le second degré. De plus, et surtout, la plus grosse part de la dépense de santé scolaire du ministère de l’éducation nationale concerne les personnels : c’est le salaire des infirmières, des médecins et des secrétaires médico-scolaires du premier degré comme du second degré.
Toutefois, si certaines des communes déposaient des demandes argumentées de réexamen des conditions de partenariat auprès des services rectoraux, ces dossiers seraient étudiés de manière approfondie ; à la suite de votre question, je vais examiner ce dossier avec attention. Bien entendu, cette évolution des rectorats se fera en liaison avec l’administration.
Je profite de votre question pour insister sur la politique du Gouvernement, qui vise à atteindre l’objectif de 100 % de visites médicales. Elle consiste à rassembler les forces, celles que vous avez évoquées, mais également celles de la protection maternelle et infantile, ainsi que de la médecine générale de ville, en effet. Nous devons parvenir à la médecine scolaire pour tous les enfants. Il s’agit d’un enjeu social et de santé qui est fondamental.
M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour répondre à M. le ministre.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse et de l’ouverture que vous proposez au réseau des onze communes qui se substituent, en quelque sorte, à l’État, en exerçant une compétence qui n’est pas obligatoire.
Je nourris toutefois quelques inquiétudes quant à la pérennité du service proposé par ces communes, en raison des difficultés financières qui s’accentuent et qui pèsent sur leurs budgets. Je crains que, un jour ou l’autre, ces communes n’y mettent un terme. Il me semble donc qu’une aide de l’État est nécessaire.
Vous proposez de vous reposer sur les médecins libéraux. Là encore, je suis circonspect. Ces médecins rencontrent déjà des difficultés à faire face à la désertification médicale, en ville comme en zone rurale. Je ne vois pas comment ils pourraient dégager du temps pour suivre les problématiques de santé scolaire.
Si l’État impose des dépenses aux collectivités territoriales, il est légitime qu’il soutienne ces dernières quand elles s’impliquent dans le bien-être de leurs populations.
enseignement des langues vivantes à l’école primaire
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la question n° 324, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’école élémentaire, les élèves reçoivent un enseignement de langues étrangères à partir du CE1. À l’issue de cet enseignement, tous les élèves doivent avoir atteint le niveau 1 du cadre européen commun de référence des langues dans l’une des huit langues retenues.
Pour chaque académie, dans le cadre de ses attributions, la commission sur l’enseignement des langues vivantes étrangères veille, notamment, à la diversification de l’offre linguistique. Toutefois, force est de constater sur le terrain que de nombreux parents d’élèves s’émeuvent d’une situation réelle qui apparaît bien éloignée de la théorie.
Dès 2011, j’avais interpellé le ministre de l’époque au sujet du manque de moyens accordés à la mise en place de l’apprentissage des langues au sein de l’école primaire.
J’avais cité l’exemple d’une commune que je connais bien, celle de Talange, en Moselle, en évoquant le cas d’une école dans laquelle seule la langue italienne était proposée aux élèves. Je reprenais alors le questionnement des parents quant au sens du choix de cette langue dans un territoire frontalier.
De son côté, le département de la Moselle, avec vos services, monsieur le ministre, développe un plan important d’apprentissage de la langue du pays voisin, c’est-à-dire l’allemand. Il semble en effet plus pertinent de proposer aussi dans ce territoire au moins l’allemand, voire l’anglais, qui est indispensable dans le monde connecté, ce qui permettrait aux élèves d’aborder ensuite l’allemand en deuxième langue.
Sept ans plus tard, interpellé à nouveau par des parents d’élèves de la même commune, je ne puis malheureusement que constater une aggravation de cette situation : à Talange, aujourd’hui, seul l’italien est proposé à tous les élèves. Le directeur académique reconnaît par courrier que l’adéquation entre les besoins et l’offre est difficile à réaliser, compte tenu des contraintes techniques et financières auxquelles cette gestion est soumise.
Pourtant, toutes les études s’accordent pour souligner que les premières années d’enseignement sont décisives dans l’apprentissage d’une langue.
Si nous sommes conscients des difficultés réelles rencontrées par le monde enseignant en termes de moyens, la réponse du ministère de l’éducation nationale ne peut pas être satisfaisante : l’avenir de nos enfants ne saurait se trouver pris au piège des seules contingences matérielles ou financières !
Sans remettre en cause la qualité des enseignements prodigués ni le dévouement et le professionnalisme des enseignants, je repose la question de la diversité linguistique offerte à nos élèves. Certes, monsieur le ministre, vous héritez de la situation, mais quelles mesures entendez-vous prendre pour que les élèves de Talange et de toutes les zones frontalières puissent accéder à une offre linguistique diversifiée dès le CE1 ?
Je précise, pour que les choses soient claires, que je n’ai rien contre l’italien, étant moi-même d’origine italienne – mon père est mort italien…