M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Je maintiens également mon amendement. Vous l’aurez compris, il y a un débat interne au sein du groupe du RDSE, mais là réside toute la richesse des groupes politiques.
Il arrive que nous n’ayons pas la même idée de ce qu’est le progrès, et ça aussi c’est la démocratie. Votre progrès n’est pas le mien !
M. Daniel Gremillet. Le vôtre n’est pas le nôtre !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 201 rectifié et 474 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 249 rectifié est présenté par M. Delcros, Mmes Gatel et Vullien, MM. Louault et Henno, Mme Joissains, MM. Moga, Capo-Canellas, L. Hervé, Prince, Vanlerenberghe, Longeot et Mizzon, Mme Billon et MM. Kern, Canevet et Le Nay.
L’amendement n° 561 rectifié bis est présenté par Mme Bonnefoy, M. Bérit-Débat, Mme Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Jacquin, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Cabanel et Montaugé, Mme Artigalas, M. Roux, Mme Taillé-Polian, MM. Tissot et Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mmes Blondin, Monier et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
Par dérogation au premier alinéa du I de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, une expérimentation de l’utilisation des aéronefs télépilotés pour la pulvérisation aérienne de produits autorisés en agriculture biologique ou faisant l’objet d’une certification du plus haut niveau d’exigence environnementale mentionnée à l’article L. 611-6 du même code est menée, pour une période maximale de trois ans à compter de la publication de la présente loi, sur des surfaces agricoles présentant une pente supérieure ou égale à 30 %. Cette expérimentation, qui fait l’objet d’une évaluation par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, vise à déterminer les bénéfices liés à l’utilisation de drones pour limiter les risques d’accidents du travail et pour l’application de produits autorisés en agriculture biologique ou faisant l’objet d’une certification du plus haut niveau d’exigence environnementale mentionnée au même article L. 611-6 en matière de réduction des risques pour la santé et l’environnement.
La parole est à M. Bernard Delcros, pour présenter l’amendement n° 249 rectifié.
M. Bernard Delcros. Nous venons d’avoir un long débat sur l’utilisation des drones. Je le dis d’emblée, le présent amendement ne vise pas à remettre en cause d’une façon générale leur utilisation dans l’activité agricole. Il s’agit en effet d’un progrès technique, qui peut rendre un certain nombre de services. En revanche, comme pour tout progrès technique, il faut essayer d’en tirer les effets positifs, mais aussi d’éviter les effets négatifs. L’amendement vise donc à ce que soient prises des précautions pour ce qui est des produits épandus par drone et à revenir au texte de l’Assemblée nationale.
Au Sénat, la commission a souhaité élargir l’expérimentation de l’utilisation des drones d’épandage à tout type de produits. L’amendement vise à mieux encadrer cette utilisation en raison des risques pour la santé publique ou l’environnement, en permettant une expérimentation exclusivement avec des produits autorisés en agriculture biologique ou faisant l’objet d’une certification de très haut niveau d’exigence environnementale. Il s’inscrit pleinement dans la perspective française de réduction d’usage des produits phytopharmaceutiques, notamment au travers du plan Écophyto II.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 561 rectifié bis.
Mme Angèle Préville. Cet amendement vise à revenir à la rédaction de l’article 14 sexies, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale.
Je tiens ici à faire un rappel de l’évolution de cet article. Introduit en commission à l’Assemblée nationale, il n’autorisait initialement la pulvérisation aérienne que pour les vignes présentant des pentes supérieures à 30 %. En séance publique, face aux critiques fortes émanant de plusieurs groupes politiques, il a été étendu à toutes les cultures présentant des pentes supérieures à 30 %. Il y était toutefois précisé que seuls les produits autorisés en agriculture biologique ou faisant l’objet d’une certification haute valeur environnementale, HVE, de niveau 3, pouvaient être épandus. Au Sénat, en commission, la rapporteur a étendu cette possibilité à tous les produits phytopharmaceutiques, tout en maintenant cette possibilité sur toutes les cultures.
Le texte que nous examinons aujourd’hui constitue donc clairement une dérogation totale au principe général d’interdiction d’épandage aérien, que nous avions pourtant réaffirmée lors de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Nous sommes totalement opposés à cette dérogation. Nous estimons que ce type d’article ne ferait qu’ouvrir la voie à d’autres dérogations, qui ne sont pas souhaitables.
Le rappel de l’évolution de cet article en est une illustration : au départ circonscrite, cette interdiction est désormais généralisée à l’ensemble du territoire avec des produits conventionnels. Si nous votons le texte en l’état, un autre viendra encore ouvrir le champ des dérogations et nous en reviendrons au point de départ.
De plus, pour ce qui est de la pente de 30 %, nous restons très dubitatifs sur les moyens dont nous disposerons pour vérifier que les conditions sont réellement remplies. Selon moi, nous ouvrons ici la voie à toutes les dérives. C’est pourquoi je vous propose d’en revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale : une dérogation pour les surfaces présentant une pente supérieure à 30 % uniquement pour les produits autorisés en agriculture biologique ou présentant une certification HVE de niveau 3.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. Je rappelle que cette expérimentation se justifie avant tout par la dangerosité existante pour les agriculteurs et non pas en fonction des produits autorisés.
J’ajoute que les surfaces concernées seraient réduites. L’expérimentation serait essentiellement concentrée sur ce qu’on appelle la viticulture héroïque, qui ne couvre que 5 % de la surface viticole européenne.
Pour toutes ces raisons, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Je privilégie la version qui a été retenue par la commission des affaires économiques du Sénat. Nous souhaitons en effet que cette expérimentation soit riche de tous les enseignements et permette l’utilisation de tous les produits dûment autorisés. L’objectif est la sécurité de l’utilisateur, quel que soit le produit.
Il est possible de prévoir que l’arrêté interministériel qui définira les conditions d’expérimentation restreigne celles-ci à certains produits, mais selon des caractéristiques autres que leur origine naturelle. Aujourd’hui, aucun produit ne fait l’objet d’une certification du plus haut niveau d’exigence environnementale.
L’avis est donc défavorable aux deux amendements identiques.
M. Pierre Cuypers. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 249 rectifié et 561 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 14 sexies.
(L’article 14 sexies est adopté.)
Articles additionnels après l’article 14 sexies
M. le président. L’amendement n° 128 rectifié septies, présenté par MM. Decool, Bignon, Capus, Chasseing, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Malhuret, Mme Mélot, MM. Wattebled, Vogel et Paul, Mme Goy-Chavent et MM. Daubresse, Dennemont, Moga et Lévrier, est ainsi libellé :
Après l’article 14 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le producteur utilise l’aéronef télépiloté pour son compte propre, hors espace aérien contrôlé sauf cas de droit d’usage établi, hors zone peuplée, sans tiers au sol dans la zone d’évolution, en vue, à une hauteur maximale de 50 mètres au-dessus de la surface et à une distance horizontale maximale de 500 mètres du télépilote. Le producteur procède à sa déclaration d’activités. Il n’est pas tenu d’adresser un manuel d’activités particulières ou de procéder à des déclarations de vols auprès des autorités territorialement compétentes. Sous réserve des dérogations spécifiques aux situations de vol dans les zones non peuplées, le producteur remplit les obligations de formation prévues par la loi n° 2016-1428 du 24 octobre 2016 relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils.
II. – Les aéronefs télépilotés utilisés ont une masse maximale de 800 grammes et disposent d’une attestation de conception.
III. – Sous réserve des conditions définies aux I et II du présent article, le producteur agricole peut utiliser un aéronef télépiloté, en dérogeant aux conditions fixées par le code de l’aviation civile et le code des transports.
La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. Cet amendement reprend une proposition du député Éric Bothorel, présentée lors de l’examen en séance publique du texte par l’Assemblée nationale et malheureusement rejetée. Il vise à fournir un cadre législatif pour l’utilisation de drones légers, non pas pour l’épandage de produits phytosanitaires, mais pour d’autres objets, par les agriculteurs dans des zones à faible risque.
L’agriculture utilise déjà – ce chiffre est d’ailleurs stupéfiant – la moitié des 20 000 drones civils en service. Grâce aux images prises par leur capteur, ces drones volants donnent des indications agronomiques, sans qu’il soit besoin d’effectuer de prélèvements.
En survolant une parcelle, un drone enregistre une multitude d’images géoréférencées avec une précision centimétrique. C’est sa faible altitude – 150 mètres –, par rapport à celle d’un satellite, qui lui permet cette précision.
Plus de 10 000 hectares ont été survolés en 2016. Dans mon département, la Somme, les drones sont même devenus un outil du quotidien depuis que la chambre d’agriculture s’est équipée en 2013 et les met à disposition des agriculteurs. La chambre d’agriculture poursuit ses expérimentations pour affiner la modulation intraparcellaire, en valorisant les informations captées par le drone directement par un épandeur avec modulation : le drone est en l’air et l’épandeur est au sol.
Il y a cependant une difficulté. L’agriculteur qui souhaite utiliser un drone doit passer un permis et effectuer une déclaration systématique en préfecture et en mairie avant de pouvoir effectuer son vol. Ces formalités rendent quasi obligatoire le passage par un prestataire, ce qui limite considérablement le développement de ces outils, qui sont pourtant facteur de durabilité de notre agriculture.
Cet amendement permettrait donc, s’il était adopté, comme je l’espère, de libérer l’usage des drones agricoles en respectant des conditions d’emploi strictes pour éviter tout incident avec l’aviation habitée. Les inquiétudes qui ont pu s’exprimer en commission trouvent une réponse, premièrement, dans la limitation de la masse – 800 grammes au lieu de 2 kilos –, afin d’entrer dans le champ d’application de la loi et, deuxièmement, dans la finalité économique et environnementale de l’usage des drones dans le milieu agricole. Cela explique la nécessité d’une réglementation différente pour les agriculteurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. La commission ne voit pas en quoi les agriculteurs devraient se soustraire à une réglementation qui s’applique à tous.
En outre, l’amendement prévoit des dérogations spécifiques à la formation pour le survol dans les zones non peuplées qui ne sont pas prévues par la loi de 2016, qui n’est d’ailleurs pas encore en vigueur. Laissons-nous le temps d’apprécier l’efficacité de cette loi.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 128 rectifié septies.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 638 rectifié bis est présenté par Mme Rauscent, M. Théophile, Mme Schillinger et MM. Bargeton, Amiel et Lévrier.
L’amendement n° 752 rectifié est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 14 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Après le sixième alinéa du I de l’article L. 253-7, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … Sans préjudice des dispositions prévues au présent article, les zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties, à usage d’agrément, contiguës à ces bâtiments. » ;
2° Après le quatrième alinéa de l’article L. 253-7-1, sont insérés huit alinéas ainsi rédigés :
« 3° À l’exclusion des produits de biocontrôle mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 253-6, des produits composés uniquement de substances de base ou de substances à faible risque au sens du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/ CEE et 91/414/ CEE du Conseil, l’utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties, à usage d’agrément contiguës à ces bâtiments, est subordonnée à des mesures de protection des personnes habitant ces lieux. Ces mesures tiennent compte des dangers des produits et des techniques et matériels d’application employés, et sont adaptées au contexte topographique, pédoclimatique, environnemental et sanitaire.
« Ces mesures peuvent inclure :
« a) Des cahiers des charges professionnels, validés par l’État ;
« b) Des périodes, dates ou horaires de traitement où l’utilisation par pulvérisation ou poudrage est interdite ;
« c) L’instauration de zones non traitées à proximité des lieux mentionnés ci-dessus ;
« d) L’installation de dispositifs de protection physique ou l’utilisation de dispositifs ou matériels permettant de réduire la dérive ;
« e) Toute condition d’utilisation adaptée.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent 3°.
« Le présent 3° entre en vigueur le 1er janvier 2020. »
L’amendement n° 638 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 752 rectifié.
M. Stéphane Travert, ministre. Je le retire au profit de l’amendement n° 789, que je présenterai ultérieurement.
M. le président. L’amendement n° 752 rectifié est retiré.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 495 rectifié bis est présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Guérini et Vall.
L’amendement n° 562 rectifié est présenté par Mme Bonnefoy, MM. Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville, Tocqueville et Lienemann, M. Fichet et Mme Blondin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 14 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 4° du I de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … Les zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties, à usage d’agrément, contiguës à ces bâtiments. »
La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 495 rectifié bis.
M. Joël Labbé. Cet amendement vise à protéger les riverains contre l’utilisation des pesticides considérés comme dangereux, en autorisant l’autorité administrative à prendre des mesures localement pour interdire ou encadrer l’utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des résidences régulièrement habitées. Il répond à un enjeu d’exposition aux produits phytopharmaceutiques des habitants riverains des zones où ils sont utilisés.
Ces riverains sont impuissants face aux pratiques des agriculteurs, alors que ceux-ci épandent parfois des pesticides jusque sous leurs fenêtres. Ils réclament pourtant, à juste titre, une protection.
Certaines études tendent à établir un lien entre l’exposition non professionnelle aux produits phytopharmaceutiques et des pathologies chroniques. Par exemple, le rapport de l’INSERM de 2013 intitulé Pesticides : effets sur la santé atteste de leur impact non seulement sur les agriculteurs, mais aussi sur les riverains des zones cultivées. Il évoque ainsi plusieurs études montrant une augmentation du risque de malformations congénitales, de tumeurs cérébrales et de leucémies chez les enfants des femmes vivant au voisinage d’une zone agricole.
Ces effets liés à une exposition au long cours sont parfois très difficiles à établir. Bien des riverains témoignent de troubles de santé manifestes : irritations oculaires, problèmes respiratoires, malaises. Des mesures sont prévues pour protéger, par exemple, les écoles, mais les enfants peuvent aussi être exposés chez eux, dans leur habitation.
Pourquoi ne pas prévoir la possibilité de prendre des mesures en ce sens ? Certes, parfois, des solutions locales sont trouvées par le dialogue entre riverains et agriculteurs, ce qui est la meilleure des solutions, mais pas dans tous les cas. L’intervention de l’autorité administrative est donc essentielle pour trouver des solutions locales et protectrices.
Il s’agit là d’un amendement très modéré. L’autorité administrative n’est pas tenue de prendre des mesures : elle peut les prendre, par exemple, seulement pour certaines catégories de produits. Je pense notamment – et je n’ai pas fini d’en parler – aux pesticides cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques. Ces mesures sont d’ailleurs recommandées dans le cadre du règlement CE n° 1107/2009 et de la directive-cadre sur l’utilisation des pesticides.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour présenter l’amendement n° 562 rectifié.
Mme Nicole Bonnefoy. Cet amendement vise à reprendre une proposition formulée par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, mais qui n’a malheureusement pas abouti, du fait du désistement de M. le ministre. Il vise à autoriser l’autorité administrative compétente à prendre des mesures pour restreindre l’utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des résidences régulièrement habitées.
Il s’agit ici de prendre les dispositions adéquates pour protéger les riverains d’exploitations agricoles, ce qui est une demande très souvent formulée par les riverains de ces exploitations qui subissent des épandages de certains produits à quelques mètres de leur habitation, avec les conséquences que cela peut avoir pour la santé des personnes concernées. Je précise qu’il ne s’agit en aucun cas d’interdire les épandages, car ce n’est pas l’objet de notre texte. Il s’agit de renforcer les pouvoirs du préfet, qui lui permettent, lorsque la situation l’exigera, de prendre des dispositions adéquates pour protéger nos concitoyens.
Les réponses à cette question sensible ne peuvent passer que par la discussion, l’échange, la concertation, le respect de tous. Je connais ce problème dans mon département, qui est très viticole. J’ai aussi bien connu cette problématique en Corrèze avec les pomiculteurs : les choses ont pu se régler grâce à la mise en place d’une charte.
Je sais quelles propositions fera M. le ministre en la matière, mais les chartes prévues, qui répondent à une nécessité, seront difficiles à mettre en œuvre. Il est nécessaire que le préfet puisse organiser ces discussions et, au-delà de cette impulsion, qu’il puisse, si besoin est, trancher. Car il faut, malheureusement, parfois le faire.
M. le président. L’amendement n° 90, présenté par M. Médevielle, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Après l’article 14 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 4° du I de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Après consultation des riverains, des exploitants des terrains et des collectivités territoriales concernées, l’autorité administrative peut également interdire ou encadrer l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et définir des mesures de protection adaptées dans les zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties, à usage d’agrément, contiguës à ces bâtiments. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Pierre Médevielle, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à permettre aux préfets de définir des mesures d’interdiction ou d’encadrement de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et des mesures de protection adaptées dans les zones attenantes aux bâtiments habités. Un rapport d’inspection de décembre 2017 avait préconisé une telle mesure pour réduire l’exposition de la population aux produits phytopharmaceutiques, notamment celle des femmes enceintes et des enfants en bas âge, qui sont directement affectés, comme l’INSERM l’avait souligné dans son rapport de 2013.
Pas plus tard que lundi dernier, l’ANSES, l’INERIS et les associations de surveillance de la qualité de l’air ont annoncé une nouvelle campagne sur la mesure des pesticides dans l’air. Il s’agit donc d’un sujet sur lequel les pouvoirs publics convergent pour mieux protéger la population, et nous devons y contribuer.
La rédaction proposée par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable prévoit de faire précéder ces mesures d’une consultation des riverains, des exploitants agricoles et des collectivités territoriales concernées, afin de rechercher des solutions partenariales avec des utilisateurs de produits phytopharmaceutiques.
Par ailleurs, cette rédaction fait référence à des mesures de protection adaptées, par analogie avec le régime applicable à proximité des établissements accueillant un public vulnérable. Il s’agit de souligner que cette décision sera prise lorsque les circonstances locales le justifieront dûment et que les mesures pourront prendre différentes formes : plantations de haies, équipements utilisés au moment du traitement…
Au final, l’amendement de notre commission prévoit un dispositif clair et équilibré pour renforcer la prévention des risques et répondre à une attente forte, clairement exprimée lors des États généraux de l’alimentation.
M. le président. L’amendement n° 789, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 14 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le quatrième alinéa de l’article L. 253-7-1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 3° À l’exclusion des produits de biocontrôle mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 253-6, des produits composés uniquement de substances de base ou de substances à faible risque au sens du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil, des chartes de bonne conduite pour l’utilisation des produits phytosanitaires sont mises en œuvre, après concertation entre riverains et utilisateurs de produits phytopharmaceutiques. Elles sont adaptées aux types de produits et à leurs caractéristiques de risques, aux techniques et matériels d’application employés, et au contexte topographique, pédoclimatique, environnemental et sanitaire. »
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2020.
La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Travert, ministre. Cet amendement, que nous avons déposé en lieu et place de l’amendement n° 752 rectifié, vise à promouvoir le développement des concertations locales entre les agriculteurs et les riverains afin de conduire au développement de bonnes pratiques pour l’utilisation des produits phytosanitaires. Ces bonnes pratiques doivent porter sur l’utilisation de haies, le développement de matériels de protection, les heures d’utilisation et de traitement des produits phytosanitaires.
Pour ma part, j’ai choisi de faire confiance à cette intelligence collective, à l’intelligence du terrain et à la concertation, qui est nécessaire sur toutes les questions relatives aux traitements.
Les chartes existent d’ores et déjà en viticulture. Il convient d’en promouvoir le développement. Je veux appeler votre attention sur le fait qu’il n’y a plus de mesures administratives : celles-ci disparaissent au profit des chartes.
Comme vous le constatez, cette question a évolué depuis le début du débat et, non, madame Bonnefoy, nous n’avons pas battu en retraite ! Lorsqu’une disposition soumise à la représentation nationale n’est manifestement pas assez mûre pour être adoptée, il faut à l’évidence y travailler encore – le cas s’est déjà présenté. J’ai choisi de poursuivre la concertation avec la commission du Sénat pour trouver une solution qui convienne à tous.
Je prends l’exemple de la concertation locale avec les riverains. Que faire lorsque les sorties scolaires sont organisées sur le territoire ? Il vaut sans doute mieux qu’en accord avec le préfet, grâce aux chartes existantes, on décide qu’aucun traitement n’aura lieu la veille et le jour même. Il s’agit de privilégier les actions collectives et la concertation entre les habitants d’un même territoire, pour éviter les difficultés, les invectives et les oppositions entre producteurs et riverains. Pour cela, la meilleure façon de faire, c’est de s’entendre à l’échelon local.
Tel est l’objet de cet amendement ; c’est aussi celui de l’amendement du rapporteur pour avis. Je le répète, nous faisons le pari de la concertation et de l’intelligence collective, d’autant que, sur ces questions de protection, les Français nous attendent.
Faire preuve de cohérence, c’est rechercher une unanimité afin que nous avancions sur ce sujet. Il y a eu de la cohérence précédemment pour la création du fonds d’indemnisation des victimes des produits phytosanitaires. Il s’agit là aussi de protéger les riverains, en partenariat avec tous les acteurs et par la concertation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?